L'archevêque de Grodno: "Chez nous la frontière entre orthodoxes et catholiques passe dans les familles"
V. Golovanow

Introduction du traducteur: un métissage historique

Le diocèse de Grodno, en Biélorussie, se trouve aux frontières de la Pologne et de la Lituanie. La région a été évangélisée par les missionnaires de Novgorod, a été incorporée au duché de Lituanie dès la fin du XIV puis au double royaume lituano Polonais jusqu'à son réunion à l'empire russe en 1795.

Elle faisait partie de la Pologne de 1920 à son occupation par l'Armée Rouge en 1939 et son incorporation à la RSS de Biélorussie en 1945... Une importante communauté juive y était établie depuis 1389 et l'un des 300 ghettos de Biélorussie y fut organisé par les nazis en novembre 1941 puis liquidé en février-mars 1943; 42 000 juifs passèrent par ce camp dont environ 20 600 furent exterminés.

L'archevêque de Grodno: "Chez nous la frontière entre orthodoxes et catholiques passe dans les familles"
L'archevêque Artemii dirige l'archidiocèse de Grodno depuis vingt ans et fait part de son expérience dans une interview pour PravMir dont nous avons traduit de larges extraits concernant:

- le multi-confessionnalisme
- la possibilité de faire élire le clergé*.

Extraits de l'interview de l'archevêque Artemii

1. Un multi-confessionnalisme marqué

La particularité de notre région est son ancienne tradition du multi-confessionnalisme: la frontière entre orthodoxes et catholiques passe chez nous à l'intérieur des familles. Les situations où la maman est catholique et le papa, orthodoxe sont courantes et, si les gens ordinaires trouvent un langage commun dans leurs familles pour créer ce qu'on peut appeler un "dialogue interreligieux", la hiérarchie religieuse doit bien en être capable elle aussi! Les deux confessions sont historiques et traditionnelles pour Grodno et sa région. Cela permet de concentrer les énergies sur la coopération dans les domaines où elle est possible.

Quand je suis arrivé, il y a vingt ans, nous nous sommes attaqués à l'éducation et à l'enseignement religieux. Notre Eglise commençait alors à sortir du cadre stéréotypé habituel "d'Eglise-pour-les-grands-mères". Les gens instruits ont besoin des prêtres instruits et leurs demandes ne sont pas limitées aux services religieux privés (baptêmes, mariages, enterrements, commémorations des défunts…).

Et il faut reconnaitre que l'activité de nos voisins catholiques nous stimulait en permanence. Je ne parle pas là d'aucune espèce de confrontation; au contraire, notre mission était d'approfondir la connaissance de l'Orthodoxie chez nos propres croyants. Dans le contexte du multi-confessionnalisme il n'y a pas que les familles qui sont mélangées, les idées religieuses se mélangent aussi dans l'esprit des gens. En particulier au niveau des coutumes: bénir les œufs aux deux Pâques pour qu'ils soient «plus saints» étaient courant... En plus, l'attention que les catholiques portaient à l'éducation religieuse nous servait en quelque sorte de modèle.

Notre premier grand projet éducatif fut un cours de catéchisme pour les adultes. J'ai aussi encouragé les prêtres à entrer à l'Académie de théologie et je n'ordonnais pas en général sans passage par le séminaire.

L'archevêque de Grodno: "Chez nous la frontière entre orthodoxes et catholiques passe dans les familles"
2. Peut-on envisager un clergé élu?*

Je dois avouer que je ne sais pas comment répondre à cette question. Quand l'évêque choisit selon ses sympathies personnelles – c'est mauvais. Quand la foule choisit – c'est mauvais aussi. Quand un évêque expérimenté fait le choix – c'est bien. Quand un véritable paroissien voit dans son frère une personne digne et, sans l'envier, veut le faire devenir prêtre et est prêt à le nourrir avec tout le village – c'est bien aussi.

Le choix populaire n'est pas automatiquement bon. Nos paroisses sont très diverses Qui les remplit? Parmi les paroissiens confirmés il y a beaucoup d'hystériques, de piétistes, ou de ceux qui constituent le parti des vénérateurs de quelque bon père qui a créé le culte de sa personnalité dans la paroisse, etc.

Tout cela amène probablement une réponse à la question: il faut tout d'abord créer un microclimat sain dans les paroisses, créer des communautés dans le plein sens du terme; c'est de cela que parle aujourd'hui le patriarche. L'introduction de l'élection du clergé maintenant ne serait-elle pas probablement une tentative de sauter par-dessus plusieurs étapes de développement?

Fin de l'interview de l'archevêque Artemii de Grodno

* Note du traducteur: le retour à l'élection de tout le clergé à chaque niveau a été proposée par l'archiprêtre Vsévolod Chaplin, dans une tribune libre le 31 décembre 2015 . Connu pour ses prises de positions conservatrices, il avait été écarté du poste important de président du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou le 24 décembre 2015; La pétition qu'il avait lancée début janvier pour soutenir ce projet a recueilli à peine un millier de signature en un mois (dont une dizaine de clercs) mais le débat dans la blogosphère russe est animé, la plupart des commentateurs concluant à l'impossibilité pratique d'une telle mesure.


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 18 Février 2016 à 20:32 | 17 commentaires | Permalien



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