Marie GENKO : "Pèlerinage en mer"
Photo: Pendant le pèlerinage l'higoumène Philippe (Riabykh) et Madame Marie Genko
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C’est avec beaucoup de reconnaissance que j’ai lu l’excellent compte rendu du pèlerinage en mer écrit par Séraphin Rehbinder

Grâce à la générosité de Vladimir Iakounine, président du Comité directeur du Fond de l’apôtre André le premier appelé et du Centre dédié à la gloire de la Russie, il a été donné à quelques descendants des Russes de l’Armée des Volontaires de visiter ces haltes du chemin de croix subit par leurs ascendants.

Pour essayer de contribuer à la réflexion collective inspirée par ce pèlerinage, je veux porter à la connaissance de tous, le texte de la lettre de l’initiateur de ce voyage.
Voici ce qu’écrit Vladimir Iakounine

« Chers amis,
Ce pèlerinage en mer des compatriotes russes est consacré à la commémoration du quatre vingt dixième anniversaire de l’évacuation de l’armée russe de Crimée. C’est un tribut rendu à la mémoire de nos frères particulièrement méritants, obligés d’abandonner leur sol natal : C’est avec dignité qu’ils ont supporté les épreuves les plus difficiles, conservant leur courage et leur fidélité à la Russie. Celui qui vit en Russie aujourd’hui doit comprendre que le sort de ces Russes, qui se sont retrouvés il y a de longues années, sur un sol étranger, est une partie non aliénable de sa propre Histoire et de son propre peuple.

Marie GENKO : "Pèlerinage en mer"
Souhaitons que ce retour vers un passé commun renforcera notre aptitude à vivre et à comprendre nos douleurs communes et nous permettra de tirer les leçons de notre Histoire.
Le peuple russe a connu de trop grandes pertes au XXème siècle. Nous ne devons pas permettre une semblable tragédie dans l’avenir. Et cette responsabilité est celle de chacun d’entre nous.
Il est facile à notre époque de franchir ces frontières qui nous séparaient jadis. Et les distances géographiques sont impuissantes à effacer le souvenir du sol natal, qui vit en chacun d’entre nous. Nous appartenons à l’unique famille du peuple russe.

J’espère que ce pèlerinage en mer nous offrira la précieuse possibilité d’un échange fraternel, entre les membres d’une seule et même famille. Cette rencontre peut devenir non seulement un évènement important de notre vie, mais aussi un commencement pour de nouvelles entreprises.

Les activités du Fond et du Centre se développent largement aujourd’hui autant en Russie qu’en dehors de ses frontières. En nous souvenant de notre Histoire, nous nous efforçons d’apporter notre contribution à l’élaboration d’un futur heureux et réussi pour la Russie. Nous sommes heureux d’inviter à participer à ce travail ceux qui partagent nos valeurs et nos convictions.

Aujourd’hui, nos efforts communs, qui s’efforcent de changer les stéréotypes évaluant les évènements tragiques de la Russie du XX ème siècle, ont une immense signification pour les générations russes à venir. En participant ensemble à ce pèlerinage en mer, nous nous efforçons de trouver ensemble la solution de cette immense et noble tâche- Rétablir la vérité et la justice historique. »

Réécrire ensemble l’Histoire de la Russie du XXème siècle, voilà quel a été le vaste programme de ce voyage.
A cet effet nous avons pu voir plusieurs projections de la série des excellents films d’Hélène Tchavtchavadzé : « Les Russes sans la Russie ». Les images tragiques filmées en 1920, images qui ont été vues sur les écrans de télévisions de toute la Russie, nous ont paru parfois insoutenables.
Plusieurs "Tables rondes" ont également eu lieu entre les escales. Des historiens brillants les ont animées. – Les avis n’ont pas tous, loin de là, été unanimes parmi les participants venus de Russie. Et pour les descendants de ces Russes de l’armée des volontaires, constater chez certains de ces participants une réelle volonté de justifier la politique des gouvernements bolcheviques, à été une singulière surprise.

Cette constatation pousse à réfléchir au dilemme humain posé à chaque Russe durant les soixante quinze années d’un gouvernement démoniaque et athée.
Tout comme les bons fils répugnent à accuser leurs pères, les Russes d’aujourd’hui cherchent à innocenter ceux de leurs ascendants, qui ont pris une part active à la gestion des affaires de l’ex URSS. Et cette attitude les pousse à trouver des excuses à la gestion des gouvernements de Lénine et ses successeurs !
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la propagande bolchevique s’était efforcée de faire naître une génération d’hommes nouveaux. Des hommes soumis à l’idéologie marxiste, c'est-à-dire obéissant aveuglément à un système, et broyant celui qui s’en écarte.

Souvenons-nous un instant des chiffres cités par Stéphane Courtois dans « Le livre noir du communisme, (paru chez Robert Laffont 1997) » :

1918-1922, fusillade de dizaines de milliers d’otages ou de personnes emprisonnées sans jugement et massacre de centaines de milliers d’ouvriers et de paysans révoltés

1922, famine provoquant la mort de cinq millions de personnes

1920, liquidation et déportation des Cosaques du Don.

1918-1930, assassinat de dizaine de milliers de personnes dans les camps de concentration.

1937-1938, liquidation de 690 000 personnes lors de la grande purge

1930-1932, déportation de deux millions de koulaks (ou prétendus tels)

1932-1933, famine provoquée et non secourue de six millions d’Ukrainiens

1939-1941 et 1944-1945, déportation de centaines de milliers de Polonais, d’Ukrainiens, de Baltes, de Moldaves et de Bessarabiens

1941, déportation des Allemands de la Volga

1943, déportation/abandon des Tatars de Crimée

1944, déportation/abandon des Tchétchènes

1944, déportation/abandon des Ingouches

La vérité de ces chiffres nous effraye toujours aujourd’hui !
Combien davantage devait-elle effrayer ceux qui les soupçonnaient, ou même les connaissaient dans l’URSS de Lénine puis celle de Staline ? Quel était le choix de ceux qui travaillaient et vivaient dans leur pays natal ? Ce pays qu’ils aimaient certainement et qu’ils souhaitaient servir ? Combiens de peurs et de souffrances pour les citoyens russes impuissants de jadis !

De leur côté, les Russes Blancs en exil connaissaient eux aussi une vie nouvelle et difficile loin de leur patrie ! Et c’est certainement au nom de ces souffrances, partagées par delà les frontières, que les descendants des Rouges et des Blancs veulent fraterniser aujourd’hui.

Mais, comme le souhaite Vladimir Iakounine, afin qu’une telle horreur ne se répète plus jamais, afin que le peuple russe retrouve la crédibilité dont il est digne, il est important que la vérité historique soit dite en Russie aussi.

Et, s’il n’est pas chrétien d’accuser les descendants des criminels du pouvoir bolchevique de jadis, il convient de juger et condamner les monstres, qui ont saigné et affamé le peuple russe. De même qu’ont été saignés et affamés d’autres peuples soviétiques, par leurs propres dirigeants nationaux, au nom d’une idéologie mortifère.

Comme le souligne Vladimir Iakounine, une juste évaluation des évènements tragiques de la Russie du XXème siècle aura une immense signification pour les générations russes à venir.

Souhaitons que notre sainte religion orthodoxe aide les Russes d’aujourd’hui à regarder et assumer leur passé sans trembler. Souhaitons qu’elle leur inspire une démarche politique complètement chrétienne. Ainsi les Russes échapperont à la tentation d’imiter les empires construits et défaits par la force de la loi du plus fort. C’est avec lucidité que nous devons avancer dans notre monde surpeuplé, où la loi de la jungle nous pousse avec certitude vers notre perte. Le futur radieux que nous sommes nombreux à souhaiter pour la Russie est de marcher dans les voies du Seigneur. Voilà peut-être la signification véritable du mythe de la troisième Rome, celle d’un destin russe, purifié par ses martyrs et porteur au sein de la société mondiale du témoignage de sa foi.

Rédigé par Marie Genko le 21 Août 2010 à 10:35 | 62 commentaires | Permalien



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