L’archiprêtre Vsevolod Tchapline : « La menace œcuménique » brandie à nouveau ?
Plusieurs prêtres de Moldavie ainsi que des laïcs dont une partie ont préféré garder l’anonymat se sont permis d’adresser au patriarche Cyrille une lettre ouverte d’une brutalité qui frise l’inconvenance. La teneur de cette missive fait penser aux dire de l’ex-évêque Diomède. Il s’y agit, tout simplement, d’exhorter le primat de l’EOR à faire repentance. Cette lettre a été suivie par de nombreuses autres, souvent de la même écriture et sans adresse de l’expéditeur. Les tournures ampoulées abondaient dans ces missives, style « nous sommes le peuple orthodoxe!!! ». Les auteurs affirmaient que l’Eglise orthodoxe Russe Patriarcat de Moscou participe d’une manière de plus en plus intense au mouvement œcuménique et qu’il faut donc s’attendre à l’apparition d’une église unique, celle de l’antéchrist. L’abréviation « EOR PM » est souvent utilisée par les partisans d’une « orthodoxie alternative ». Les auteurs de ces lettres estiment les églises orthodoxes dans le pays se comptent par dizaines, l’une plus authentique que l’autre.
Les statuts de l’Eglise spécifient que l’Eglise orthodoxe Russe et le Patriarcat de Moscou sont des termes synonymes et interchangeables. Dire « EOR PM » est une tautologie de même « Russie Fédération de Russie ».

La logique des auteurs de ces lettres est pour ainsi dire marginale.
A leurs yeux l’œcuménisme représente l’ensemble des relations entre les diverses confessions chrétiennes et les diverses religions, une sorte de phénomène syncrétique « orthodoxo-islamo-judeo-krisnhaito », comme le concert récent du groupe de Stas Namine. Chaque séminariste sait parfaitement que le mouvement œcuménique a pour objectif le rapprochement mutuel des communautés chrétiennes. Ni les musulmans, ni les juifs, ni d’autant plus les « krishna » n’y ont aucune part.
Le mouvement œcuménique se structure autour du Conseil Mondial des Eglises (CME) et de la Conférence des églises européennes (CEC-KEK). D’ailleurs l’Eglise orthodoxe Russe a suspendu il y a deux ans sa participation aux travaux de la deuxième de ces instances. On ne saurait dire que notre participation aux travaux du CME soit devenue plus active, c’est plutôt le contraire.
Le terme « œcuménisme », c’est à dire « universalité » ne me plaît d’ailleurs pas du tout. La notion de christianisme en est absente… Les contacts avec les autres confessions dont les fidèles se considèrent chrétiens ainsi qu’avec les autres religions existent et l’Eglise Orthodoxe Russe les maintiendra. Ne fût-ce que compte tenu de ce que nous rencontrons en permanence les adeptes de ces confessions et religions : ceci dans les escaliers de nos immeubles, dans les couloirs du pouvoir, dans les milieux intellectuels et les médias, en Occident comme en Orient. Pourquoi ne devrions-nous pas débattre avec ces interlocuteurs de la situation dans le monde ou dans tel ou tel pays ?

J’ai participé pendant au moins quinze ans aux travaux de diverses structures du CME et de la CEC-KEK et je peux dire très franchement que jamais nous n’y avons accepté le principe de « l’équivalence entre les confessions chrétiennes » selon laquelle l’ensemble des communautés chrétiennes auraient les mêmes fondements. Les organisations en question ne nous ont jamais considérés comme des « traîtres à l’orthodoxie », nous passions plutôt à leurs yeux pour être des ultra-conservateurs. Les défunts métropolite Nicodème (Rotov) et le patriarche Alexis II ainsi que l’actuel primat de l’EOR ont toujours affirmé dans les instances interchrétiennes que l’unité entre les orthodoxes et les fidèles appartenant aux autres confessions ne saurait être envisagée qu’à la condition d’un retour à la foi apostolique telle qu’elle est aujourd’hui confessée par l’Eglise Orthodoxe.
Les auteurs des lettres adressées au patriarche ne veulent pas reconnaître notre fidélité à ces principes.
L’Eglise Orthodoxe estime être le gardien de la Vérité et n’a donc pas l’intention de conclure avec qui que ce soit des « unions » qui passeraient outre les divergences doctrinales. Notre Eglise enseigne l’amour envers tous, même ceux qui « croient autrement » et ceux qui ne croient en rien. J’espère que les expéditeurs de ces lettres en sont conscients.
Mais n’avons-nous pas affaire à des fourbes ? Ne s’agit-il pas de clercs qui veulent en manifestant leur rigorisme devenir « protégés » ? C’est un stratagème qui pouvait réussir de par le passé. Il suffisait de soumettre le patriarche à des critiques d’ordre intégristes pour que l’on n’ose pas vous inquiéter, même si vos propres fidèles se plaignent de vous. Mais les temps ont changé. L’on est évalué par rapport à ce que l’on est et non au degré de frayeur que l’on inspire aux internautes en criant au schisme, qu’il soit « de droite ou de gauche ».

Texte paru dans " Nezavisimaia Gazeta religia" le 16 septembre
Traduction pour "P.O." Larissa



Rédigé par l'équipe rédaction le 24 Septembre 2010 à 11:57 | 31 commentaires | Permalien



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