Le moins il y aura de staliniens  dans le pays, ce sera le mieux pour la santé spirituelle de la nation
De nombreux clercs orthodoxes estiment que Staline cessera très bientôt d’être « à la mode » en Russie. Des représentants du clergé ont ces dernières années multiplié des déclarations pour condamner la terreur stalinienne. Malgré cela une certaine « vogue » Staline est apparue dans l’opinion publique russe. Il est considéré comme « antipatriotique » de critiquer Staline et de s’étendre sur le sujet des répressions. Quelles sont les raisons de cette propension stalinienne ? Dans quelle mesure cette tendance représente un danger pour le Russie, réussirons nous à la dépasser ?

Le 22 août des prières ont été dites à Moscou, place de la Loubianka, auprès de la pierre commémorative qui y a été amenée de l’archipel des Solovki, premier camp de concentration soviétique. Il y a 90 ans le Comité exécutif des soviets d’Arkhangelsk a, le 26 mai 1920, approuvé la mise en place de ce camp de concentration (dénomination officielle).

Le site Regions.ru a questionné plusieurs prêtres à propos des sympathies staliniennes qui se sont fait jour dans la société.

L’archiprêtre Boris Danilenko, directeur de la bibliothèque du Saint Synode a répondu : « Il s’agit d’un phénomène très dangereux. Les gens ne veulent pas comprendre qu’une moitié de la population a été victime de la terreur, l’autre moitié était constituée de bourreaux. Nous continuons à vivre dans la fiction et le refus de la vérité historique. Les gens ont fait leur deuil des victimes qui ont péri dans les camps et n’y pensent plus. Il y a d’autres familles qui n’éprouvent aucun regret, aucun remord au souvenir de leurs parents et grands-parents ayant servi l’appareil de la terreur. Nous nous réunissons chaque année le dimanche de Pâques au « polygone » de Boutovo (dans la banlieue de Moscou) afin d’y prier pour les âmes des prêtres qui y ont été abattus. Si paradoxal que cela puisse paraître ce territoire relève aujourd’hui de la compétence du ministère de l’intérieur. Il m’arrive d’y éprouver un sentiment de très grande peur. J’y vois les visages de jeunes gens en uniforme de la milice, de leurs officiers qui se comportent avec une grande impudence, sans la moindre considération pour ce qui s’est produit à Boutovo. A de rares exceptions près ces jeunes gens s’ils recevaient l’ordre d’exécuter des prêtres le feraient sans hésiter, comme l’ont fait leurs aînés en 1937. Ils sont détachés de la réalité, ils n’éprouvent aucune douleur, ils ne veulent pas accepter l’histoire telle qu’elle est. La masse se comportera d’une manière aussi « loyale » que de par le passé. C’est un terme que j’ai choisi délibérément. Le stalinisme est un phénomène hors normes. Ce n’est que sur les chemins du repentir, des larmes, de la prise de conscience du mal qui est en nous et qui s’était emparé de nos aînés. Tout ce qui est arrivé à la Russie à la suite de 1917 est commensurable aux pêchés dont nous étions coupables ».

L’archiprêtre Dimitri Smirnov, recteur de l’église Saint Mitrophane de Voronej a dit : « Les fervents de Staline sont encore nombreux en Russie. Mais il y a jusqu’à présent en Allemagne, surtout parmi les jeunes, des adorateurs d’Hitler. Nombreux sont ceux qui ne veulent pas accepter la situation actuelle. Ils jouent sur le personnage de Staline afin d’attirer des sympathisants. Il serait bon d’embarquer ces personnes sur la machine à remonter le temps et de les expédier dans les îles Solovki de l’époque. Ils se seraient rapidement guéri de leur amour pour le tyran. Leur ferveur pour Staline relève de la foi religieuse, il sera par conséquent difficile de les en débarrasser. Il s’agit là d’un trouble du psychisme ».

L’archiprêtre Maxime Pervozvansky, rédacteur de la revue « Naslednik » estime que « l’époque stalinienne est aujourd’hui perçue comme celle où la corruption était la moins répandue dans toute l’histoire du pays. Les fonctionnaires de nos jours qui aspirent à l’enrichissement personnel incitent à rêver d’une administration publique plus efficace. La répression avait été massive mais non totale, il est facile de s’estimer heureux d’y avoir échappé. Les générations précédentes ont été formées dans une perception erronée de l’histoire. Jusqu’à présent nombreux sont ceux qui considèrent que la répression se faisait à une échelle locale et pour tout dire modeste. Si le pouvoir actuel ne fait pas preuve de plus de souci pour le bien-être des gens les conséquences risquent d’en être terribles. Le retour au stalinisme ne serait pas en l’occurrence la pire des choses. Nous avons affaire à une sorte d’esprit protestataire. L’administration Poutine bénéficie d’un tel soutien parce que l’Etat se préoccupe de la vie des gens. Mais il est devenu évident que les déclarations de cette administration n’ont pas été suivies d’effet et c’est alors que l’amour de Staline a resurgi. Si cela continue ainsi on peut s’attendre au pire. Mais la Russie ne survivrait pas à une nouvelle révolution ! »

Le père Serge Krouglov de la ville de Minoussinsk, Sibérie Orientale, a rappelé « qui étaient les prédécesseurs de la société russe d’aujourd’hui. A la suite de la révolution et de la terreur la noblesse, le clergé, les marchands ont été exterminés, ont péri dans les camps, ont fui le pays. La paysannerie a cessé d’exister en tant que couche sociale. Même « les vieux bolcheviks » ont été exécutés. Que dire de l’état spirituel et de la mentalité de notre peuple ? Nous sommes en pilotage à vue. « L’homme soviétique » ne peut exister sans un maître. « Nous suivons une voie qui nous est propre, nous avons besoin d’une main de fer », entend-on souvent dire. Souvenons-nous de l’Ancien Testament. Il faut que ceux qui dans le peuple d’Israël gardaient le souvenir de l’esclavage meurent pour que le peuple atteigne la terre promise. C’est pour cela que Moïse a fait errer les Juifs dans le désert pendant quarante ans. La tentation est grande de faire appel « à une main de fer ». Ceux qui se souviennent de Staline quittent ce monde. Il n’est pas difficile de robotiser les générations qui suivent. Espérons que l’Esprit sauvera notre société ».

"Rousskaia Linia"
Traduction pour "P.O." Larissa





Rédigé par l'équipe de rédaction le 26 Août 2010 à 13:39 | 6 commentaires | Permalien



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