Maria Nikolaievna Apraxina : «… l’église où nous allons nous aide à conserver l’esprit russe et la foi en Dieu »
Tous ceux qui fréquentent l’église-mémorial de Saint-Job le grand souffrant à Bruxelles rencontrent au comptoir des cierges Maria Nikolaievna Apraxina qui est membre de la paroisse depuis le jour de la première liturgie célébrée dans l’église-mémorial, et l’une des plus actives. Elle conserve également les archives très riches de la construction et de l’histoire de l’église-mémorial de Bruxelles.

Bienveillante, intellectuelle, raffinée, sens de l’humour toujours en éveil, une pensée sobre, une mémoire admirable, qui conserve les événements précieux de l’histoire de l’orthodoxie russe à l’étranger, tout cela suscite l’enthousiasme et un intérêt vivant pour la personnalité de Maria Nikolaievna Apraxina, fille de représentants de la première vague de l’émigration, la comtesse Barbara Vladimirovna Moussine-Pouchkine, l’aristocrate Nicolas Mikhaïlovitch Kotliarevsky, bras droit du baron Wrangel. Il faut mentionner que le père de Maria Nikolaievna fut à l’origine de l’initiative destinée à honorer la mémoire du tsar-martyr Nicolas II, de la famille impériale et des martyrs auxquels est consacrée l’église-mémorial. Il a pris une part très active à la formation et au travail du comité pour la construction de l’église de Bruxelles.

Maria Nikolaievna, qui a eu cette année 81 ans, est née dans une famille où les trois enfants étaient élevés dans l’esprit russe, ce qui a initié une belle tradition familiale. Maintenant, Maria Nikolaievna a déjà neuf petits-enfants, et on peut dire sans crainte de se tromper que la tradition d’élever les enfants dans l’esprit de la foi orthodoxe et de la culture russe est profondément ancrée dans cette famille.

Maria Nikolaievna Apraxina : «… l’église où nous allons nous aide à conserver l’esprit russe et la foi en Dieu »
"Je suis née ici, à Uccle. Donc, pour les papiers, je suis une vraie Belge. Pourtant, je n’ai reçu la nationalité belge qu’à l’âge de 18 ans. Mes parents étaient arrivés de Belgrade en Belgique en 1926, avec la famille du général Wrangel, le commandant en chef de l’armée russe, parce que mon père a été le secrétaire du général jusqu’à sa mort en 1928. Nous nous sommes établis ici, près de l’église qui n’existait pas encore. Ensuite mon [2e] frère est né, ensuite moi. Et j’ai décidé de demander la nationalité belge uniquement pour avoir droit à une bourse d’études et poursuivre ma formation à la faculté de sciences commerciales et financières de l’Université de Bruxelles. Mes parents avaient un passeport Nansen [un passeport de réfugié, délivré à partir des années 1920 par la Société des Nations à Genève."

Les parents de Maria Nikolaievna n’ont pas reçu la nationalité belge, qui à l’époque coûtait une fortune. Ses deux aînés, qui sont nés au Congo belge, ne l’ont pas reçue non plus parce que le mari de Maria Nikolaievna, Vladimir Apraxine, fils du comte Piotr Nikolaiévitch Apraxine, n’était pas lui-même de nationalité belge.

Et comment êtes-vous arrivée au Congo ?

Maria Nikolaievna: Mon mari y était ingénieur. Nous nous sommes mariés ici à l’église, après quoi nous sommes partis en Afrique, à l’époque c’était le Congo belge, la province du Katanga. Mes quatre enfants « africains » y sont nés. Nous avons vécu dans le sud du Congo un peu plus de 13 ans. Mon mari y extrayait du cuivre et de la malachite. J’ai conservé beaucoup d’objets en malachite, que nous avons rapportés d’Afrique.

Vous êtes Belge parce que vous êtes née en Belgique dites-vous. Et sentimentalement ?

Maria Nikolaievna:
En fait, je me sens russe. À la maison, nous avons toujours parlé russe, avec ma grand-mère, avec mes parents. Je me souviens qu’avec mes frères je parlais français en rentrant de l’école, mais ma mère nous arrêtait net en disant : « Les enfants, parlez russe entre vous ! » Plus tard, mon père m’a dicté des lettres qu’il envoyait au métropolite ou à d’autres personnes. Il vérifiait mon orthographe et c’est ainsi qu’il m’a appris à écrire correctement. Et puis nous allions à l’école du dimanche où nous apprenions le russe, et une institutrice venait à la maison nous donner des leçons de russe. C’est pourquoi je me suis toujours sentie russe. À l’école, quand on me demandait de quelle nationalité j’étais, je répondais : « Je suis russe ».

Cette phrase est restée la carte de visite de Maria Nikolaievna ici à Bruxelles. Elle y exprime son appartenance à la culture russe, dont une partie inaliénable est la foi orthodoxe. Il y avait ici autrefois l’école du dimanche, rue de Livourne, où on enseignait le catéchisme, l’histoire, la géographie et la langue russe. A l’époque où les Apraxine la fréquentaient, les enfants russes n’étaient pas si nombreux : une centaine d’élèves assidus, des jeunes de l’émigration « blanche » [antibolchévique]. Mais bientôt les difficultés ont commencé dans la vie de l’Église. En 1927 en Belgique, il y a eu un schisme ecclésial entre les trois paroisses [russes] existant à l’époque.

C’est pour cela qu’est apparue la nécessité de créer une nouvelle église ?

MN: Non, cette église a été bâtie uniquement en mémoire de la famille impériale et de toutes les victimes de la révolution.

À qui est venue l’idée de construire un tel monument ?

MN: Je pense que l’idée est venue à mon père. Il a reçu la bénédiction du métropolite Antoine [Khrapovitsky] qui célébrait à Belgrade, et dans un premier temps, on a projeté de construire cette église à Belgrade. Mais le projet a été modifié parce qu’à l’époque, [le primat de Belgique,] le cardinal Mercier, qui avait de la sympathie pour les réfugiés russes, a créé des bourses d’études pour eux, et tous ceux qui se sont trouvés ici ont fait des études universitaires. Les enfants de Wrangel ont été ici en pension, à l’école, c’est pour cela que le général et sa femme sont arrivés ici. Et comme mon père était son secrétaire, il est venu à Bruxelles en même temps que lui. Plus tard, les paroissiens de l’église de la Résurrection du Christ (où nous allions quand nous étions enfants) ont mis sur pied un comité de construction. Il a inauguré ses activités en 1930 et il a acheté le terrain pour construire l’église.

Avec quel argent ?


MN: On a organisé des collectes de fonds dans toute l’émigration, même de Chine et du Japon, de toute l’Europe et l’Amérique, tout le monde a donné, parce que c’était en mémoire du Tsar et de la famille impériale.

Est-ce vrai qu’il y a à l’église des restes du souverain ?
Non pas des restes, mais de la terre imprégnée du sang de la famille impériale, et pour le reste, nous ne savons rien.
Ainsi donc les fonds ont été rassemblés…
Vous savez, je conserve les papiers du comité de construction de 1930 à 1945. Je me souviens que dans mon enfance, mon père tapait à la machine chaque soir des procès-verbaux de réunions, mettait en ordre tous les comptes. J’ai trois livres de ces mêmes procès-verbaux. On a commencé à bâtir l’église et parfois il ne restait plus un sou en caisse.

Et le chantier était arrêté ?
MN: Non, parce qu’il était dirigé par Emmanuel Nikolaiévitch Fritscher, l’un des membres du comité de construction. Son grand-père était officier de marine en Russie, mais lui-même était originaire de Nice. Comme il était entrepreneur et avait assez de ressources, il supportait tous les frais de construction.
Maria Nikolaievna Apraxina : «… l’église où nous allons nous aide à conserver l’esprit russe et la foi en Dieu »

La collecte de fonds pour la construction a duré environ 14 ans, de 1936 à 1950.

Ce fut effectivement difficile. On peut s’en convaincre aisément en regardant le livre sur l’église-mémorial de Bruxelles dont la documentation a été fournie par Maria Nikolaievna Apraxina. En le feuilletant, mon regard s’est arrêté sur la lettre touchante d’un vieil aristocrate, appauvri dans l’émigration, le prince D.D. Obolensky, de Nice, 86 ans. Il avait commandé une plaque de marbre en mémoire de son petit-fils, le prince A.S. Obolensky et d’autres officiers tués par les bolchéviques en même temps que lui à Mélitopol. Dans sa lettre au comité, il s’engageait à payer chaque mois une toute petite somme, tant que le Seigneur ne l’aurait pas rappelé à Lui. Et le prince, économisant sur tout, envoyait chaque mois la petite somme promise. Ensuite c’est son fils qui a pris le relai.

Les archives de Maria Nikolaievna comportent beaucoup de lettres semblables, et toutes sont empreintes d’un immense amour pour Dieu, d’une grande peine pour leurs proches morts prématurément par la faute des bolchéviques et d’une générosité incroyable. C’est grâce à ces gens et de nombreux autres dans le même esprit qu’aujourd’hui nous pouvons non seulement venir prier à l’église Saint-Job, mais nous extasier sur ce merveilleux monument d’architecture, créé dans les meilleures traditions de l‘architecture russe. SUITE Eglise orthodoxe russe Saint Job à Uccle - Bruxelles
Maria Nikolaievna Apraxina : «… l’église où nous allons nous aide à conserver l’esprit russe et la foi en Dieu »

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 1 Novembre 2014 à 20:18 | 0 commentaire | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile