Plusieurs lecteurs nous demandent où en est le dialogue officiel entre les orthodoxes et les catholiques en France. Il y existe un Comité mixte catholique-orthodoxe. En réalité les informations sont difficiles à obtenir ! Il est presque impossible de savoir qui fait partie de ce comité et de quoi on y parle en ce moment. Pourtant il semblerait que ce soit le seul Comité de ce genre en Europe. Et on se plaint après que l’œcuménisme soit devenu une affaire de spécialistes…

Une chose est sûre : ce Comité est sous la haute main du patriarcat de Constantinople. Son coprésident orthodoxe est imposé à vie par ce même patriarcat , semble-t-il sans aucune consultation des membres de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. Ce coprésident de Constantinople en nomme seul les membres orthodoxes (qui sont évidemment presque tous du patriarcat de Constantinople), nomme le secrétaire (devinez de quel patriarcat…). Lorsque l’on connaît les différences d’ecclésiologie (surtout en ce qui concerne la question des « diasporas » ou la question de la primauté) entre Constantinople et les autres Églises orthodoxes (les Russes, Roumains et Serbes contestant de plus en plus ouvertement les positions de Constantinople), cela laisse songeur…

C’est dommage, car le dialogue théologique est important. Ici encore, l'instrumentalisation du dialogue au profit d'une seule juridiction nuit à son efficacité et à sa justesse.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 1 Mai 2009 à 18:14 | 13 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par père Andrey le 01/05/2009 18:35
Enfin, quelqu'un a eu le courage de nous mettre au courant (ne serait-ce que superficiellement) de ce qui se passe dans ce domaine très opaque et de faire ressortir au grand jour l'exclusivisme de 'Constantinople'. Cela va sûrement finir par tuer ce comité. C'est dommage, mais là où il n'y a pas de conciliarité, il n'y a aucun avenir !

2.Posté par A. Ivastchenko le 01/05/2009 19:00
En fait ce comité français ressemble à la commission internationale : un piédestal pour Constantinople et sa nouvelle doctrine universaliste internationale (cf. la dernière recension de J.C. Larchet sur orthodoxie.com à propos du livre de Mgr Hilarion Alfeyev). Les pauvres catholiques se font vraiment avoir. A moins que cela ne les arrange finalement. Ces commissions sont plus politiques que théologiques.

3.Posté par Gabriel Samarine, Vienne le 01/05/2009 19:25
Déséquilibre, ou plutôt monopole, non seulement dans le dialogue théologique mais dans bien d'autres domaines.
Constantinople exerce sa mainmise au sein de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France: il a au sein de cette structure de pure coordination imposé, arguant de sa primauté d'honneur, une présidence permanente de ses prélats à Paris, ceci pour ainsi dire ad vitam aeternam!
La notion de démocratie en Église est toute relative. Mais en ce qui concerne l'AEOF celle de diktat instauré par le Phanar est patente.
Déséquilibre en ce qui concerne l'accès aux médias publics: sur FR2 l'émission 'Orthodoxie' est tenue par l'exarchat 'russe' Constantinople, l'Église Orthodoxe Russe est pratiquement, ceci depuis toujours, bannie des écrans.
Les mâtines de Pâques sont reprises par France Culture de la cathédrale Saint Alexandre de la Néva, et ceci depuis toujours.
Aucune autre paroisse orthodoxe, géorgienne, serbe, roumaine, etc. si belle fut-elle et si merveilleuse que soit sa chorale, n'a eu droit aux micros de France-Culture.
L'énumération de ces iniquités - n'ayons pas peur de mot - prendrait encore deux écrans.
J'ai le sentiment que l'heure de la clarification n'est pas lointaine.
Encore un exemple de non respect du droit canonique: l'Église Orthodoxe Russe Hors Frontières s'est en 2007, enfin et grâce à la chute des bolchéviks, réunie avec l'Église Russe patriarcat de Moscou.
Le diocèse de Genève de l'EORHF ayant plusieurs paroisses en France son évêque, Mgr Michel devrait, d'office, être membre de l'AOEF. Véto absolu de la présidence Constantinople!

4.Posté par A. Ivastchenko le 01/05/2009 20:08
Merci, Gabriel, pour votre témoignage. Il est clair que certains préféreraient que les Églises des pays de l'Est restent des "Églises du silence". Après 1990, ceux qui se croyaient en Occident les phares de l'orthodoxie mondiale se sont retrouvés complètement débordés par la renaissance des Églises russe, roumaine ou serbe. Or il est évident que l'avenir est dans le dialogue avec ces Églises, et non pas dans les querelles picrocholines de certains orthodoxes occidentaux. Le patriarcat de Constantinople a profité de la Guerre froide pour s'imposer ici dans les instances de représentation ou de dialogue, mais il devient de plus en clair que ce monopole est complément artificiel... Il commence d'ailleurs à se fissurer de partout. L'Église ne peut se construire que sur la vérité.

5.Posté par O. Monsaingeon le 01/05/2009 20:41
Dans ces conditions il est peut-être nécessaire de créer une Commission de dialogue catholique-orthodoxe non ésotérique.

6.Posté par vladimir le 01/05/2009 21:42
Il me semble que, pour mieux comprendre la situation, il faut la replacer dans son contexte historique: de fait, l'Orthodoxie n'a pas encore pris la mesure des événement de 1988-91, la libération des Églises d'Europe de l'Est de la domination du pouvoir athée (mais n'est-ce pas normal – qu'est ce que 20 ans pour l'Église?). En effet, pendent les 80 ans qui ont précédé, Constantinople a été le seul recours de ceux qui refusaient de se soumettre, Maintenant c'est fini … mais comme toutes ces structures se sont alors mises en place alors, il n'est pas étonnant qu'elles soient toujours là.

Nous avons mis en ligne un large extrait de la recension de JC. Larcher dont parle A. Ivastchenko: elle fait bien le point des questions dogmatiques que soulèvent las positions de Constantinople, d'un coté, et aussi celle de Moscou, de l'autre. Les autres Églises semblent très partagées: dans son récent document officiel cité par JC. Larcher le patriarche Alexis II, de bienheureuse mémoire, écrivait au patriarche de Constantinople que 'ni la Très Sainte Église Orthodoxe de Roumanie ni la Très Sainte Église Orthodoxe de Pologne ne partagent la vision des problèmes de la diaspora orthodoxe exposée par Votre Sainteté : c'est ce qui ressort des rapports de ces Églises aux réunions de la commission préparatoire pour le Saint et Grand Concile en 1990 '.

Une autre pierre de touche est constituée par la reconnaissance de l'autocéphalie de l'Église orthodoxe en Amérique, que nous avions aussi abordée dans une note précédente: dans une très intéressante interview (http://www.blagovest-info.ru/index.php?ss=2&s=5&id=27146) Mgr Jonas, le primat de cette Église, donne les précisons suivantes (je résume): 'c'est Constantinople qui reste le principal adversaire de notre autocéphalie et les Église qui sont dans sa sphère d'influence ne nous reconnaissent pas: Alexandrie, Jérusalem, Grèce, Chypre; notre statut est totalement reconnu par les Églises russe, bulgare, polonaise et tchèque /je rajoute aussi Géorgienne, VG/ et nous avons d'excellentes relations, mais sans reconnaissance officielles, avec les Églises d'Antioche et de Serbie'. Le clivage serait donc (analyse personnelle d'après les informations disponibles):
- Autour de Constantinople: Alexandrie, Jérusalem, Grèce, Chypre et probablement Albanie;
- Plutôt avec Moscou: Bulgarie, Pologne, Tchéco-Slovaquie, Géorgie, Roumanie, Serbie et Antioche, ainsi que l'Église orthodoxe en Amérique dont la reconnaissance pose problème.

Nous avons vu que l'approche des réunions panorthodoxes de cet été donne lieu à des échanges de plus en plus vifs, ce qui montre bien l'acuité de ce débat. Je ne pense pas malsain qu'un tel débat ait lieu, car le monde a changé en 1000 ans et il est normal que notre ecclésiologie évolue aussi. Mais il ne faudrait pas que ce débat sortes du cadre fraternel où il doit avoir lieu et dégénère en oppositions fratricides. Je pense que la seule solution et que nous unissions nos prières pour que le Saint esprit éclaire nos évêques avant et pendant le futur Grand et Saint Concile, comme Mgr Cyrille l'avait demandé avant le dernier Concile local.
Amen.

7.Posté par B.Volkoff le 01/05/2009 23:03
Gabriel, merci pour cette synthèse.
Faut-il rappeler que le patriarcat de Constantinople était ce qu'il était par son étendue territoriale et son prestige à l'époque de Kemal Ata-Türk? Qu'il a mis a profit le putsch communiste d'octobre 1917 en Russie et le chaos qui s'en est suivi? Centaines de milliers d'orthodoxes en déshérence ecclésiale de par le monde, Église martyre dans le pays. Il fallait un asile: Constantinople s'est empressé de l'accorder. Le métropolite Euloge a souhaité de tout son cœur réintégrer l'Église mère, il anticipait de près d'un demi siècle la faisabilité de ce souhait...
Faut-il rappeler que Constantinople a fait la part belle aux 'rénovationnistes' engendrés et nourris par les bolchéviks, schismatiques de l'Église russe avec 'le patriarche Vedernikov' à leur tête? D'ailleurs 'la liberté dont se targuent les théoriciens de l''exarchat Daru est pour beaucoup une extension du rénovationnisme mort né des années vingt et trente en ex-URSS.
Mais la chute providentielle du régime athée en 1991 remet les pendules à l'heure, les choses à leur juste échelle: Constantinople devrait se limiter à une mission pastorale auprès des Grecs et des Arméniens résidant en République Turque.
Ils sont peu nombreux. La notion de 'primauté' est rétrécissable!

8.Posté par Père Nicolas Lossky le 04/05/2009 16:09
Chers amis,

Permettez-moi de vous informer que je fais partie de cette Commission de Dialogue catholique orthodoxe depuis qu'elle existe et cela fait de nombreuses années. Il y a aussi un membre de l'Église de Roumanie. Le co-président orthodoxe a toujours été le président du Comité Interépiscopal, maintenant
Assemblée des Évêques Orthodoxes de France. Avec mes meilleurs sentiments en Christ ressuscité,

p. Nicolas Lossky (du Patriarcat de Moscou, comme vous le savez bien)

9.Posté par A. Ivastchenko le 04/05/2009 18:32
En réaction au message du père Nicolas Lossky:
Heureusement que vous êtes dans cette commission, père Nicolas, mais il faut reconnaître que cette habitude de confondre le poste de président de l'Assemblée des évêques de France avec celui de co-président orthodoxe du Comité mixte catholique-orthodoxe est néfaste.

D'ailleurs, les catholiques ne font pas cela. Il me semble que le co-président catholique du Comité n'a jamais été le président de la Conférence des évêques de France, mais un autre évêque. Actuellement, si je ne me trompe, Mgr Guy Thomazeau, archevêque de Montpellier. C'est plus sain de distinguer les deux fonctions. Sinon, on arrive à des situations aberrantes, comme la nôtre actuellement, où le même métropolite grec, du reste un des plus jeunes et pas forcément le plus compétent parmi les évêques orthodoxes de France, 'représente' les orthodoxes partout (AEOF, Conseil d'Eglises chrétiennes, Comité mixte catholique orthodoxe etc.). L'orthodoxie doit être plus conciliaire: il faut donner la possibilité aux autres évêques orthodoxes d'enrichir les dialogues par leur expérience et leur participation.

10.Posté par l'équipe de rédaction le 04/05/2009 18:45
Le père Nicolas Lossky (ainsi que l'autre prêtre roumain) est l'exception 'non constantinopolitaine' dans ce Comité qui confirme la règle... Notre source a donc été exacte. C'est malheureux: il aurait mieux fallu que nous nous soyons trompés.

Le père Nicolas confirme aussi le fait que nous regrettons et que nous considérons comme la source des difficultés: le co-président orthodoxe de cette institution n'est pas désigné par ses confrères (contrairement à la pratique du côté catholique), mais est ex officio le président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France (lui-même pas élu...)

11.Posté par vladimir le 04/05/2009 18:48
XB!
Père Nicolas, pourriez-vous nous en dire plus sur cette commission: composition, calendriers de réunions, publication de comptes-rendus, sujets abordés... Il est vrai, comme le dit la note, que son travail semble bien mystérieux...

Ceci dit, au risque de me répéter, nous vivons sur une lancée qui date de l'époque où toutes les Églises de l'Est étaient prisonnières et où nos organisations en Occident faisaient tout pour ne pas donner le pouvoir au geôliers; Constantinople était alors notre seul recours! Il faudrait maintenant tenir compte des nouvelles réalités, mais ce n'est pas en voulant tout casser qu'on pourra facilement reconstruire: je suis le P. Chaplin quand il déclare que l'Église (pas seulement russe) a besoin de grands changements, pas de réformes brutales ni de révolutions. 'Du passé faisons table rase' ne doit pas être notre devise!

12.Posté par J. F. de Gondi le 20/05/2009 11:48
La question soulevée ici mérite une grande attention. Le dialogue entre les catholiques et les orthodoxes en France doit être représentatif pour que les fidèles des deux Églises se sentent concernés. Le manque de renseignements chez les orthodoxes à ce sujet est révélateur des défaillances du côté de la représentation orthodoxe dans ce comité. Il y a une rupture manifeste entre le peuple orthodoxe et ceux qui sont censés le représenter dans ce dialogue.

13.Posté par Anna Rotnov le 20/05/2009 15:44
Votre vision des choses concernant nos problèmes d' orthodoxes est clairvoyante , cher Monsieur de Gondi . La rupture entre le peuple orthodoxe et ceux qui sont censés le représenter existe depuis plusieurs années et tous nos problèmes viennent de là . Il est sain de vous lire pendant que d' autres cherchent à me convaincre que la dictature et le pouvoir absolu sont normaux et ont tous les raisons d' être chez le clergé du patriarcat de Constantinople qui dérive à vue d'œil . Merci pour votre intervention .

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