L’histoire d’un diplomate français devenu diacre orthodoxe
Le père Alexandre Brunet a été ordonné prêtre par Mgr Nestor, voilà 5 ans qu'il dessert la paroisse Saint Séraphin de  Sarov à Bordeaux

Bruges /Bordeaux/: les moniales de la congrégation Sainte Marthe ont définitivement remis l'église du couvent et le terrain adjacent au diocèse de Chersonèse

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La découverte de la foi relève toujours du miracle, pour Dieu chaque âme est précieuse. Des cas ordinaires de conversion n’existent probablement pas. Certains cas, cependant, sont tellement extraordinaires qu’ils méritent d’être relatés. Le diacre Alexandre Brunet, clerc de la Métropole de Kiev de l’Eglise Orthodoxe Ukrainienne a fait part de son choix le plus important dans la vie spécialement à la revue « L’Adolescent ».(1)


« Mes parents n’étaient pas très religieux. Mon père était catholique et toute la famille allait à l’église deux fois par an : à Pâques et à Noël. Ma mère était allemande et luthérienne.

A deux ans mes parents m’ont baptisé dans une église luthérienne de Paris. A 8 ans je suis devenu pensionnaire du collège catholique pour garçons de Juilly, dans un très beau bâtiment ancien. Beaucoup de personnes célèbres telles que Montesquieu, La Fontaine ainsi que des hommes politiques et des personnalités du monde de la culture y ont fait leurs études.

On m’y emmenait dimanche soir, le vendredi soir je revenais à la maison. La vie là-bas n’était pas toujours joyeuse. Mais le silence du parc avec des arbres séculaires, des bâtiments anciens et la présence des prêtres m’ont probablement fait développer un esprit de contemplation.J’ai acquis une expérience inappréciable de la camaraderie, de entraide, de la discipline et de l’apprentissage. Aux moments de solitude, le soir, je cherchais de la consolation en priant Jésus Christ et la Vierge. J’avais un baladeur et tous les soirs je captais une émission de Radio Notre-Dame pour écouter les moniales chanter : «Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur ». C’était une aide salvatrice, une présence affectueuse qui m’aidait à supporter la séparation avec mes parents.

L’histoire d’un diplomate français devenu diacre orthodoxe
Tel était mon cheminement vers Dieu.Au collège on nous enseignait la catéchisme. Je participais aux messes sans communier puisque je n’étais pas catholique. Etudiant, je suis devenu à nouveau paroissien d’une église luthérienne. J’aimais la liturgie luthérienne pour sa simplicité et son esprit du repentir. Je participais aux activités de l’association parisienne des jeunes étudiants protestants et je chantais dans la chorale de l’église. Nous chantions des chants des XVI–XVII siècles qui me faisaient me rapprocher de Dieu.

Au départ mon intérêt pour la Russie était plutôt intuitif qu’intellectuel.

Après le collège je voulais travailler dans le domaine des relations internationales, dans la diplomatie. J’ai commencé à apprendre le russe car je devais connaître une langue rare. En parallèle, je me suis inscrit à la faculté d’histoire de la Sorbonne où j’ai fait une maîtrise en histoire slave. Ensuite, j’ai continué mes études à l’Ecole des sciences politiques de Toulouse.Au bout du compte, j’ai amorcé ma carrière diplomatique en 2004. J’apprenais le russe et cela signifiait m’imprégner de la culture de ce pays qui m’a beaucoup touchée par l’humilité de son peuple, par ses souffrances et sa foi. En 2009 lors d’une rencontre télévisée avec des jeunes de Kiev, le patriarche Cyrille a noté que pour la culture latine le héros positif est un chevalier incarnant des valeurs médiévales comme la courtoisie, l’honnêteté, le courage. En Russie, un héros vaillant est un saint qu’il soit prince ou simple paysan, devenu ascète et glorifié par Dieu.

J’aime la littérature russe, son caractère épique et profond. J’aime l’harmonie pittoresque de la musique russe, la peinture et surtout les peintres Ambulants. La culture russe est marquée de même que la culture française d’un fort caractère universel.

Grâce à la culture russe j’ai rencontré l’Orthodoxie. D’abord, j’ai été profondément touché par ses chants qui ne laissent pas les européens indifférents. Ce sont, pourtant, des rencontres semble-t-il insignifiantes qui ont suscité en moi un intérêt plus profond.

En 1993 je suis venu en Russie avec des amis. De passage à Moscou nous sommes allés à un marché. Soudain une femme devant nous dans une file d’attente nous a parlé français. C’était une moniale catholique des Petites Sœurs de Jésus fondé par Charles de Foucauld. Elle vivait à Moscou avec d’autres sœurs dans un petit appartement depuis 1963. Elle nous a invité chez elle et nous a parlé de la vie du père Alexandre Men qu’elle connaissait bien personnellement ainsi que de la vie ecclésiastique clandestine. Ensuite, en 1995 j’ai vécu 7 mois dans la ville bulgare Veliko Tarnovo. Je montais souvent dans le monastère ancien de la Transfiguration aux fresques magnifiques. J’y ai été reçu par les frères. Je participais à la liturgie sans la comprendre. Profondément impressionné par l’office de Noël nocturne de 1998 dans l’église des agapes à la Laure de la Trinité Saint Serge, j’en garde toujours un enregistrement.

C’est en Russie que j’ai rencontré ma future femme.

Nous avons souvent parlé de la foi orthodoxe, de l’histoire de Byzance ainsi que des icônes orthodoxes qu’elle peignait. Les rencontres qui m’ont le plus marquées étaient celles avec des paroissiens orthodoxes en France. Ils témoignaient du Jésus Christ de par leur vie simple et selon l’Evangile, à laquelle tout chrétien est appelé. Le contraste était impressionnant : je pensais vivre une vie pleine et riche en événements et, soudain, j’ai fait face à une simplicité d’une telle force, à la renonciation de à la carrière sociale, tout ceci pour mieux servir Dieu.

Pour moi la recherche de Dieu et le chemin à l’Orthodoxie étaient avant tout la recherche d’une expérience de vie en Jésus comme en témoignent les saints ainsi que certains de nos contemporains croyants.

Ces rencontres m’ont incité à mieux connaître l’Eglise Orthodoxe et sa foi.

J’ai lu l’autobiographie de Mgr Kallistos (Ware) fait où il raconte son passage de la confession anglicane à l’orthodoxie. Ce qu’il a écrit me tenait à cœur puisqu’il a exactement exprimé ce qui m’attirait moi, luthérien dans l’Orthodoxie. Pour moi, de même que pour lui, la lecture de la vie de saints ascètes, l’existence de la lumière du Thabor, des exploits ascétiques, l'hésychasme, les prières et l’humilité étaient une véritable révélation qui a complètement changé mon monde intérieur. L’Eglise Orthodoxe conduit vers Dieu et c’est le chemin le plus sûr du salut.

Monseigneur Kallistos a donné une excellente définition de l’Orthodoxie en disant qu’elle représente la plénitude de la tradition chrétienne. Cette révélation m’a donné des réponses aux questions de fond irrésolues dans la confession luthérienne, à savoir l’absence de la succession aux apôtres et l’authentique eucharistie.

L’Eglise Orthodoxe m’a fait sentir « la continuité » dans l’Eglise des apôtres, des martyrs et des pères des Conciles Universels, et, par conséquent, j’ai découvert la vraie communion aux Saints Mystères du Jésus Christ. Je me sentais comme si « j’étais revenu à la maison », c’était une immense joie. De plus, la confession et la prière à la Vierge dans l’Orthodoxie occupent une place essentielle, dans le protestantisme nous en sommes privé.

Je me suis converti définitivement suite à ma rencontre avec le défunt archimandrite Amphiloque de la ville de Belaya Tzerkovj. Notre première rencontre fut brève mais pleine de grâce et je me rappelle surtout ses paroles : « Nous avons tous été baptisés par Dieu, notre foi est joie et lumière». Les propos de l’apôtre Paul « ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme » (Rom.12 ; 2) ont acquis leur sens.

A cette époque j’étais déjà prêt à me convertir en Orthodoxie. Bientôt dans l’Eglise du Linceul de la Vierge auprès de l’hôpital militaire Principal de Kiev j’ai reçu l’onction.

Etant luthérien je pensais déjà devenir clerc. Une fois devenu orthodoxe, j’envisageais d’arrêter la carrière diplomatique pour servir l’Eglise mais je n’ai pas obtenu de bénédiction pour cela. Ainsi, je continuais de travailler sur moi-même en rendant visite au père Amphiloque ainsi qu’à d’autres prêtres.

Le père Oleg Sknar, recteur de l’Eglise du Linceul était très attentif à mon appel intérieur. Je suis très reconnaissant à lui et aux paroissiens pour leur attention et confiance. Très rapidement j’ai été admis à aider dans l’autel, je servais d’abord comme lecteur et ensuite comme sacristain. Tout cela est très difficile pour un européen mais c’est un chemin spirituel… Pour m’assurer de l’authenticité de ma vocation je suis allé deux fois au Mont Athos où j’ai eu une rencontre étonnante.

L’histoire d’un diplomate français devenu diacre orthodoxe
Le livre « Flavian » du père Alexandre Torik relate la vie d’un humble moine français du monastère de Vatopedi.

En lisant ce livre j’ai pensé que cela aurait été un bonheur de rencontrer un français pratiquant l’ascèse au Mont Athos ! J’ai écrit au monastère et un mois après il m’a appelé ayant organisé tout le nécessaire pour mon séjour. Il s’est avéré qu’il était le père spirituel des frères du monastère. Nos entretiens étaient très utiles. De surcroît, dans la librairie j’ai eu la chance de croiser le chemin du père Alexandre Torik lui-même qui m’a inspiré à venir au monastère. En me faisant ses adieux il m’a dit « Dans ce petit monde orthodoxe il y a tant de rencontres incroyables que l’on s’y habitue et l’on ne s’en étonne plus ! »

Ainsi quand je suis devenu membre de l’Eglise Orthodoxe, le père Oleg a proposé de m’ordonner diacre. Le 14 mars 2010 dans l’église Saint Pantéleimon du couvent Theophania, j’ai été ordonné diacre par Monseigneur Vladimir, Métropolite de Kiev et de toute l’Ukraine. Comme vous le savez, Mgr Vladimir a été à Paris Exarque pour l’Europe Occidentale pendant quelques années. Après l’ordination, Mgr Vladimir m’a béni pour accomplir ma première litanie en français.

Cela fait deux ans que je suis diacre.

J’essaye de me préparer à l’office scrupuleusement pour éviter que ma prononciation induise quelqu’un en erreur surtout pendant la lecture des Saintes Ecritures. Parfois, on me prend pour quelqu’un du cru mais ensuite, on s’étonne si je ne réagis pas de façon habituelle…Certes, des différences culturelles entre les croyants en Europe et en Ukraine existent. C’est avant tout le respect de la dignité sacerdotale et l’importance du prêtre. Ensuite, la richesse des églises. En France, toute richesse ostentatoire est considérée comme étant déplacée surtout. Sur ce point, un français attend que l’Eglise soit un exemple de modestie et de simplicité même dans son décor. En Russie et en Ukraine l’approche est tout autre.

Mes amis français étaient touchés par mon choix, chacun à sa façon mais cela n’a suscité aucune difficulté dans mes relations y compris en famille. Personne ne m’a demandé d’explications. J’ai été un vrai français en ce sens car je ne parlais pas de mon ordre et de mon service si on ne me le demandait pas. C’est probablement l’habitude de séparer vie privée et vie publique. Ce que je regrette le plus, c’est l’impossibilité d’accomplir un service funèbre et faire commémorer ma mère défunte, mes proches et mes amis.

On qualifie parfois la société française contemporaine de post chrétienne. Je ne partage pas cet avis. Le Seigneur mesure le temps d’une façon qui dépasse notre entendement. Regardez le passé récent de la Russie…

En effet, la France est un état laïc qui inculque la laïcité longtemps et fermement au point que les croyants considèrent la religion comme une affaire personnelle n’appartenant pas au cadre social. De plus, l’état ne privilégie aucune des confessions en dépit du fait que la culture française est issue de la tradition catholique : les us et coutumes des villes et des villages y ont leurs racines. L’individualisme et le relativisme dominent, effectivement, dans la société. Ce qui ce passe, pourtant aujourd’hui peut s’avérer éphémère. Les pèlerinages à Lourdes et Lisieux sont nombreux.

La France garde plusieurs saintes reliques telles que la tête de Saint Jean Baptiste à Amiens, la tunique du Sauveur à Argenteuil, la couronne d’épines à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le linceul de la Vierge à Chartres. Saint Irénée de Lyon, Saint Martin le confesseur, Saint Geneviève de Paris et beaucoup d’autres saints glorifiés par l’Eglise Orthodoxe sont nés et morts comme martyrs en France. De même qu’en Russie beaucoup d’églises sont sous la protection de la Vierge. La France a toujours prié la Vierge et c’est ce qui la sauvera, selon la prophétie de Saint Séraphin de Sarov.

(1) La revue « L’Adolescent »

Traduction pour "Parlons d'orthodoxie" Elena Tastevin


Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 7 Février 2020 à 07:31 | -6 commentaire | Permalien



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