Le protodiacre André Kouraev se souvient du coup d’Etat d’août 1991
Lors de la crise de 1991 l’Eglise avait une position très claire : ne pas laisser une guerre civile éclater, ne pas reconnaître la légitimité des putshistes.Tels sont les souvenirs qu’a gardé des évènements de 1991 la protodiacre André Kouraev, essayiste orthodoxe largement connu. Il faisait partie à l’époque du secrétariat du patriarche Alexis II.

PHOTOS 1991 PUTSCH à Moscou

« C’est tôt le matin du 19 août que le pays a appris qu’un coup d’Etat s’était produit. En cette fête de la Transfiguration le patriarche devait dire un office dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin. C’était l’un des premiers offices à avoir été autorisé dans les basiliques du Kremlin d’où toute manifestation religieuse avait été bannie par Lénine. Lorsque le patriarche apprit la nouvelle il décida de modifier dans le texte de la liturgie la formule de commémoration des pouvoirs laïcs.Il ne commémora pas « les autorités et l’armée ». Les fidèles comprirent que l’Eglise ne reconnaissait pas comme légitimes les nouvelles autorités autoproclamées ainsi que l’armée obéissant à leur volonté. Cette omission fut remarquée.

Le protodiacre André Kouraev se souvient du coup d’Etat d’août 1991
En effet, le premier congrès des compatriotes résidant à l’étranger s’était alors réuni à Moscou. De nombreux représentants de l’émigration blanche s’étaient à cette occasion rendus en Union Soviétique. Ils avaient été invités à cette liturgie dite par le patriarche. Tous ou presque connaissaient bien les offices et remarquèrent que la formule de commémoration des autorités avait été omise. Ils eurent raison de percevoir cette omission comme étant la réaction de l’Eglise à la tentative en cours de changer les structures du pouvoir et la vie de notre pays.

Peu après le patriarche s’adressa aux parties en présence les adjurant de ne pas avoir recours à la force.
Alexis II appelait à permettre au président Gorbatchev de pouvoir s’exprimer. Gorbatchev se trouvait alors isolé du monde. Et enfin, dans la nuit du 20 au 21 août, alors que l’on s’attendait à un assaut de la Maison Blanche et que trois jeunes gens furent écrasés par des véhicules blindés de l’armée le patriarche s’adressa aux comploteurs du « Comité des situations extraordinaires » disant que le sang versé ne peut justifier des idéaux politiques quels qu’ils soient. Ce message nocturne fut diffusé par la radio « Echo de Moscou ».


Le protodiacre André Kouraev se souvient du coup d’Etat d’août 1991
En tant que membre du secrétariat d’Alexis II j’ai porté le texte du message à la Maison Blanche a Moscou où j’ai pu rencontrer le général Routzkoï. Avec son accord nous avons réussi à passer ce texte aux médias. Cette prise de position du patriarche était d’une importance capitale. Alexis II a, avant que Gorbatchev ne puisse revenir à Moscou à la suite de l’échec essuyé par les putschistes, refusé son soutien au coup d’Etat. La position du patriarche était parfaitement claire et cela bien que dans son entourage il y avaient des personnes qui croyaient qu’en l’occurrence le mieux serait de se taire. Ces gens disaient : tout ceci ne nous concerne en rien, le mieux serait de débrancher les téléphones, de ne soutenir personne et de garder le silence. Certains manifestèrent même des signes de connivence avec le putsch, je pense en particulier au métropolite Pitirime.



Le protodiacre André Kouraev se souvient du coup d’Etat d’août 1991
Il y jusqu’à présent dans le pays des personnes qui continuent à éprouver de la sympathie pour l’appel des putschistes. Quoi qu’il en soit les auteurs du coup d’Etat n’étaient absolument pas capables de diriger le pays ».

PHOTO: Première rencontre du patriarche Alexis II avec le président Boris Eltsine

PRAVOSLAVIE i MIR
Traduction Larissa "PO"


Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 19 Août 2013 à 10:20 | 4 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Gueorguy le 24/08/2011 18:06
Au cours de la discussion citée en lien ci-dessous, on évoqua beaucoup la présence de M. Gorbatchev à la concélébration des 150 ans de la Cathédrale Alexandre Nevsky. on aborda son rôle, ses inclinaisons en faveur du parti communiste de l'URSS.

Dans le livre mentionné ici, les auteurs semblent bien opter pour la thèse suivante: S'ils optent pour rejeter une compromission de M. Gorbatchev d'avec les putchistes, ils n'en écartent pas moins sa responsabilité d'avoir maintenu, voir placer ou rappeler à des postes clés des personnalités de la plus dure ligne du partic communiste, illusionné qu'il était par l'espoir de fonder sa nouvelle orientation sur une rénovation qu'il jugeait possible et crédible de l'apparail du parti communiste. C'est surtout à cause de cette connivence d'avec le parti communiste qui je reste perplexe quant à la présence de M. Gorbatchev aux festivités de la rue Daru; d'autant que M. Gorbatchev a toujours affirmé ne s'être jamais rapproché de l'Eglise.

2.Posté par Vladimir.G le 19/08/2013 20:50
Curieusement la version du père André me semble en contradiction avec une interview que je ne retrouve pas de Mgr Cyrille, actuel patriarche et chef du DREE à l'époque (je crois d'ailleurs que c'est Guorguy qui la rapportait, non?). Mgr Cyrille disait en substance que c'est à la sortie de la liturgie de la Transfiguration que le patriarche Alexis et lui ont été entourés par les journalistes leur demandant quelle était la position de l'Eglise sur le putsch. Or l'Eglise n'en avait pas et il fallut une réunion d'urgence pour l'élaborer (ce fut la position que cite le père André). Et Mgr Cyrille précisait que c'est là que l'Eglise se rendit compte qu'elle était libre d'émettre une opinion en toute indépendance et qu'elle était sollicitée pour cela. Ce jour marquait donc la véritable libération de l'Eglise de 70 ans de domination du parti et du pouvoir...

3.Posté par Gueorguy le 21/08/2013 08:09
@ 2 - Vladimir G
Vous me faites beaucoup d'honneur de rappeler cette référence, aussi, je me dois de vous répondre en détail.

Il ne s'agit pas d'une interview mais d'un témoignage de propos tenus lors de la présentation, à l'époque, du livre, la doctrine sociale par le futur patriarche Cyrille. Je l'avais relaté sur un autre forum.

Je vous propose le lien ci-dessous, vers le texte de ce témoignage mais aussi de la confirmation du père Nicolas Rehbinder (de ces propos du Métropolite Cyrille), lequel confirme ce témoignage, en l'amendant d'un point important que j'avais oublié.

4.Posté par Gueorguy le 21/08/2013 14:38
@2 - Vladimir G.
J'ajouterais un petit commentaire. Vladimir G. semble percevoir une petite contradiction entre ce qu'écrit le père diacre A. Kuraev et ce témoignage.

Je ferais l'observation que les événements de l'époque ont été un choc mondial, générant une multitude de réaction et, certainement, ont laissé s'estomper quelques détails de déroulement.

Il me semble fortement compatible que, dans l'attente des événements, la hiérarchie de l'Eglise aient pris des mesures prudentes telles que les rapportent le père diacre mais que, dans la suite, leur réactions étaient celles qu'a rapporté le métropolite Cyrille. Je ne pense pas qu'il y ait une contradiction.

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