Natalia Trouiller " La Vie"

Hospitalisé il y a quelques semaines au Liban, le patriarche grec-orthodoxe Ignace IV Hazim est mort hier Un décès qui fragilise encore la voix des chrétiens syriens, et qui continue la recomposition du panorama orthodoxe actuel.

C'est à l'âge de 92 ans que le patriarche grec-orthodoxe d'Antioche et de tout l'Orient, Sa Béatitude Ignace IV Hazim, est mort des suites d'une attaque cérébrale. Réfugié pour raisons de santé à Beyrouth, dans le quartier chrétien d'Achrafieh, le vieil homme n'aura pas vu la fin du conflit fratricide qui déchire la Syrie, le pays où il est né et où il a été élu il y a 33 ans à la tête de l'Eglise orthodoxe d'Antioche, qui compte environ un million de fidèles.

- Sa disparition est une perte tragique pour les chrétiens syriens. Sur les 1.8 millions de fidèles chrétiens en Syrie, plus de la moitié sont grec-orthodoxes. Déjà affaibli et malade, le patriarche Ignace avait élevé la voix contre toute intervention militaire étrangère en Syrie: "Les conséquences nuisibles de toute intervention étrangère dans nos affaires toucheraient aussi bien les chrétiens que les musulmans. La crise sanglante qui secoue la Syrie n'éloignera pas les chrétiens des musulmans". Un vœu pieu d'un patriarche bien peu écouté dans le chaos ambiant.

- Sa disparition a également un impact dans la hiérarchie orthodoxe mondiale. Des quatre patriarcats les plus importants, ceux qui sont fondés sur des successions apostoliques directes, il y a d'abord celui de Constantinople, avec à sa tête Bartholomeos Ier, dont on ignore s'il pourra avoir un successeur, car à ce jour la Turquie maintient fermé le séminaire qui pourrait le former; le patriarcat copte d'Alexandrie, qui vient de voir Tawadros II accéder à la chaire de saint Marc, mais dont on ignore encore quel sera son rayonnement dans un pays sous le joug islamiste; vient ensuite celui d'Antioche, vacant depuis hier et dont on ne peut deviner comment ni quand une élection pourra se tenir sereinement; enfin, à Jérusalem, le patriarche Théophile III, coincé entre Israël et Palestine.

- Les cinq autres patriarcats sont dans l'ordre: celui de Moscou, avec Kirill Ier, le patriarcat serbe avec Irénée, le siège de Daniel de Roumanie, le siège vacant depuis un mois de Bulgarie et celui d'Elie II, catholicos de Géorgie. Autant dire que le rôle de facto de leader de la communauté orthodoxe mondiale échoit plus que jamais au cinquième patriarche, celui de Moscou, qui multiplie voyages et gestes en faveur des communautés orthodoxes moyen-orientales. SUITE "LA VIE"

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 6 Décembre 2012 à 11:08 | 7 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Irénée le 06/12/2012 11:55
Je ne suis pas personnellement convaincu de l'intérêt de reprendre ici des articles de périodiques comme la Vie, la Croix ou autres...Les analyses sont peu intéressantes, et le plus souvent il y a de grosses erreurs ou imprécisions !
Ici par exemple, nous apprenons que Tawadross est dans la liste des patriarches orthodoxes à la place de Théodore.

Et d'où sortent ces interrogations ou déclarations selon lesquelles SS Bartholomée n'aurait peut-être pas de successeur,
Pourquoi n'y aurait-il pas des élections sereines et rapides pour la succession de SB Ignace ? Que signifie "coincé entre Israel et la Palestine" pour SB Théophile ?
Quand à l'affirmation selon laquelle SB Cyrille deviendrait de facto le véritable leader du l'Eglise, elle n'engage que son auteur !
Ce genre d'article reflète bien la méconnaissance de l'orthodoxie des médias, mais ne devrait pas être relayé par un site sérieux comme "parlons d'orthodoxie".

2.Posté par Irénée le 06/12/2012 14:21
J'ajouterais que cette approche qui ne garde que les Patriarcats a bien peu d'intérêt...si on exclut l'Eglise de Grèce, celle de Chypre, d'Albanie ou de Finlande, et si on ne tient pas compte des orthodoxes vivant en dehors des frontières historiques des Eglises d'origine, on produite une drôle d'analyse !

3.Posté par nikolas le 06/12/2012 14:37
Entièrement d'accord avec Irénée !

4.Posté par Vladimir le 08/12/2012 13:00
Michel Eddé : Les grecs-orthodoxes et le Liban en deuil d’un homme qui a marqué les Églises d’Orient et d’Occident

Toutes les communautés libanaises se sont senties concernées par la disparition du patriarche Hazim.

Les salons de l’église Saint-Nicolas n’ont pas désempli hier, dans un hommage unanime et ému au patriarche Hazim.

Toutes les communautés libanaises en conviennent. La disparition du patriarche d’Antioche des grecs-orthodoxes, Ignace IV Hazim, laisse un grand vide difficile à combler. Les condoléances ont continué hier à être reçues, après le décès de l’un des chefs d’Église les plus marquants de la deuxième moitié du XXe siècle et les salons de l’église Saint-Nicolas, qui fêtait hier son saint patron, n’ont pas désempli de la journée.

Le rôle joué par le patriarche Hazim ne s’est pas limité aux affaires religieuses. L’homme a laissé sa marque aussi sur l’histoire profane de la région, à une époque de grands bouleversements. C’est ce double rôle religieux et national que le président de la Fondation maronite dans le monde, Michel Eddé – retenu chez lui pour raisons de santé – a souligné dans un message de condoléances adressé à l’Église grecque-orthodoxe et à la famille du grand disparu.

L’homme était d’une stature qui dépassait de loin son pays ou son Église. Il a laissé son empreinte sur l’Église d’Orient et d’Occident, a souligné en substance M. Eddé, qui a rappelé que le patriarche Hazim laisse un legs religieux et académique imposant. C’était un homme de savoir et de vaste culture, de prises de position et d’initiative, un modèle de conduite, un homme qui a su hisser haut la bannière d’un christianisme pionnier du développement des sociétés, a affirmé M. Eddé dans son message.

Panache
Du reste, beaucoup se souviennent du panache avec lequel, dans un témoignage à la vérité froissant pour l’amour-propre des musulmans du monde arabe, il avait affirmé que ces derniers étaient « les hôtes des chrétiens, dans le Machrek ».
Parmi les personnalités qui ont présenté hier leurs condoléances figurent de très nombreux ministres et députés, des chefs religieux, des membres du corps diplomatique, des délégations politiques et partisanes, des responsables militaires, comme le commandant de l’armée, le général Jean Kahwagi.
« Un homme de modération par excellence, voilà celui que le Liban pleure aujourd’hui », a affirmé dans une déclaration Walid Joumblatt, se faisant ainsi l’écho de l’immense majorité des Libanais. « C’était un pilier de modération et de dialogue », a ajouté le chef du PSP, un homme qui a toujours su faire entendre la voix de la raison dans un monde livré à ses instincts.
C’est aussi l’hommage que lui rend le ministre de l’Éducation, Hassan Diab, qui a parlé du patriarche comme d’un « rassembleur » resté comme tel aux pires heures de la guerre.
Pour Hussein Husseini, l’un des artisans de l’accord d’entente nationale de Taëf, devenu Constitution, le patriarche Hazim était l’un des piliers du processus d’entente qui a conduit au silence des canons.

La rencontre orthodoxe
Pour la rencontre orthodoxe, le patriarche Hazim est « un homme d’ouverture qui a toujours su faire de la place à l’autre et à ses opinions dans sa vie ».
« C’était une des grandes personnalités de notre Machrek. Il a su préserver la spécificité de l’Église et son unicité, s’efforçant sur le plan politique et national d’accueillir les autres, sur la base des principes du dialogue entre les chrétiens et les musulmans. Il a donc posé des règles de dialogue souples et fermes à la fois, respectueuses de la spécificité orthodoxe. L’Université de Balamand, qui lui doit son existence et son rayonnement, s’attire aujourd’hui une vaste population d’étudiants du Liban et du monde arabe, musulmans et chrétiens. »

Le mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, lui, a préféré se souvenir du sourire aussi large qu’entendu qui éclairait le visage du patriarche Hazim, chaque fois que, relancé par des journalistes en quête de scoop, il évitait leur piège et leur assénait une réponse pleine de nuance et de modération.
Par ailleurs, beaucoup de personnalités, empêchées de se rendre sur place, ont adressé des télégrammes et messages de condoléances. Citons entre autres le président de la Chambre Nabih Berry et le chef des Forces libanaises Samir Geagea, ainsi que les patriarches maronite, grec-catholique et arménien-catholique.

Les obsèques du patriarche Hazim seront organisées dimanche, décrété jour de deuil national au Liban.

5.Posté par Vladimir le 10/12/2012 19:44
Je trouve personnellement ces commentaires des journaux catholiques très intéressants: ils donnent souvent des informations originales, un point de vue différent et montrent que nous ne sommes pas seuls à mariner dans notre bocal orthodoxe: le monde nous regarde et, même si cette vision est parfois faussée, ce point de vue nous aide à mieux nous voir tels que nous sommes et non tels que nous voudrions être.

L'article de Natalia Trouiller (1) soulève ainsi des questions intéressantes:

- Les Eglises qu'elle cite représentent plus de 90% de l'Orthodoxie. Il manque la Grèce, comme le remarque justement Irénée (c'est l'une des Eglises moyennes (2) actuellement empêtrée dans ses relations avec l'état et la crise), et la confusion entre le pape copte d'Alexandrie Tawadross II et le pape grec-orthodoxe d'Alexandrie Théodore II montre que la journaliste maitrise mal la distinction entre Chalcédoniens et pré-Chalcédoniens; le fait que les deux primats portent le même titre et le même prénom et ont été élus récemment, comme cela a été souligné sur un autre fil, peut expliquer cette confusion mais ne l'excuse pas ... Par contre il faut aussi reconnaitre que, si le pape copte représente prés de 8 millions de fidèles (10% des égyptiens (3)), les grec-orthodoxes de Théodore II ne sont que quelques centaines de mille (350 000 diaspora comprise, pour Mgr Kalistos. Ibid. 2) et, si les problèmes face au pouvoir islamiste qui se met en place leur sont communs, ce sont les coptes qui sont victimes d'exactions.

- L'effacement du Moyen Orient orthodoxe (Grèce inclue) est un phénomène historique: certains activistes russes ont prétendu que leur pays prendrait la tête de l'Orthodoxie dès la chute de Byzance (théorie de la 3ème Rome (4)), mais les empereurs ne purent ou ne voulurent aller jusqu'au bout. De fait, tout le reste de l'orthodoxie était réuni sous l'autorité du patriarche de Constantinople dans le système de l'ethnarchie de l'empire ottoman (5). Au XIXe siècle la Russie pris les orthodoxes sous sa protection dès que les nationalismes commencèrent à fissurer l'empire turc, mais ses efforts furent brutalement bloqués par la défaite de Crimée et le patriarcat de Constantinople continua à jouer un rôle prépondérant, faisant par exemple condamner pour phylétisme l'Eglise de Bulgarie, protégée de la Russie, au synode local de Constantinople (1872) auquel ne prirent part que les Eglises dites « grecques » (6). Constantinople perdit son pouvoir lorsque l'empire ottoman s'effondra en 1922 mais non son influence car, l'Eglise russe étant décimée par le bolchevisme, aucune autre Eglise ne pouvait prétendre au leadership.

Les cartes semblent bien "rebattues" depuis la résurrection de l'Eglise russe qui prend à l'évidence de plus en plus d'importance à tous les niveaux. Le patriarche Ignace IV était l'un des leaders des "Eglises grecques", avec l'une des Eglises les plus influentes du Moyen Orient (la moitié des Chrétiens de Syrie et une puissante diaspora, en particulier en Amériques) et l'élection de son remplaçant dans un pays déchiré par la guerre civile et menacé par la prise de pouvoir de groupes islamistes est à l'évidence problématique.

- Natalia Trouiller pose aussi avec pertinence la question de la succession de Bartholomé1, qui ne devrait pas se poser dans l'immédiat puisque le patriarche œcuménique n'a guerre plus de 70 ans. Mais la Turquie a clairement durci ses exigences puisque pour participer au synode les évêques doivent être de nationalité turque et exercer en Turquie… Cela élimine la candidature des évêques de la diaspora, les plus nombreux et qui avaient fourni, entre autres, le patriarche Athënagoras de bienheureuse mémoire, citoyen américain…


(1) Journaliste et animatrice radio de Lyon, Natalia Trouiller écrit surtout sur des thèmes catholiques
(2) Je classe comme "moyennes" les Eglises représentant entre 5 et 10 millions d'Orthodoxes: Grèce, Bulgarie, Serbie, Géorgie, Constantinople avec sa diaspora; l'Eglise de Roumanie est clairement plus grandes (plus de 20 millions), sans parler de l'Eglise russe (100-150 millions). Toutes les autres représentent moins de 1 million, (cf. Mgr Kallistos Ware, évêque de Diokleia, "L'Orthodoxie. L'Eglise des sept Conciles", Cerf Paris 2002, p.13). La diaspora se rattache généralement aux Eglises locales, sauf l'OCA qui est l'une des "petites" Eglise (115 000 membres en 2004 d'après http://www.helleniccomserve.com/OrthodoxStatistics.pdf)
(3) Cf. https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/eg.html
(4) Cf. http://www.universalis.fr/encyclopedie/troisieme-rome/
(5) Cf. http://www.orthodoxa.org/FR/patriarcat/documents/constantinople.htm
(6) Cf. http://european.memory.free.fr/Textes/roumanie.html

6.Posté par Irénée le 12/12/2012 10:14
Merci à Vladimir pour ce long commentaire.
Je ne conteste pas l'intérêt que peut avoir un regard extérieur sur la vie et l'évolution du monde orthodoxe. Mais je m'interrogeais plutôt sur le fait que cet article soit posté ici, tout en critiquant la qualité de l'analyse et en contestant les suppositions faites par l'auteur.
Concernant directement la situation du Patriarcat d'Antioche, on voit qu'il y a déjà un "Locum Tenens", Mgr Saba, on lit aussi que l'élection du successeur de SB Ignace est programmée, et on sait que l'Eglise d'Antioche ne manque pas d'excellents évêques...alors pourquoi ces propos défaitistes et alarmistes ?
La même réponse vaut pour Constantinople, où va être construite une nouvelle église pour les orthodoxes arabophones, preuve d'une situation pas si catastrophique...
Le père Alexandre a parlé ici du dynamisme de l'Eglise de Jérusalem, pourquoi utiliser ce terme "coincé entre" ?
Je ne partage pas votre approche sur ces questions Vladimir. La vitalité d'une Eglise ne se mesure pas avec des chiffres, des statistiques et une occupation de la scène médiatique.
Et les catégories du monde (ou de la politique) ne s'appliquent pas au Corps du Christ !
On ne va pas ressortir indéfiniment, surtout ici en France les catégories grecques, slaves et autres qui ne sont que des accidents d'une histoire infiniment plus riche et porteuse de Vie !
Essayons d'avoir des regards de croyants, confiants en la présence de l'Esprit dans la vie des Eglises.

7.Posté par Irénée le 17/12/2012 13:49
L'Eglise d'Antioche a un nouveau patriarche :
http://www.orthodoxie.com/actualites/mgr-jean-yazigi-a-ete-elu-patriarche-dantioche-2/
Ce qui contredit une fois de plus ceux et celles qui voient tout d'une manière pessimiste et sombre !
AXIOS !

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