L’archiprêtre Georges Mitrofanov: "C’est une  honte si le prêtre vit mieux que ses paroissiens"
Traduction Elena Tastevin

Novie IZVESTIA

Le tribunal de grande instance de Moscou examinera le 1er octobre le pourvoi en appel des « Pussy Riot ». Selon Georges Mitrofanov, professeur de l’Académie de théologie de Saint-Pétersbourg, recteur de l’église Saints Pierre et Paul, il faut pardonner et faire sortir de prison les jeunes femmes condamnées. Il a qualifié de hooliganisme le fait d’arracher des T-shirts avec les images des Pussy Riot. « Les détachements » orthodoxes n’ont pas lieu d’être créées et nombre de prêtres n’auraient pas dû être ordonnés car ils n’ont aucune idée du christianisme.
Ces derniers temps l’intérêt des médias envers l’Eglise Orthodoxe Russe a été suscité essentiellement par des scandales qui ont impliqué le patriarche et le clergé. Quelle en est la raison ?

p.G.M. - L’Eglise orthodoxe russe s’est toujours trouvée dans le champ de vision des médias qui cherchent à satisfaire le grand public. Jamais on n’a autant écrit sur l’Eglise. On traite de la montre du patriarche et de son appartement. Pendant vingt ans, en effet, nous avons eu le sentiment que notre pays athée abritait un peuple qui au fond de son âme était resté orthodoxe malgré 80 ans de régime communiste.

On pensait que pour aider ces personnes à manifzester leur foi il aurait suffi d’ouvrir les églises et de restaurer les monastères. Les fidèles s’y seraient dirigés comme autrefois leurs aïeux.
Nous avons fait beaucoup d’effort pour créer les conditions d’un approfondissement de la vie religieuse mais les résultats espérés ne sont pas là. Les gens apprennent que certains membres du clergé font preuve d’un étroit esprit postsoviétique. Cupides et rusés ils sont pleins de servilité devant les autorités. La société s’est dit : « Nous avons cru que vous étiez meilleurs que nous. Mais si vous êtes comme nous vous êtes pire puisque vous osez nous exhorter à une vie plus vertueuse ». La majorité de nos contemporains considèrent l’Eglise comme étant une institution parmi les autres, composée de personnes faibles et imparfaites comme ils le sont eux-mêmes. Les quolibets que notre société exprime par les média témoigne d’une profonde aliénation à l’égard de l’Eglise du Christ.

Novie IZVESTIA
- L’Eglise en fournit les prétextes ?

p.G.M - Il ne faut pas, certes, donner de prétextes. Il était, en effet, exécrable de la part du protodiacre Serge Frounza qui a eu un accident sur la route dans lequel deux femmes étaient impliquées de traiter le problème dans la tradition des conducteurs postsoviétiques. C’était plus qu’un homme qui frappe une femme, c’est un clerc. Son acte ne fait que témoigner que nombre de clercs qui ont intégré l’Eglise ces dernières années ne sont pas encore ecclésialisés. Ils restent hargneux, exaspérés, envieux, intéressés. Ils réalisent leurs passions mesquines au sein du service ecclésial bien que ce soit un grand sacrilège.

N.Iz. - -Faut-il interdire a divinis les prêtres qui responsables des accidents routiers à Moscou

p.G.M - -Selon la règle, un prêtre qui a fait couler le sang même par accident doit être interdit a divinis. Il ne peut plus accomplir les sacrements. Ainsi les prêtres Thimothée et Elie sont temporairement interdits a divinis. De plus, pour certains prêtres de la nouvelle génération la voiture est une forme d’auto identification, d’où le penchant pour les beaux véhicules. Des prêtres provoquent la société par leur mode de vie luxueux et se discréditent eux-mêmes et l’Eglise. Je regrette qu’un prêtre de ce genre soit le recteur de l’église Saint Elie. C’est une paroisse traditionnelle de l’intelligentsia de Moscou. Je suis triste que Philippe Kirkorov (chanteur de variétés très connu) soit un paroissien d’honneur de cette église. Un jour A. Soljenitsyne y a occupé une place moins visible mais bien plus digne. J’ai honte de porter la même soutane que ce recteur. Les autorités ecclésiales doivent tout faire pour que ce genre de personnes ne soient plus ordonnées. Leur perception du monde est antichrétienne. Ils vivent selon les valeurs fugaces des esprits étriqués qui les entourent.

N.Iz. - Pourquoi l’Eglise ne réprouve pas les prêtres qui s’offrent des voitures luxueuses ?

p.G.M - C’est un manque de culture de ces personnes et de leurs supérieurs. Nous vivons dans une société de pauvres envieux et intéressés. Ces personnes essayent de rattraper ce que leurs pères et leurs grands-pères ont manqué, ce dont ils ont été privés eux-mêmes. Leur niveau est tel que les biens matériels fugaces occupent une place centrale dans leurs vies. Un prêtre dans une voiture luxueuse n’est pas amoral, il est ridicule. C’est une honte si le prêtre vit mieux que ses paroissiens. Le clergé a suivi ce principe de génération en génération. Le prêtre ne doit pas demander l’aumône mais en aucun cas il ne doit vivre dans le luxe même s’il en a les moyens.

N.Iz. -Peut-on affirmer qu’une guerre d’information est menée contre l’Eglise ?

p.G.M - Je ne le crois pas. A l’égard de l’Eglise notre presse a la même attitude qu’envers tout le reste. Elle attire l’attention sur des informations susceptibles de susciter l’intérêt des lecteurs. Un prêtre grec a dit qu’il était content que « la presse soit libre en Grèce parce que les prêtres qui n’ont pas peur de Dieu redoutent d’être dénoncés dans médias et, de ce fait, retiennent leurs mauvais penchants ». Nous vivons aujourd’hui une expérience utile. En effet, certains articles sont négatifs, grossiers, repoussants mais il n’y a pas lieu de parler d’une guerre.

N.Iz. - Les jeunes femmes des Pussy Riot ont été condamnées pour hooliganisme motivé par la haine religieuse. Pensez-vous que c’était leur motivation réelle ?

p.G.M - Je ne sais pas. Ces femmes se distinguent l’une de l’autre. Maria Alyokhina, notamment a eu une expérience de travail social dans le centre des jeunes du monastère Saint Daniel. Donc, elle a vécu des stades religieux dans sa vie spirituelle et probablement ils ne sont pas stériles. Nadezhda Tolokonnikova est une autre personne. Ce qu’elles ont fait dans la cathédrale est inacceptable. Je n’y vois aucune créativité pour épater qui que ce soit. Ce n’était que du hooliganisme et de la muflerie. C’est la réaction de l’Eglise qui importe. A commencer par les vigiles et ceux qui se sont trouvées dans la cathédrale par hasard et jusqu’aux porte-parole de l’Eglise. A mon avis, nous n’avons pas réagi en chrétiens. Les jeunes femmes se sont trouvées en prison, ce qui est injuste. Nous aurions dû réagir de sorte qu’elles retrouvent la liberté et retrouvent leurs enfants. L’essentiel consistait à leur faire comprendre que l’Eglise n’est pas le monstre idéologique imaginé par leur conscience.

N.Iz. - Qu’est-ce que l’Eglise aurait dû faire ?

p.G.M - Nous aurions dû manifester de la miséricorde même quand elles ne cherchaient pas à s’excuser Nous aurions ainsi montré que le dénigrement du Christ ne transforme pas les chrétiens en bourreaux. Je disais qu’au lieu d’organiser des processions il fallait demander la libération de ces femmes sous caution. Si les autorités et elles l’avaient accepté il aurait été clair que l’Eglise est capable de pardonner même ses détracteurs. Ayant manifesté la miséricorde nous nous serions départagés du système punitif de l’Etat. Un refus aurait signifié le rejet de l’Eglise en tant que telle. De toute façon, nous aurions accompli notre devoir. Nous serions restés l’Eglise au lieu de nous manifester comme une institution punitive. Malheureusement, nous avons laissé passer cette opportunité.

N.Iz - Que pensez-vous des défenseurs des" Pussy Riot" ?

p.G.M - Ils sont très différents. J’ai du respect pour certains, d’autres me sont étrangers. Il est évident que cette histoire ait eu une telle résonance dans la société que beaucoup de personnes en ont profité pour se faire de la publicité plutôt que pour défendre les jeunes femmes. Je soutiens ceux qui considèrent la sentence incommensurablement dure par rapport à l’acte.

N.Iz - Qu’est-ce qui a empêché l’Eglise de manifester sa miséricorde ?

p.G.M - La réaction du protodiacre André Kouraev me semble être la plus adéquate. Il faut dialoguer. Elles n’ont pas tué, mutilé ou battu. Elles se sont comportées de façon stupide. Il fallait le leur faire comprendre pour qu’elles aient honte. Nous donnons certes des prétextes pour la critique et non pas pour le sacrilège. Au lieu de cela ces femmes ont été réprimées par les autorités judiciaires incapables de par ailleurs de neutraliser des criminels bien plus dangereux.

N.Iz - Nombre de déclarations du protodiactre André Kouraev suscitent des réactions très contestées. Que pensez-vous de son activité ?

p.G.M - Souvent je ne suis pas d’accord avec ses déclarations mais son discours est justifié dans ses générales. Il cherche à adapter la vision chrétienne à contemporains, aux jeunes, aux milieux scientifiques et cultivés. Pour se faire comprendre il ne peut pas s’empêcher de s’emballer. Il se passionne, simplifie ou épate. Ce sont les excès inévitables de l’activité missionnaire, de la catéchèse. Sa mission est très importante. Il a une perception précise des problèmes de l’Eglise.

N.Iz - La prière punk a été suivie par l’histoire des « détachements orthodoxes ». Sont-ils utiles ?

p.G.M - -Il est impossible de provoquer un scandale dans une bonne paroisse. Lorsqu’une église est perçue comme un simple local, il faut qu’elle soit gardée par des vigiles comme la cathédrale du Christ Sauveur. De toute évidence ses gardiens ont mal accompli leur devoir. En effet, lors du procès ils étaient victimes au lieu d’être témoins. L’idée des détachements orthodoxes me semble insensée. Elle témoigne du fait que les stéréotypes soviétiques de toutes sortes de groupes populaires volontaires sont vivants dans le milieu de l’Eglise. Les vrais chrétiens ne participeront pas à ce genre de manifestations. Il faut servir à l’Eglise avec discernement.
Ceux qui arrachent les T-shirts avec l’image des participants de Pussy Riot le qualifient de service à l’église.
Le hooliganisme reste du hooliganisme, qui que soit son fauteur. En tant que prêtre je suis plus triste lorsque ce genre de slogans provient de l’Eglise.

Interview Tamara Belogouzova

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ТАМАРА БЕЛОГУЗОВА


Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 21 Septembre 2012 à 10:00 | 6 commentaires | Permalien



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