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Traduction Dmitriy Garmonov
Est-il dangereux que l’Eglise soit considérée comme une Eglise d’Etat ? Au début du XXIe siècle, cette question a été posée lors d’une conférence au métropolite Antoine de Souroge. Aujourd’hui , le philosophe orthodoxe Arkady Mahler donne sa réponse à la même question.
Le métropolite Antoine de Souroge a clairement exprimé ses craintes à propos de la domination de l’Eglise par l’Etat. L’Eglise orthodoxe est en effet une entité autonome qui a sa conception du monde et qui poursuit sa mission historique. Elle n’a besoin d’aucune tutelle. Malgré la disparition de différents pays ou nations, l’Eglise orthodoxe existera toujours. Comme ce fut le cas dans tous les empires anciens et modernes à partir du Babylone jusqu’à l’URSS et les Etats-Unis, même s’ils semblent être éternels, l’Eglise ne doit donc pas se mettre en dépendance de facteurs sociaux passagers et fluctuants.
Dans la chrétienté, il n’y a qu’un point de vue qui est celui du renforcement de la communauté, conception chrétienne du rôle historique de l’Eglise en tant qu’Arche du salut universel.
Est-il dangereux que l’Eglise soit considérée comme une Eglise d’Etat ? Au début du XXIe siècle, cette question a été posée lors d’une conférence au métropolite Antoine de Souroge. Aujourd’hui , le philosophe orthodoxe Arkady Mahler donne sa réponse à la même question.
Le métropolite Antoine de Souroge a clairement exprimé ses craintes à propos de la domination de l’Eglise par l’Etat. L’Eglise orthodoxe est en effet une entité autonome qui a sa conception du monde et qui poursuit sa mission historique. Elle n’a besoin d’aucune tutelle. Malgré la disparition de différents pays ou nations, l’Eglise orthodoxe existera toujours. Comme ce fut le cas dans tous les empires anciens et modernes à partir du Babylone jusqu’à l’URSS et les Etats-Unis, même s’ils semblent être éternels, l’Eglise ne doit donc pas se mettre en dépendance de facteurs sociaux passagers et fluctuants.
Dans la chrétienté, il n’y a qu’un point de vue qui est celui du renforcement de la communauté, conception chrétienne du rôle historique de l’Eglise en tant qu’Arche du salut universel.
Autre question : quelle conclusion pourrait en tirer ?
Tout dépend des buts que nous nous fixons : soit garder l’Eglise orthodoxe comme une subculture qui se reproduit d’une manière, pour ainsi dire, héréditaire, devenant une « ethnie » menacée, soit, selon le dernier commandement du Christ (Mt. 28,19) « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».
Ces buts sont divergents et l’Eglise orthodoxe s’en tient au deuxième. Ainsi, quelle que soit l’attitude de l’Eglise orthodoxe envers le monde déchu qu’on ne doit pas aimer :
« N'aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde » (2 Jn,15). L’Eglise n’a qu’un seul chemin à suivre pour convertir le monde au Christ, c’est notamment de profiter des moyens inhérents à ce monde, et l’Etat en est l’un des plus efficaces.
L’attitude du christianisme orthodoxe à l’égard de l’institution même de l’Etat a une importance clé dans toutes les discussions sur la politique chrétienne. Il est vraiment étrange que certains auteurs qui se présentent en chrétiens ignorent cette attitude comme s’ils l’ ignoraient délibérément . La parole du saint apôtre Pierre révèle cette attitude : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine : soit au roi, comme souverain, soit aux gouverneurs, comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. Car c'est la volonté de Dieu qu'en faisant le bien vous fermiez la bouche à l'ignorance des insensés. Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu. Honorez tout le monde, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez le roi. » (1P 2 :13-17)
Dans son épître aux Romains, l’apôtre Paul s’exprime de la même manière :
« Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. Si bien que celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu. Et les rebelles se feront eux-mêmes condamner. En effet, les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu n'avoir pas à craindre l'autorité ? Fais le bien et tu en recevras des éloges ; car elle est un instrument de Dieu pour te conduire au bien. Mais crains, si tu fais le mal ; car ce n'est pas pour rien qu'elle porte le glaive : elle est un instrument de Dieu pour faire justice et châtier qui fait le mal. Aussi doit-on se soumettre non seulement par crainte du châtiment, mais par motif de conscience. N'est-ce pas pour cela même que vous payez les impôts ? Car il s'agit de fonctionnaires qui s'appliquent de par Dieu à cet office. Rendez à chacun ce qui lui est dû : à qui l'impôt, l'impôt ; à qui les taxes, les taxes ; à qui la crainte, la crainte ; à qui l'honneur, l'honneur. » (Rm 13,1-7)
Ces mots semblent justifier tout tyrannie. Mais Saint Jean Chrysostome explique qu’il ne s’agit pas de toutes les autorités, mais du principe même du pouvoir étatique établi par Dieu.
Par conséquent, le chrétien pourrait s’opposer à tel ou tel régime politique s’il le perçoit hostile par rapport au christianisme, mais en aucun cas il ne peut être l’adversaire du pouvoir étatique en tant que tel. Le fait que tous les hommes sont portés au péché et ont besoin d’un contrôle extérieur fait justifier cette attitude par les apôtres et les Pères de l’Eglise. L’Etat est le seul institut social possédant le monopole du maintien de l’ordre et il est donc la dernière frontière entre l’anarchie et la paix. Dans son commentaire de la Deuxième épître du saint apôtre Paul aux Thessaloniciens (2 Th 2 :7), saint Jean Chrysostome écrit que, l’unique force ajournant l’arrivée de l’Antéchrist est le pouvoir de Rome qui par sa force et ses lois interdit l’arbitraire. L’Etat nous protège également contre toute sorte de criminalité, d’extrémisme politique, des dangers provenant d’autres pays. Ainsi l’Eglise éprouve toujours du respect à l’égard de l’Etat et de ses lois. Le vrai chrétien doit donc soutenir l’Etat et ne peut aucunement être anarchiste.
Cette position a été exprimée dans le document du Concile local de 2000 intitulé « Les fondements de la doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe russe » : « L’anarchie, c’est-à-dire l’absence d’organisation étatique et sociale dans les formes convenables, ainsi que l’appel à l’anarchie et les tentatives pour l’établir, sont contraires à la vision chrétienne du monde ». (III : 2, Eglise et Etat)
Le chrétien doit toujours réfléchir s’il veut participer à des mouvements visant à changer le pouvoir en place quelles seraient les conséquences de son action : il est bien probable que ces changements puissent complètement détruire l’Etat comme ce fut le cas plusieurs fois dans l’histoire à commencer par 1917 en Russie.
Tout dépend des buts que nous nous fixons : soit garder l’Eglise orthodoxe comme une subculture qui se reproduit d’une manière, pour ainsi dire, héréditaire, devenant une « ethnie » menacée, soit, selon le dernier commandement du Christ (Mt. 28,19) « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».
Ces buts sont divergents et l’Eglise orthodoxe s’en tient au deuxième. Ainsi, quelle que soit l’attitude de l’Eglise orthodoxe envers le monde déchu qu’on ne doit pas aimer :
« N'aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde » (2 Jn,15). L’Eglise n’a qu’un seul chemin à suivre pour convertir le monde au Christ, c’est notamment de profiter des moyens inhérents à ce monde, et l’Etat en est l’un des plus efficaces.
L’attitude du christianisme orthodoxe à l’égard de l’institution même de l’Etat a une importance clé dans toutes les discussions sur la politique chrétienne. Il est vraiment étrange que certains auteurs qui se présentent en chrétiens ignorent cette attitude comme s’ils l’ ignoraient délibérément . La parole du saint apôtre Pierre révèle cette attitude : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine : soit au roi, comme souverain, soit aux gouverneurs, comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. Car c'est la volonté de Dieu qu'en faisant le bien vous fermiez la bouche à l'ignorance des insensés. Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu. Honorez tout le monde, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez le roi. » (1P 2 :13-17)
Dans son épître aux Romains, l’apôtre Paul s’exprime de la même manière :
« Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. Si bien que celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu. Et les rebelles se feront eux-mêmes condamner. En effet, les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu n'avoir pas à craindre l'autorité ? Fais le bien et tu en recevras des éloges ; car elle est un instrument de Dieu pour te conduire au bien. Mais crains, si tu fais le mal ; car ce n'est pas pour rien qu'elle porte le glaive : elle est un instrument de Dieu pour faire justice et châtier qui fait le mal. Aussi doit-on se soumettre non seulement par crainte du châtiment, mais par motif de conscience. N'est-ce pas pour cela même que vous payez les impôts ? Car il s'agit de fonctionnaires qui s'appliquent de par Dieu à cet office. Rendez à chacun ce qui lui est dû : à qui l'impôt, l'impôt ; à qui les taxes, les taxes ; à qui la crainte, la crainte ; à qui l'honneur, l'honneur. » (Rm 13,1-7)
Ces mots semblent justifier tout tyrannie. Mais Saint Jean Chrysostome explique qu’il ne s’agit pas de toutes les autorités, mais du principe même du pouvoir étatique établi par Dieu.
Par conséquent, le chrétien pourrait s’opposer à tel ou tel régime politique s’il le perçoit hostile par rapport au christianisme, mais en aucun cas il ne peut être l’adversaire du pouvoir étatique en tant que tel. Le fait que tous les hommes sont portés au péché et ont besoin d’un contrôle extérieur fait justifier cette attitude par les apôtres et les Pères de l’Eglise. L’Etat est le seul institut social possédant le monopole du maintien de l’ordre et il est donc la dernière frontière entre l’anarchie et la paix. Dans son commentaire de la Deuxième épître du saint apôtre Paul aux Thessaloniciens (2 Th 2 :7), saint Jean Chrysostome écrit que, l’unique force ajournant l’arrivée de l’Antéchrist est le pouvoir de Rome qui par sa force et ses lois interdit l’arbitraire. L’Etat nous protège également contre toute sorte de criminalité, d’extrémisme politique, des dangers provenant d’autres pays. Ainsi l’Eglise éprouve toujours du respect à l’égard de l’Etat et de ses lois. Le vrai chrétien doit donc soutenir l’Etat et ne peut aucunement être anarchiste.
Cette position a été exprimée dans le document du Concile local de 2000 intitulé « Les fondements de la doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe russe » : « L’anarchie, c’est-à-dire l’absence d’organisation étatique et sociale dans les formes convenables, ainsi que l’appel à l’anarchie et les tentatives pour l’établir, sont contraires à la vision chrétienne du monde ». (III : 2, Eglise et Etat)
Le chrétien doit toujours réfléchir s’il veut participer à des mouvements visant à changer le pouvoir en place quelles seraient les conséquences de son action : il est bien probable que ces changements puissent complètement détruire l’Etat comme ce fut le cas plusieurs fois dans l’histoire à commencer par 1917 en Russie.
Le régime actuel en Russie est bienveillant envers l’Eglise orthodoxe.
Le chrétien qui néglige cette bienveillance et préfère la lutte pour une démocratie ou même une révolution rompt avec toute la tradition biblique et patristique. Là, il faut faire un choix : soit l’apôtre Paul, Pierre ou saint Jean le Chrysostome, soit Rousseau, Foucault et Popper. Le chrétien est certes en droit de lutter pour la démocratie, les droits de l’homme, mais toutes ces valeurs ne peuvent pas dépasser la force de l’ordre étatique, surtout si cet Etat est bienveillant envers l’Eglise.
On revient à la réponse du métropolite Antoine. Il dit, pour l’essentiel : « L’expérience de l’Eglise montre qu’il n’est pas avantageux d’être sous la protection de l’Etat. Par gratitude ou de nécessité, le fait d’être protégé contraint l’Eglise à prendre telle ou telle position ».
Si nous acceptons cette idée, alors il faut reconnaître que l’Eglise s’est trompé au IV siècle quand les empereurs Constantin et Théodore ont porté le christianisme au rang de religion officielle de l’Empire. Aurait-elle du refuser ?
Aux trois premiers siècles, dans des conditions de persécutions incessantes, les évêques ne pouvaient même pas se réunir pour un Concile afin d’élaborer un Symbole de foi commun. C’est à l’initiative de l’empereur Constantin que le Premier Concile œcuménique s’est réuni en 325. Il a payé tous les frais de voyage et de séjour des évêques. Tous les autres Conciles œcuméniques furent réunis de la même manière.
Outre le travail dogmatique, l’empire Romain contribuait à la mission chrétienne accomplissant ainsi le dernier commandement du Christ. En Russie également, si le prince Vladimir n’avait pas fait du christianisme une religion officielle, nous n’aurions pas pu nous considérer chrétiens. Ainsi ne pas apprécier le rôle important de l’Etat, surtout impérial, dans la mission chrétienne est, à mon avis, antihistorique.
Autrement appelée « la symphonie », cette union avec l’Etat était avantageuse pour l’Eglise lui permettait d’accomplir sa mission dans la paix.
Dans toute son histoire, l’Eglise orthodoxe n’a jamais mis sa doctrine en dépendance ou au service des autorités. Si le pouvoir se mettait à soutenir une hérésie, l’Eglise en la personne de ses meilleurs représentants réagissait immédiatement en critiquant les tyrans, même si cela provoquait des nouvelles persécutions. Chrysostome lui-même exprimait ses dissensions avec le couple impérial. Cela lui valu d’être exilé dans le Caucase. Mais cela n’est pas un argument contre l’union de l’Eglise avec l’Etat. Il ne s’agit en l’occurrence que des errements du pouvoir.
On avance souvent un autre argument : les relations « symphoniques » de l’Eglise avec l’Etat sont une caractéristique proprement orthodoxe.
Elles se développaient en Byzance et en Russie bien qu’en Occident le catholicisme et le protestantisme menaient leur mission d’une façon indépendante. Mais cette opinion est également antihistorique. En réalité, l’Eglise catholique romaine ayant transgressé plusieurs canons ecclésiaux est devenue elle-même un Etat théocratique avec son territoire, son armée et sa monnaie. L’Eglise orthodoxe ne l’a jamais fait. La propagation du catholicisme dans le monde a été rendue possible grâce au soutien dont il a bénéficié de la part des Empires espagnol et portugais entre lesquels le pape Alexandre VI a, en 1494, divisé la planète. En Europe la prépondérance du catholicisme est due à la puissance du Saint Empire Romain, des Habsbourg et du Royaume de Pologne qui se considéraient eux même comme étant le bard armé du Vatican. En France le catholicisme a résisté aux huguenots exclusivement grâce à l’Etat, auteur de la Saint Barthélemy (1572) et au siège de La Rochelle (1627).
Pour ce qui est du luthéranisme, il a vaincu en Europe du Nord exclusivement grâce au soutien des princes allemands et des rois scandinaves dont les objectifs n’étaient en rien religieux mais exclusivement de nature politique. Les calvinistes ont, pour leur part, mis en place à Genève leur propre théocratie, avec même une inquisition « maison ». On pourrait citer en exemple les innombrables les sectes protestantes qui ont envahi les Etats-Unis et qui envoient leurs prédicateurs de par le monde entier. Mais est-ce que l’Orthodoxie aurait quelque chose à envier à ces entités ? Aux Etats-Unis ainsi qu’en Angleterre où a vécu le métropolite Antoine l’orthodoxie a une position marginale comparable à celle de plusieurs entités protestantes.
L’Eglise orthodoxe considère que la mission est sa tâche première et, par conséquent, le maintien de la position dominante de l’orthodoxie sur le territoire de Russie ainsi que la bienveillance de l’Etat lui sont nécessaires. Sinon, les orthodoxes devraient accepter, selon l’expression du métropolite Antoine, le statut d’ « émigrants libres » qui signifie que la paroisse la plus proche se situe à des centaines de kilomètres, que chaque église peut devenir l’objet d’un procès judiciaire ou d’une adjudication à l’égal des autres communautés religieuses sans aucune garantie de succès. Ce sont des paroisses où les fidèles se connaissent depuis 20 ans et où il n’y aura pas de nouveaux paroissiens dans les 20 ans qui suivent. Le patriarcat de Constantinople, par exemple, est actuellement dans une situation beaucoup plus difficile : il est protégé par une enceinte de barbelés, un drapeau avec le Croissant y flotte. Cela a été rendu possible par qui la défaite de l’Empire orthodoxe par les tenants d’une autre religion. Près de cinq siècles plus tard, en 1917, un autre Empire orthodoxe, le seul qui restait dans le monde, a été détruit. Son Eglise a vécu une véritable catastrophe.
Si nous ne sommes pas prêts à devenir une institution marginale sur le territoire de notre pays, nous devons refuser l’idée du vice de la « symphonie » de l’Eglise avec la Fédération de Russie. Il est impossible de revendiquer la réprobation du régime communiste, l’interdiction des avortements, l’introduction des « Fondements de la culture orthodoxe » dans l’école, la construction de nouvelles églises et, en même temps, de mépriser cet Etat et de se rappeler des liturgies clandestines. Il faut apprécier ce moment où nous avons la possibilité de la construction de nouvelles églises sur des lieux où pourraient se situer un centre commercial ou un hôtel, bien que célébrer la liturgie clandestine soit toujours possible.
En outre, il faut jeter un coup d’œil sur la carte du monde orthodoxe pour bien valoriser cette coopération.
Depuis des centenaires, tous les patriarcats anciens se situent sur le territoire de civilisations hétérodoxes en pleine dépendance de ces Etats. En Europe, tous les Etats orthodoxes sont entre l’Orient hétérodoxe et l’Occident sécularisé. Dans une telle situation, il n’y a qu’un Etat, la Fédération de Russie, où aucune intervention de l’extérieur n’est possible dans l’avenir.
A apprécier que, dans la ville, on peut choisir librement une église parmi d’autres, parler de la portée définitive de l’orthodoxie dans son pays, participer librement dans des projets communs de l’Eglise et de l’Etat et savoir que personne ne tient à y faire une « république Kosovo ». Tout cela n’est possible que grâce à l’Etat qui reconnaît l’orthodoxie comme une de ses valeurs essentielles.
Ainsi, toutes les craintes à propos de la domination de l’Eglise par l’Etat n’ont aucun fondement. S’il existe des gens qui estiment voir les paroisses de l’Eglise orthodoxe russe comme cellules du Parti au pouvoir, cela s’explique par leur vision du monde. De même que chaque personne qui vient à l’Eglise en l’imaginant comme soit une secte totalitaire soit un Parti politique, commet une grande erreur.
En recourant à l’Etat, l’Eglise ne vise pas à construire un utopique Royaume de Dieu sur terre, mais tente de résoudre des tâches assez pragmatiques – garantir à chaque fidèle la possibilité de se sentir plus à l’aise et à déclarer sa foi. Si un recteur de paroisse estime qu’il n’a vraiment pas besoin de l’aide de l’Etat, qu’il se pose une question : pourquoi l’Etat permet-il que cette paroisse existe au lieu de transmettre ce territoire à d’autres personnes afin de l’utiliser plus « productivement » ?
Аркадий Малер: "Церковь под защитой" Православие и мир
Un livre d'Arkady Mahler " Constant le Grand"
Le chrétien qui néglige cette bienveillance et préfère la lutte pour une démocratie ou même une révolution rompt avec toute la tradition biblique et patristique. Là, il faut faire un choix : soit l’apôtre Paul, Pierre ou saint Jean le Chrysostome, soit Rousseau, Foucault et Popper. Le chrétien est certes en droit de lutter pour la démocratie, les droits de l’homme, mais toutes ces valeurs ne peuvent pas dépasser la force de l’ordre étatique, surtout si cet Etat est bienveillant envers l’Eglise.
On revient à la réponse du métropolite Antoine. Il dit, pour l’essentiel : « L’expérience de l’Eglise montre qu’il n’est pas avantageux d’être sous la protection de l’Etat. Par gratitude ou de nécessité, le fait d’être protégé contraint l’Eglise à prendre telle ou telle position ».
Si nous acceptons cette idée, alors il faut reconnaître que l’Eglise s’est trompé au IV siècle quand les empereurs Constantin et Théodore ont porté le christianisme au rang de religion officielle de l’Empire. Aurait-elle du refuser ?
Aux trois premiers siècles, dans des conditions de persécutions incessantes, les évêques ne pouvaient même pas se réunir pour un Concile afin d’élaborer un Symbole de foi commun. C’est à l’initiative de l’empereur Constantin que le Premier Concile œcuménique s’est réuni en 325. Il a payé tous les frais de voyage et de séjour des évêques. Tous les autres Conciles œcuméniques furent réunis de la même manière.
Outre le travail dogmatique, l’empire Romain contribuait à la mission chrétienne accomplissant ainsi le dernier commandement du Christ. En Russie également, si le prince Vladimir n’avait pas fait du christianisme une religion officielle, nous n’aurions pas pu nous considérer chrétiens. Ainsi ne pas apprécier le rôle important de l’Etat, surtout impérial, dans la mission chrétienne est, à mon avis, antihistorique.
Autrement appelée « la symphonie », cette union avec l’Etat était avantageuse pour l’Eglise lui permettait d’accomplir sa mission dans la paix.
Dans toute son histoire, l’Eglise orthodoxe n’a jamais mis sa doctrine en dépendance ou au service des autorités. Si le pouvoir se mettait à soutenir une hérésie, l’Eglise en la personne de ses meilleurs représentants réagissait immédiatement en critiquant les tyrans, même si cela provoquait des nouvelles persécutions. Chrysostome lui-même exprimait ses dissensions avec le couple impérial. Cela lui valu d’être exilé dans le Caucase. Mais cela n’est pas un argument contre l’union de l’Eglise avec l’Etat. Il ne s’agit en l’occurrence que des errements du pouvoir.
On avance souvent un autre argument : les relations « symphoniques » de l’Eglise avec l’Etat sont une caractéristique proprement orthodoxe.
Elles se développaient en Byzance et en Russie bien qu’en Occident le catholicisme et le protestantisme menaient leur mission d’une façon indépendante. Mais cette opinion est également antihistorique. En réalité, l’Eglise catholique romaine ayant transgressé plusieurs canons ecclésiaux est devenue elle-même un Etat théocratique avec son territoire, son armée et sa monnaie. L’Eglise orthodoxe ne l’a jamais fait. La propagation du catholicisme dans le monde a été rendue possible grâce au soutien dont il a bénéficié de la part des Empires espagnol et portugais entre lesquels le pape Alexandre VI a, en 1494, divisé la planète. En Europe la prépondérance du catholicisme est due à la puissance du Saint Empire Romain, des Habsbourg et du Royaume de Pologne qui se considéraient eux même comme étant le bard armé du Vatican. En France le catholicisme a résisté aux huguenots exclusivement grâce à l’Etat, auteur de la Saint Barthélemy (1572) et au siège de La Rochelle (1627).
Pour ce qui est du luthéranisme, il a vaincu en Europe du Nord exclusivement grâce au soutien des princes allemands et des rois scandinaves dont les objectifs n’étaient en rien religieux mais exclusivement de nature politique. Les calvinistes ont, pour leur part, mis en place à Genève leur propre théocratie, avec même une inquisition « maison ». On pourrait citer en exemple les innombrables les sectes protestantes qui ont envahi les Etats-Unis et qui envoient leurs prédicateurs de par le monde entier. Mais est-ce que l’Orthodoxie aurait quelque chose à envier à ces entités ? Aux Etats-Unis ainsi qu’en Angleterre où a vécu le métropolite Antoine l’orthodoxie a une position marginale comparable à celle de plusieurs entités protestantes.
L’Eglise orthodoxe considère que la mission est sa tâche première et, par conséquent, le maintien de la position dominante de l’orthodoxie sur le territoire de Russie ainsi que la bienveillance de l’Etat lui sont nécessaires. Sinon, les orthodoxes devraient accepter, selon l’expression du métropolite Antoine, le statut d’ « émigrants libres » qui signifie que la paroisse la plus proche se situe à des centaines de kilomètres, que chaque église peut devenir l’objet d’un procès judiciaire ou d’une adjudication à l’égal des autres communautés religieuses sans aucune garantie de succès. Ce sont des paroisses où les fidèles se connaissent depuis 20 ans et où il n’y aura pas de nouveaux paroissiens dans les 20 ans qui suivent. Le patriarcat de Constantinople, par exemple, est actuellement dans une situation beaucoup plus difficile : il est protégé par une enceinte de barbelés, un drapeau avec le Croissant y flotte. Cela a été rendu possible par qui la défaite de l’Empire orthodoxe par les tenants d’une autre religion. Près de cinq siècles plus tard, en 1917, un autre Empire orthodoxe, le seul qui restait dans le monde, a été détruit. Son Eglise a vécu une véritable catastrophe.
Si nous ne sommes pas prêts à devenir une institution marginale sur le territoire de notre pays, nous devons refuser l’idée du vice de la « symphonie » de l’Eglise avec la Fédération de Russie. Il est impossible de revendiquer la réprobation du régime communiste, l’interdiction des avortements, l’introduction des « Fondements de la culture orthodoxe » dans l’école, la construction de nouvelles églises et, en même temps, de mépriser cet Etat et de se rappeler des liturgies clandestines. Il faut apprécier ce moment où nous avons la possibilité de la construction de nouvelles églises sur des lieux où pourraient se situer un centre commercial ou un hôtel, bien que célébrer la liturgie clandestine soit toujours possible.
En outre, il faut jeter un coup d’œil sur la carte du monde orthodoxe pour bien valoriser cette coopération.
Depuis des centenaires, tous les patriarcats anciens se situent sur le territoire de civilisations hétérodoxes en pleine dépendance de ces Etats. En Europe, tous les Etats orthodoxes sont entre l’Orient hétérodoxe et l’Occident sécularisé. Dans une telle situation, il n’y a qu’un Etat, la Fédération de Russie, où aucune intervention de l’extérieur n’est possible dans l’avenir.
A apprécier que, dans la ville, on peut choisir librement une église parmi d’autres, parler de la portée définitive de l’orthodoxie dans son pays, participer librement dans des projets communs de l’Eglise et de l’Etat et savoir que personne ne tient à y faire une « république Kosovo ». Tout cela n’est possible que grâce à l’Etat qui reconnaît l’orthodoxie comme une de ses valeurs essentielles.
Ainsi, toutes les craintes à propos de la domination de l’Eglise par l’Etat n’ont aucun fondement. S’il existe des gens qui estiment voir les paroisses de l’Eglise orthodoxe russe comme cellules du Parti au pouvoir, cela s’explique par leur vision du monde. De même que chaque personne qui vient à l’Eglise en l’imaginant comme soit une secte totalitaire soit un Parti politique, commet une grande erreur.
En recourant à l’Etat, l’Eglise ne vise pas à construire un utopique Royaume de Dieu sur terre, mais tente de résoudre des tâches assez pragmatiques – garantir à chaque fidèle la possibilité de se sentir plus à l’aise et à déclarer sa foi. Si un recteur de paroisse estime qu’il n’a vraiment pas besoin de l’aide de l’Etat, qu’il se pose une question : pourquoi l’Etat permet-il que cette paroisse existe au lieu de transmettre ce territoire à d’autres personnes afin de l’utiliser plus « productivement » ?
Аркадий Малер: "Церковь под защитой" Православие и мир
Un livre d'Arkady Mahler " Constant le Grand"
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 29 Novembre 2012 à 18:41
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