L'écologie réunit le pape François et le patriarche de Constantinople Bartholomée
Il faut « un changement radical dans nos valeurs et nos pratiques pour que les gens puissent inclure la dimension éthique et spirituelle du développement durable dans les vies et les pratiques ». Patriarche Bartholomée, 8 juin 2015

"La publication de l’encyclique "Laudato Si’" est une occasion de grande joie et de satisfaction pour les orthodoxes.

En leur nom, je tiens à exprimer notre profonde gratitude à Sa Sainteté pour s’être exprimé avec autorité afin d’attirer l’attention du monde sur la nécessité urgente de protéger la création de Dieu des dommages que nous, les humains, infligeons par notre comportement à l’égard de la nature.

Cette encyclique vient à un moment critique dans l’histoire humaine et aura sans aucun doute un retentissement dans le monde entier sur la conscience des personnes." - Intervention du Métropolite Jean de Pergame à la présentation de l'encyclique "Laudato Sii" le 18 juin 2015 au Vatican.

"Le monde orthodoxe, pionnier de la « conscience verte »", titrait "La Croix" en 2009

Depuis vingt ans, le Patriarcat œcuménique de Constantinople est très mobilisé sur la question de la sauvegarde de la Création et le patriarche Bartholomée a été surnommé "le patriarche vert". En 1989, le Patriarcat œcuménique avait décidé de dédier le 1er septembre de chaque année à la prière pour l’environnement (c'est le premier jour de l’année ecclésiastique selon le calendrier liturgique orthodoxe) et l’office liturgique du jour inclut des prières pour la création el des hymnes propres à ce jour commandés à un hymnographe contemporain du Mont Athos. En 1995 le patriarche Bartholomée a lancé sur l’île de Patmos une série de symposiums et de colloques internationaux sur « religion, science et environnement» dont le dernier en date a été le tout récent colloque «Théologie, écologie et Parole : un colloque sur l’environnement, la littérature et les arts» qui s'est tenu du 8 au 10 juin 2015 au séminaire de Halki.

Intervention remarquée du Métropolite Jean de Pergame

Il n'est donc pas surprenant que la dernière encyclique papale "Laudato Sii" sur cite longuement le Patriarche Bartholomée, qui la qualifie de son côté de « véritable bénédiction » et dit partager avec le Pape un « intérêt commun et une vision commune pour la création de Dieu ». Plus étonnant, pour la première fois dans l'histoire un prélat orthodoxe, le Métropolite Jean de Pergame, a été invité à participer au Vatican à la présentation de l'encyclique du Pape le 18 juin dernier. Il est vrai le métropolite Jean est l'un des principaux artisans des actions écologiques du patriarcat et c'est lui qui avait ouvert le sommet d’Halki et qui

L'agence d’informations catholique Zenit a mis en ligne la traduction française de l’intervention du métropolite Jean Lien dont je propose quelques extraits:

Dans la célébration de l’eucharistie, l’Église offre à Dieu le monde matériel sous la forme du pain et du vin. Dans ce sacrement, l’espace, le temps et la matière sont sanctifiés ; ils sont élevés au Créateur avec reconnaissance, comme ses dons à notre égard ; la création est solennellement déclarée don de Dieu et les êtres humains, au lieu d’agir en propriétaires de la création, agissent en tant que ses prêtres, qui l’élèvent à la sainteté de la vie divine. Cela rappelle les paroles émouvantes de saint François d’Assise par lesquelles s’ouvre l’encyclique : « Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre ». Comme l’ont expliqué saint Grégoire Palamas et d’autre Pères grecs, la création tout entière est imprégnée de la présence de Dieu par ses énergies divines ; tout annonce la gloire de Dieu, comme le dit le psalmiste, et l’être humain conduit ce chœur cosmique de glorification au Créateur, en tant que prêtre de la création. Cette façon de comprendre la place et la mission de l’humanité dans la création est commune à la tradition chrétienne de l’Orient comme de l’Occident et elle est d’une importance particulière pour la culture d’une philosophie écologique.


L’Église doit maintenant introduire dans son enseignement sur le péché le péché contre l’environnement, le péché écologique. La repentance doit être étendue pour couvrir aussi les dommages que nous infligeons à la nature, comme individus et comme sociétés. Cela doit être porté à la conscience de tout chrétien qui se soucie de son salut.

La rupture de la juste relation entre l’humanité et la nature est due à la montée de l’individualisme dans notre culture. On a fait de la poursuite du bonheur individuel un idéal à notre époque. Le péché écologique est dû à l’avidité humaine qui aveugle les hommes et les femmes au point d’ignorer et de mépriser la vérité de base selon laquelle le bonheur d’un individu dépend de sa relation avec le reste des êtres humains. Il y a une dimension sociale dans l’écologie, que l’encyclique fait ressortir avec clarté. La crise écologique va de pair avec la propagation de l’injustice sociale. Nous ne pouvons pas affronter avec succès la première sans traiter avec l’autre.

Le péché écologique est un péché non seulement contre Dieu mais aussi contre notre prochain. Et c’est un péché non seulement contre l’autre de notre époque mais aussi – et c’est grave – contre les générations futures. En détruisant notre planète afin de satisfaire notre avidité de bonheur, nous léguons aux générations futures un monde irrémédiablement abîmé avec toutes les conséquences négatives que cela aura pour leur vie. Nous devons donc agir de façon responsable à l’égard de nos enfants et de ceux qui nous succèderons dans cette vie.


L’importance œcuménique de l’encyclique: il y a trois dimensions à l’œcuménisme. La première, que nous pouvons appeler l’œcuménisme dans le temps, une expression fréquemment utilisée par l’un des plus grands théologiens orthodoxes du siècle dernier, le regretté père Georges Florovsky. Nous entendons par là l’effort des chrétiens divisés pour s’unir sur la base de leur Tradition commune, l’enseignement de la Bible et les Pères de l’Église. C’est l’objet des dialogues théologiques qui ont lieu dans le mouvement œcuménique de notre époque et il semble que ce soit la forme d’œcuménisme prédominante.

En même temps, un œcuménisme dans l’espace est aussi pratiqué à travers diverses institutions internationales, comme le Conseil mondial des Églises et des organisations œcuméniques similaires qui rassemblent les chrétiens divisés, de sorte que les différents contextes culturels dans lesquels ils vivent puissent être pris en considération dans le recherche de l’unité. Cela a réuni des chrétiens d’Asie, d’Amérique, d’Europe, d’Amérique latine, etc. – une expression de l’universalité de l’Église chrétienne.

À ces deux dimensions qui ont dominé la scène œcuménique ces cent dernières années, nous devons en ajouter, je pense, une troisième qui est habituellement négligée, celle que j’appellerais un œcuménisme existentiel. Je veux dire par là l’effort pour affronter ensemble les problèmes existentiels les plus profonds qui préoccupent l’humanité dans son ensemble – pas seulement dans des endroits ou des catégories de personnes en particulier. L’écologie est sans doute le candidat le plus évident dans ce cas.

Une dimension œcuménique

Je crois que l’importance de l’encyclique du pape, "Laudato Si’", ne se limite pas au sujet de l’écologie en tant que telle. J’y vois une dimension œcuménique importante en ce qu’elle conduit les chrétiens divisés devant une tâche commune qu’ils doivent affronter ensemble. Nous vivons à une époque où les problèmes existentiels fondamentaux débordent nos divisions traditionnelles en les relativisant au point de les faire pratiquement disparaître. Regardez, par exemple, ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient : ceux qui persécutent les chrétiens leur demandent-ils à quelle Église ou confession ils appartiennent ? L’unité chrétienne, dans de tels cas, est de facto réalisée par la persécution et le sang – un œcuménisme du martyre.

De même, la menace que fait peser sur nous la crise écologique dépasse ou transcende nos divisions traditionnelles. Le danger qui se présente à notre maison commune, la planète sur laquelle nous vivons, est décrit dans l’encyclique d’une manière qui ne laisse aucun doute sur le risque existentiel auquel nous sommes confrontés. Ce risque nous est commun à tous, indépendamment de nos identités ecclésiastiques ou confessionnelles. Notre effort pour empêcher les conséquences catastrophiques de la situation actuelle doit être également commun. L’encyclique du pape François est un appel à l’unité – unité dans la prière pour l’environnement, dans le même Évangile de la création, dans la conversion de nos cœurs et de nos styles de vie pour respecter et aimer chacun et chaque chose qui nous sont donnés par Dieu. Nous en sommes reconnaissants.

V.G.

Rédigé par V.G. le 24 Juin 2015 à 10:58 | 8 commentaires | Permalien



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