Les chœurs de la nouvelle Russie
p. Alexander Winogradsky Frenkel

Les 27 et 28 juillet prochain, l’Eglise orthodoxe russe aura l’honneur de présider les célébrations du 1030-ième anniversaire du Baptême de la Rus de Kiev

En 2018, la Russie est cet espace immense qui compte ses verstes ou ses kilomètres et vit comme un drame impérial la douleur d’amputations provoquées par la création d’états indépendants à la suite de la chute du régime communiste.

Les frontières ne sont plus celles qu’elles furent jusqu’en 1917, puis en 1918-22, en 1937, en 1945.

Comme si le pays était dévoré de l’intérieur et que les terreurs internes répétitives et les émigrations, les travailleurs expatriés déchiraient la robe immaculée de la Sainte Russie.

La Russie est autre : elle patiente avant d’accepter l’étranger. Elle est chaleureuse et distante. Sauvageonne et folle en Christ, irraisonnée, passionnelle et systématisée, parfois stricte. Pudique et voluptueuse dans la jouissance comme dans la cruauté. Le Russe reste à jamais fidèle à la nation et à ses territoires démesurés.

Parfois au-delà du raisonnable, jusqu’à une sorte d’obéissance aveugle à des koulaks ou des boyards, qu’ils soient camarades ou oligarques. Son âme s’élève comme un parfum d’encens qui peut aussi s’encastrer dans une rigueur servile et irrémédiable. Le temps est autre, l’histoire est autre. Les Inye/иные -les autres (les étrangers, les aliens) peinent à s’immiscer dans de tels paysages humains et géographiques.

Des foules ont marché sur Ekaterinbourg en ces jours du centennaire de l’assassinat des saints membres de la famille impériale, dont le tzar Nicolas II et son épouse Alexandra, le tzarevitch Alexey. Il y eut cent mille personnes selon les statistiques… c’est peu pour un territoire aussi vaste.

C’est une année cruciale pour la Russie. Le temps a passé depuis 1988, année du millénaire du Baptême de la Rus de Kiev, qui marqua un tournant majeur. C’était l’amorce concrète de l’effondrement du rêve messianique marxiste-léniniste et trotskiste.

L’univers socialiste soviétique de Russie a implosé sans que le sang soit versé. Cela ne veut pas dire que les âmes n’aient pas terriblement souffert d’un réveil apparemment brutal.

En 1988, le patriarcat orthodoxe de Moscou sortait des catacombes dans le désordre. Des milliers de croyants, des prêtres et des évêques semi-clandestins ou martyrs vivants surgissaient des oubliettes d’une histoire qui ployait sous le fardeau de l’apostasie. L’Occident n’a jamais connu de situation analogue, pas même au temps de la Révolution et de la Terreur en France.

En 2018, les choses ont changé. La Fédération de Russie ressent une amputation douloureuse de son immense territoire. Il part des marches de la Slovaquie, de la Biélorussie et de la Bessarabie aux contours incertains, parcourt le Caucase, l’Asie centrale, la Sibérie jusqu’aux portes du Japon, serpentant le long des fleuves-frontières avec la Chine. Les quinze républiques soviétiques ont été disloquées. Elles maintiennent des liens peu sécurisés avec Moscou...

Les Pays baltes sont indépendants. La Belarus et l’Ukraine sont deux états « libres » alors qu’elles furent, pendant des décennies, les voix de l’Union Soviétique près des Nations-Unies et les organismes connexes. Les frontières étatiques et mentales, rompant avec l’histoire, deviennent mouvantes et incertaines sur le long-terme.

Les républiques d’Asie centrale ont aussi proclamé leur indépendance et constituent des entités peu stables où les Russes sont souvent en danger.

Partout, le patriarcat de Moscou assure une unité spirituelle héritée de l’histoire de la ruée missionnaire orthodoxe vers l’Extrême-Orient. Cette épopée vers le Far-East est peu connue en Europe mais elle est chargée d’un souffle souvent héroïque à la rencontre de peuples asiatiques et les natives de l’Amérique du Nord.

On fêtera cette année, les 27 et 28 juillet 2018, le mille trentième anniversaire de cette adhésion à la foi chrétienne. Celle-ci avait été en germe dans le pourtour « romano-hellénistique » de la mer Noire. Les Juifs y ont habité depuis les temps les plus anciens. Ils frayèrent la voie au christianisme naissant. Il fallut pourtant attendre près de mille ans pour que les Slaves adoptent la révélation chrétienne dans son expression byzantine.

Aujourd’hui la Rus veut marquer les trente ans de sa résurrection, de son surgissement hors des ombres de la mort. Cela reste un temps très court. Beaucoup de fidèles et le clergé russes considèrent que cette année invite à la repentance et au renouveau. La Russie fait face au péché et sait que le salut est possible, dans le sacrifice ou l’exultation pascale.

En 1988, chacun s’étonnait d’avoir survécu. Il y avait les babouchki/бабушки, grands-mères tirées d’un temps pré-révolutionnaire, imprégnées d’une foi forte où chaque prière en slavon martelait une vérité plus puissante que tous les dogmes prolétaires..... SUITE "THE TIMES OF ISRAËL"


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 2 Août 2018 à 01:01 | 0 commentaire | Permalien


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