Le FIGARO
Laure Marchand, à Istanbul

Le patriarche estime que les orthodoxes vivant en Turquie se sentent parfois «crucifiés».

Une interview de Bartholomée diffusée sur la chaîne de télévision américaine CBS, dimanche dernier, a déclenché un tollé en Turquie. En évoquant la communauté orthodoxe grecque du pays et les difficultés auxquelles elle est confrontée, le patriarche œcuménique de Constantinople déclare que ses membres y sont «traités (…) comme des citoyens de seconde classe» et que «nous n'avons pas le sentiment de bénéficier de tous nos droits en tant que citoyens turcs». Au journaliste qui lui suggère de quitter la Turquie, le leader spirituel du monde orthodoxe répond qu'il s'agit «d'une terre sainte et sacrée» : «Nous préférons rester ici, même si nous sommes parfois crucifiés.» Et d'ajouter que, personnellement, il lui arrive également de se sentir «crucifié». C'est cette métaphore christique, abondamment critiquée par le parti islamo-conservateur au pouvoir (AKP, Parti de la justice et du développement) mais aussi par l'opposition nationaliste, qui se retrouve au cœur de la polémique.



Des discriminations perdurent

Sans mettre en cause les doléances de Bartholomée Ier, Ahmet Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, a jugé que «la comparaison avec la crucifixion (était) extrêmement regrettable», espérant qu'il s'agissait «d'un lapsus involontaire». Abdullah Gül, le président de la République, s'est dit en accord avec la déclaration du chef de la diplomatie. Plus virulent, Kürsat Tüzmen, un des responsables de l'AKP, a jugé qu'«une personne aimant réellement son pays doit être plus responsable».
À contre-courant de ce flot de condamnations, plusieurs voix s'élèvent pour défendre le patriarche. Si, sans surprise, le ministère grec des Affaires étrangères a estimé que «le respect de la liberté religieuse et le droit des minorités» constituaient des «obligations» essentielles que la Turquie devait remplir pour adhérer à l'Union européenne, de nombreux commentateurs turcs sont également montés au créneau. Ainsi, pour l'éditorialiste Mehmet Ali Birand, «l'État» qui a longtemps perçu «le Patriarcat comme une institution ourdissant des plans pour diviser la Turquie (…) a crucifié le patriarche».
Victimes tout au long du XXe siècle de l'hostilité de la République turque envers les non-musulmans, les Grecs orthodoxes ne sont plus que 2 500 en Turquie.
En dépit de l'arrivée au pouvoir en 2002 du parti musulman conservateur de l'AKP qui, contrairement aux gouvernements précédents, montre un intérêt pour le sort des minorités, des discriminations perdurent. Ankara nie toujours le caractère œcuménique du Patriarcat, ne lui reconnaissant qu'une autorité sur la minuscule communauté locale.
Et le séminaire orthodoxe de Halki, crucial pour former les métropolites et garantir la succession de Bartholomée Ier, attend sa réouverture depuis trente-huit ans.

Source Le Figaro


Rédigé par l'équipe rédaction le 25 Décembre 2009 à 16:32 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Marie Genko le 25/12/2009 18:53

Nous devons tous prier pour Sa Sainteté Bartholomée, car je ne vois vraiment aucune issue à la longue sujétion des orthodoxes en Turquie.
Le témoignage orthodoxe en terre musulmane est certainement la volonté du Seigneur.

J'ajouterai que, les Turcs n'étant pas européens, je ne comprends pas pourquoi le ministère des affaires étrangères grec se mêle de dire à la Turquie ce qu'elle doit faire pour entrer dans l'Union Européenne!
Pour nombre d'entre nous c'est une question qui ne se pose même pas.


2.Posté par vladimir le 15/01/2010 20:19
Dans une déclaration au quotidien Taraf, le président de la direction des Affaires religieuses de Turquie, Mourat Bardacoglou, et son vice-président Mehmed Giormez, se sont prononcés en faveur de la réouverture de l’Ecole théologique de Halki ; ils ont souligné ... qu’indépendamment de l’existence d’opinions divergentes quant à l’ouverture ou non de l’Ecole, ils se doivent, en tant que direction des Affaires religieuses, d’envisager la chose sous un autre angle, à savoir la liberté religieuse. Le vice-président a également souligné qu’il n’était point correct d’approcher ce thème d’un point de vue politique ni d’ailleurs non plus dans le cadre des relations internationales ou de la réciprocité. Si le sujet est abordé sous le prisme des valeurs universelles de la religion musulmane, sous l’angle des principes ainsi que de l’expérience historique tels qu’ils ont été vécus par les diverses religions et cultures côte à côté sur la même terre, alors il n’est pas acceptable qu’une minorité religieuse rencontre la moindre difficulté dans le domaine de la formation de ses propres clercs et de l’éducation religieuse qu’elle désire donner à ses propres enfants. « Cela relève de la liberté de croyance ».

M. Bardacoglou a précisé que les chrétiens jouissent en Turquie de droits égaux en tant que citoyens égaux. Là où il existe une population chrétienne qui désire construire une église, nous devons l’aider dans cette direction, et la question de l’Ecole théologique doit être discuté et une solution doit lui être apportée dans le cadre des libertés religieuses. Le vice-président a entre autres mentionné la coexistence de diverses communautés religieuses, indiquant que depuis trois siècles, là où se côtoyaient diverses religions et cultures, comme à Constantinople, à Proussa et à Adrianoupolis, les gens avaient la possibilité de développer leur propre enseignement théologique. Et de souligner que si après des siècles une minorité religieuse, quelle qu’elle soit, affirme qu’elle affronte un problème dans ce domaine, alors nous devons impérativement lui prêter attention.
http://www.orthodoxie.com/2010/01/-ouverture-dankara-concernant-lecole-de-th%C3%A9ologie-de-halki.html
Espérons maintenant les résultats concrets.

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