Par le hiéromoine Syméon (Tomatchinsky), site Bogoslov.ru

Le film de John Michael McDonagh « Calvary » est sorti en 2014. Il a eu un très grand succès auprès des spectateurs russes . "Calvary" a obtenu au Festival de Berlin le prix du jury indépendant. Le scénario se fonde sur l’Evangile selon Saint Marc.

Jorge Borges a écrit un récit intitulé « L’Evangile selon Marc » dans lequel des indigènes crucifient un missionnaire après avoir écouté sa prédication. Le scénario de Calvary est en quelque sorte similaire.

Héros, personnages secondaires, intrigue, forme visuelle, interprétation : à bien des titres, Calvary s’avère original et réussi. Ses images soignées font la part belle aux paysages irlandais superbes et sauvages. Le pere James (excellent Brendan Gleeson) a épousé la vocation après la mort de sa femme. Sa fille Fiona a vécu ce choix comme un abandon. Elle vient passer quelques jours auprès de son père après avoir tenté de se suicider. Ils doivent parcourir un double chemin du pardon…

"Calvary" pourrait être classé film noir : un pénitent se présente dans le confessionnal du prêtre et lui dit avoir été dans son enfance victime d’abus sexuels infligés par un clerc depuis décédé.

Il ajoute que le père James devra répondre de ce crime et qu’il sera, dimanche prochain, assassiné à la plage. Les spectateurs cherchent, jusqu’au dénouement, à percer l’identité de ce paroissien. Pendant la semaine qui suit nous voyons le père James payer pour le péché qu’a commis cet autre prêtre.

Nous vivons avec lui chaque jour de la semaine fatale.

Il fait face à de terribles épreuves : son église est mise à feu, il retrouve égorgé son chien auquel il est tellement attaché. Sa fille unique lui avoue avoir tenté de se suicider. Il doit essuyer les torrents de hargne et de haine que déversent sur lui ses paroissiens. Le prêtre parle à ses ouailles un langage qui n’a rien de conventionnel ou de convenu alors que l’évêque du lieu, lui, parle comme un livre et le père James le lui fait sentir. Notre prêtre n’a rien d’un tartuffe ou de celui qui fait semblant de tout savoir: cela lui vaut des réactions brutales, voire des horions. Il y a de tout dans cette petite paroisse : cynisme éhonté, ou foi d’une ardeur plus forte que la mort. Devenue témoin de l’une des conversations avec son père, sa fille lui demande « Et c’est souvent que tu dois entendre ce genre de choses ? » Courageusement, le prêtre défend la morale et la foi dans une société profane, alors que les confrontations se multiplient et que le dimanche fatidique approche.

Après une longue période de sobriété le père James s’enivre en fin de semaine et intervient dans une rixe.

Il se fait tabasser à mort avec une batte de baseball. Cela ne fait que mieux montrer son humanité et sa faiblesse, précisément ce par quoi s’exprime la force de Dieu. Le père James est de ces pasteurs que seul le bien-être du prochain préoccupe. Il ne s’humilie pas face à ceux qui détiennent le pouvoir, ni en ayant affaire à des richards qui lui disent « Le monde s’écroulera le jour où l’Eglise cessera de s’intéresser à l’argent ». Le père James rétorque à ce donateur en puissance « Des gens comme vous salissent tout ce qu’ils ont à portée de main. Même les œuvres d’art ».

Notre prêtre est féru d’art et de lettres, quoi d’étonnant à ce que nous voyons James Joyce et Scott Fitzegerald parmi ceux qu’il prend spirituellement en charge. Les clins d’œil au Grand Gatsby et à l’Ulysse de Joyce abondent dans le film.

Rien de fortuit à ce que soit la foi ardente d’une paroissienne, de par ailleurs une femme fort cynique, qui sauve le héros du film. Cette femme perd son époux bien-aimé dans un accident de la route. Le père James a avec elle de longs entretiens. La veille du jour fatidique il se sent faiblir et s’apprête à prendre la fuite. Il veut prendre l’avion pour se mettre en sécurité s’étant au préalable vêtu en laïc. Une nouvelle rencontre avec cette veuve dont l’amour est plus fort que la mort l’incite à rester et à accepter son destin.

Il se présente à la plage le dimanche dit, jette à la mer le pistolet qu’il s’était procuré pour se défendre, s’en remet à Dieu.

Il est froidement abattu par celui qui était venu le menacer dans le confessionnal. Malgré les défaites en série qu’il doit subir le prêtre sort de l’épreuve en triomphateur, et ce triomphe n’est pas que métaphysique. C’est celui de l’apôtre de Dieu qui gagne le cœur des hommes.

Traduction "PO"

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 2 Décembre 2014 à 16:15 | 0 commentaire | Permalien



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