L’histoire qui fait l’objet de cet article a passionné les Russes entre 1983 et 1989. Elle n’est pas terminée car on attend avec impatience la parution de la suite, prévue pour le premier avril 2009 chez Actes Sud, sous le titre : « Des nouvelles d’Agafia », par Vassili Peskov.


  • 1. La découverte de la famille Lykov

    Cette histoire commence en 1979 avec le survol en avion, par des géologues en mission d’exploration, d’une région perdue de la Sibérie à des centaines de kilomètres de toute vie humaine, très exactement au sud, dans le Khakaze, là où les monts de l’Altaï rejoignent ceux du Saïan. À cet endroit naît un affluent du grand fleuve Iénisséï, l’Abakhan. C’est là, sur sa rive droite, que les géologues aperçoivent ce qui ne peut être qu’une succession de quelques terres cultivées au beau milieu d’une zone totalement sauvage et inaccessible. 
    De retour à leur base ils signalent ce fait, mais c’est seulement deux ans plus tard qu’une expédition parvient sur les lieux et entre en contact avec ceux qui habitent là. Stupéfaits, ils constatent que c’est une famille de « vieux-croyants », les Lykov, qui survit à cet endroit depuis 1938 en autarcie complète, sans aucun contact avec le monde extérieur. L’histoire est rapportée à un journaliste de la Komssomolskaia Pravda, Vassili Peskov, qui décide de se rendre sur place, d’observer et comprendre comment cette famille a pu survivre en pleine taïga, dans le dénuement le plus total, à des hivers où il fait régulièrement moins quarante. Il va se lier d’amitié avec eux, y retourner régulièrement l’été.
    Le récit de ses rencontres et de ses observations sera publié dans le journal, puis réécrit plus tard dans un livre publié en France en 1992, chez Actes Sud, sous le titre « Ermites dans la Taïga »
    Mais à ce point de la narration, il est indispensable d’expliquer qui sont ces « vieux-croyants »et pourquoi cette découverte va à ce point émouvoir les Russes..




2. Les vieux-croyants.

Il nous faut faire un bond en arrière et plonger au milieu du XVIIe siècle russe.
Le tsar Alexis (deuxième de la dynastie des Romanoff, père du futur Pierre le Grand) et le Patriarche Nikon, chef de l’église orthodoxe russe, entreprennent une réforme du culte destinée à rapprocher les pratiques russes de celles des autres églises orthodoxes, (grecque et bulgare notamment) et de revenir aux textes originaux souvent mal traduits du grec ou mal recopiés. L‘objectif est de consolider le pouvoir tsariste sur la noblesse, le clergé et le peuple en s’appuyant sur une église orthodoxe rénovée, de faire de la Russie la « troisième Rome » (la deuxième ayant été Byzance), le centre de la chrétienté.
En 1653, le patriarche Nikon impose un certain nombre de modifications mineures du rite de l’église orthodoxe comme, par exemple, le signe de croix avec trois doigts (à la grecque), symbole de la trinité, au lieu du signe avec deux doigts (le majeur et l’index) pratiqué jusqu’alors ; et l’innovation, à mon avis la plus importante, (ignorée, d’ailleurs, par l’article de Wikipedia sur la question) est l’introduction, dans la liturgie, du chant polyphonique « à la bulgare ».
De ce monde extérieur, évidemment, ils ne savent quasiment rien, surtout Agafia qui est née ici et n’a jamais rien vu d’autre. Pourtant, ils avaient remarqué l’apparition de ces « étoiles marcheuses » dans le ciel (les satellites), se demandant ce que cela pouvait être.

Lorsqu’ils rencontrent pour la première fois les géologues, la méfiance prévaut, mais, progressivement la confiance s’installe, ces géologues font tout leur possible pour leur venir en aide et améliorer leur condition matérielle. L’un d’entre eux, qui les prendra spécialement sous sa protection, refusera même une promotion pour rester à leur contact. Les Lykov prirent progressivement l’habitude, à leur tour, de leur rendre visite à leur camp de base distant de 18 km. Ils s’étonnaient et parfois s’émerveillaient de tout, des vêtements des femmes, du contre-plaqué, de la scierie, des tronçonneuses, de l’électricité, acceptaient avec gratitude certains cadeaux, mais refusaient poliment presque tous les autres avec toujours le même argument : «  cela nous est interdit »…

5. Les Lykov superstars

Mais ce que ni le journaliste, ni Karp Lykov et sa fille ne pouvaient prévoir, c’est que dès la première parution dans la Komssomolskaïa Pravda du récit de Vassili Peskov, toute la Russie s’est mobilisée et passionnée pour eux. On s’est mis à écrire au journal pour leur donner des conseils ou des encouragements, les gens envoyaient des colis à leur transmettre contenant des moufles, des chaussettes de laine, des chaussures de sport, des semences, de la nourriture, des livres religieux en slavon…
Le journaliste était submergé de demandes d’ethnologues, d’historiens, de linguistes, de médecins avec des questions nombreuses allant de leur état de santé à la variété de pomme de terre qu’ils plantaient et qui, en 40 ans, n’avait pas dégénéré.
Celle-ci, par exemple : comment se soignent-ils les dents ? À quoi la réponse d’Agafia a été : « Par la prière. Si la prière ne suffit pas, nous tenons la bouche ouverte sur une pomme de terre brûlante. »
Karp Lykov et sa fille Agafia devinrent des sortes de stars bien malgré eux. Toute la Russie connaissait leur histoire, s’efforçait de leur venir en aide et attendait avec impatience la relation des visites de Vassili Peskov qui avaient lieu chaque été, comme un feuilleton annuel, toujours plein de péripéties et d’événements cocasses ou émouvants. ( On pense, en particulier, à l’épisode de la chèvre et du bouc qu’ils décident d’offrir aux Lykov. Agafia n’avait jamais vu de telles bêtes et n’avait pas la moindre idée de la manière de « s’en servir »…)
Mais l’un des effets inattendus de ces articles, c’est que des parents éloignés des Lykov, inconnus de Karp et Agafia, se sont manifestés.

6. Agafia visite « le siècle » mais refuse d’y rester.

Ces parents, ( cousins germains du côté de sa mère) vieux-croyants eux-mêmes, étaient établis dans une communauté de Sibérie d’une région proche et beaucoup plus peuplée, celle de la Choria. Ils rendirent visite aux Lykov dans le but de les persuader de quitter leur ermitage et de vivre avec eux, ce que le vieux refusa obstinément. Mais Agafia, intéressée, parvint à persuader son père de la laisser partir et habiter chez eux pendant un mois.
Ce fut pour elle, on s’en doute, une expérience forte, mais qu’elle vécut avec curiosité et sans traumatisme apparent. Elle prit pour la première fois l’avion, le train (« une maison roulante », où elle fut reconnue tellement elle était populaire !) ; elle vit pour la première fois des vaches, des chevaux, des automobiles, des immeubles, des magasins… Elle fut accueillie et fêtée avec chaleur par sa famille (qu’elle découvrit assez étendue), et lorsqu’elle revint vers son père, avec pour seul objet venu du monde profane une cuvette émaillée, elle était changée : plus mûre, plus préoccupée de propreté, avec un vocabulaire plus étendu et une conscience nouvelle de la force du « siècle ». Et elle s’était fait expliquer, incidemment, «  ce qui s’était passé près de Kiev  » (Tchernobyl).

Pour autant, lorsque son père décède quelques mois plus tard, en février 1988, malgré l’insistance de tout le monde, elle refuse de quitter son ermitage sibérien et continue toujours d’y vivre, seule, au contact des ours et des loups, après un mariage-éclair raté.

Les raisons de ce choix terrible sont sans doute multiples : elle retourne, au fond, vers ce qu’elle a toujours connu, ce à quoi elle est le mieux adaptée. Mais il y a plus : selon le journaliste, son père avant de mourir lui aurait fait promettre de ne pas dilapider ce capital de la « vraie foi » dont elle était porteuse. Promesse qu’elle entend honorer d’autant qu’elle vécut, peu de temps après sa disparition, une expérience étrange de cohabitation avec un loup, ce qu’elle prit pour un signe divin.

 De ce que l’on sait du livre à paraître dans quelques jours, Agafia vit toujours au même endroit et s’efforce d’y réunir d’autres ermites pour partager sa foi et son mode de vie. La petite flamme vacillante de la vieille-foi brûle toujours au fin fond de la Sibérie...

Source: Léon, Agoravox

Rédigé par Nikita Krivochéine le 28 Mars 2009 à 13:43 | 16 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 29/03/2009 09:33
http://www.altapress.ru/story/39773/

Dernières nouvelles d'Agafia dans une lettre une lettre publiée le 12 mars: elle demande de l'aide car elle a perdu l'usage d'un bras. Il lui faut non seulement des médicaments, mais aussi un aide... Vieux croyant bien entende! Les autorités de trois régions prépareraient une expédition sanitaire, qui doit impérativement opérer avant le dégel...

2.Posté par Leon le 29/03/2009 10:05
Cher Monsieur,
La correction la plus élémentaire exigerait que vous indiquiez la source de cet article dont je suis l'auteur, à savoir Agoravox http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=53459, d'autant que l'article tel que vous le reproduisez ici ne comporte pas les notes qui l'accompagnent.
Merci donc de bien vouloir rectifier rapidement.

3.Posté par Nikita Krivochéine le 29/03/2009 16:11
Monsieur,
Excusez nous d'avoir omis d'indiquer la source de ce texte si intéressant, cela vient d'être fait.
Nous espérons que vous accepterez cependant de devenir l'un des auteurs de cette plateforme!
Cordialement,
Nikita Krivochéine

4.Posté par Leon le 29/03/2009 17:17
Merci d'avoir fait le nécessaire. J'ai également répercuté l'appel au secours d'Agafia.

5.Posté par Secrets et rites de l’ancienne orthodoxie le 31/03/2013 12:21
Ils ont fui la Russie au XVIIème siècle, ont été persécutés par le pouvoir, se sont interdits le mariage et les sacrements de l’Église, ont créé plusieurs courants, ont constitué un moteur du capitalisme russe au début du XXème siècle et ont malgré tout conservé leurs traditions jusqu’à nos jours. Ces gens n’ont pas accepté les nouvelles coutumes de l’Église introduites au XVIIème siècle. Il s’agit des « staroobriadtsy » (« vieux croyants »).

En Bouriatie, région russe proche du lac Baïkal, la majorité de la population parle une langue proche du mongole et est bouddhiste. Mais elle abrite également des villages russophones et, si vous vous y rendez un jour de fête, vous verrez des femmes habillées de robes ornées de broderies et dont les vêtements ont parfois jusqu’à 200 ans. Le paysage change même avant d’entrer dans le village : de vastes champs de blé remplacent en effet les pâturages et terrains vagues
Ces territoires appartiennent aux « vieux croyants » (« staroobriadtsy » en russe), également appelés « semeiskie ». À la fin du XVIIème siècle, ils ont fui le « Raskol » (« Schisme », réforme de l’Église orthodoxe russe) en Pologne, avant d’être exilés vers la frontière de l’époque avec la Chine suite à la prise d’une partie de la Pologne par l’empire russe, et ce afin de peupler et de défendre le territoire.

Le Schisme de l’Église orthodoxe russe s’est produit à cause de la volonté du patriarche Nikon de mener plusieurs réformes : célébrer le culte selon les anciennes traditions byzantines, uniformiser le clergé, se débarrasser des rites artificiels ayant perdu leur sens et renforcer l’importance de la prière. Au XVIIème siècle, la Russie était officiellement chrétienne depuis déjà 600 ans. Durant cette période, une multitude d’erreurs de retranscription se sont introduites dans les livres religieux. De plus, peu de prêtres retransmettaient un message précis ou comprenaient tout ce qu’ils disaient.

La réforme de l’Église était nécessaire, mais l’intransigeance de Nikon pour la mener a engendré un schisme. Beaucoup de prêtres et de laïques avaient du mal à comprendre certaines modifications. Pourquoi la « Rus sainte », qui avait connu les invasions des Tatars et des Polonais et survécu aux souffrances, devait s’adapter aux acquis grecs alors que toute la hiérarchie orthodoxe grecque se trouvait à cette époque sous la domination des sultans ottomans ? Les « raskolniki » (« schismatiques ») sont ainsi devenus des « vieux croyants ».

Comme souvent dans les guerres religieuses, les différences de positions ont entraîné violences et incompréhensions. Fallait-il faire le signe de croix avec deux ou trois doigts ? Écrire Issous ou Iissous (Jésus en russe) ? Quelques lettres utilisées comme symboles de croyance, mais pour lesquelles certains étaient prêts à quitter le pays, se battre ou brûler sur le bûcher. Être un « raskolnik » était devenu un crime, et les délateurs récupéraient souvent les biens des condamnés ... SUITE

6.Posté par Vladimir le 31/03/2013 14:44
Extraordinaire article qui devrait d'être publié en Une et non caché dans un commentaire!

7.Posté par Bartimée le 01/04/2013 21:15
Bien plus extraordinaire est "La vie de l'Archiprêtre Avvakum" écrite de sa main en 1672, traduite du vieux russe par Pierre Pascal, Gallimard, 1960.

"Fallait-il faire le signe de croix avec deux ou trois doigts ?".
La légende des deux doigts a la vie dure. Pourtant tout à la fin de cette saisissante et combien respectable autobiographie l'auteur consacre des explications fort précises à la question du signe de croix.
En fait le défenseur de la Vieille-Foi recommande comme l'avait ordonné un Concile Moscovite, l'usage du signe de croix unissant les CINQ doigts de la main - et non deux ni trois - laquelle main réuni alors les mêmes symboles que le dikirion (les deux natures) et le trikirion (les trois hypostases).

Le signe de croix avec l'index et le médius que l'on voit parfois sur certaines icônes de l'époque, étant simplement une réponse à la provocation qu'était pour les Vieux-Croyants cette nouveauté imposée de se signer avec seulement trois doigts "en retranchant l'Incarnation du Christ", c'est à dire les deux natures

La lecture de ce chef d'oeuvre inspire le plus grand respect pour Avvakum et ceux qui l'ont suivi. Il rend inaudibles les sarcasmes et les caricatures qu'il est de bon ton d'émettre parfois encore aujourd'hui à leur encontre.


8.Posté par Vladimir le 01/04/2013 22:56
Ma grand-mère était Vieux-croyante, descendante d'une lignée de Vieux-croyants, et je peux vous assurer que le signe de croix à deux doigts n'est pas une légende... Il suffit d'ailleurs de se rendre à la cathédrale des Vieux-croyants à Ragojskoe (Moscou), pour en constater la réalité vivante (6 générations de mes aieux reposent dans le cimetière voisin et les icônes de leur chapelles privée sont au musée Roublev...)

9.Posté par Bartimée le 02/04/2013 15:59
Certes, nous sommes bien d'accord cher Vladimir que les icônes représentent la réalité vivante, on ne vénère pas des légendes ..

10.Posté par Tchetnik le 02/04/2013 20:45
En fait, selon les témoignages de Théodoret d’Ancyre (justement repris par le « Domostroi », recueil de principes d’éthique et de modes de vie du XVIième siècle), Saint Cyrille de Jérusalem (IVième siècle, dans ses Catéchèses) et Saint Pierre Damascène (VIIIième siècle), le signe de croix se faisait avec les deux doigts, conformément à la coutume Antiochienne. Cette coutume était motivée par l’affirmation des deux natures du Christ, divine et humaine, contre une hérésie monophysite très présente dans cette région. D’autres témoignages, en particulier celui du Pape Léon IV (mort en 855) et d’Aelfric, abbé d’Eynsham (Angleterre Saxonne, vers l’an 1000) décrivent ce signe à trois doigts unis pour confesser la Sainte Trinité, les deux autres doigts repliés vers le creux de la main représentant les deux natures. Ce signe a fini par se généraliser en Occident comme en Orient (y compris chez les Arméniens, Éthiopiens…). Dans son « Pidalion », Saint Nicodème l’Hagiorite, à la fin du XVIIIième siècle, décrit très bien cette différence de coutume dans l’une de ses notes relatives à l’interprétation du Canon 91 de Saint Basile.

11.Posté par Tchetnik le 03/04/2013 10:09
En Septembre 2011, la chaine Kultura avait diffusé sur ce sujet une série TV plutôt bien faite, avec un évident parti pris favorable aux Vieux Croyants, mais néanmoins intelligente:




12.Posté par Poustozersk : le « fantôme arctique » de la Russie le 09/04/2013 20:58
La ville de Poustozersk, un des principaux monuments de l’Arctique russe, est actuellement un désert de neige : un cimetière sans un seul foyer, c’est tout ce qui y reste. Fondée à la fin du XVème siècle, la ville a été complétement abandonnée durant les années 1960.

C’est à présent un endroit si isolé, sans aucun chemin d'accès ; on ne peut rejoindre l’ex-ville qu'en bateau ou à vélo durant le court été arctique ou à motoneige en hiver. Et ça vaut le détour; le vide peut parfois fonctionner comme monument aussi bien que du bois ou des pierres.

Narïan-Mar est la capitale du district autonome de Iamalo-Nénétsie, sujet de la Fédération de Russie, situé au-delà du cercle polaire. Cette « autonomie », mentionnée dans le nom officiel du district, est toutefois contestée : la région voisine d’Arkhangelsk veut annexer la toundra de Iamalo-Nénétsie, hébergeant des gisements importants du pétrole. La population du district se chiffre à près de 40.000 personnes, dont 9.000 Nénètses, représentants du peuple autochtone du nord la Russie, s’occupant traditionnellement de l’élevage de rennes. Approximativement 1.100 Nénètses mènent une vie nomade dans la toundra, se déplaçant en permanence avec leurs rennes et s’hébergeant dans des tchoums, tentes coniques en peaux d’animaux.

Mais même ces nomades, qui connaissent parfaitement la toundra, préfèrent éviter la « ville » de Poustozersk. Ils n’aiment pas cet endroit; même son nom (du mot russe poustoï, signifiant vide) traduit la stérilité de cet endroit.

Poustozersk a été abandonnée il y a une cinquantaine d’années. La dernière résidente de la ville l’a quittée au début des années 60 du siècle passé: elle a démantelé sa maison en bois, et a transporté tous les matériaux sur le fleuve de Petchora au village d’Oustié, où elle l’a reconstruite. Ainsi ont pris fin les 500 ans d’histoire de Poustozersk, qui a cessé d’exister en tant que ville.

Poustozersk fut fondée en 1499 par un décret du Grand-prince Ivan III. Cette décision était due à plusieurs raisons. Primo, la principauté de Moscou venait d’annexer la république de Novgorod qui détenait tous les territoires du nord, de la mer Baltique à l’Oural, et le Grand-prince avait besoin de s’ancrer sur ses nouvelles terres. Secundo, à la même époque Moscou a conquis la Principauté de Grande Perm (Oural) avec les territoires adjoints d’outre-Oural, et, toutes les routes commerciales étant occupées par les Tatars de Kazan, la route du nord avait une importance stratégique pour l’État russe. Finalement, les peuples autochtones du nord (et Poustozersk se trouvait sur la frontière de la toundra) fournissaient à Moscou son principal produit d’exportation, peaux d’animaux, et la ville était donc nécessaire en tant que base pour collecter le tribut.

Poustozersk vit alors le jour. Tout commence par un ostrog, forteresse en bois, bâtie à la fin du XVème siècle. Durant le XVII siècle, la ville héberge déjà près d’un millier d’habitants (un chiffre assez élevé pour l’époque) et devient un lieu d’exil, une prison. C’est à Poustozersk que fut envoyé l’archiprêtre Avvakoum Petrov, un des leaders des « vieux-croyants », groupe qui s’est séparé de L’Église orthodoxe russe après le Raskol (grande scission au sein de l’Église russe, survenue au XVII siècle et comparable au Grand schisme d’Occident). C’est là qu’Avvakoum, premier écrivain russe et auteur d'un mémoire magnifique, a passé 12 ans dans une prison souterraine, dans des conditions épouvantables, avant d’être finalement brûlé, refusant d’abandonner ses croyances. La figure d’Avvakoum a rendu célèbre Poustozersk parmi les Russes, et les responsables de l’Église orthodoxe russe, soit dit en passant, n’aiment pas du tout cela.
.................................

« C’est dommage que nos contemporains qui ont oublié l’histoire de leur peuple, associent très souvent Poustozersk à Avvakoum, et estiment que la ville était premièrement l’endroit de son emprisonnement et de son exécution. Ce n’est pas du tout vrai, en effet. En prenant un tel point de vue sur l’histoire, on doit donc considérer la ville de Souzdal non pas comme l’incarnation du génie de l’orthodoxie russe, mais comme (…) l’endroit de détention d'un tel ou tel criminel », dit Iakov, évêque de Narïan-Mar et de Mezen.

A la fin du XVII siècle, la ville commence à se fâner. La rivière a changé de cours, en devenant peu profonde, ce qui a mis fin au commerce fluvial. Les principales routes commerciales ont été déplacées plus au sud. En raison de la chasse intensive, les animaux à fourrure ont disparu, et les résidents, privés de leur principale source de revenus, ont commencé à partir. Au début du XXème siècle, la ville s'est transformée en village, et durant les années 60, Poustozersk a été officiellement exclue du registre des villes russes.

A présent, il ne reste presque rien dans cette ville-monument, devenue actuellement une réserve nationale. Une stèle rappelant aux rares visiteurs que c'etait auparavant une ville; une croix commemorative sur le site présumé de l'exécution d'Avvakoum; et une chapelle des vieux croyants avec un réfectoire, c'est tout ce qui reste. La chapelle est un peu à part, mais elle est quand même située sur le territoire de la réserve où la construction est interdite. Par conséquent, elle est construite sans fondement et ressemble plutôt à une tente.

Il y a encore un cimetière, et c'est tout ce qui reste. En quittant la ville, les résidents prenaient leurs maisons avec eux ou les abandonnaient, et ceux qui restaient démantelaient les habitations pour obtenir du bois; dans l'Arctique, avoir du bois, c'est une question de survie. La stérilité est oppressante, surtout lorsqu'on se souvient que cette terre servait à des exploits, comme toute autre agglomération du nord du pays fondée par des pionniers russes, soit à la tourture - comme dans le cas d'Avvakoum.

Même le musée de Poustozersk se trouve non pas dans la ville elle-même, mais à 20 km, à Narian-Mar. Il est situé dans un vieil archive cinématographique bourré de caisses avec de la pellicule, dont on ne peut pas se débarasser. Le musée bénéficie d'un bon financement; les autorités du district y ont octroyé deux motoneiges et des traineaux pour organiser des excursions en hiver, des combinaisons et des chaussures spéciales pour les employés (ces derniers les prêtent souvent aux visiteurs), et des vélos et bateaux modernes pour des excursions d'été, car il n'y a pas d'autoroutes menant dans la ville. L'administration du musée envisage actuellement de restaurer l'église de Poustozersk: ce temple en bois a été transféré dans le village d' Oustié, et a été partiellement détruit, et le musée veut le reconstruire sur l'endroit actuel (la construction à Poustozersk étant interdite). En outre, on veut bâtir près de l'église un petit musée-village, un café et un hôtel... Les employés du musée sont vraiment optimistes. Et ce n'est pas du tout surprenant: il y a plein de gens qui voudraient voir un désert et un cimetière sur les lieux qui hébergeaient auparavant une ville-prison en plein épanouissement à l'époque.

Narïan-Mar est reliée à Moscou, Saint-Pétersbourg et Arkhangelsk par des vols directs. Une fois dans la ville, il vous faudra trouver le musée de Poustozersk, dont les employés vous rameneront à la ville-fantôme.

13.Posté par Siberian hermit Agafya Lykova may move from taiga le 08/04/2014 08:09
Siberian hermit Agafya Lykova may move from taiga

Kemerovo, April 7, Interfax - Siberian hermit Agafya Lykova may leave her home in the taiga and move closer to people in the fall, the press service for the Kemerovo Region's administration has reported.

Vladimir Makuta, the head of the Tashtagolsky District, Kemerovo Region, has recently visited Lykova in a helicopter. He brought her food, hay, and firewood.

Lykova's niece Alexandra Martyusheva accompanied Makuta on his visit to Lykova. She suggested that Lykova, who will turn 69 this coming fall, move closer to people.

"Agafya Lykova promised to think about it until the fall," the report says.

Lykova is the only surviving member of the family of reclusive Old Believers discovered deep in the taiga by geologist Yerofey Sedov in 1978.

The family had lived in isolation since 1937, hiding for many years from the destructive influences of the external environment, especially religious influences. There were five of them when the family was discovered - the head of the family Karp Iosifovich, the sons Savvin, aged 45, and Dmitry, aged 36, and the daughters Natalya, 42, and Agafya, 34. Agafya Lykova currently lives in the taiga alone.

14.Posté par Clovis le 09/04/2014 10:06
Ce n'est pas plutôt Salekhard la capitale de Iamalo-Nenetsie ?

Très intéressante histoire, comme quoi il ne faut pas chercher qu'en Amazonie de tels cas. Ces rescapés du stalinisme fou sont touchant, quelle persévérance, quelle ténacité.

Pour revenir au Raskol, n'y avait-il pas aussi une question importante dans le déroulement même de la liturgie qui aurait été avec le temps et l'acculturation quelque peu chamboulé, j'ai lu, je ne sais plus où que par exemple le Notre père précédait le symbole de la Foi etc... Pas seulement, donc le chant et le signe de croix.

15.Posté par Quarante ans coupés du monde en Sibérie le 22/05/2014 14:21
En taïga sibérienne, dans la région sauvage de l’Akaban, six membres de la famille Lykov ont vécu en totale isolation et à plus de 240 kilomètres de toute population humaine. Pendant 40 ans, cette famille russe est restée coupée du monde, inconsciente même de la Seconde Guerre mondiale. En 1978, des géologues soviétiques qui exploraient les régions sauvages de Sibérie ont découvert cette famille au beau milieu de la taïga.SUITE

16.Posté par gwendu28 le 13/02/2016 22:22
dernier post de 2016 ce soir 13 février 2016 comment faire pour savoir si agafia va bien ? qui lui vient en aide ? qui peut me répondre ? merci

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