Le patriarche de Moscou rétablit le rite du lavement des pieds le Jeudi Saint
Le Jeudi Saint, 16 avril, à la fin de la liturgie, le patriarche Cyrille de Moscou a lavé les pieds de douze prêtres. Ce magnifique rite du lavement des pieds, prévus dans l'office épiscopal du Jeudi Saint, n'avait pas été pratiqué à Moscou depuis plusieurs décennies.

Dans la tradition byzantine, le lavement des pieds est accompagné de la lecture de l'Évangile relatant ce geste du Christ. La lecture se fait par rôles: l'évêque (en occurrence, le patriarche) lit les paroles du Christ, tandis que le principal prêtre, celles de l'apôtre Pierre, et le diacre, le commentaire de l'évangéliste.

"Par le sacrement de l'Eucharistie, a dit le patriarche à la fin de l'office, et par la force du Saint-Esprit, nous devenons les participants non seulement de la Cène mystique, mais aussi de tout ce que le Christ a accompli".

"Lors de la Cène mystique, à genoux, le Christ a lavé les pieds de ses disciples, comme le faisaient des esclaves. Ainsi, il a montré à quel point chaque homme est précieux aux yeux de Dieu. C'est cette vision qui permet au chrétien d'être humble et d'accomplir honnêtement sa mission, quelle qu'elle soit. L'accomplissement de notre devoir et les honneurs que cela procure à certains ne doivent pas dissimuler la vérité immuable que nous sommes tous égaux devant Dieu".

Rédigé par l'équipe de rédaction le 16 Avril 2009 à 18:18 | 12 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Thierry Jolif le 17/04/2009 21:53
Admirable ! Que dire d'autre ? Voilà un rite extrêmement beau et important réintroduit dans une période charnière. Rappeler actuellement la profondeur de l'humilité chrétienne, c'est vraiment un très grand geste et un geste fort, face à ceux qui voient toujours l'humilité comme une faiblesse injustifiable !

2.Posté par Boris le 21/04/2009 09:43
Je suis catholique et je note qu'il règne la même méconnaissance du lavement des pieds chez les catholiques comme chez les orthodoxes.
Il faut relire attentivement le dialogue entre le Christ et St Pierre.
Voici un extrait dans la traduction de l'Abbé Crampon :
"Il vint donc à Simon-Pierre; et Pierre lui dit: "Quoi, vous Seigneur, vous me lavez les pieds!" Jésus lui répondit: "Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt." Pierre lui dit: "Non, jamais vous ne me laverez les pieds." Jésus lui répondit: "Si je ne te lave, tu n'auras point de part avec moi." Simon-Pierre lui dit: "Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête!" "

Saint Pierre dit au Christ qu'il refuse que le Christ s'humilie devant lui. Alors Notre Seigneur lui répond qu'il n'aura pas part avec Lui.
Là ce fait un déclic chez l'Apôtre : la tribu des Lévites, les prêtres Juifs, n'a pas part à l'héritage des Juifs. Sa part d'héritage, c'est le Seigneur.
St Pierre comprend alors l'allusion et donne comme réponse que si le Christ veut lui laver les pied, alors qu'il fasse comme pour l'ordination des Lévites qui commence justement par le lavement.

On voit ici, comme dans les Actes des Apôtres, que St Pierre a une grande connaissance des Ecritures.

Et voici l'explication du Christ :
"Comprenez-vous ce que je vous ai fait? Vous m'appelez le Maître et le Seigneur: et vous dites bien, car je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. Car je vous ai donné l'exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes.
En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé."

Il encourage donc les Apôtres à répéter eux-même ce geste de l'ordination : nous sommes bien la fondation d'un nouveau culte pour une nouvelle alliance.
Le Christ livre ici de grande vérité : "Si donc moi, le Seigneur" : il est réellement Dieu (d'où le terme Seigneur qui est réservé à Dieu). Et puis le rôle de l'Evêque et de tous les ministres ordonnés : ils sont au service (d'où le terme actuel de ministre qui vient du mot latin pour parler de serviteur). Au service des hommes et au service de Dieu.

Voilà toute la richesse de ce passage. Il me parait très bon que ce rite soit remis en honneur dans les différentes Eglises. C'est un rappel du caractère divin de l'Ordre comme sacrement donné par le Seigneur et du lien de celui-ci avec l'Eucharistie.

C'est aussi pour cela que le Patriarche a lavé les pieds de prêtres et non de laïcs et que le Pape à Rome lave les pieds de séminaristes : c'est parce que le fondement de ce geste est celui de l'Ordination.

3.Posté par Thierry Jolif le 21/04/2009 22:20
Merci Boris pour se rappel, mais je ne vois pas ce qu'il a d'exclusif par rapport à l'explication tout aussi juste, et qui n'exclut, rien, du Patriarche Cyrille ?

4.Posté par vladimir le 21/04/2009 23:51
Merci Boris. Cela va évidement plus loin que ce que nous avions l'habitude d'entendre: je ne connaissais pas la part des Lévites et leur ordination! En fait, tous les chrétiens deviennent un ordre de prêtres et concélèbrent l'Eucharistie, comme l'explique le père Alexandre Schmemann, et j'imagine que le patriarche Cyrille a voulu le rappeler, mais sans se lancer dans une trop longue explication, qui n'aurait pas été comprise du plus grand nombre; il l'a donc fait en termes très simples, comme il faisait ses homélies du samedi à la TV, mais vous m'avez ouvert les oreilles pour que j'entende tout le message...

5.Posté par Boris le 22/04/2009 09:30
@ Thierry :

je ne comprends votre histoire d'exclusion.
Je n'ai bien évidemment pas voulu mettre en cause les connaissances du Patriarche.
Mais je me suis rendu compte que les prêtres catholiques ne connaissent pas ce lien entre le lavement des pieds et l'ordination des Apôtres.

@ Vladimir :
nous sommes par le Baptême "Prêtre Prophète et Roi". Mais seuls certains sont ordonnés, pas tous. De même que seuls les Apôtres sont présent le soir de la Sainte Cène.
De même que St Paul nous dit dans les épîtres à Timothé que celui-ci a reçu l'imposition des mains pour devenir Evêque (ou épiscope, c'est à dire gardien qui est le mot utilisé dans les traduction française).
Lors d'une rencontre avec mon Evêque du temps où j'étais étudiant, celui-ci nous avait dit que sa charge faisait de lui le premier serviteur.
C'est un des titres du Pape de Rome : "serviteur des serviteurs".

Enfin, de toute manière, le mot du Patriarche se passe de commentaire : que dire de plus que ce qu'il a dit ?

Je n'ai voulu que donner sur ce site un autre éclairage sur ce geste puisque le Patriarche a voulu le remettre à l'honneur.
En tant que catholique, je conclurai en disant : Deo Gratias ! Te Deum laudamus ...

6.Posté par Marie Genko le 22/04/2009 18:43
Nous sommes tous égaux devant le Seigneur!
Simplement les responsabilités que nous portons sont plus lourdes selon notre position dans l'Église. Voilà pourquoi nous les fidèles, sans exiger la sainteté chez nos prélats, sommes en droit d'attendre qu'ils se conduisent en véritables disciples du Christ!
Ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête?
Alors veillons jalousement à la pureté et à l'honnêteté de ceux qui sont nos pasteurs!

7.Posté par Vladmir Golovanow le 18/05/2009 22:06
@Boris: je me demande s'il n'y a pas là encore une spécificité orthodoxe: Mgr Ware écrit: "Il y a un ministère ordonné, fait d'évêques, de prêtres et de diacres, mais en même temps, tout le peuple de Dieu est fait de prophètes et de prêtres" (1) et le p. Alexandre Schmemann insiste dans la plupart de ses ouvrages sur le rôle des laïcs dans la "concélébration" de l'Eucharistie (2). C'est à cela que je faisais allusion car je pense que c'est une composante essentielle de cette conciliarité, si importante pour l'Orthodoxie, et tout ce qui peut la mettre en valeur, comme cette magnifique cérémonie que Sa Sainteté Cyrille I remet en vigueur, prend dans ce contexte un relief tout particulier.

Notes

1. Mgr Ware in "L'Orthodoxie, l'Église des sept conciles". P. 322
2. En particulier dans "L'Eucharistie, Sacrément du royaume"

8.Posté par Boris le 19/05/2009 07:06
Pour les catholiques, il y a aussi cette notion de "concélébration" par les laïcs et la distinction entre ministère (ou plutôt sacerdoce) commun et ministère/sacerdoce ordonné.

Et justement : le lavement des pieds s'adresse au ministère ordonné.

Les sacrements ne sont pas célébrés pour eux-mêmes : mais pour louer Dieu et pour l'utilité pour son Peuple. Là est le rôle Liturgique des Laïcs : être présent pour les sacrements, pour les recevoir et non pas pour les administrer. L'administration est le rôle des ministres ordonnés, car ils sont configurés au Christ.

Cette notion de concélébration des laïcs est dangereuse : regardez ce qui ce passe en Europe depuis 40 ans dans l'Eglise Catholique Romaine. Sous prétexte que le Concile Vatican II a donné cette définition, alors certaines personnes ont mis tout le monde sur le même pied d'identité dans la Liturgie : les laïcs prononçaient les paroles des prêtres, les prêtres ne mettaient plus les ornements, ...
Nous sommes, en France, encore empêtrés pour un bon moment à cause de cette expression mal comprise.
Car le Concile Vatican II dit aussi que chacun a son rôle dans la Liturgie et doit s'en tenir uniquement à celui-ci. Ce passage a par contre été jeté aux orties par les prêtres et les laïcs sus-mentionnés.

Il y a justement une grande différence entre entre le ministère commun et le ministère ordonné : c'est la configuration au Christ en vue d'administrer les sacrements.

Pour les références : "Sacrosanctum Concilium", dans le premier chapitre consacré à la théologie de la Liturgie et sur la notion de ministère commun/ordonné voir le Catéchisme de l'Eglise Catholique au chapitre Liturgie qui développe également la théologie de la Liturgie.

Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'il y ait des écarts sur le plan théologique entre Catholiques et Orthodoxes, surtout sur le plan Liturgique.
La Liturgie ne peut avoir qu'un sens : celui donné par le Christ, transmis par les Apôtres et développé dans les différentes cultures. Si nous avons des rites différents, le sens des symboles employés reste le même.

9.Posté par vladimir le 19/05/2009 11:33
Merci cher Boris!

Nous entrons vraiment là dans un sujet intéressent et important. Je suis évidement bien moins au fait que vous sur tout cela et vos éclaircissement m'ouvrent des perspectives d,approfondissement impressionnantes. Connaissez-vous les livres du P. Alexandre Schmemann? Qu'en pensez vous?

10.Posté par Boris le 19/05/2009 13:43
Je ne connais pas le P. Schmemann.

Je suis "en recherche" sur la question liturgique : comprendre que je recherche la signification des éléments qui nous sont donnés.

En tant que catholique romain, nécessairement, le premier obstacle est celui de la forme liturgique : ordinaire (Missel de 2002) ou extra-ordinaire (Missel de 1962 et avant, jusqu'en 1575 environ).

Cet obstacle ne peut être levé qu'en acceptant que la forme actuelle de la Liturgie est inséparable des formes précédentes.
Donc il n'y a pas opposition mais adaptation à une culture donnée.
Et de fil en aiguille, on peut remonter ainsi jusqu'aux Apôtres.

Ensuite, il existe l'expression : "la Liturgie est l'expression de la Foi". Or la Foi n'est pas monolithique ! Donc il est normal que les différents rites s'intéressent plus à un élément particulier de la Foi qu'à un autre.
Par exemple, la forme "ancienne" de la Liturgie Romaine a été voulu pour convertir les protestants qui l'avaient modifiée. De ce fait, le Missel est inflexible, il décrit comment le prêtre doit faire pour mettre l'Aube, l'étole, la chasuble (où mettre la main droite et la main gauche, ...). Et comme le principal point de discorde avec les protestants est la présence réelle de Notre Seigneur dans l'Eucharistie, alors cette forme liturgique insiste sur la notion de sacrifice dans l'Eucharistie et de présence réelle, avec moult génuflexions.
La forme actuelle accentue plus l'aspect miséricorde divine, avec un développement des prières d'intercessions : "demandez et l'on vous donnera", "ce que vous demanderez en mon nom vous sera accordé" (je paraphrase, donc je ne mets pas les référence, néanmoins c'est inspiré des Evangiles).

Mais dans tous les cas, il y a des éléments qui ne peuvent pas changer : le Christ a institué les Apôtres comme nouveaux ministres ordonnés afin d'administrer les sacrements pour tous. Seuls les Apôtres étaient présent à la Sainte Cène, aux seuls Apôtres le Christ donne le pouvoir de lier et délier, ... autrement dit Il institue devant les Apôtres les sacrements.
Quelque soit le rite, seul un ministre ordonné peut "consacrer" les espèces Eucharistiques, puisqu'en réalité c'est le Christ qui agit à travers le ministre et c'est pour cela qu'il a été ordonné : pour être configuré au Christ.

Ensuite, nous différons tout de même sur le moment de la transsubstantiation : pour les Catholiques, c'est lorsque le Prêtre redit les paroles du Christ. Ainsi nous croyons que ce n'est plus l'homme qui agit, mais le Christ lui-même. Nous appelons cela "in personna Christi". A ce moment précis le Christ est présent dans le prêtre et c'est le Christ qui s'offre lui-même à nouveau sur l'Autel.
J'ai cru comprendre que les Orthodoxes placent la transsubstantiation au moment de l'Epiclèse : lors de l'invocation de l'Esprit Saint.
Il est évident que sans l'Esprit Saint rien n'est possible.

Nous croyons cotés Catholiques que la proclamation de la Parole de Dieu dans un cadre Liturgique rend le Christ présent réellement mystérieusement. En concordance avec la Parole Créatrice de la Genèse, nous croyons que c'est pour cela que la Parole agit lors du récit de l'institution de l'Eucharistie.
Je ne sais pas du tout comment les Orthodoxes voient cette notion de présence du Christ dans la proclamation de la Parole de Dieu.
Pourriez-vous m'éclairer sur ce point SVP ?

11.Posté par vladimir le 19/05/2009 15:25
Bien cher Boris,
Non, je ne suis pas assez compétent pour cela. Je ne connais strictement rien du rite romain et je suis bien débutant dans la compréhension du rite orthodoxe. Il y a des spécialistes qui participent à ce forum - peut être répondront-ils...

Mais je pense que vous trouverez des réponses dans "L'Eucharistie : Sacrement du Royaume" du P. Alexandre Schmemann (http://www.laprocure.com/livres/alexandre-schmemann/l-eucharistie-sacrement-royaume_9782755400144.htm) qui y explique tout le déroulement de la Liturgie orthodoxe dans un langage particulièrement claire et accessible. Il y traite de la présence du Royaume, de la "transsubstantiation" ...

12.Posté par Vladmir Golovanow le 19/05/2009 19:19
Merci cher Boris!

Nous entrons vraiment là dans un sujet intéressent et important. Je suis évidement bien moins au fait que vous sur tout cela et vos éclaircissement m'ouvrent des perspectives d,approfondissement impressionnantes. Connaissez-vous les livres du P. Alexandre Schmemann? Qu'en pensez vous?


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