LE "GRAND JEU" ANTI-ORTHODOXE
V. Golovanow

UNE MANŒUVRE MALIGNE, ANTI-CANONIQUE, INAMICALE ...

La manœuvre de Constantinople apparaît très astucieuse : soumis à une très forte pression nord-américaine pour, selon eux, "libérer l’Église ukrainienne de la main mise russe", il n’accorde pas l’autocéphalie aux juridictions schismatique (pseudo-patriarcat de Kiev/PK et Église orthodoxe autocéphale ukrainienne/EOAU aussi appelée ‘Église ukrainienne autocéphale’ (1)), mais va susciter la formation d’une nouvelle entité sous son obédience directe.

Il évite ainsi le mauvais exemple de la légalisation de schismatiques, qui serait certainement très mal vu des autres Églises soumises à des mouvements sécessionnistes, mais reste anti-canonique en venant brutalement interférer dans la juridiction d’une autre Église autocéphale, comme le montre la rupture "provisoire" de la communion et des commémoration par l’Église russe.

LE "GRAND JEU" ANTI-ORTHODOXE
La désignation de ces deux exarques montre que le Phanar est parti dans une fuite en avant qui correspondrait bien à la volonté occidentale, et surtout Nord américaine, de casser l'Orthodoxie.

Ce suivisme de Constantinople est bien illustré par la nomination comme exarques de 2 évêques des Églises orthodoxes ukrainiennes des USA et du Canada; il n’a rien de surprenant puisque l'essentiel de son troupeau actuel, et de ses ressources, se trouvent dans ces pays. Ces deux exarques complètent ainsi le dispositif anti-russe mis en place en Ukraine par les "conseillers militaires" US et Canadiens déjà en place, et la manœuvre vise à casser, voire retourner, l’arme idéologique que la religion orthodoxe pouvait constituer pour la Russie et cela illustre bien ce conflit géopolitique que j'appelle le nouveau "Grand Jeu" par référence à la lutte d’influence que se livrèrent les Grandes Puissances, dont la Russie, autour de la Perse et de l’empire ottoman au milieu du XIXe siècle : comme alors, il s’agir d’encercler la Russie ("containment" depuis 1947)!

LE "GRAND JEU" ANTI-ORTHODOXE
… ET DANGEREUSE!

Les deux exarques vont donc tenter de reconstituer la métropole de Kiev sous l’obédience de Constantinople comme avant 1686 (2). Si ce schéma réussit, ce sera une nouvelle métropole qui peut devenir une Église autonome au sein du patriarcat de Constantinople, à l’exemple des Église de Crête et de Finlande… Mais de là à l’autocéphalie il y a encore un pas que Constantinople ne se montre généralement pas pressé de franchir : l’Église de Finlande l’a demandé il y a prés de 100 ans et le Phananr aurait tout intérêt à garder dans son obédience cette Église d’Ukraine qui en augmenterait considérablement l’importance en lui permettant de faire jeu égal avec une Église russe diminuée...

Mais les chances de succès de ce plan sont loin d’être évidentes : si l’EOAU va probablement y adhérer, eu égard à ses liens avec les EOU nord-américaines, elle représente moins de 10% des paroisses orthodoxes en Ukraine. Le pseudo-patriarche Philarète (PK) est parti aux USA et ne semble pas prêt à abandonner le couvre-chef patriarcal dont il s’affuble; son obédience regroupe quelques 20% des paroisses orthodoxes et certaines peuvent éventuellement être tentées ainsi que quelques-uns de ses 40 évêques, . L’Église orthodoxe ukrainienne (patriarcat de Moscou, EOU) regroupe plus de 70% des paroisses et l’écrasante majorité de ses membres s’est toujours prononcée contre toute séparation d’avec l’Église russe…

La partie est donc loin d’être gagnée par la seule voie ecclésiale, mais il y a aussi les moyens de l’état et des groupes nationalistes qui peuvent être mis en jeu. Et c’est là que tout peu déraper : Cette solution créerait une situation anti-canonique, avec deux hiérarchies orthodoxes parallèles sur le même territoire, comme c’est le cas en Estonie (cela avait entraîné une rupture de communion avec l’Église russe en 1996) et, si une telle action se reproduit actuellement, cela risque d’avoir des conséquences clairement plus dramatiques avec la mise en jeu de moyens de coercition.

SCHISME DANS L’ORTHODOXIE : contrairement à 1996, quand le patriarcat de Moscou s’est retrouvé isolé au sein de l’Orthodoxie, les réactions de plusieurs Églises montrent que Moscou pourrait bien être suivi par plusieurs Églises Orthodoxes, et non des moindres. Il en résulterait donc un véritable schisme, les deux groupes d’Églises n’étant plus en communion entre elles...


LE "GRAND JEU" ANTI-ORTHODOXE
Notons que Constantinople semble relativement indifférent à la possibilité d’un schisme intra-orthodoxe, tant sa position sur le remariage des prêtres (3) semble aller à l’encontre des positions des autres Églises.

GUERRE CIVILE EN UKRAINE : le président Porochenko a stigmatisé l’EOU à plusieurs reprise, allant jusqu’à parler "d’ennemi de l’intérieur" et les autorité ukrainiennes ont menacé de prendre le contrôle des principaux lieux saints ukrainiens, monastères et cathédrales, qui sont actuellement sous l'obédience de l’EOU (ce type d’exaction s’était produit en 1991-92 et les spoliations de lieux de cultes se sont accéléré après 2014, touchant plus de 50 églises à mi 2018 (4)). Il est probable que de telles actions rencontreraient l’opposition des fidèles de l’EOU, les séparatistes de l’est ukrainiens pourraient en profiter pour venir à leur aide ce qui mènerait à un embrasement de grande ampleur dont l’Église russe s’est alarmée plusieurs fois ...

CONFLIT INTERNATIONAL : dans le pire des cas, on peut envisager une intervention militaire russe venant soutenir ses compatriotes, voire celles des voisins occidentaux pour "défendre l’Ukraine" qui deviendrait une nouvelle Syrie … Ce scénario du pire n’est pas le plus probable actuellement mais doit malheureusement être envisagé comme possible.

Le ton est clairement monté ces dernières semaines et, sur le terrain, la guerre continue toujours dans l’est de l’Ukraine et les menaces fusent de tous côté. Nous n’avons qu’un seul recours : la prière pour un retour à la raison des principaux protagonistes et surtout, à mon sens, de Constantinople.

Sources :
(1) https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/A-PROPOS-DE-LA-RENCONTRE-A-ISTANBUL-LE-31-AOUT-ET-MAINTENANT_a5481.html
(2) https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/EGLISE-RUSSE-LA-REUNION-DU-SIEGE-METROPOLITAIN-DE-KIEV_a5433.html
(3) https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/LE-PATRIARCAT-DE-CONSTANTINOPLE-VA-AUTORISER-UN-SECOND-MARIAGE-POUR-LES-PRETRES_a5484.html
(4) https://ria.ru/religion/20180926/1529424188.html


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 30 Septembre 2018 à 19:12 | 19 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par serge mullins le 29/09/2018 11:55
Ce n'est pas la prière qui a chassé les marchands du temple....

2.Posté par Nicodème le 29/09/2018 15:15
Certes , c'est le Christ , en chair et en os . Le pb , pour nous , c'est que ,bien qui'il soit ressuscité , il s'est barré depuis l'Ascension et il faut vraiment avoir la foi pour admettre que sa parole "je suis avec vous jusqu'à la fin du monde" , correspond à une réalité tangible .


Nicodème , l'agnostique de service ...

3.Posté par Vladimir.G: ne pas confondre le temple et les marchands... le 29/09/2018 16:45
Et l'essentiel, pour garder la foi, c'est de ne pas confondre l'Église du Christ, " le corps de l'Eglise, c'est-à-dire le peuple lui-même, qui vient préserver sa foi immuable et conforme à celle de ses Pères," (Encyclique des patriarches orientaux, 1848,) et les hiérarques plus soucieux de politique que de la Parole de Dieu!

4.Posté par Nicodème le 30/09/2018 22:40
Vous savez , cher Vladimir , "la foi immuable du peuple" ds l'Eglise romaine (qui a longtemps toléré le remplacement du credo de Nicée-Constantinople (filioquiste) par des chansonnettes de m... ) , les divagations mondaines , les formulations hérétiques , l'abyssale ignorance de ceux-là même qui étaient chargés de la catéchèse , etc... tout cela m'inciterait à sourire , si cela ne m'avait mis ds une rage inextinguible , à laquelle seule la fréquentation de l'orthodoxie a pu mettre fin et encore . Car que nous reste-t-il ? Après que le sieur Emmanuel ait été à Kiev faire sa soumission à Porochenko !!! Pour moi , plus question d'aller ds une paroisse de l'exarchat de Constantinople , et comme les paroisses russes sont principalement ds la région parisienne , ou ds des provinces éloignées de mon Armorique , c'est fini . Il me reste mes bouquins . Et tenir mon âme en enfer sans désespérer ...

Bien amicalement , en Christ , quand même !

5.Posté par Guillaume le 01/10/2018 09:54
Un schisme en perspective tout simplement.

6.Posté par serge mullins le 01/10/2018 10:21
Cher Nicodème , je ressens exactement la même chose que vous et, habitant en Province près d'une paroisse « Constantinopolitaine » qui n'a jamais eu une grande affection pour le patriarcat de Moscou qui est le mien mais plutôt pour un œcuménisme imprudent et non réfléchi, compte tenu d'autre part de l'orientation générale vers un pays qui oublie totalement ses racines chrétiennes dans sa soumission à un Ordre mondial auquel est aussi soumis Constantinople, j'ai pris la décision d'émigrer en Russie pour enfin retrouver des églises locales orthodoxes normales et une vie paroissiale normale.

7.Posté par Vladimir.G: Philarète confirme son opposition au plan de Constantinople le 01/10/2018 12:07
Dans une interview au portail d'information religieuse ukrainien «Духовна велич Львова», le pseudo-patriarche Philarète (PK) déclare: "Le seul mécanisme /d'obtention de l'autocéphalie/ est l'obtention du Tomos sur l'autocéphalie du patriarcat de Kiev (sic) de la part du Patriarche de Constantinople." Et il continue en soulignant qu'il y aura alors 2 Églises orthodoxes en Ukraine et qu'il est inacceptable qu'une Église ukrainienne dépende d'un centre situé "dans le pays agresseur".

La manœuvre du Phanar ne rentre donc pas dans cette vision du principal intéressé, comme je l'écrivais dans l'article, et le risque de conflit violent en cas de création d'une Église dépendant de Constantinople est souligné. Le schisme dans l'Orthodoxie dépendra de l'attitude des autres Églises, mais un bain de sang en Ukraine est clairement à envisager sans que cela semble émouvoir ni nos bons esprits ni "les esprits tordus de Langley, où siège l'inepte CIA, ou les cerveaux chocs du .Pentagone" (Alexandre Adler, "Le Figaro", 15 août 2008).

8.Posté par Vladimir.G: personne ne se soucie des prises de positions de Constantinople le 01/10/2018 15:52
Bien chers Nicodème et Serge Mullins,

Quand je parle de "la foi immuable du peuple...", en citant "l'Encyclique des patriarches orientaux" de 1848, je me réfère évidement au peuple orthodoxe. C'est en effet là la divergence essentielle avec les Catholique, puisque pour ces derniers, c'est le Pape "infaillible" qui détient la Vérité. C'est d'ailleurs pour s'opposer à cette doctrine là que les Patriarches orientaux envoyèrent leur encyclique au pape de Rome...

Dans les fait, le peuple de Dieu est le plus souvent inconscient de sa responsabilité et suit aveuglément ses coutumes ou, dans le meilleur des cas, la parole de son recteur ou de son Père spirituel. C'est encore plus vrai en Occident, où bien des Orthodoxes ne sont absolument pas conscient des enjeux ecclésiaux. Daru a totalement abdiqué toute velléité d'autonomie en refusant la grande métropole russe proposée par Alexis II. L'Archevêché s'est laissé imposer les primats voulus par le Phanar et personne ne se soucie des prises de positions de Constantinople, ni de sa dépendance du pouvoir turc et des consignes venues d'Amérique du nord...

Je suis bien d'accord avec vos positions, ayant fait le choix de rejoindre l'Église russe en 2007. L'option de Serge est vraiment extrême et vous mettre de fait hors de l'Église, bien cher Nicodème, me semble aussi excessif. Ne pourriez-vous pas aborder ce sujet dans votre paroisse? Si Moscou est inacceptable par tradition historique (je connais plusieurs personnes comme cela!) il y a d'autres solutions canoniques à envisager et les juridictions roumaine et serbe ont beaucoup de paroisses en province...

9.Posté par Communication with schismatics could lead to excommunication le 01/10/2018 16:37
The Ukrainian Orthodox Church has reminded the Patriarch Bartholomew of Constantinople of the risk of excommunication as the result of communication with schismatics.

"Our leader asked Patriarch Bartholomew to influence the Constantinople archpriest Metropolitan Emmanuel [of France], who is conducting dialogue with schismatics on the canonical territory of the Ukrainian Orthodox Church. Does Patriarch Bartholomew not know that communication with schismatics carries the risk of excommunication from the Church?" Metropolitan Pavel, head of the Kiev Monastery of the Caves, said, in a commentary posted on the monastery's website.

He admitted that as an Orthodox bishop he was very concerned by "the silence on this issue of several other Churches which are probably more fearful of consequences of a conflict with Istanbul than with the Christ Himself."

Metropolitan Pavel also expressed bewilderment that Patriarch Bartholomew thought himself entitled to interfere in the affairs of other branches of the Orthodox Church.

"This is about the equality of the episcopate and the equality among all bishops. But who gives Istanbul and its archpriests the right to ascribe themselves the functions they are trying to appropriate? I am surprised that the Patriarchate of Constantinople, which once veered into heresy and schism by striking a union with Rome, is attempting to impose its premiership to another, deeply Orthodox state," he said.

Each branch of the Orthodox Church has its own specifics as well as inviolable rules: at the Tomb of God no one has the right to conduct services other than members of the fraternity who live there, no one will be allowed to conduct a service at the Monastery of the Caves or to serve arbitrarily, such things are not possible in any of the Athos monasteries either, Metropolitan Pavel said.

"And that is why Istanbul has no right to point out to us who is right and who is wrong," he said.

10.Posté par Mischa le 01/10/2018 19:08
Вот прочитал умные слова "В конституциях практически всех государств закреплено невмешательство властей в церковные вопросы, в том числе в США и на Украине. Но почему-то в США, в которых действуют 120 конфессий, никому в голову не приходит создавать единую американскую церковь, а вот поддержать на Украине подобную религиозную организацию стараются многие политики из Госдепа. Не странно ли?.."

11.Posté par Guillaume le 03/10/2018 16:38
Cette triste affaire ne fait que confirmer que le patriarchat de Constantinople n'a plus de raison d'être. Une première étape avait été le "Concile" de 2016 et la volonté de ne pas régler le conflit entre Antioche et Jérusalem, entraînant la rupture canonique et l'absence d'Antioche à cet événement qui n'avait plus de raison d'être.
Constantinople cherche juste à survivre et à gagner en influence.

12.Posté par Vladimir.G: Le Patriarche Cyrille propose de lancer une discussion pan-orthodoxe le 07/10/2018 23:38
Le Patriarche Cyrille propose de lancer une discussion pan-orthodoxe sur la situation religieuse en Ukraine
par Christelle Néant
vendredi 5 octobre 2018

Alors que la situation religieuse se tend de jour en jour en Ukraine suite à l’arrivée des hiérarques de Constantinople, le Patriarche de Moscou et de toute la Russie, Cyrille, a écrit aux primats des autres Églises afin de lancer une grande discussion pan-orthodoxe sur ce sujet.

Cette lettre fait suite à l’expropriation violente d’une église qui appartenait à l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou (UOC-MP) par des membres du mouvement néo-nazi Secteur Droit, dans la région d’Ivano-Frankovsk.

Les paroissiens qui ont tenté de protéger leur église et d’empêcher l’expropriation, ont été violemment battus par les néo-nazis. Plusieurs ont été sérieusement blessés lors de ces affrontements.

Depuis le Maïdan, c’est plus de 50 églises appartenant à l’UOC-MP qui ont ainsi été volées par les partisans de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev (UOC-KP, église schismatique non reconnue), le plus souvent avec l’aide de groupes ultra-nationalistes ou néo-nazis ukrainiens violents, qui n’hésitent pas à frapper les paroissiens.

Et avant-hier, à Rovno, des ultra-nationalistes portant des masques ont jeté des pierres sur un bus contenant des membres de l’UOC-MP qui se rendaient à Kiev pour prier et rejoindre les actions pacifiques sous les fenêtres des hiérarques de Constantinople, leur demandant de ne pas interférer dans les affaires internes de l’Église orthodoxe ukrainienne. Heureusement cette fois-ci il n’y a pas eu de blessés.

...

Devant le risque de déclenchement d’une guerre de religion en Ukraine, le synode de l’Église orthodoxe russe a décidé d’initier une discussion pan-orthodoxe concernant les actions du Patriarche de Constantinople. C’est dans ce cadre, que le Patriarche Cyrille a envoyé une lettre à chacun des primats des autres Églises orthodoxes autocéphales, afin de demander leur aide.

« Les lettres exposent la position de l’Église orthodoxe russe sur l’autocéphalie dite ukrainienne et les conséquences négatives possibles des actions du Patriarcat de Constantinople pour l’unité de l’orthodoxie universelle. Elles contiennent également une proposition visant à lancer une discussion pan-orthodoxe sur la situation », a déclaré le chef adjoint du Département des relations extérieures de l’Église du Patriarcat de Moscou Nikolaï Balachov.

La position de l’Église orthodoxe russe et de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, est partagée non seulement par plusieurs primats d’Églises orthodoxes, mais aussi par les croyants orthodoxes ukrainiens eux-mêmes.

Ainsi, un sondage publié mi-septembre, indique que 67 % des Ukrainiens interrogés réagissent négativement à l’arrivée des hiérarques de Constantinople, et seulement 8 % considèrent que ceux-ci vont apporter des solutions à la situation religieuse actuelle de l’Ukraine.

La plupart des personnes interrogées ont d’ailleurs marqué leur soutien pour l’UOC-MP et le Métropolite Onuphre, montrant bien que cette demande d’autocéphalie n’émane en rien des croyants, mais bien de quelques personnes qui ont avant tout des visées bien plus politiques que spirituelles !

C’est ce mélange des genres que l’ONG « règle de la loi » a décidé d’attaquer, en demandant à une cour ukrainienne de reconnaître que le président ukrainien, Petro Porochenko n’a pas le droit d’interférer dans les activités de l’église et de demander l'autocéphalie (comme l’indique d’ailleurs très clairement la constitution ukrainienne). Une première audience est prévue le 13 novembre pour statuer sur cette demande.

En tout cas, face à cette situation, les réactions de plusieurs primats sont d’ores et déjà connues. Si l’Église orthodoxe géorgienne joue la carte de la neutralité en disant que la question de l’Église orthodoxe ukrainienne doit être réglée par la discussion entre le Patriarcat de Constantinople et l’Église orthodoxe russe, l’Église orthodoxe grecque semble se rallier à Moscou.

Ainsi, le Métropolite Ambroise de Kalavryta a violemment critiqué les actions du Patriarche Bartholomée en Ukraine.

« Sa Sainteté le Patriarche Bartholomée de Constantinople semble s'être fixé comme objectif, ces dernières années, de diviser l'orthodoxie. […] Le dernier pas erroné du Patriarche a été celui lié à l’Église d'Ukraine. Nous n’avions sans doute pas assez de problèmes, il fallait encore que notre Patriarche s’engage pratiquement dans une confrontation entre le Patriarcat œcuménique et la grande Église russe ! L'Église canonique d'Ukraine conserve ses liens spirituels et son autonomie au sein du Patriarcat de Moscou, et le Patriarcat de Constantinople entend reconnaître l'Église schismatique d'Ukraine ! Nous sommes au seuil d’un nouveau schisme dans l’Église ! Si nous ajoutons à cela les discordes internes qui ont surgi après le pseudo-concile de Kolymbari, alors la situation ecclésiastique devient extrêmement tragique », a déclaré le Métropolite Ambroise.

Par cette déclaration, l’Église orthodoxe grecque rejoint les autres Églises qui s'inquiètent de la situation en Ukraine et ont déjà ouvertement déclaré leur opposition à l’octroi de l’autocéphalie pour l’UOC-KP, à savoir les Églises de Serbie, de Jérusalem, de Pologne et d’Alexandrie. Sans parler de l’appel de l’Église orthodoxe américaine à régler tout cela par le dialogue et la proposition de l’Église de Chypre de jouer les médiateurs.

L’aide de toutes ces Églises est vitale pour régler cela de manière pacifique. Car de par son statut, qui n’est pas aussi important sur le plan honorifique que celui de Constantinople, Moscou ne peut lancer elle-même un synode pan-orthodoxe. L’idéal, serait que celui-ci soit lancé par une des plus anciennes Églises, comme celle d’Alexandrie.

« Nous ne pouvons pas lancer une discussion formelle à l'échelle de l’Église sous la forme d'un synode, car c'est la prérogative du premier parmi ses pairs - le Patriarche œcuménique qui rassemble le synode. [...] Il y a peut-être d'autres voies, il y a des églises plus anciennes qui peuvent s'en charger. Si l'on regarde le diptyque, alors le prochain est le Patriarche d'Alexandrie, ou en général tout le conseil des anciens patriarcats - Alexandrie, Jérusalem et Antioche, qui, à mon avis, pourrait se réunir et proposer quelque chose, » a déclaré Alexandre Volkov, secrétaire de presse du Patriarche de Moscou et de toute la Russie.

Il a aussi exprimé le souhait que toutes les Églises orthodoxes autocéphales expriment leur point de vue sur la situation religieuse en Ukraine. Pour Alexandre Volkov, il ne s’agit pas seulement d’empêcher l’éclatement d’une guerre de religion en Ukraine, mais d’assurer la survie de l’orthodoxie mondiale unie.

Le risque de guerre de religion en Ukraine et de schisme au sein de l’orthodoxie dépendent désormais de la capacité des autres Églises orthodoxes à faire plier le Patriarche Bartholomée.

Christelle Néant
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-patriarche-cyrille-propose-de-208256

13.Posté par Marie Genko le 08/10/2018 10:50
Merci, Cher Vladimir, pour votre message 12.
Lorsque Christelle Néant conclut en écrivant :

"Le risque de guerre de religion en Ukraine et de schisme au sein de l’orthodoxie dépendent désormais de la capacité des autres Églises orthodoxes à faire plier le Patriarche Bartholomée."

Je pense qu'il s'agit en effet d'une succession logique des évènements à venir.

Mais nous savons tous que les choses se déroulent rarement comme nous les prévoyons.

J'ai lu avec tristesse ce matin un article publié par Mgr Job de Thelmessos sur orthodoxie.com
En substance, pour Mgr Job, toute la faute de la situation chaotique de l'Eglise d'Ukraine revient au Patriarcat de Moscou! Le schisme de Philaret n'est qu'une conséquence de l'attitude du patriarcat de Moscou…

Quelle désolation!

14.Posté par Vladimir.G: "La Nef", Orthodoxie : vers un schisme en Ukraine ? le 11/10/2018 11:28
UNE BONNE EXPLICATION, RELATIVEMENT COMPLÈTE
Mais qui ne tient pas compte des aspects géopolitiques de la question...

L'auteur, Patrick Gazagne est un haut fonctionnaire français qui a été en poste en Russie.

Orthodoxie : vers un schisme en Ukraine ?

La rupture est en cours entre les patriarcats de Constantinople et de Moscou à propos de l’autocépahlie de l’Église orthodoxe d’Ukraine. Explication d’une affaire complexe qui pourrait entraîner un schisme dans l’Orthodoxie.

En opposant de manière frontale les patriarcats de Constantinople et de Moscou, la question de l’autocéphalie de l’Église orthodoxe d’Ukraine, récurrente depuis l’indépendance de ce pays en 1991, apparaît aujourd’hui comme une menace sérieuse pour l’unité de l’Orthodoxie. Mais avant d’examiner la situation ukrainienne, il convient de rappeler ce que signifie l’autocéphalie dans l’Orthodoxie et dans quels contextes, au cours des XIXe et XXe siècles, plusieurs Églises orthodoxes locales sont devenues autocéphales.

Des Églises autocéphales
Une Église autocéphale se caractérise par le fait de pouvoir choisir de manière indépendante son primat et de se gouverner de façon autonome. L’Orthodoxie refuse en effet toute primauté de juridiction à l’échelon universel semblable à celle de l’Église catholique romaine. La primauté d’honneur reconnue au patriarche œcuménique de Constantinople n’implique aucun pouvoir de juridiction au sein des Églises locales. Tout en étant indépendantes dans l’organisation de leur vie interne, les Églises autocéphales se reconnaissent en pleine communion de foi. Pour marquer cette unité dans la foi, lorsque le primat d’une Église autocéphale célèbre la Divine Liturgie, il mentionne les noms des primats des autres Églises autocéphales.
Aujourd’hui, l’Orthodoxie comprend quatorze Églises autocéphales « canoniques », c’est-à-dire reconnues par toutes les autres. Ce sont, dans l’ordre honorifique traditionnel, les anciens patriarcats (Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem), les patriarcats « modernes » (Moscou, Serbie, Roumanie, Bulgarie et Géorgie) ainsi que les Églises dont le primat ne porte pas le titre de patriarche, mais de métropolite ou d’archevêque (Chypre, Grèce, Pologne, Albanie, Terres tchèques et slovaques).

L’autocéphalie aux XIXe et XXe siècles
La grande vague d’autocéphalies « modernes » est liée au déclin progressif de l’empire ottoman au XIXe siècle et au réveil des nationalités dans les Balkans (Serbie, Grèce, Roumanie, Bulgarie et Albanie). La conquête de l’indépendance politique s’accompagne systématiquement de l’émancipation de la tutelle du patriarche de Constantinople, considéré à l’époque comme l’un des rouages de l’administration ottomane (le patriarche étant aussi ethnarque, selon le système du « Rum Millet »). La volonté d’obtenir leur indépendance est également motivée pour beaucoup de ces Églises par la politique d’hellénisation imposée par Constantinople (qu’il s’agisse de la langue liturgique ou de la nomination de prélats grecs). À l’exception de l’Église de Serbie, toutes les autres Églises des Balkans ont proclamé de manière unilatérale leur autocéphalie, sans l’accord de Constantinople qui les a déclarées schismatiques avant de les reconnaître, souvent plusieurs années plus tard. Le cas extrême est celui de l’Église de Bulgarie, dont l’autocéphalie n’a été reconnue qu’en 1946, soit trois-quarts de siècle après sa proclamation par Sofia. Mais durant toutes ces années, l’Église de Russie est restée en communion avec l’Église de Bulgarie, considérée comme schismatique par Constantinople.
La constitution de nouveaux États à la fin de la Première Guerre mondiale s’accompagne également de la création de nouvelles Églises autocéphales, en Pologne et en Tchécoslovaquie, dans un contexte de rivalité de juridiction entre Moscou et Constantinople. Le jeune État polonais, qui ne veut pas d’une Église orthodoxe contrôlée par la Russie, s’adresse au patriarcat œcuménique. Ce dernier, en se basant sur le fait que l’Église orthodoxe de Pologne était composée d’évêchés ayant fait partie de la métropole de Kiev placée sous la juridiction directe de Constantinople jusqu’en 1686, proclame l’autocéphalie polonaise en 1924. Moscou ne la reconnaît qu’en 1948. Quant à l’Église tchécoslovaque, elle se voit accorder par Constantinople le statut d’autonomie en 1923, mais Moscou la proclame autocéphale en 1948, sans l’accord de Constantinople. Après 1989, l’Église tchécoslovaque demande le soutien de Constantinople, qui reconnaît son autocéphalie en 1998.

Le cas ukrainien
La question ukrainienne s’inscrit dans une troisième vague de revendications d’indépendance politique et ecclésiale consécutive à la disparition de l’URSS et de la Yougoslavie (cf. les Églises de Macédoine et du Monténégro, dont l’autocéphalie, soutenue par les autorités politiques locales, n’est reconnue par aucune des Églises orthodoxes canoniques). Dans l’espace ex-soviétique, outre l’Ukraine, les conflits inter-orthodoxes concernent la Moldavie (entre les patriarcats de Roumanie et de Moscou) et l’Estonie (entre les patriarcats de Constantinople et de Moscou), avec, dans chacun de ces pays, la présence de deux juridictions concurrentes. La crise estonienne provoque même en 1996 une suspension de communion de plusieurs mois, Moscou cessant de mentionner le nom du patriarche de Constantinople lors de la Liturgie.
La crise ecclésiale ukrainienne contient les principaux ingrédients présents dans les situations évoquées précédemment, en particulier le lien avec la constitution d’un État indépendant et la confusion entre identités nationale et religieuse. Mais l’Ukraine présente des traits spécifiques qui rendent cette crise particulièrement sensible. Le premier, c’est l’importance de ce pays (plus de 40 millions d’habitants) et de sa situation géopolitique (entre la Russie et le monde occidental, « Ukraine » signifiant « aux confins »). La sortie de l’Église d’Ukraine du patriarcat de Moscou ferait perdre à ce dernier près de 40 % de ses paroisses. Au-delà des chiffres, les aspects symboliques jouent également un grand rôle. Pour Moscou, avec le baptême du prince Vladimir en 988, la « Rous » de Kiev est le berceau de l’État et de l’Église russes, l’accent étant mis sur la continuité historique, alors que du côté ukrainien on insiste sur les évolutions distinctes. Le second trait, c‘est la complexité de la situation ecclésiale locale. À côté de l’Église orthodoxe d’Ukraine, sous la juridiction du patriarcat de Moscou (métropolite Onuphre), il existe deux entités orthodoxes, qui ne sont reconnues par aucune des Églises canoniques :
1) l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne, née d’un schisme de l’Église orthodoxe russe en 1920, lors de la brève indépendance de l’Ukraine. Présente dans la diaspora ukrainienne durant la période soviétique, elle revient en Ukraine au début des années 90 (métropolite Macaire).
2) le « Patriarcat de Kiev », créé en 1992 par l’ancien métropolite de Kiev, Philarète (Denisenko), candidat malheureux à l’élection du nouveau patriarche de Moscou en 1990.
S’il est difficile de connaître le nombre de fidèles se rattachant à chacune de ces trois juridictions, on connaît en revanche le nombre de paroisses enregistrées : environ 12 000 pour l’Église orthodoxe d’Ukraine (patriarcat de Moscou), 5000 pour le Patriarcat de Kiev et 1000 pour l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne.
Cette division ecclésiale constitue depuis plus de 25 ans une source de tensions, parfois violentes, concernant en particulier la propriété des lieux de culte. Mais il est clair que l’exacerbation des tensions politiques entre l’Ukraine et la Russie depuis 2014 avec l’annexion de la Crimée et le conflit armé dans l’Est de l’Ukraine (qui a déjà coûté la vie à 10 000 personnes) se répercute sur le champ religieux.
Face à cette situation, toutes les parties en présence affirment la nécessité de rétablir l’unité de l’orthodoxie ukrainienne. Mais les voies envisagées pour y parvenir divergent. Pour les deux Églises non canoniques, comme pour le pouvoir politique à Kiev, l’unité de l’orthodoxie ukrainienne ne peut se faire qu’en rompant les liens avec Moscou et en créant une Église autocéphale unique. Lors d’un discours prononcé le 24 août dernier à l’occasion de la journée de l’indépendance ukrainienne, le président Porochenko affirme sa détermination à « mettre fin à l’existence contre nature et non canonique d’une partie importante de notre communauté orthodoxe qui dépend de l’Église russe » et ajoute que la question de l’autocéphalie « dépasse le cadre religieux ; c’est du même ordre que le fait de renforcer l’armée, de défendre notre langue et de nous battre pour l’adhésion à l’Union Européenne et à l’Otan ». Pour l’Église orthodoxe d’Ukraine (patriarcat de Moscou), l’unité ne peut être réalisée que par le retour des entités schismatiques dans le giron de la seule Église canonique, qui considère par ailleurs que son statut d’autonomie lui convient et qu’elle ne voit donc aucune raison de demander l’autocéphalie.
À Moscou et à Constantinople, les positions sont également antagonistes, qu’il s’agisse de l’opportunité de créer une Église autocéphale en Ukraine ou de la question de savoir quelle est l’Église Mère de la métropole de Kiev.
Pour le métropolite Hilarion de Volokolamsk, Président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du patriarcat de Moscou, l’autocéphalie ukrainienne est « un projet politique » : « les autorités ukrainiennes, les schismatiques et les uniates s’y intéressent, mais chaque groupe s’y intéresse pour ses propres raisons. Est-il possible de construire une maison solide sur des fondations aussi bancales ? » (1). De son côté, le patriarche Bartholomée, dans un message remis au président Porochenko à la fin du mois de juillet dernier, déclare que le patriarcat œcuménique « a pris l’initiative de restaurer l’unité des fidèles orthodoxes d’Ukraine, dans le but final d’octroyer l’autocéphalie à l’Église ukrainienne ».
Par ailleurs, les patriarcats de Constantinople et de Moscou se disputent le statut d’Église Mère de l’Église d’Ukraine. Cette dispute se fonde sur des interprétations différentes du tomos (décret) de 1686 confiant la Métropole de Kiev au Patriarcat de Moscou : tandis que pour Constantinople ce tomos était temporaire et ne signifiait nullement un renoncement à son statut d’Église Mère, il n’en est rien pour Moscou, Or ce statut d’Église Mère est important : selon le consensus obtenu durant les travaux préparatoires du Grand Concile orthodoxe, c’est à l’Église Mère qu’il appartient « d’évaluer les conditions ecclésiologiques, canoniques et pastorales à l’octroi de l’autocéphalie » et ce n’est qu’après l’accord éventuel du Concile local de l’Église Mère que le patriarcat de Constantinople a la charge de recueillir l’assentiment des autres Églises autocéphales.

Rencontre des deux patriarches
La rencontre du 31 août dernier à Istanbul entre les patriarches Bartholomée et Cyrille ne semble pas avoir permis de surmonter les divergences. Dans des déclarations à la presse, les métropolites Emmanuel et Hilarion, les seuls à avoir assisté à l’entretien des deux patriarches, tout en soulignant le caractère fraternel des discussions et la volonté de dialogue des deux parties, donnent à penser que chacun est resté sur ses positions : le patriarche Bartholomée aurait confirmé son intention d’accorder l’autocéphalie à l’Église d’Ukraine et le patriarche Cyrille l’aurait mis en garde contre les conséquences pour l’unité de l’Orthodoxie d’une décision qui créerait un nouveau schisme.
Parmi les autres Églises autocéphales, plusieurs s’en tiennent, à ce stade, à une prudente expectative, mais certaines ont clairement exprimé des positions proches de celles de Moscou. C’est le cas du patriarche d’Alexandrie et de toute l’Afrique, qui, dans une interview à l’occasion du 1030ème anniversaire du « baptême de la Russie », a déclaré que son patriarcat était « d’accord avec la position de l’Église russe : il ne faut pas céder aux pressions politiques ». Quant au patriarche de Serbie, Irénée, dans une lettre adressée récemment au patriarche Bartholomée, il a été plus loin, s’inquiétant des « immixtions des hiérarques du Patriarcat œcuménique relatives à l’octroi de l’autocéphalie à des entités schismatiques ukrainiennes, contre la volonté de l’Église orthodoxe russe ». Le primat de l’Église serbe craint un effet de contagion sur les Églises non canoniques de Macédoine et du Monténégro.

Une voie étroite
La voie est donc étroite pour le patriarcat de Constantinople et sa décision, annoncée le 7 septembre dernier, d’envoyer à Kiev deux de ses métropolites comme envoyés spéciaux (exarques) « dans le cadre des préparatifs de l’octroi de l’autocéphalie à l’Église orthodoxe d’Ukraine » a encore fait monter la tension avec le patriarcat de Moscou. Ce dernier, par la voix du métropolite Hilarion de Volokolamsk (interview du 8 septembre sur la chaîne « Rossia 24 »), a immédiatement dénoncé cette décision : « Le patriarcat de Constantinople s’est donc maintenant ouvertement engagé sur le sentier de la guerre. Et ce n’est pas seulement une guerre contre l’Église russe, ni contre le peuple orthodoxe ukrainien. En définitive c’est une guerre contre l’unité de l’Orthodoxie mondiale. […] L’Église orthodoxe russe n’acceptera pas cette décision. Nous serons forcés de rompre la communion avec Constantinople et Constantinople n’aura plus aucun droit à prétendre à la primauté dans le monde orthodoxe. » La vigueur de la réaction de Moscou, confirmée par la déclaration du 14 septembre du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe, traduit sans doute en partie sa crainte de perdre à terme l’Église d’Ukraine.
Mais la démarche est également risquée de la part de Constantinople. Sans que l’on sache de quelle manière les deux exarques qui doivent être envoyés à Kiev vont procéder, leur mission visant à restaurer l’unité de l’orthodoxie ukrainienne par l’octroi de l’autocéphalie paraît, à vue humaine, pratiquement impossible. Ne pouvant guère « légitimer le schisme » en reconnaissant en tant que tel le Patriarcat de Kiev, le patriarcat de Constantinople envisage peut-être de créer un exarchat d’Ukraine auquel pourraient se rallier des éléments appartenant aux trois juridictions orthodoxes actuelles. Mais il y a tout lieu de craindre qu’une telle démarche aboutisse simplement à accroître le morcellement de l’orthodoxie ukrainienne en créant une quatrième juridiction. Enfin, au-delà de son objet propre, cette crise pourrait fragiliser encore davantage la position, au sein de l’Orthodoxie mondiale, du patriarcat de Constantinople accusé désormais ouvertement par Moscou, mais aussi par d’autres Églises, d’avoir une « conception papiste » de son rôle.

Patrick Gazagne

(1) Interview du 14 juin 2018. Le terme « uniate » est utilisé du côté orthodoxe pour désigner l’Église gréco-catholique d’Ukraine, rattachée de force à l’Église orthodoxe en 1946, légalisée en 1989 (3200 paroisses enregistrées en 2014).

© LA NEF n°307 Octobre 2018
https://lanef.net/2018/09/28/orthodoxie-vers-un-schisme-en-ukraine/

15.Posté par Vladimir.G: La crise ukrainienne au sein de l'Eglise orthodoxe dépasse largement la sphère religieuse le 26/10/2018 22:51
La crise ukrainienne au sein de l'Eglise orthodoxe dépasse largement la sphère religieuse

26 oct. 2018

La dissension actuelle entre les deux patriarcats, de Moscou et de Constantinople, porte sur une question de droit ecclésiastique : accorder ou non l’autonomie à une Eglise locale. Raphaël Blere, consultant en intelligence économique, fait le point.

Les travaux d’Olivier Clément sont incontournables pour comprendre la notion de primauté dans la nouvelle ecclésiologie développée depuis le début du 20e siècle. Au fond, les accords et désaccords entre les différents patriarcats chrétiens, sauf dans le cas d’hérésies caractérisées, ont toujours été fonction de jeux politiques temporels. Ce schisme (séparation) n’a donc rien de définitif, d’autant qu’il n’implique pas de la totalité du monde orthodoxe.

Cette rivalité existait depuis longtemps (il convient d’évoquer le mythe de la troisième Rome et la perte d’influence du Patriarcat œcuménique de Constantinople, accusé à tort ou à raison de «papisme»), le contexte actuel ne faisant que mettre en lumière les tensions internes de l’Eglise orthodoxe.

Historiquement, le Phanar (Patriarcat œcuménique de Constantinople) est un axe diplomatique majeur dans la région, luttant pour sa survie autant que servant les intérêts de ceux qui l’aident, soit principalement aujourd’hui la diaspora grecque américaine et toutes les autres diasporas de confession orthodoxe ayant fui le régime soviétique.

Ce sont donc tous ceux qui haïssent la Russie, pour de bonnes ou mauvaises raisons, qui soutiennent ce projet d’autonomie de l’Eglise ukrainienne, afin de contrer l’influence de la Russie directement à sa frontière.

Quand le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, affirme que l'indépendance accordée à l'Eglise ukrainienne est une «provocation» soutenue par Washington, cela n’a rien d’étonnant, la stratégie américaine consistant depuis des années à déstabiliser la Russie dans sa sphère d’influence de l’ex-URSS.

Ce sont donc tous ceux qui haïssent la Russie, pour de bonnes ou mauvaises raisons, qui soutiennent ce projet d’autonomie de l’Eglise ukrainienne

Pour mieux comprendre d'où vient cette volonté de détachement vis-à-vis de Moscou, il faut rappeler que Vladimir Poutine, afin de restaurer l’unité de la nation russe, n’a jamais condamné clairement et fermement la période communiste. S’ensuit donc cette critique permanente que subit le Patriarcat de Moscou de n’être qu’un instrument des services de renseignements de la Fédération de Russie, comme au temps où il était entièrement contrôlé par le KGB.

La grande question qui se pose aujourd’hui, et qui divise jusqu’au sein même des familles émigrées orthodoxes, est de savoir si le pouvoir russe fonctionne encore structurellement comme au temps de l’URSS ou si le renouveau de l’orthodoxie russe marque bel et bien la fin d’une époque tragique où 100 000 prêtres furent assassinés et la quasi-totalité des églises et monastères détruits.

Ainsi, le risque est, pour les populations ukrainiennes orthodoxes rattachées parfois sans le savoir à Moscou, de subir à nouveau des persécutions de la part de groupuscules dangereux animés par une haine viscérale de la Russie. Haine d’autant plus exacerbée que la situation en Ukraine est au point mort, aucun des deux camps n’ayant les moyens de ses ambitions.

Du côté du Donbass et des groupes prorusses, le passage de la Crimée dans le giron de Moscou a fait perdre un vivier de 2,3 millions d'électeurs potentiels nécessaire pour peser dans la politique en Ukraine, sachant que les deux régions séparatistes ne comptent qu’environ 2,1 millions d’individus. Aux dernières élections présidentielles, qui ont concerné l'ensemble du territoire ukrainien tel que reconnu par l'ONU (en 2010), la Crimée a voté à 75% pour Viktor Ianoukovitch, quand les zones séparatistes l'ont littéralement plébiscité (90% des voix environ). Celui-ci a recueilli 8,7 millions de voix dans tout le pays. Mécaniquement, la perte d’influence de la mouvance prorusse est majeure dans le jeu politique à Kiev.

De l’autre côté du pays, les populations à tendance catholique romaine, régions de la Galicie et du Zakarpatska - Oblast de Transcarpatie, entre autres (d’après un blog spécialisé sur l’Ukraine hébergé par Libération ainsi qu’Agoravox), se sentent de moins en moins concernées par le projet centralisateur de Kiev.

Cet octroi de l'autonomie (autocéphalie) par Constantinople à l’ancienne Eglise schismatique du Patriarcat de Kiev, opposée à l’Eglise d’Ukraine historiquement rattachée à Moscou, est l’une des dernières cartes du pouvoir ukrainien qui souhaite ainsi créer une cohésion nationale autour d’un sentiment religieux, ce fameux ethno-phylétisme que Constantinople dénonce et veut contrôler. Par ailleurs, les Ukrainiens orthodoxes antirusses reprochent au Patriarche Cyrille d’être trop proche de Vladimir Poutine alors qu’ils doivent eux-mêmes leur indépendance au pouvoir de Kiev. C’est cette ingérence du temporel sur le spirituel qui est particulièrement critiquée dans le monde orthodoxe aujourd’hui (notamment par ceux se rappelant l’histoire de l’Eglise sous l’Empire romain d’Orient). La conséquence est simple : Constantinople n’est quasiment pas soutenu par les autres patriarcats orthodoxes. Même le clergé grec est divisé sur la question, selon le New York Times. A savoir qu’en cas de concile, ce qui est la tradition dans l’Eglise chrétienne depuis les origines pour régler les conflits, la position de Constantinople ne serait pas dominante aujourd’hui. Cette solution proposée par le Patriarche d’Antioche a donc peu de chances d’aboutir.

En fin de compte, les deux patriarcats se renvoient la balle et s’accusent mutuellement, l’un luttant contre son isolement, l’autre cherchant à recréer une confiance perdue, tout cela s'imbriquant dans une géopolitique mondiale en ébullition où le religieux fait de plus en plus l’objet d’un accaparement par le politique

Que l’Eglise soit protégée par le pouvoir temporel est une chose, qu’elle en soit l’instrument en est une autre.

16.Posté par Vladimir.G: L'orthodoxie déchirée le 31/10/2018 11:48
L'orthodoxie déchirée
Par Jean-Marie Dumont

Le monde orthodoxe traverse actuellement une phase de tensions extrêmement forte. Le 15 octobre, le synode de l’Église orthodoxe russe publiait le long texte d’une décision « concernant l’empiétement du patriarcat de Constantinople sur le territoire canonique de l’Église orthodoxe russe ». Dénonçant plusieurs décisions prises par le patriarcat de Constantinople en Ukraine, il demandait à l’ensemble du clergé du patriarcat de Moscou de ne plus concélébrer avec celui du patriarcat de Constantinople, et aux laïcs de ne plus recevoir les sacrements de prêtres de ce patriarcat, tant qu’il n’aurait pas révisé ses décisions. « Le fait que le patriarcat de Constantinople ait reconnu une structure schismatique signifie pour nous que le patriarcat de Constantinople lui-même est en schisme », a déclaré le métropolite Hilarion du patriarcat de Moscou.

L’étincelle qui a mis le feu aux poudres est la reconnaissance, par Constantinople, de l’autocéphalie d’une Église née dans les années 1990 en Ukraine d’un schisme de l’Église orthodoxe russe. Depuis lors, deux principaux courants se partagent les églises orthodoxes en Ukraine : le patriarcat de Moscou et cette branche dissidente, baptisée « patriarcat de Kiev ». Par son geste, Constantinople donne sa caution à une Église que Moscou considère comme schismatique. S’y ajoutent la décision du patriarcat de Constantinople de s’implanter en Ukraine le gouvernement vient de lui confier une église emblématique de sa capitale et celle de réintégrer les leaders de l’Église dissidente.

Ces décisions, prises comme des provocations par le patriarcat de Moscou, sont attisées par les enjeux géopolitiques entourant l’Ukraine. Un communiqué du Département d’État américain encourageait ouvertement, fin septembre, la reconnaissance d’une Église orthodoxe autocéphale en Ukraine, et le patriarcat de Constantinople est proche des États-Unis. Cette division, interne à l’orthodoxie, fait écho à celle de l’Ukraine, où la guerre se poursuit.

Jean-Marie Dumont

17.Posté par serge mullins le 02/11/2018 11:52
Ayant eu moultes fois l'occasion de m'instruire à travers les débats de cette docte assemblée, je me permets de venir aujourd'hui, moi humble paroissien de l'Eglise Russe dépendant de la juridiction du Patriarcat de Moscou, soumettre une question dont la cause a éveillé en moi un étonnement mitigé.

Le secrétaire d'une petite paroisse du Sud de Paris a fait part d'un courrier tournant transmettant une déclaration de Monseigneur Jean de Charioupolis disant (je cite) « Notre Archevéché-Exarcat relevant de la juridiction du Patriarcat Oecuménique, est en pleine communion avec l'Eglise orthodoxe. En effet le Patriarcat Oecuménique n'a pas rompu la communion avec le Patriarcat de Moscou et continue de le mentionner selon l'ordre des dyptiques »

Etonnement mitigé disais-je, car de deux choses l'une, ou j'ai « zappé » une déclaration de Monseigneur Nestor disant la même chose, à savoir que la communion était rétablie, ce qui m'étonne compte tenu des déclarations de Monseigneur Hilarion après le 15 Octobre et des développements ultérieurs. ou le Patriarcat de Constantinople dont les interprétations fantaisistes sont une habitude (quand il ne remet pas également en question ses engagements comme celui du concile de Rhodes de ne pas intervenir sur le territoire d'un autre Patriarcat) a inventé une nouvelle sémantique dans laquelle une chose et son contraire reviennent au même. Il est vrai qu'à Constantinople le sakkos parait aussi facile à retourner que les vestes des politiques en Gaule !

A moins que Monseigneur de Charioupolis n'ait pas eu le temps de relire la définition du mot communion dans le Larousse : « Parfait accord d'idées et de sentiments » ce qui supposerait qu'il n'y ait aucun désaccord fondamental sur les agissements du Patriarchat de Consantinople en Ukraine en particulier.

En tout état de cause, il m'aurait paru nécessaire qu'après une telle déclaration, Monseigneur Nestor clarifie la position du Patriarcat de Moscou pour savoir si il y avait une évolution dans la mesure ou le silence peut être interprêté comme « Qui ne dit mot consent », ce qui peut laisser paroisses et paroissiens dans une regrettable incertitude.

Pour ma part, je n'ai cure des nombreuses fantaisies « papales » du Patriarcat actuel de Constantinoble et mis à part mon indéfectible fidélité au Patriarcat dont je dépends, je n'ai aucune intention de m'associer dans une liturgie à la reconnaissance de Monseigneur Bartholomée que je reconnais comme un Patriarche politisé qui renie facilement ses engagements et les traditions. Ce n'est pas à moi de le juger, le Seigneur s'en chargera, mais j'ai le droit de ne pas m'associer à une juridiction aussi incohérente et instable.
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18.Posté par Vladimir.G: Rien n'est simple, le 03/11/2018 10:29
Rien n'est simple, bien cher Serge Mullins (17),

Mgr Jean a bien raison de dire "le Patriarcat Œcuménique n'a pas rompu la communion avec le Patriarcat de Moscou et continue de le mentionner selon l'ordre des dyptiques." Constantinople n'a, en effet, ni reconnu ni accepté la décision de rupture unilatérale prise par Moscou et fait donc comme si celle-ci n'a pas eu lieu; Mgr Jean s'en tient donc à cette position. Il est évident que Mgr Nestor, de son côté, s'en tient à la décision de Moscou...

En bonne logique, les fidèles doivent agir de même: ceux de Constantinople sont libres de participer aux sacrement des paroisses dépendant de Moscou, Chersonèse et Genève (EORE), mais celles-ci peuvent les refuser (ce sera clairement le cas pour les clercs), mais à l'inverse, les fidèles de Moscou sont appelés à s'abstenir de participer aux sacrements dans les paroisses dépendant de Constantinople (voir les positions sur le Mt Athos: https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/NUAGES-SUR-LES-RELATIONS-DU-PATRIARCAT-DE-MOSCOU-AVEC-LE-MONT-ATHOS_a5261.html)...

19.Posté par Vladimir.G: Le président ukrainien et le patriarche de Constantinople signent un accord sur l'Eglise d'Ukraine (AFP) le 05/11/2018 11:02
Le président ukrainien et le patriarche de Constantinople signent un accord sur l'Eglise d'Ukraine
AFP
Publié le 03/11/2018 à 21:56 | AFP

Le président ukrainien Petro Porochenko et le patriarche Bartholomée de Constantinople ont signé samedi à Istanbul un accord menant vers la reconnaissance d'une Eglise ukrainienne indépendante, suscitant un nouvel accès de colère de Moscou.

Le Patriarcat de Constantinople a décidé à la mi-octobre de reconnaître une Église orthodoxe indépendante en Ukraine, mettant fin à 332 années de tutelle religieuse de Moscou.

A l'occasion d'une visite en Turquie lors de laquelle il devrait aussi s'entretenir avec le président Recep Tayyip Erdogan, Petro Porochenko a signé un accord fixant les étapes de la reconnaissance formelle de l'indépendance de l'Eglise ukrainienne.

L'accord signé samedi "fixe les conditions" pour que l'accession de l'Eglise ukrainienne au statut d'Eglise autocéphale "ait lieu dans le plein respect des règles canoniques", s'est félicité le président ukrainien.

Il a exprimé sa reconnaissance "au nom du peuple ukrainien" au patriarche Bartholomée.

"Ce jour est historique", a-t-il encore tweeté après la cérémonie.

Cette question devrait jouer un rôle central dans la présidentielle de mars 2019 en Ukraine.

Le patriarcat est basé à Istanbul, l'ancienne Constantinople qui fut la capitale de l'empire byzantin avant la conquête ottomane en 1453.

Bartholomée est considéré comme "le premier entre les égaux" parmi les patriarches orthodoxes.

Furieuse de la décision annoncée concernant l'Ukraine, l'Eglise russe, qui revendique de son côté le plus grand nombre de fidèles au sein du monde orthodoxe, a annoncé la rupture de tous ses liens avec Constantinople.

Le métropolite Hilarion, responsable des relations extérieures du patriarcat de Moscou, a estimé samedi que la signature de l'accord s'inscrivait dans une série de décisions de Bartholomée qui "sortent du domaine canonique et relèvent exclusivement du domaine politique".

Selon l'agence publique russe TASS, il a accusé Bartholomée de "répondre à des ordres venus d'outre-Atlantique visant à affaiblir et à diviser l'Eglise russe unifiée".

Les orthodoxes en Ukraine sont divisés: une partie est fidèle au Patriarcat de Moscou et une autre se revendique du Patriarcat de Kiev autoproclamé après l'indépendance du pays en 1991 et qui n'était jusqu'alors reconnu par aucune autre Eglise orthodoxe dans le monde.

La rivalité entre ces deux Eglises a été exacerbée par la crise russo-ukrainienne, marquée par l'annexion de la péninsule de Crimée en 2014 et par un conflit avec des séparatistes prorusses dans l'Est de l'Ukraine, qui a fait plus de 10.000 morts.

03/11/2018 21:55:33 - Istanbul (AFP) - © 2018 AFP

20.Posté par serge mullins le 05/11/2018 16:16
"L'accord signé samedi "fixe les conditions" pour que l'accession de l'Eglise ukrainienne au statut d'Eglise autocéphale "ait lieu dans le plein respect des règles canoniques", s'est féliité le président ukrainien."
Il est évident que Porochenko est un spécialiste en droit canon. Bartholomé s'enfonce de plus en plus...lamentable...

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