Les abeilles et la maladie
Alexandre Stronine a été rappelé à Dieu le 12 octobre 2010
Sa vie, ses souffrances sont un fort témoignage de foi, d’amour du Christ. L’article qui suit a été publié par la revue « Foma ».

"Les abeilles et la maladie"

Afin de ne pas les accabler, Dieu ne maintient pas durablement les êtres humains dans le malheur, de même, pour qu’ils ne deviennent pas insouciants, Il ne les maintient pas constamment dans le bonheur, car c’est de différentes manières que le Seigneur assure le salut des hommes. (Saint Jean Bouche d’Or)

J’étais membre de l’église depuis cinq ans, lorsqu’au courant de l’hiver 2002, on posa à mon sujet le diagnostic d’un sarcome au 4ème degré. J’allais sur mes 33 ans. J’avais entendu parler de la mort, de la personne du Christ et je m’approchais des Saints Mystères. Néanmoins la maladie fut un choc pour moi… Ma vie était heureuse – j’avais un fils de trois mois avec lequel je ne voulais vraiment pas me séparer, j’avais une carrière qu’il valait visiblement mieux oublier …. Les douleurs étaient invraisemblables ; des nuits sans sommeil, des calmants qui ne me soulageaient pas… Celui qui est passé par cette expérience, celui là sait à quoi je fais allusion.

J’entamai un traitement lourd et de longue durée. Avant de le commencer j’ai demandé à recevoir l’extrême-onction et cela a effectivement changé mon humeur. De quelque part me sont venues des forces pour la lutte.

Devenu invalide du premier groupe, j’eu encore plus envie de m’employer à aider ceux qui vivaient une situation semblable. J’ai voulu m’efforcer de leur expliquer que chaque chose a son sens dans la vie et qu’il ne faut pas perdre courage et désespérer. J’ai voulu partager avec eux mon expérience, (elle n’est peut-être pas la plus positive) : 34 séances de chimiothérapie, de nombreuses séances de rayons et plusieurs interventions chirurgicales sérieuses- voici mon CV depuis mon diagnostic, il y a sept années et demi. La dernière intervention, fin 2006, m’a assis dans une chaise roulante. Les métastases ont abîmé la moelle épinière, déjà avant l’intervention mes jambes ne m’obéissaient plus.

Durant les deux premières années de ma maladie, je demandais dans mes prières, la santé pour moi-même et mes proches. Aujourd’hui, je ne demande plus la santé pour moi-même – je ne demande qu’une chose que le Seigneur me donne la force, la patience et la résignation pour supporter cette épreuve. Je vais peut-être m’exprimer de façon séditieuse, mais il s’agit de mon opinion subjective : Cette maladie n’est pas donnée à tout le monde pour en guérir et être en bonne santé.

Sur un forum , quelqu’un m’a écrit : « Il ne faut pas dire que vous êtes entré dans l’église et que vous êtes devenus un homme au plein sens de ce terme. ». C’est tout à fait exact, avec chaque année qui passe, je suis de plus en plus mutilé sur le plan physiologique, mais je me sens très heureux. Je possède une famille et des amis aimants et ils sont plus nombreux qu’avant ma maladie. J’ai également une occupation favorite liée à la vie de ceux qui me ressemblent, une occupation liée à des personnes handicapées. J’ai remarqué que lorsque certaines aptitudes deviennent limitées d’autres au contraire, non moins précieuses, apparaissent chez l’homme, et des forces qu’il ne soupçonnait pas en lui lui sont données. La seule chose effrayante serait de ressembler au figuier stérile de l’Evangile.
Il est très difficile d’expliquer aux gens que la foi n’est pas une garantie de guérison. Que le schéma : » Visiter sept églises, demander quarante jours de prières dans sept monastères, se plonger dans sept sources » ne fonctionne pas. Souvent j’ai l’impression qu’un prêtre, à ma place pourrait bien mieux faire : il m’est difficile de parler de la foi, moi-même, je ne suis pas assez bon pour témoigner…

A la question « La maladie conduit-elle à la Foi ? » je n’ai personnellement pas de réponse.
Je suis entièrement dans cette situation et je vois comme des gens qui souffrent s’effondrer, murmurer contre Dieu, maudire le destin. Il me semble qu’un être qui se referme sur sa maladie, ressemble à une mouche, posée sur un grand parterre de fleurs, qui ne la réjouissent en rien…Alors qu’une abeille posée sur un tas d’ordure, en voyant une petite fleur solitaire se réjouit sans fin de cette vue. Je souhaite à tous d’être comme les abeilles. Et je pense que la foi leur ouvrirait un monde complètement nouveau, une nouvelle relation aux évènements. Et si, parmi ceux que je connais, quelqu’un commence à croire, il le fait bien, avec sincérité, profondeur. Une telle foi ne le quittera pas, par exemple durant les périodes de rémission , une telle foi est authentique.

Chacun d’entre nous a sa propre vision d’une vie heureuse et de ses valeurs.
Certainement sans l’espoir en Dieu, en Son dessin, sans un recours par la prière auprès des saints, sans le soutien d’un prêtre que je rencontre depuis une douzaine d’années, je pense que je n’aurais pas duré plus de deux années avec mon 4ème degré de maladie. Croyez-moi ce ne sont pas des paroles claironnantes et emphatiques. Je le sais, et je suis sans cesse convaincu, qu’il en est ainsi. Je me réjouis que durant ma maladie, j’ai eu la possibilité de visiter toute la Grèce, de me rendre deux fois sur le mont Athos, et de m’envoler pour Valaam. A Diveevo, le monastère fondé par Saint Séraphin de Sarov, nous sommes reçus comme des membres de la famille. Si je n’avais pas été malade peut-être n’aurais-je pas trouvé le temps pour faire tout cela.

Je me réjouis de chaque nouvelle journée ; je me réjouis de ce qui est mien ici et maintenant, que l’été soit arrivé et que je puisse me déplacer avec ma chaise sur des surfaces sèches ; je me réjouis qu’il existe des places de parking pour les invalides et qu’elles soient libres ; je me réjouis lorsqu’il y a des plans inclinés dans les lieux publics dans lesquels nous nous rendons en famille. Je me réjouis de ce que j’ai commencé à me déplacer avec un déambulateur dans l’appartement…Je pourrais continuer à énumérer les joies d’aujourd’hui, simplement chacun d’entre nous a ses joies - et il suffit de les remarquer.

Alexandre Stronine, coordinateur de plusieurs projets sociaux et d’entraide

Traduction pour "Parlons d'orthodoxie" Marie GENKO

Rédigé par Marie GENKO le 28 Mars 2012 à 17:35 | 5 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par BORIS Larin le 06/11/2010 09:17
Comme l'équipe de rédaction a bien fait de poster ce texte le 6 novembre: fête de l'icône de la Mère de Dieu, joie de tous les affligés!

2.Posté par vladimir le 06/11/2010 13:40
Merci Marousia pour ce texte extraordinaire, bien loin de nos petits débats jurictionnels et autres!
Je voudrais aussi apporter une précision: vous avez justement traduit le terme slavon "соборование" par "l’extrême-onction". Toutefois l'onction orthodoxe des malades est différente du sacrement catholique à la fois par son rite et par ses destinataires. Dans le rite orthodoxe, l'onction est faite non seulement sur le front et sur les mains comme dans le sacrement catholique, mais sur d'autres parties du corps. Les orthodoxes mettent de l'huile sur tout le corps du malade.

Dans l'orthodoxie, cette onction est destinée à n'importe quel malade, quelle que soit la gravité du cas. Les orthodoxes la reçoivent tous les ans pendant la Semaine sainte et pas seulement en cas de maladie grave comme le sacrement catholique.

La Sainte Onction ne peut être administrée qu’à des chrétiens orthodoxes.

3.Posté par makarios le 06/11/2010 16:06
Témoignage qui touche en plein coeur.
Merci de le partager.

4.Posté par Galina Minina (Londres) le 07/11/2010 13:10
MERCI Marie!
C'est une très belle histoire, à la fois triste et émouvante !
Il m'a beaucoup touchée

5.Posté par Gueorguy le 04/12/2010 12:51
En marge de cet article, je voudrais signaler non sans quelques émotions, l'existence d'un site qui mérite de retenir tout notre intérêt:

Voir le lien ci-dessous:

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