Le Dniepr des Cosaques
Le Dniepr, troisième fleuve d’Europe, traverse l’Ukraine avant de se jeter dans la mer Noire. L’histoire des Cosaques se déroula sur les berges du fleuve comme le raconte le magazine Ulysse.

Kiev, quartier du Podol, sur les berges du Dniepr.


La grande gare maritime affiche une allure décrépite. Depuis la fin de l'URSS, les liaisons maritimes vers Odessa sont devenues aléatoires. Nous optons pour la voiture. "En suivant le Dniepr, vous allez entrer dans la grande histoire des Cosaques Zaporogues", nous prévient Nikolaï, notre guide ukrainien. Dans les boutiques, des centaines de figurines, pantalons bouffants, longues moustaches effilées et crânes rasés.

Le grand "Parc du Cosaque Mamay", en périphérie de la ville. Au milieu des années 1990, un richissime Ukrainien a décidé de reconstituer ici des masures aux toits de chaume, une église en bois et les croix des 38 curies cosaques d'Ukraine. Artisans et historiens ont été mobilisés. Chaque poterie, mobilier et jusqu'aux icônes de la chapelle orthodoxe "Sainte Marie" ont été réalisés dans le plus strict respect de la culture cosaque.
Le propriétaire, Konstantin Olinik, un ancien parachutiste de l'armée ukrainienne, le crâne garni d'une unique natte tressée, défend son projet : "Vous trouverez en Ukraine beaucoup de personnes qui se disent "Cosaques" ou descendants d'Hetmans [leurs chefs]. La plupart sont des usurpateurs. La véritable tradition cosaque, c'est celle du légendaire chevalier Mamay, un homme courageux et croyant dont la sagesse est à l'image de ce lieu".

Cap sur Kaniv et Cherkassy, deux modestes bourgades situées à cent cinquante kilomètres au sud de Kiev. Nous traversons des plaines fertiles, riches de cette terre noire de la vallée du Dniepr qui a longtemps permis à l'Ukraine d'être le "grenier à blé" de l'Europe. Au sud de Cherkassy, le Dniepr s'élargit jusqu'à former une véritable mer intérieure. Des eaux réputées poissonneuses, exploitées par d’anciennes « Sociétés de pêche » aujourd’hui privatisées. Nous sommes encore trop au nord pour trouver ici les traces du peuple Cosaque. Il faudra encore parcourir 70 km vers le sud pour découvrir, surplombant le Dniepr, l'énorme statue métallique de Bohdan Khmelnitsky. En 1648, cet Hetman légendaire prit la tête d'une insurrection contre les Polonais. Kiev fut libérée et le premier grand Etat cosaque d'Ukraine vit le jour. Mais en 1663, la Pologne et la Russie se partagent en deux l'actuel territoire de l'Ukraine. La frontière est tracée sur le Dniepr. Aujourd'hui encore, les régions situées à l'Est du fleuve portent les marques de cette partition. Colonisée pendant plus de trois siècles par des populations venues de la Grande Russie voisine, la rive gauche du fleuve est toujours imprégnée des cultures russe et soviétique.

Zaporoje, deux cents kilomètres plus au sud. Gonflé par les barrages successifs qui entravent son cours, le Dniepr entame sa grande courbe vers l'Ouest. Ambiance soviétique, toujours. À l'entrée de la ville, le gigantesque barrage de Dnieproges (760 mètres de long), édifié à la fin des années 1920, alimente encore la plus grande centrale hydroélectrique d'Ukraine. Sur la rive gauche, un Lénine colossal pointe le fleuve du doigt. C'est ici, en aval des rapides qui, autrefois, chahutaient le Dniepr, que les Cosaques d'Ukraine se sont installés, dès le XVème siècle, sous le nom de Cosaques "Zaporogues" ("za porojy" signifie "au-delà des rapides"). L'ancienne ville russe d'"Alexandrovsk" fut donc rebaptisée "Zaporoje" par les nationalistes ukrainiens, un an avant que l'Ukraine ne devienne une république de l'URSS (1922).

Depuis l'Indépendance, l’île de Khortitsa, en aval du barrage, défend les couleurs du folklore cosaque : spectacles équestres, statues, centres d'entraînements aux arts martiaux… Surtout, l'île abrite un Musée qui célèbre l'histoire des « Zaporogues ». Tableaux, costumes, armes et portraits des grands Hetmans saturent les murs. "Ce sont eux les véritables ancêtres du peuple ukrainien, nous assure la conférencière. En luttant pour leur indépendance, ils ont préservé notre langue et forgé notre identité". En aval de l’île, le fleuve s'élargit de nouveau. Nikopol, Kherson… À l’approche de l’embouchure du fleuve, la faune change peu à peu. Des centaines de mouettes piaillent à présent dans un ciel lavé par l’air marin. Aux portes d’Odessa, le Dniepr se dilue sagement dans la Mer noire.

Répères

Soucieux de préserver leur autonomie, les Cosaques "zaporogues" se sont vite organisés en communautés guerrières (les Sitch), placées sous l'autorité charismatique d'un chef (l'Hetman). Confrontés aux armées tatare, turque, lituanienne, russe et polonaise, les Cosaques Zaporogues ont développé un art de l'alliance politique et militaire, servant de troupes de "mercenaires" pour l'une ou l'autre de ces puissances.

Les Zaporogues demandent le soutien de la Russie, avant de la trahir au profit des Suédois lors de la bataille perdue de Poltava (1709). Ce fragile équilibre prit fin au XVIIIème siècle lorsque Catherine II étend son hégémonie sur toute la partie orientale de l'Ukraine. En une décennie (1765-1775), les Sitchs zaporogues sont détruites et les Cosaques contraints à l'exil ou recrutés par l’armée russe.

UKRAINЕ
2009

Rédigé par l'équipe de rédaction le 24 Juillet 2016 à 08:35 | Permalien



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