Les enfants derrière un mur de pierre
Nikita Filatov pour Pravoslavie.ru
Traduit du russe par Marie et André Donzeau

Il y a des enfants que leurs parents répudient, il y a des enfants à cause desquels des familles s'effondrent. Et il y a des adultes, vraiment responsables, qui sont prêts à aider de tels enfants ainsi que leurs mères et leurs pères qui ont appris un jour que leur enfant est atteint de Paralysie Cérébrale Infantile (PCI).

En 1909 s'est ouvert à Moscou le Couvent des Saintes Marthe-et-Marie de la Miséricorde Les traditions instaurées par sa fondatrice, la grande-duchesse et sainte martyre Elisabeth Feodorovna, existent encore de nous jours. Elles sont prises en charge par des personnes qui abandonnent leurs train train, renoncent à leurs habitudes et changent complètement de vie.

Anna Prichtchenko a aidé à organiser à partir de rien, dans le service d'aide orthodoxe "Miséricorde", un Groupe d'accompagnement de jour et une école maternelle pour les enfants atteints de PCI. Il n'y a pas de telles écoles ni à Moscou, ni ailleurs en Russie. Il y en a une comme ça dans la région de Saratov. Mais celle-là aussi, Anna et ses pupilles ont aidé à l'ouvrir.

Un petit bâtiment de deux étages avec des murs blancs. Un mur de pierre, blanc lui aussi, le protège du monde extérieur. Derrière ce mur ont n'entend pas le bruit des voitures ni le brouhaha de la grande ville. Ici, c'est le monastère des Saintes Marthe-et-Marie, un endroit où l'ont sait ce qu'est la prière, l'aide et le travail.

Le Groupe d'accompagnement de jour occupe le rez de chaussée. C'est là que tous les jours ouvrables, vers 9 h, on amène les enfants invalides qui souffrent de PCI.

Dans l'école maternelle elle-même on considère que le mot «souffrir» est tout à fait inexact. Anna Ivanovna sélectionne les volontaires selon plusieurs critères. Une personne trop sentimentale, avec une pitié affectée, ne travaillera pas ici.
Les enfants derrière un mur de pierre

Photo: Anna Prichtchenko

Je ne me comporte pas avec pitié envers ces enfants. Je considère que ce sont des enfants comme les autres. Bien sûr, ils sont différents, dit Anna Prichtchenko. Des gens viennent parfois nous voir et se mettent à pleurer et à se lamenter. Nous ne prenons pas de tels bénévoles, animés de cet état d'esprit.

Certains enfants ne peuvent pas du tout se déplacer ; certains font quelques pas hésitants, mais avec l'aide d'un éducateur ou en s'appuyant sur un fauteuil roulant. Ils y a cinq de ces fauteuils dans le groupe. Ils sont arrivés dans le monastère après que le Groupe d'accompagnement de jour ait obtenu une subvention présidentielle.

Ils sont confortables. On peut ajuster leur hauteur. L'enfant est en sécurité et s'y trouve toujours bien.
Les enfants derrière un mur de pierre

- Combien coûte un tel fauteuil roulant? demandai-je.
- 210 000 roubles (environ 2500 euros NDLR).

Ce garçon a dit pour la première fois qu'il veut boire. Au moyen d'une carte. C'est un grand progrès

Certains enfants apprennent pour la première fois à exprimer leurs pensées. Au moyen d'une méthode particulière.
- A l'instant, ce garçon a dit pour la première fois qu'il veut boire. Au moyen d'une carte. Nous avons compris. C'est un grand progrès!

Derrière chacun de ces progrès il y a de nombreuses heures d'un travail minutieux. On ne peut travailler avec un enfant ici que deux fois par semaine. On parvient ainsi à atteindre le plus d'enfants possible. Dans le groupe il y a six personnes.
Les enfants derrière un mur de pierre

- Nous avons aussi des enfants atteints d’autres maladies : hyperkinésie, diplégie.

A proximité, au monastère Marthe et Marie, s'est ouvert un grand centre médical, où sont mis en œuvre plusieurs projets du service "Miséricorde". Des enfants atteints de PCI y suivent un stage de réadaptation de trois semaines. Il est géré par des professionnels : médecins de diverses spécialités, éducateurs et des psychologues. Une fois de plus, c'est le seul centre pour de Moscou.

Dans le bureau du psychologue on fait des exercices pour développer la coordination. Sur le plancher se trouvent un petit bac à sable et des jouets. D'ailleurs, il y a des jouets dans chaque chambre. Dans la vie ordinaire, ces enfants ne disposent tout simplement pas de la possibilité d'explorer le monde, d'apprendre à le connaître. Ils ne peuvent pas toucher des pierres, caresser un animal, faire un bonhomme de neige. Mais cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas besoin d'explorer le milieu qui les entoure. C'est pourquoi ils peuvent ici, dans une atmosphère calme, toucher, étudier, regarder de près d'autres matériaux et objets.
Les enfants derrière un mur de pierre

Photo: Une chambre de jeux de l'école pour enfants atteints de PCI

Les enfants atteints de PCI ont très peur des bruits et des mouvements brusques.

- Si quelqu'un agite la main, cela provoque la panique. Leur environnement sensoriel est très rudimentaire. En raison de leurs particularités physiques, ils ne peuvent pas explorer le monde avec les mains comme les autres enfants, explique la psychologue Elena Kozlova.

Rien qu'à Moscou, il y a plus de cinq mille de ces enfants. Nous pouvons dire que les trente élèves de cette école maternelle ont de la chance. Des orthopédistes et des orthophonistes s'occupent d'eux. Comment vivent les cinq mille autres enfants, nous ne pouvons que nous le demander.

- De combien de fonds avez-vous besoin pour faire vivre cette école ?
- Environ dix millions de roubles par an (environ 118500 euros NDLR). Cela afin de maintenir l'école.

Il y a dix-huit mois, le Service de protection sociale de Moscou nous a alloué un nouveau bâtiment. Il est plus grand, dans les chambres les fenêtres n'ont pas de grilles, tout est conforme aux normes. Et il sera conçu pour trois groupes.
Les enfants derrière un mur de pierre

Pendant que les éducateurs et leurs élèves attendent le déménagement, l'école maternelle fonctionne selon son rythme habituel.

Le jeudi a lieu une activité thérapeutique obligatoire avec les parents. Au centre de la grande pièce il y a une table ronde, des armoires pleines de livres. C'est comme une bibliothèque familiale.

- Cette chambre était prévue pour les mamans, explique Anna Ivanovna. En réalité cela ne leur est pas nécessaire. Elles laissent leurs enfants et courent s'occuper de leurs affaires : recueillir des attestations, faire des formalités.

C'est ainsi que la salle de repos pour les parents s'est transformée en cabinet pour l'orthophoniste.

- Et comment êtes-vous arrivée à cette profession ?
- Je suis venue afin de soulager un peu leur existence. C'est en quelque sorte mon sacerdoce. Je suis venue comme bénévole. Puis j'ai fait connaissance avec Mère Elizabeth. Avant, je ne m'étais jamais trouvée confrontée aux enfants atteints de PCI. J'enseignais la culture à l'université. Un jour je suis venue au travail est j'ai découvert un vide. Dès ce moment, j'ai compris qu'il fallait le combler.

- Les enfants s'habituent à vous ?
- Oui, ils m'attendent dès le soir. Un enfant peut même dormir mal : il attend.

Les enfants derrière un mur de pierre

Photo: Une chambre à coucher

Dans une chambre spacieuse sur des oreillers moelleux quelques enfants écoutent les chansons que chantent les éducateurs accompagnés d'un piano. Dans la chambre à coucher, derrière le mur, un enfant dort.

L'Etat ne nous soutient pas, nous n'existons que grâce à des bienfaiteurs.

- Autrefois, il y avait les Lekoteki (établissements d'aide préscolaire aux enfants inadaptés NDLR). Mais maintenant, à Moscou, elles ont pratiquement disparu, explique Anna Prichtchenko. Auparavant, les mamans pouvaient y laisser leurs enfants deux ou trois heures. Mais maintenant, cette possibilité a disparu.

- L'Etat vous soutient ?

- Non, nous n'existons que grâce à des bienfaiteurs. Cette année, nous avons essayé d'obtenir une subvention de la sécurité sociale, mais pour l'instant... Pour l'instant nous essayons seulement.

Lien en russe


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 17 Mai 2017 à 10:44 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Anne Khoudokormoff-Kotschoubey le 01/02/2016 18:03
C'est avec émotion que j'ai lu ce petit article. En réalité il aurait pu être écrit en énormes lettres. Car, ce lieu saint est encore fort méconnu, même à Moscou, même chez nous en Occident. En-effet il se trouve derrière un mur de pierre blanc. Comme il y en a quelques uns à Moscou. Blanc comme un lys, la fleur préférée de la grande-duchesse Elisabeth de Russie. Et lorsque l'on pénètre dans ce lieu, tout est beau, tout est soigné, fleurs et arbres, et je ne parle pas de l'extraordinaire église aux fresques de Nesterov, et de la crypte peinte par le génial Korine, etc...

Oui, ce lieu saint, la Demeure de Miséricorde de Marthe et Marie est l'œuvre de la nouvelle martyre sainte Elisabeth de Russie, et son rêve, cette Demeure, a commencé en 1909. On connaît la suite, avril 1918: déportation de la moniale Elisabeth et de sa sœur converse Barbara, le chemin de croix, le supplice le 18 juillet 1918 à Alapaïevsk, le transport des corps suppliciés à travers la Chine, et finalement l'arrivée à Jérusalem en janvier 1921 où elles reposent depuis.

Ce lieu je l'ai connu encore en ruine, en 1995. Mais à cette époque déjà, le sens de la vie de sainte Elisabeth - le don total de soi à autrui - avait quelque repris. Les bénévoles n'ont pas manqué. Il y a eu des hauts et des bas comme dans tout retour à la vie... Mais l'abnégation des bénévoles, m'a toujours émue. Car dans ce pays si éprouvé au temps soviétique, et encore éprouvé à l'heure actuelle, pour d'autres raisons, l'apostolat de jeunes personnes pour les plus démunis, qu'ils soient atteints moralement, psychiquement et physiquement, a toujours été d'un haut niveau, pas seulement en matière d'aide morale, psychique ou physique, mais aussi d'une très grande humilité naturelle. Rien de feint.

Tout le monde en-effet ne peut aider de grands handicapés, cela demande un grand don de doigté, de patience, de douceur et de compassion/compréhension devant une douleur permanente surtout chez les tout jeunes. Ce savoir-faire n'est pas donné à tout le monde. Ce "sacrifice" du don de soi on peut cependant souvent le voir fleurir dans le sourire d'un enfant. Dans le bonheur subit qu'un petit enfant ressent lorsqu'il a pu s'exprimer. C'est là toute la récompense du travail fait avec amour.

Voilà pourquoi, à mon sens, il faudrait que ce lieu soit mieux connu, et bien sûr mieux aidé... Ceci est une autre grave question...

Merci à PO d'avoir publié cet article.

Anne Khoudokormoff-Kotschoubey

2.Posté par Tchetnik le 01/06/2016 18:42
Encore une de ces nombreuses œuvres de charité que l'Eglise Russe sait si bien et si efficacement faire.

L'Eglise fait de même en Grèce, en Serbie, ce qui est à son crédit et assez ignoré des média mainstream, mais si elle pouvait en faire autant en Occident, ce serait une bonne chose.

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