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Vladimir GOLOVANOW
VOCATION DE L'EXARCHAT DES EGLISES RUSSES EN EUROPE OCCIDENTALE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE
Ce débat resurgit régulièrement et il serait maintenant question d'en modifier le statut, "démarche qui inquiète beaucoup.de ses fidèles" (cf. commentaire 61). Pour ce qui me concerne, et pour dire clairement les choses, je considère que le tournant de 2003, quand l'exarchat des églises russes en Europe occidentale (patriarcat de Constantinople) a refusé la main tendue par le patriarcat et renoncé à avancer vers la grande métropole commune préparée par la commission mise en place par Mgr Serge, a tout d'une trahison. Je reprends ci-dessous les grandes lignes d'un commentaire publié en 2009 qui, malheureuse, n'a pas vieillit! Je propose là une analyse factuelle de cette situation, en espérant être objectif et contribuer au dialogue et à la réflexion fraternelle. Je m'excuse par avance pour la longueur de l'exposé: le sujet est trop complexe pour être maltraité en 3 lignes polémiques comme c'est trop souvent les cas!
VOCATION DE L'EXARCHAT DES EGLISES RUSSES EN EUROPE OCCIDENTALE DU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE
Ce débat resurgit régulièrement et il serait maintenant question d'en modifier le statut, "démarche qui inquiète beaucoup.de ses fidèles" (cf. commentaire 61). Pour ce qui me concerne, et pour dire clairement les choses, je considère que le tournant de 2003, quand l'exarchat des églises russes en Europe occidentale (patriarcat de Constantinople) a refusé la main tendue par le patriarcat et renoncé à avancer vers la grande métropole commune préparée par la commission mise en place par Mgr Serge, a tout d'une trahison. Je reprends ci-dessous les grandes lignes d'un commentaire publié en 2009 qui, malheureuse, n'a pas vieillit! Je propose là une analyse factuelle de cette situation, en espérant être objectif et contribuer au dialogue et à la réflexion fraternelle. Je m'excuse par avance pour la longueur de l'exposé: le sujet est trop complexe pour être maltraité en 3 lignes polémiques comme c'est trop souvent les cas!
A prés de 65 ans je suis "un Vieux Russe" (par opposition aux "Nouveaux Russes"!) et un "ancien" de Daru: de ma grand-mère à ma fille, quatre générations y ont été mariées; j'y ai fréquenté l'école russe, animé des scouts, participé au service d'ordre de la Semaine Sainte…. J'ai ainsi personnellement connu ceux qui ont participé à la création de l'Archevêché: pas les "chefs", mais les "petits, les sans-grades" qui ont peuplé ses paroisses, organisé ses fêtes… ceux qui l'ont fait vivre. Je garde comme un testament spirituel les récits et les paroles de mes grands-mères et grands-oncles, paroissiens assidus de l'Archevêché, et le doyen d'âge de notre paroisse lyonnaise, né en 1929 en est encore un témoin vivant. Voilà mon point de départ.
POURQUOI L'ARCHEVECHE
Personne ne conteste que l'Archevêché a été crée dans l'Eglise russe. En remontant à la source, à ceux qui ont bâti ces églises de Daru, Nice, Biarritz, par exemple à l'arrière- grand-père de ma femme, qui a offert les vases liturgiques de Biarritz et payé le fleurissement permanent de l'église de 1908 à 1914 (j'ai connu sa femme, paroissienne assidue, abonnée au bulletin du Patriarcat de Moscou …), il est clair qu'ils faisaient cela uniquement pour desservir les Russes. Les suivants, dont faisaient partie mes grands-parents, sont arrivés en masse après 1920 et ont fondé l'Archevêché sur cette base sans en altérer la finalité: leur objectif unique était de PRESERVER les traditions de l'Eglise Russe en vue de leur retour en "Russie libérée". Le texte de l'accord par lequel B.A. Maklakov "représentant du dernier gouvernement russe" transmettait l’administration de la cathédrale de la rue Daru est en ce sens caractéristique: il stipule que "la communauté religieuse accepte l’obligation de se soumettre, le moment venu, au gouvernement russe légitime qui souhaiterait entrer en possession des biens de l’église en qualité de biens lui appartenant légalement". Ceux que j'ai côtoyés me disaient souvent que nous étions, après eux, porteurs de ce DEVOIR…Alors nous portons! La séparation de 1931 s'est faite dans la douleur mais, pour tout le monde, c'était une séparation provisoire et je suis de ceux qui n'ont jamais renoncé au coté "provisoire" de ce rattachement à Constantinople:
Plusieurs éléments confirment cette position:
- Le nom même de l'Archevêché est jusque maintenant parfaitement clair, puisqu'il s'agit des "EGLISES RUSSES", terme qui ne devrait pas prêter à équivoque!
- Quand Mgr Euloge décide de rejoindre le Patriarcat de Moscou, même si c'est à contre temps, il montre bien que c'est là le but des fondateurs de l'Archevêché
- J'ai vu les statuts originaux de l’Association Orthodoxe Russe de Lyon (paroisse de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu): ils spécifient que les membres de la paroisse doivent être Russes…
- Le Tomos de 1999 négocié par Mgr Serge précise bien la continuité avec celui de 1931: "Cet Archevêché … constitué en Exarchat Patriarcal, en accord avec les décisions du Patriarcat Œcuménique du 13 février 1931" et rien ne vient modifier ce qu'affirmait le Tomos de 1931: "Dans ce but, par arrêté synodal, nous avons décidé que toutes les paroisses orthodoxes russes en Europe, tout en conservant sans changement ni diminution
l’indépendance qu’elles avaient jusqu’ici en tant qu’organisation russe particulière et administrant librement leurs affaires, soient considérées dorénavant comme formant provisoirement, sur le territoire de l’Europe,..." et, pour bien le souligner, le terme "provisoire est repris au paragraphe suivant "De même, nous avons arrêté et décidé que cet Exarchat russe orthodoxe provisoire ainsi établi,..."
- Un tel changement de juridiction n'est pas canonique: comme le rappelait Vladimir Nicolaevitch Lossky, selon les saints canons, on ne peut quitter son Evêque que s’il se rend coupable d’hérésie et refuse d’y renoncer (cf. UNE HISTOIRE EN PHOTOS). C'est bien pour cela que les Tomos de 1931 et 99 parlent de situation provisoire!
- Etc. J'imagine que tous ces arguments sont bien connus et il y en bien d'autres!
Je puis témoigner que jamais personne de ces fondateurs que j'ai fréquentés ne s'est préoccupé de faire du prosélytisme orthodoxe et ce pour 2 raisons principales:
1/ Un grand respect pour le catholicisme avant même la naissance du mouvement eucuménique; c'est l'une de nos grandes différences avec l'EORHF et je ne vais pas m'étendre plus sur ce sujet.
2/ Ce projet était portée par "les autres", "ceux de Moscou", dont les objectifs semblaient être, là encore, de détruire tout ce qui existait des traditions russes! Nous ne fréquentions pas "ces traîtres" à l'idéal de la Sainte Russie. En effet, dès le début des années 30, la confrérie de Saint Photios puis la paroisse Saint Victor, restés au Patriarcat de Moscou après la rupture de Mgr Euloge, se lancent dans la francisation et l'adaptation totales (textes, musique et icônes!) dont l'aboutissement sera l'ECOF…elle aussi dans le cadre du Patriarcat de Moscou (avant de naviguer sous 4 ou 5 omophores pour se retrouver, in fine, Copte). Ainsi, 20 ans avant les premiers offices en français à la crypte, quand Daru et St Serge n'officient qu'en slavon et ne considèrent aucune autre possibilité, c'est le Patriarcat de Moscou qui lance le mouvement pour faire connaître l'Orthodoxie à la France (cf. Jean Aslanoff, in Serva New N° 4, juin 1993).
NB: Je parle bien là des "fondateurs de base" que je décris plus haut; je sais parfaitement que Mgr Euloge, comme Mgr Serge en ont tenu compte (j'ai personnellement entendu Sa Sainteté Alexis 2 féliciter Mgr Serge pour cela) mais même pour eux, à mon sens, ce n'était qu'un résultat annexe et non un but fondamental.
Il m'apparaît donc clairement démontré que la vocation de l'Archevêché, tel qu'il a été voulu par ses fondateurs, est de PRESERVER les traditions de l'Eglise Russe en vue de leur retour en "Russie libérée" comme dit la "Convention Maklakov". Nous en sommes dépositaire et notre DEVOIR est donc de continuer cette mission. Mais quelle est la situation actuelle?
LE VIRAGE
L'Eglise russe, comme toutes les Eglises orthodoxes d'Europe de l'Est, a été libérée du joug du pouvoir athée à partir de 1986 puis 1991 (de la Chute du Mur de Berlin à l'interdiction du PCUS par B. Eltsine): "la politique de glasnost (ouverture) et de perestroïka (reconstruction) qu'il /Gorbatchev/ avait mis en œuvre permit à l'Eglise russe d'être soudain libérée de toutes les mesures répressives qui avaient entravé sa vie depuis 1917". (In Kallistos Ware, L'orthodoxie. L'Eglise des sept Conciles; p. 207). Pour nombre d'entre nous le moment était venu d'accomplir la volonté des fondateurs et rendre le dépôt reçu en héritage selon la volonté de ses fondateurs: retourner à l'Eglise russe; même s'il fallait, évidement, laisser du temps au temps: les modalités étaient à mettre au point pour que ce trésor qui nous avait été légué ne soit pas perdu. Car, de fait, la valeur de l'Archevêché est très grande pour l'Eglise russe: ses acquis théologiques et ecclésiologiques servent déjà de ressource essentielle pour toute une aile progressiste et libérale (du p. Georges Kochetkov au p. Zenon, avec les pp Pierre Mechtcherinov et Georges Mitrofanov et jusqu'à Mgr Hilarion de Volokolamsk) malheureusement bien minoritaire dans l'EOR. Le renfort de notre Archevêché leur serait une bouffée d'oxygène alors que, de l'extérieur, l'Archevêché n'a qu'une faible influence indirecte face à la montée des intégrismes et au repli nationaliste que la réintégration de l'EORHF ne fait que renforcer. Ainsi au concile épiscopal de juin 2008, la lettre ouverte du p. Paul Adelheim aux évêques hors frontière n'a reçu aucun échos, alors que les arguments anti-eucuménique de l'EORHF étaient largement repris par les médias… et rien n'a changé depuis!
L'Archevêché a donc bien toute sa place dans l'Eglise Russe et les conditions de la réunification sont remplies. Les premiers pas en ce sens ont été accomplis: j'ai personnellement entendu l'échange entre Mgr Serge et Sa Sainteté Alexis 2 lors de leur concélébration à Moscou: Sa Sainteté a souhaité le prochain retour de l'Archevêché au sein de son Eglise-mère et Mgr Serge a répondu qu'il fallait laisser du temps pour panser les plaies. Le processus semblait bien engagé. Et il aurait du s'accélérer après la lettre du Patriarche en 2003 mais, curieusement, c'est l'EORHF qui a saisi la balle et aboutit à la réunification en un temps record (nous avons vu ci-dessus qu'elle en tirait immédiatement avantage en terme d'audience). Un 2ème exemple nous a été administré par la réunification des Roumains… Mais l'Archevêché s'est bloqué de façon inexplicable: oubliant son héritage il reste (définitivement?) dans l'Eglise de Constantinople pour y créer une église orthodoxe locale… dont la réalisation est d'ailleurs impossible! voir ici
CONCLUSION
Je connais et je respecte nombre de clercs de l'Archevêché qui soutiennent cette orientation. Je connais les raisons et les arguments (Schmeman, Afanassiev, Zizoulas…), parfaitement sensés et respectables en soi. Mais comment qualifier le fait que des héritiers prennent un legs et lui donnent une destination opposée à celle voulue par le testateur? Car c'est bien de cela qu'il s'agit: les fondateurs voulaient que leur création serve la Russie et l'Eglise Russe mais les héritiers la détournent vers une impossible Eglise locale… Pour moi, comme pour d'autres intervenants de ce forum, c'est ce changement d'objectif qui constitue une trahison de la volonté clairement établie des fondateurs. Certains participants au forum vont trouver que j'y vais trop fort – je les prie de m'excuser de les avoir choqué, mais je ne suis pas le seul à avoir ce sentiment: c'est bien cela qui explique beaucoup de conflits (Lyon, Nice, Biarritz, Liège, Rome...). Le malaise est donc patent.
Il n'y a pourtant aucune raison de refuser le dialogue: l'importance donnée à la "mission" orthodoxe en Occident et à notre enracinement ici, que personne ne conteste plus, n'est pas incompatibles avec la fidélité à notre Église Mère: toutes les autres Églises de la Diaspora le mettent en œuvre sans les déchirements que nous connaissons. Et le patriarcat de Moscou a été le pionnier de la francisation, comme je le rappelais plus haut, y tient autant que les autres: comme l'a écrit le père Jean Meyendorff, "le but canonique et missionnaire /du Patriarcat de Moscou/ a toujours été une Eglise pour les Américains, fondée avec la bénédiction de l'Eglise Mère et invitant tous les candidats à se joindre librement à elle" (In nécrologie du p. Alexandre Schmemann annexée à l'édition russe du Journal, après une 1ère publication dans St Vladimir's Theological Quarterly, 28, 1984, pp 3-10, traduction à paritir du russe V. Golovanow) et ce qui est vrai pour l'Amérique l'est tout autant en Europe occidentale. Malgré cela, la majorité de l'Archevêché semble vouloir persévérer dans le choix d'une rupture anti-canonique et vouée à un enfermement solitaire: déjà aucun représentant de Daru ne participe à aucune instance du dialogue conciliaire orthodoxe et, comme je le rappelais (Commentaire 51), Daru diminuait de moitié pendent que Chersonèse voyait ses troupes décupler... Cela ne pourra qu'empirer.
Seulement voilà, "vox populi, vox Dei": si la majorité des paroissiens le décide, je ne vois aucun moyen de les empêcher d'exécuter cette décision! Il ne nous reste qu'à prier et attendre que l'Esprit Saint conduise notre petite Eglise sur la voie de la vérité, comme Il l'a fait au IVéme concile de l'Eglise Hors Frontières (2006) en lui inspirant de se tourner vers l'Union....
Amen
POURQUOI L'ARCHEVECHE
Personne ne conteste que l'Archevêché a été crée dans l'Eglise russe. En remontant à la source, à ceux qui ont bâti ces églises de Daru, Nice, Biarritz, par exemple à l'arrière- grand-père de ma femme, qui a offert les vases liturgiques de Biarritz et payé le fleurissement permanent de l'église de 1908 à 1914 (j'ai connu sa femme, paroissienne assidue, abonnée au bulletin du Patriarcat de Moscou …), il est clair qu'ils faisaient cela uniquement pour desservir les Russes. Les suivants, dont faisaient partie mes grands-parents, sont arrivés en masse après 1920 et ont fondé l'Archevêché sur cette base sans en altérer la finalité: leur objectif unique était de PRESERVER les traditions de l'Eglise Russe en vue de leur retour en "Russie libérée". Le texte de l'accord par lequel B.A. Maklakov "représentant du dernier gouvernement russe" transmettait l’administration de la cathédrale de la rue Daru est en ce sens caractéristique: il stipule que "la communauté religieuse accepte l’obligation de se soumettre, le moment venu, au gouvernement russe légitime qui souhaiterait entrer en possession des biens de l’église en qualité de biens lui appartenant légalement". Ceux que j'ai côtoyés me disaient souvent que nous étions, après eux, porteurs de ce DEVOIR…Alors nous portons! La séparation de 1931 s'est faite dans la douleur mais, pour tout le monde, c'était une séparation provisoire et je suis de ceux qui n'ont jamais renoncé au coté "provisoire" de ce rattachement à Constantinople:
Plusieurs éléments confirment cette position:
- Le nom même de l'Archevêché est jusque maintenant parfaitement clair, puisqu'il s'agit des "EGLISES RUSSES", terme qui ne devrait pas prêter à équivoque!
- Quand Mgr Euloge décide de rejoindre le Patriarcat de Moscou, même si c'est à contre temps, il montre bien que c'est là le but des fondateurs de l'Archevêché
- J'ai vu les statuts originaux de l’Association Orthodoxe Russe de Lyon (paroisse de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu): ils spécifient que les membres de la paroisse doivent être Russes…
- Le Tomos de 1999 négocié par Mgr Serge précise bien la continuité avec celui de 1931: "Cet Archevêché … constitué en Exarchat Patriarcal, en accord avec les décisions du Patriarcat Œcuménique du 13 février 1931" et rien ne vient modifier ce qu'affirmait le Tomos de 1931: "Dans ce but, par arrêté synodal, nous avons décidé que toutes les paroisses orthodoxes russes en Europe, tout en conservant sans changement ni diminution
l’indépendance qu’elles avaient jusqu’ici en tant qu’organisation russe particulière et administrant librement leurs affaires, soient considérées dorénavant comme formant provisoirement, sur le territoire de l’Europe,..." et, pour bien le souligner, le terme "provisoire est repris au paragraphe suivant "De même, nous avons arrêté et décidé que cet Exarchat russe orthodoxe provisoire ainsi établi,..."
- Un tel changement de juridiction n'est pas canonique: comme le rappelait Vladimir Nicolaevitch Lossky, selon les saints canons, on ne peut quitter son Evêque que s’il se rend coupable d’hérésie et refuse d’y renoncer (cf. UNE HISTOIRE EN PHOTOS). C'est bien pour cela que les Tomos de 1931 et 99 parlent de situation provisoire!
- Etc. J'imagine que tous ces arguments sont bien connus et il y en bien d'autres!
Je puis témoigner que jamais personne de ces fondateurs que j'ai fréquentés ne s'est préoccupé de faire du prosélytisme orthodoxe et ce pour 2 raisons principales:
1/ Un grand respect pour le catholicisme avant même la naissance du mouvement eucuménique; c'est l'une de nos grandes différences avec l'EORHF et je ne vais pas m'étendre plus sur ce sujet.
2/ Ce projet était portée par "les autres", "ceux de Moscou", dont les objectifs semblaient être, là encore, de détruire tout ce qui existait des traditions russes! Nous ne fréquentions pas "ces traîtres" à l'idéal de la Sainte Russie. En effet, dès le début des années 30, la confrérie de Saint Photios puis la paroisse Saint Victor, restés au Patriarcat de Moscou après la rupture de Mgr Euloge, se lancent dans la francisation et l'adaptation totales (textes, musique et icônes!) dont l'aboutissement sera l'ECOF…elle aussi dans le cadre du Patriarcat de Moscou (avant de naviguer sous 4 ou 5 omophores pour se retrouver, in fine, Copte). Ainsi, 20 ans avant les premiers offices en français à la crypte, quand Daru et St Serge n'officient qu'en slavon et ne considèrent aucune autre possibilité, c'est le Patriarcat de Moscou qui lance le mouvement pour faire connaître l'Orthodoxie à la France (cf. Jean Aslanoff, in Serva New N° 4, juin 1993).
NB: Je parle bien là des "fondateurs de base" que je décris plus haut; je sais parfaitement que Mgr Euloge, comme Mgr Serge en ont tenu compte (j'ai personnellement entendu Sa Sainteté Alexis 2 féliciter Mgr Serge pour cela) mais même pour eux, à mon sens, ce n'était qu'un résultat annexe et non un but fondamental.
Il m'apparaît donc clairement démontré que la vocation de l'Archevêché, tel qu'il a été voulu par ses fondateurs, est de PRESERVER les traditions de l'Eglise Russe en vue de leur retour en "Russie libérée" comme dit la "Convention Maklakov". Nous en sommes dépositaire et notre DEVOIR est donc de continuer cette mission. Mais quelle est la situation actuelle?
LE VIRAGE
L'Eglise russe, comme toutes les Eglises orthodoxes d'Europe de l'Est, a été libérée du joug du pouvoir athée à partir de 1986 puis 1991 (de la Chute du Mur de Berlin à l'interdiction du PCUS par B. Eltsine): "la politique de glasnost (ouverture) et de perestroïka (reconstruction) qu'il /Gorbatchev/ avait mis en œuvre permit à l'Eglise russe d'être soudain libérée de toutes les mesures répressives qui avaient entravé sa vie depuis 1917". (In Kallistos Ware, L'orthodoxie. L'Eglise des sept Conciles; p. 207). Pour nombre d'entre nous le moment était venu d'accomplir la volonté des fondateurs et rendre le dépôt reçu en héritage selon la volonté de ses fondateurs: retourner à l'Eglise russe; même s'il fallait, évidement, laisser du temps au temps: les modalités étaient à mettre au point pour que ce trésor qui nous avait été légué ne soit pas perdu. Car, de fait, la valeur de l'Archevêché est très grande pour l'Eglise russe: ses acquis théologiques et ecclésiologiques servent déjà de ressource essentielle pour toute une aile progressiste et libérale (du p. Georges Kochetkov au p. Zenon, avec les pp Pierre Mechtcherinov et Georges Mitrofanov et jusqu'à Mgr Hilarion de Volokolamsk) malheureusement bien minoritaire dans l'EOR. Le renfort de notre Archevêché leur serait une bouffée d'oxygène alors que, de l'extérieur, l'Archevêché n'a qu'une faible influence indirecte face à la montée des intégrismes et au repli nationaliste que la réintégration de l'EORHF ne fait que renforcer. Ainsi au concile épiscopal de juin 2008, la lettre ouverte du p. Paul Adelheim aux évêques hors frontière n'a reçu aucun échos, alors que les arguments anti-eucuménique de l'EORHF étaient largement repris par les médias… et rien n'a changé depuis!
L'Archevêché a donc bien toute sa place dans l'Eglise Russe et les conditions de la réunification sont remplies. Les premiers pas en ce sens ont été accomplis: j'ai personnellement entendu l'échange entre Mgr Serge et Sa Sainteté Alexis 2 lors de leur concélébration à Moscou: Sa Sainteté a souhaité le prochain retour de l'Archevêché au sein de son Eglise-mère et Mgr Serge a répondu qu'il fallait laisser du temps pour panser les plaies. Le processus semblait bien engagé. Et il aurait du s'accélérer après la lettre du Patriarche en 2003 mais, curieusement, c'est l'EORHF qui a saisi la balle et aboutit à la réunification en un temps record (nous avons vu ci-dessus qu'elle en tirait immédiatement avantage en terme d'audience). Un 2ème exemple nous a été administré par la réunification des Roumains… Mais l'Archevêché s'est bloqué de façon inexplicable: oubliant son héritage il reste (définitivement?) dans l'Eglise de Constantinople pour y créer une église orthodoxe locale… dont la réalisation est d'ailleurs impossible! voir ici
CONCLUSION
Je connais et je respecte nombre de clercs de l'Archevêché qui soutiennent cette orientation. Je connais les raisons et les arguments (Schmeman, Afanassiev, Zizoulas…), parfaitement sensés et respectables en soi. Mais comment qualifier le fait que des héritiers prennent un legs et lui donnent une destination opposée à celle voulue par le testateur? Car c'est bien de cela qu'il s'agit: les fondateurs voulaient que leur création serve la Russie et l'Eglise Russe mais les héritiers la détournent vers une impossible Eglise locale… Pour moi, comme pour d'autres intervenants de ce forum, c'est ce changement d'objectif qui constitue une trahison de la volonté clairement établie des fondateurs. Certains participants au forum vont trouver que j'y vais trop fort – je les prie de m'excuser de les avoir choqué, mais je ne suis pas le seul à avoir ce sentiment: c'est bien cela qui explique beaucoup de conflits (Lyon, Nice, Biarritz, Liège, Rome...). Le malaise est donc patent.
Il n'y a pourtant aucune raison de refuser le dialogue: l'importance donnée à la "mission" orthodoxe en Occident et à notre enracinement ici, que personne ne conteste plus, n'est pas incompatibles avec la fidélité à notre Église Mère: toutes les autres Églises de la Diaspora le mettent en œuvre sans les déchirements que nous connaissons. Et le patriarcat de Moscou a été le pionnier de la francisation, comme je le rappelais plus haut, y tient autant que les autres: comme l'a écrit le père Jean Meyendorff, "le but canonique et missionnaire /du Patriarcat de Moscou/ a toujours été une Eglise pour les Américains, fondée avec la bénédiction de l'Eglise Mère et invitant tous les candidats à se joindre librement à elle" (In nécrologie du p. Alexandre Schmemann annexée à l'édition russe du Journal, après une 1ère publication dans St Vladimir's Theological Quarterly, 28, 1984, pp 3-10, traduction à paritir du russe V. Golovanow) et ce qui est vrai pour l'Amérique l'est tout autant en Europe occidentale. Malgré cela, la majorité de l'Archevêché semble vouloir persévérer dans le choix d'une rupture anti-canonique et vouée à un enfermement solitaire: déjà aucun représentant de Daru ne participe à aucune instance du dialogue conciliaire orthodoxe et, comme je le rappelais (Commentaire 51), Daru diminuait de moitié pendent que Chersonèse voyait ses troupes décupler... Cela ne pourra qu'empirer.
Seulement voilà, "vox populi, vox Dei": si la majorité des paroissiens le décide, je ne vois aucun moyen de les empêcher d'exécuter cette décision! Il ne nous reste qu'à prier et attendre que l'Esprit Saint conduise notre petite Eglise sur la voie de la vérité, comme Il l'a fait au IVéme concile de l'Eglise Hors Frontières (2006) en lui inspirant de se tourner vers l'Union....
Amen
Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 24 Novembre 2011 à 14:30
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