Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique
V. G.

Je vous propose un discours prononcé par Mgr Antoine en janvier 1967 à Paris, probablement à l'occasion de la "Semaine de l'Unité".

Ce texte reste d'actualité, même si le début est historiquement connoté: presque vingt ans après la fondation du COE (1948), le mouvement œcuménique semble à son apogée (1) Les représentants des Eglises orthodoxes ont clairement confirmé leurs positions exprimées précédemment dans [la Déclaration d'Oberlin]url: http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Declaration-des-representants-orthodoxes-a-la-conference-d-Oberlin-1957_a953.html (1957 cf. ibid.) et l'Eglise catholique a rejoint le mouvement en 1964 "Unitatis Redintegratio. Ibid.

Mais Mgr Antoine met le doigt sur les difficultés profondes qui apparaissent derrière une convergence de façade et qui aboutiront aux profondes divergences actuelles. Il montre aussi combien cette recherche de l'Unité demande en fait un effort à chacun pour faire participer l'autre: "Il y a aussi le fait que nous n'arriverons jamais à rien si nous ne nous rappelons que par rapport à l'autre, qui est l'objet de notre dialogue, notre attitude doit être celle du Christ Lui-même; du Christ, du Dieu Un dans la Sainte Trinité, qui est le Dieu de tous et de chacun; du Dieu qui aime également les bons et les méchants, qui déverse Sa charité sur les bons et les méchants."

Et cet appel de notre regretté pasteur ne s'applique pas uniquement à nos rapports avec les hétérodoxes; il convient aussi à nos relations avec nos frères Orthodoxes car, là aussi, dès que nous avons une divergence de vues, nous avons tendance à oublier que "personne ne peut reconnaître dans le prophète de Galilée le Verbe incarné de Dieu et son Seigneur, si l'Esprit Saint lui-même ne le lui révèle".

Voici le texte de la conférence de Mgr Antoine (titres et notes de VG)

Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique
Vingt ans de convergence

II y a vingt ans, il était facile pour trois orateurs successifs, appartenant à des confessions différentes, de se succéder: nous pensions des choses profondément diverses, nous avions un message qui ne ressemblait en rien à celui de l'autre et une approche ancrée dans la divergence, si bien que l'on pouvait se succéder sans crainte de se voir voler ce que l'on voulait dire.

A notre époque, après vingt ans de rencontres œcuméniques, l'expérience devient de plus en plus difficile. Le second orateur, on le sent, n'a que la moitié de son bagage; quant au dernier, que dirait-il ? Si j'avais la sagesse d'un de nos frères de l'Eglise bulgare, je dirais quelque chose d'une grande valeur et qui nous délivrerait de la nécessité d'en entendre davantage. Il y a quelques années, au Palais de Lambeth, un certain nombre de dignitaires de l'Eglise anglicane et de l'Eglise orthodoxe faisaient leurs adieux après une visite protocolaire. L'archevêque de Cantorbéry, le représentant de l'Eglise protestante épiscopalienne d'Angleterre, quatre ou cinq autres anglicans se succédèrent, faisant leurs adieux en termes de charité, d'unité et d'espérance. Ensuite vint le tour des orthodoxes, limités non seulement par ce qu'ils avaient déjà entendu, mais aussi par la difficulté qu'ils avaient à parler une langue étrangère. Ils firent de leur mieux, mais lorsque le neuvième orateur se leva — Mgr Joseph de Varna, un homme silencieux, réservé, — nous nous demandions tous s'il réussirait à dire encore quelque chose de nouveau sur la charité, l'unité et l'espérance. Il se leva, il nous regarda de ses yeux tranquilles et dit: "Qu'ajouterais-je aux paroles si belles que je viens d'entendre ? Une prière: Seigneur, fais qu'elles deviennent des réalités !"

Eh bien, sans voir dans ces paroles une amertume ou une plaisanterie hors de propos, je crois qu'elles s'appliquent à toutes nos réunions œcuméniques. Le troisième orateur pourrait se contenter d'élever une prière à Dieu, le remerciant de cette unanimité croissante dont nous avons maintenant l'expérience, de la joie que ces rencontres constituent, du sens d'être un groupe chrétien cohérent et non pas la mosaïque de chrétiens opposés que nous étions il y a vingt ans. Et puis — demander à Dieu que ces paroles d'espérance, ces paroles vraies et sincères, puissent devenir une réalité substantielle dans notre vie de tous les jours, une expérience vécue d'unité concrète, d'unité effective et créatrice.

Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique
Un objet qui est une inconnue et un sujet qui ne se connaît pas

Cependant, lorsque nous nous quittons, nous nous trouvons en face de pensées diverses: d'une part, nous sommes conscients de cette convergence chrétienne qui est notre joie actuelle, et, d'autre part, à chaque instant nous pouvons mesurer la distance qui nous sépare et les difficultés qui jonchent la route qui reste à couvrir entre nous. Il faut, je crois, un réalisme entier, un réalisme sérieux et clairvoyant, si nous voulons que nos recherches d'unité ne tournent pas court, qu'elles ne se transforment pas simplement en velléités, pleines certainement de bonne volonté, mais qui ne porteraient de fruits que sur le plan humain; si nous voulons que nos recherches d'unité ne se réduisent pas à une bonne volonté, qui, née en réponse à l'appel de Dieu, resterait toutefois entièrement dans le plan humain et transformerait l'unité du Corps du Christ (que nous sommes appelés non seulement à rechercher et à recevoir, mais aussi à construire) en une union sociologique ; qui transformerait l'Eglise, présence vivante de Dieu au milieu de Son peuple, en une société réduite à ses dimensions humaines.

Je voudrais insister, d'une façon qui manque peut-être d'envolée, sur certaines difficultés concrètes réelles qui existent encore. D'une certaine façon, les chrétiens qui viennent aux réunions œcuméniques sont déjà des chrétiens sensibilisés au problème, mais ce ne sont pas là tous les chrétiens: il y a à Paris plus de monde que dans cette salle, et nous devons nous en rendre compte. Il y a un premier problème, c'est celui de l'ignorance. Nous pensons immédiatement à notre ignorance de l'autre, aux caricatures que nous avons peu à peu construites au cours des siècles, dans la polémique et la mauvaise volonté, ou simplement dans l'aveuglement et l'incompréhension. Mais il y a aussi notre ignorance de nous-mêmes, les illusions dont nous sommes victimes. N'avez-vous pas remarqué combien souvent, lorsque des chrétiens comparent leur confession à celle des autres, ils comparent toute la richesse vécue d'une expérience à une caricature ou à une image très pauvre, qu'ils ont obtenue par des lectures superficielles. Nous comparons toute le profondeur d'une âme à l'image empirique d'une société dont nous ne connaissons pas, dont nous ne choisissons pas, les meilleurs représentants. Autrement, au lieu de parler des chrétiens qui nous entourent et qui nous heurtent par leur mauvaise volonté ou leur incapacité de voir que c'est nous qui avons raison... nous pourrions-nous tourner vers les saints et comparer les saints d'Occident aux saints d'Orient. Ce serait sans doute un acte plus juste par rapport aux Eglises qu'ils représentent, où ils sont nés, qui les ont nourris de la parole de vérité, et qui en ont fait ce qu'ils sont devenus ; car ils sont devenus saints non pas malgré leur Eglise, mais à l'intérieur de leur Eglise.

Que pourrait-on attendre de la rencontre quand il y a un objet qui est une inconnue et un sujet qui ne se connaît pas ? Qui va se rencontrer ? Il y a une absence des deux cotés. C'est un dialogue d'ombres inexistantes. La relation est impossible entre deux absences muuelles et corrélatives, — voilà le résultat de l'ignorance de l’autre. Demandons-nous chacun ce que nous savons de notre voisin, et nous serons au fait de cette ignorance. Comment pouvons-nous attendre, en présence de cette ignorance de soi et de l'autre, qu'il n'y ait pas de jugements non seulement faux, — s'ils n'étaient que téméraire; mais de jugements presque fous.

Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique
Faire participer l'autre

II y a ensuite le problème des moyens qui permettent de communiquer sa pensée, de faire participer l'autre à une expérience valable, riche, profonde, ou, en tout cas, une expérience qui est le tout de la vie de l'individu et qui, de ce fait, possède une signification humaine et une signification devant Dieu. Il y a le problème des langues. Je ne parle pas seulement de cet aspect évident que constitue la Tour de Babel et ses conséquences pour nous, mais je pense à la difficulté que nous avons à nous comprendre, parce que les mots que nous employons ne veulent pas dire la même chose dans les confessions différentes. Les mots que nous employons ont acquis, dans chacune des confessions, une résonance spécifique, et vous pouvez provoquer des réactions inattendues en employant telle ou telle expression. Quand vous prononces le mot "baptême" en présence de baptistes, vous voyez comme aussitôt ils se redressent... Le terme "présence réelle" provoque aussi un redressement qui annonce un affrontement... A la Nouvelle Delhi, lors de l'Assemblée plénière du Conseil œcuménique des Eglises (2), j'ai eu l'étonnement de voir que le mot "Trinité" provoquait une réaction hallucinante. J'avais toujours cru, dans la simplicité de mon cœur, que pour les chrétiens il était évident que Dieu est Un dans la Sainte Trinité; mais quand j'ai vu que pendant une heure et demis, puis deux heures, et trois heures, une assemblée de chrétiens se demandait si la base du mouvement œcuménique pouvait être notre foi dans la Trinité, ou si c'était une exagération d'en demander tant à des chrétiens, — eh bien, j'ai été profondément impressionné, je ne dirais pas favorablement impressionné...

Voilà des exemples derrière lesquels il y a tout un monde, il y a des dizaines et quelquefois des centaines d'années de polarisation de la pensée et des sentiments, qui fait que des gens qui ont lié ces expressions au centre même de cohésion de leur groupe, se trouvent incapables d'entrer en communion intellectuelle ou en communion d'expérience spirituelle avec d'autres cens. Le malheur, c'est que cela existe. Cela existe, pas seulement entre des communions chrétiennes qui sont aux deux pôles opposés de l'expérience. A la Nouvelle Delhi, nous avions à l'extrême droite, dirions-nous, les orthodoxes et les vieux-catholiques, et à l'extrême gauche les pentecostaux du Chili; évidemment l'amplitude est grande, et si l'incompréhension régnait seulement entre ces deux ailes extrêmes, la surprise ne serai pas très grande. Plus on se rapproche du centre, plus on pourrait s'attendre à une rencontre de l’expérience; il n'en est rien, cette rencontre ne se fait pas, parce que même au centre, lorsqu'on n'est séparé que par quelques centimètres, les mots que nous employons se sont chargés, au cours des siècles, de significations qui les dépassent. Ce ne sont plus des mots qui veulent dire ce que l'on veut dire, les résonances émotionnelles et historiques priment sur la signification directe, stricte, théologique et vivante du mot. Il y a là bien plus à faire que d'étudier des traités de théologie et se rendre compte de ce que l'autre pense de lui-même et de nous; il y a bien autre chose à faire que de se dépasser dans une compréhension plus grande de la spiritualité de l'autre. Il faut se dépasser dans ses propres réactions ancestrales, dans son hérédité sémantique émotionnelle, et c'est là quelque chose qui est bien plus difficile que d'apprendre simplement une langue, qui permettrait de traduire techniquement ce que dit l'un des partenaires d'une discussion à l'autre.

"Pour être hérétique, il faut être chrétien !"

Il aussi le fait qu'il n'est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Il y a le fait que souvent nous ne voyons pas, nous n'entendons pas et nous ne comprenons pas parce qu'il y a un blocage intérieur qui se fait dans notre intellect ou dans notre cœur, qui fait que nous voyons et restons aveugles, que nous entendons et demeurons sourds. Qui de nous peut dire qu'il regarde afin de voir et qu'il écoute afin d'entendre, chaque fois qu'il en a l'occasion? Qui de nous peut avoir l'audace de dire qu'il écoute et qu'il regarde en vue de se dépouiller de toute erreur, de tous préjugés, de toute étroitesse; en vue de découvrir ce qu'il y a de totalement ou de partiellement vrai en face de lui; de découvrir vraiment l'autre, quel que soit son nom ou son caractère; de découvrir l'autre à la façon dont Dieu le voit, dans sa vérité intime profonde, dans sa loyauté au Christ, qui se manifeste non seulement dans notre désir d'être un, mais aussi dans notre division même.

Nous sommes des chrétiens de confessions différentes parce que c'est notre façon, pour le moment, de saisir le fait d'être chrétiens et d'être liés au Christ personnellement, de vivre notre vie en Dieu. Je peux me repentir d'être un mauvais orthodoxe; je ne peux pas me repentir d'être orthodoxe, et je crois que personne d'entre nous n'a simplement le droit de dire: "Je regrette d'être ce que je suis."

Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique
Nous nous appliquons maintenant à ne pas nous appeler mutuellement hérétiques et schismatiques. Pourtant ce ne sont là que des désignations de faits objectifs: il y a des hérésies et il y a des schismes; il est inutile de se leurrer de ce point de vue. Seulement, il faudrait que nous dégagions ces termes de l'insulte qui leur est inhérente. Je crois qu'il est important de nous rendre compte que nous affirmons deux choses opposées et conjointes, quand nous désignons l'autre comme hérétique ou schismatique. Nous disons à la fois qu'il est dans l'erreur et qu'il est dans l'Eglise: parce qu'on ne peut pas être schismatique hors de l'Eglise, non plus qu'on ne peut être hérétique hors du fait chrétien. Je me rappelle avoir demandé un jour au Père Georges Florovsky ce que je devais penser d'un certain théologien: était-il hérétique ou non ? Il m'a répondu par cette boutade: "Il n'est certainement pas hérétique: pour être hérétique, il faut être chrétien !"

Eh bien, dépassant l'anecdote, il faut nous rappeler qu'en fait nous sommes chrétiens dans notre division, ce qui est riche de possibilités. Dans l'histoire de notre division, chaque groupe, par sa polarisation, son excentricité par rapport à la réalité du Christ et du fait chrétien, a découvert et souligné des traits qui appartiennent bien au christianisme, mais dont l'exagération en fait une caricature; et dans notre recherche commune actuelle, ces découvertes partielles qui, isolées, sont des monstruosités, peuvent servir à un enrichissement réciproque. Je crois que nous devons maintenant reprendre tout le problème, avec beaucoup de respect par rapport à l'autre, nous souvenant que "personne ne peut reconnaître dans le prophète de Galilée le Verbe incarné de Dieu et son Seigneur, si l'Esprit Saint lui-même ne le lui révèle".

Nous avons complètement oublié que celui qui a tort, c'est celui qui a raison

Il y a aussi le fait que si nous voulons faire œuvre d'unification dans l'Eglise, il faut avant tout nous rappeler deux choses: la première, c'est que l'unité de l'Eglise que nous recherchons, ce n'est pas celle d'une association cultuelle, c'est l'unité du corps vivant du Christ, dont tous les membres sont des membres vivants, c'est à dire des chrétiens réels. Chacun d'entre nous, dans la mesure où il n'est pas chrétien, est un empêchement à l'unité du christianisme, parce que c'est là non un problème de conviction intellectuelle, mais un problème essentiel ontologique. Nous ne pouvons pas concevoir une Eglise Une, qui soit le corps du Christ, faite d'individus, c'est à dire de membres, qui individuellement ne soient pas des chrétiens. C'est une absurdité, et pourtant c'est une absurdité que nous recherchons si souvent, que nous essayons de réaliser par des agencements et des réagencements diplomatiques, qui tendent à provoquer des cohésions volumineuses, mais qui ne font pas plus l'unité qu'avant.

Il y a aussi le fait que nous n'arriverons jamais à rien si nous ne nous rappelons que par rapport à l'autre, qui est l'objet de notre dialogue, notre attitude doit être celle du Christ Lui-même; du Christ, du Dieu Un dans la Sainte Trinité, qui est le Dieu de tous et de chacun; du Dieu qui aime également les bons et les méchants, qui déverse Sa charité sur les bons et les méchants. De ce Dieu qui est non seulement le garant, mais aussi le protecteur de la dignité humaine, qui ne veut pas d'esclaves, qui veut des fils et des égaux, des compagnons dans le sens entier du mot, des hommes capables de rompre le pain avec Lui autour d'une table où tous sont des égaux: le Fils et les fils. Et enfin le fait que, dans l'attitude de Dieu par rapport au monde, il y a une solidarité totale avec le monde. Nous pensons souvent à Dieu comme au Créateur qui nous a lancés dans le devenir et qui nous attend à la sortie comme notre juge; qui nous a poussés dans un devenir auquel nous ne pouvons pas échapper, et qui va nous demander des comptes à la fin des temps.

En réalité, Dieu, à chaque instant, est solidaire de sa création. Prenez toutes les images de l'Ecriture Sainte où Dieu nous est présenté comme l'Epoux fidèle d'une création qui est devenue infidèle, Celui qui toujours sera retrouvé, dont le cœur n'a jamais changé. Il y a ce fait central de la solidarité totale, de la solidarité finale de Dieu avec Ses créatures dans l'Incarnation. Dieu qui devient homme pour toujours, Dieu qui entre dans l'histoire, qui, dans la personne du Verbe incarné, acquiert une destinée (si l'on peut s'exprimer ainsi) et qui, l'ayant acquise, emporte le fait humain et tout le fait visible et invisible dans les profondeurs du mystère de Dieu dans l'Ascension, — car c'est le Verbe incarné qui est à la droite du Père. Il y a là une solidarité absolue, non pas avec le saint, mais avec le pécheur, avec tout le monde et avec chacun, en vue de sauver ceux qui peuvent être sauvés.

Eh bien, c'est rarement notre attitude à nous. Nous avons trop souvent l'impression que Dieu, c'est notre Dieu à nous, que nous sommes les vrais enfants, tandis que les autres sont des enfants d'adoption, que Dieu traite gentiment, qu'Il supporte, mais qui, évidemment, ne peuvent se comparer à nous. Nous nous sentons très dignes de Dieu, mais les autres, on peut marcher dessus... Il y a le fait que nous ne nous sentons pas du tout solidaires du pécheur...

Nous ne sommes pas non plus solidaires dans le sens d'une responsabilité. Nous avons complètement oublié que celui qui a tort, c'est celui qui a raison: si je possède la vérité et ne suis pas capable de la communiquer, que puis-je demander à celui qui est dans l'erreur et n'est pas capable de découvrir en moi la vérité ? Vous croyez que c'est facile, en regardant quiconque d'entre nous, de voir la vérité dans sa splendeur et dans son éclat ? Je vous défie de découvrir dans quiconque d'entre nous ici-présents la preuve que c'est sa confession qui est l'Eglise du Christ, dans le sens plein: au contraire, "à cause de nous, le nom de Dieu est méprisé", et notre Eglise est méprisée. Nous devons aller plus avant encore que nous ne sommes déjà allés dans notre solidarité, parce que nous sommes responsables de ceux qui ont tort, si nous croyons que nous avons raison. Et d'autant plus responsables si Dieu croit que nous avons raison. C'est à nous d'être jugés au premier chef, et non pas à ceux qui sont dans l'erreur.

Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique

Après chaque victoire de nos efforts vers l'unité

Voilà les difficultés, que je constate, et en même temps les espoirs que je vois: ils sont corrélatifs dans la situation œcuménique d'à présent. Voir ces difficultés, s'en rendre compte, est chargé d'espérance. Je crois que nous ne devons pas nous centrer sur des moments de succès ou d'insuccès, de triomphe ou de défaite. Je crois que l'histoire n'a pas commencé avec nous, elle n'a pas commencé avec Vatican II ni avec les conférences orthodoxes de Rhodes. Elle n'a pas commencé avec tous ces petits événements qui nous paraissent exagérément grands parce que nous-mêmes y sommes impliqués. Il est important, je crois, de nous en rendre compte et de retrouver une sobriété qui nous permette de voir les choses à leur juste mesure.

Il faut nous rappeler que rien n'est assez grand pour supporter d'être placé à côté de la Croix du Calvaire sur laquelle le Verbe incarné a donné Sa vie, ni à côté de la lumière resplendissante de la Résurrection. Tout ce qui est plus petit que cela dans notre recherche de l'unité, dans notre recherche de vie spirituelle, dans nos relations les uns avec les autres, tout cela est encore de ce monde, encore séculier. La Croix et la Résurrection.

Le Christ aux mains et aux pieds percés, glorieux dans Sa victoire, voilà la mesure que nous devons rechercher. Et après chaque pas en avant sur le chemin qui nous conduit les uns vers les autres, après chaque victoire de nos efforts vers l'unité, nous devons nous plonger à nouveau dans la profondeur de ce mystère, comme le Seigneur dit à Ses disciples: "Et maintenant, retirez-vous seuls dans le désert et prenez du repos", ce repos intérieur qui est un retour en profondeur, un détachement de l'œuvre que nous croyons accomplir et que seul Dieu peut parfaire.

Source

Notes de VGolovanow:

(1) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-2_a2526.html
(2) Il s'agit de la Troisième Assemblée, Nouvelle-Delhi 1961, à laquelle participèrent pour la première fois des observateurs de l'Eglise catholique

NB: Le site web " Masarchive.org " (Metropolitan Anthony of Sourozh Archive, ICI , est consacré à Mgr Antoine. Il est très riche en ressources, en majeure partie des archives personnelles du métropolite Antoine, avec des documents et des enregistrements sonores en anglais en russe et, en partie en français; il y a aussi beaucoup de photographies et des vidéos.

Voir aussi: ICI
ICI
Père Stephen C. Headley: "La liberté puisée dans le voir" d'apres les sermons de Métropolite Antoine (Bloom)

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 5 Avril 2019 à 09:52 | 29 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Irénée le 27/02/2014 10:37
Merci pour ce texte, mais permettez-moi, cher Vladimir, une précision pour lever une ambigüité dans l'introduction : l'Eglise catholique romaine n'a pas rejoint le COE en 1964. Elle n'en est toujours pas membre aujourd'hui... même si elle participe à certaines commissions, comme "Foi et Constitution". Mais 1964 est bien la date de la publication par Rome d'un important document sur l'unité des chrétiens.

2.Posté par Isaac le 05/04/2019 22:31 (depuis mobile)
Á tous, je conseille vivement de lire le lien suivant en rapport avec l'oeucuménisme...texte superbe à lire jusqu'au bout ! :
http://presbyteraana.blogspot.com/2010/12/le-saint-pere-justin-popovic-bouche-de.html

3.Posté par Didier Veillat le 06/04/2019 14:48
@Isaac.
Après avoir lu l'article "Mgr Antoine de Souroge: Dialogue œcuménique" proposé ci-dessus, (dont je ne cache pas qu'il m'a vraiment parlé!), j'ai lu votre conseil et tenté le lien que vous donnez. Il me mène à une page disant "blog introuvable, le nom presbyteraana est disponible". J'ai longuement cherché sur Internet mais n'ai rien trouvé. Auriez-vous, s'il vous plaît une autre piste pour avoir accès au texte en question? Je n'ai qu'un volume (vol. 1) de la "Philosophie de la Vérité" qui ne contient pas de développement sur l’œcuménisme.
Merci d'avance!
Bon après-midi.
Didier Veillat

4.Posté par justine le 06/04/2019 19:10
L'important, c'est de ne jamais perdre de vue le but: que ceux qui sont en-dehors de l'Eglise y reviennent, et ceci parce qu'ils ont compris qu'il n'y a pas d'autre voie de salut. Si ces fameux "dialogues écuméniques" visent un autre but et mènent ailleurs, ils constituent un leurre et une trahison, aussi bien du Christ que du prochain, et sont à rejeter.

5.Posté par Isaac le 06/04/2019 22:10 (depuis mobile)
@Didier Veillat- Alller sur le site"presbyteraanna" puis, en déroulant la page, voir sur le coté droit une série d'années, prendre 2010..autre page, dérouler, côté droit, 2010 + mois de décembre, 12e article: St Justin Popovic

6.Posté par Didier Veillat le 07/04/2019 04:30
@M. Vladimir G.
Cher Monsieur, quand on clique sur le lien que vous avez donné, on tombe sur "erreur 404". Une parenthèse malencontreuse s'est glissée dans ce lien.
Le lien vers le site consacré à Mgr Antoine est le suivant: http://masarchive.org/Sites/Site/Entry.html
Pour la partie en français: http://masarchive.org/Sites/Site/French.html
Bon dimanche et bonne Liturgie!
Didier Veillat

7.Posté par Didier Veillat le 07/04/2019 16:31
@Isaac:
Merci pour vos explications: j'ai pu trouver l'article grâce à elles.
Le lien exact est le suivant: http://presbyteraanna.blogspot.com/2010/12/la-lumiere-du-thabor-n2-saint-pere.html
Je vais imprimer avant de lire.
Bonne fin de journée et encore merci.
Didier Veillat

8.Posté par Daniel le 08/04/2019 06:22
A propos d'oecuménisme, il faut saluer l'attitude de l'Eglise de Bulgarie à l'occasion de la visite du pape François dans le pays. Cette attitude tranche avec les compromissions oecuméniques de Moscou, Constantinople et bien d'autres... Pas de prières communes, pas de tenue liturgique pour le pape visitant la cathédrale, pas de participation du choeur patriarcal.

https://sofiaglobe.com/2019/04/03/bulgarian-orthodox-church-refuses-to-take-part-in-any-services-during-pope-franciss-visit

9.Posté par Vladimir G: remerciements le 08/04/2019 09:46
Merci Didier Veillat,

Merci, je reposte le lien du site consacré à Mgr Antoine

J'ai passé effectivement un très bon dimanche avec la Liturgie puis la journée "Portes ouvertes" dans notre paroisse (plus de 100 personnes au concert de notre chorale...)

Merci aussi Issak pour ce beau texte du Saint Père Justin Popovic (et encore merci Didier Veillat pour avoir corrigé le lien; c'est décidément une spécialité!)

Quand au site de "presbyteraanna", il faut se méfier: elle à parfois des positions qui vont à l'encontre de l'Orthodoxie canonique...

10.Posté par Théophile le 08/04/2019 12:26
@ Daniel
Je me réjouis de voir le Pape François en simple soutane dans la cathédrale de Sofia.

11.Posté par Daniel le 08/04/2019 13:16
@Vladimir (9)

L'orthodoxie canonique viole les canons en priant avec les hérétiques, les schismatiques et en reconnaissant leurs mystères...

12.Posté par Daniel le 08/04/2019 15:09
@ Théophile

La cathédrale de Sofia est ouverte aux visiteurs en tenue correcte. La soutane est une tenue correcte... Par bonheur, on échappe au tintouin oecuméniste et anticanonique des prières communes.

13.Posté par Didier Veillat le 08/04/2019 17:34
@Isaak
Très beau texte du St Père Justin Popovitch. Teinté d'une grande poésie qui laisse une impression de bien-être.
Par exemple (et parce que l'on aborde rarement le passage des "tuniques de peau" de la Genèse):
"Se trouvant dans le Temps, l’homme est un être qui se prépare à l’Eternité. Si, sans Dieu le Verbe, la vie sur la terre et dans le Temps est redoutable, stupide et tourmentante, combien plus le sera-t-elle dans l’Eternité ? L’Eternité, sans Dieu le Verbe, c’est l’Enfer. "
D'où les "tuniques de peau" de la Genèse (3-21), cette première intervention salvatrice dans la création par Le Très-Haut, cet éloignement d'une mort éternelle; à mettre en perspective avec L’Évangile selon Saint Jean: (19, 23) à propos des vêtements du Christ-Dieu après la crucifixion : « La tunique était sans couture, tissée d’une seule pièce à partir du haut. ».
Le texte du Saint Père Justin est parcouru d'éléments de ce niveau. Il vaut vraiment la lecture proposée par vous. Merci!
Didier Veillat

14.Posté par Didier Veillat le 08/04/2019 18:14
@Vladimir
Le site à propos de Mgr Antoine de Souroge est très pratique d'accès pour les articles en français.
Je suis heureux que vous ayez passé un bon dimanche! Comme tous ici je suppose.

Dans mon post précédent, j'ai choisi la citation du Père Justin en fonction des posts de Theophile et de Daniel... La soutane... Avec ou sans coutures?

Bonne soirée.

Didier Veillat

15.Posté par Daniel le 08/04/2019 18:24
A lire ce texte, on voit une grande confusion dans l'esprit du métropolite : "Je crois qu'il est important de nous rendre compte que nous affirmons deux choses opposées et conjointes, quand nous désignons l'autre comme hérétique ou schismatique. Nous disons à la fois qu'il est dans l'erreur et qu'il est dans l'Eglise: parce qu'on ne peut pas être schismatique hors de l'Eglise, non plus qu'on ne peut être hérétique hors du fait chrétien.2

Autant les hérétiques sont chrétiens, autant les schismatiques sont hors de l'Eglise. Il suffit de lire le canon 1 de saint Basile.

16.Posté par Isaac le 08/04/2019 22:16 (depuis mobile)
@Vladimir -le site Presbyteraanna est au contraire des plus canoniques ! Quant aux Églises "canoniques", il suffit de comparer leurs actes d'avec les canons des Pères pour constater leur non-canonicité sur bien des points ! @Didier- merci à vous !

17.Posté par Didier Veillat le 09/04/2019 06:58
@ Daniel: post 15

Cher Monsieur, votre commentaire est court mais son aspect très affirmatif à propos du long texte de Mgr Antoine appelle une réponse nécessairement un peu longue. Ce dont vous voudrez bien m’excuser je vous prie.

Il n’est pas contradictoire de penser des choses à priori contradictoires ; ce pourquoi on a du mal avec les écrits de bien des théologiens que l’on qualifie alors de modernistes (or, la théologie n’est pas morte et elle continue aujourd’hui) ; Monseigneur Antoine s’explique fort bien. Prenons une comparaison pour éclairer son texte: un soldat ne peut être un mauvais soldat s’il n’est pas d’abord un soldat (celui qui reçoit une rétribution, une solde). Il en va de même pour le chrétien ; bon ou hérétique, il est nécessairement chrétien et reçoit sa solde de chrétien, sa juste rétribution, laquelle ne dépend pas du dogme mais de Dieu à la place duquel nul ne peut se mettre, quand bien même serait-ce au nom du dogme. A cela, il ajoute que beaucoup de chrétiens désignant d’autres chrétiens comme schismatiques se désignent eux-mêmes implicitement dans la vérité ; ce qui est selon le Métropolite une auto-proclamation dont il faut se méfier. En cela, si nous sondons un peu nos cœurs, reconnaissons qu’en la matière nous sommes tous, « chrétiens réels » écrit-il, dans une certaine erreur : celle de la chute originelle…

Pourquoi ces erreurs (la votre, la mienne, etc.) ? Parce qu’il y a régulièrement (et entre autres) confusion entre le dogme et l’écriture testamentaire ; le dogme dit l’article de la foi, mais la foi n’est pas dans le dogme, elle est dans l’Ecriture testamentaire qui entre dans le cœur de l’homme et bien plus encore. Si un chrétien réfère toute sa foi au dogme, il réfère tout à l’article de la foi, non à la foi elle-même qui, je le rappelle par les mots de Mgr Antoine, est toujours celle du « chrétien réel », c'est-à-dire imparfaite. C'est cette imperfection qui justifie le dogme. Disant l’article de la foi, posant les jalons, le dogme nous guide vers l’Alliance. Il n’y a pas de contradiction. Or, à force de dire qu’il y a contradiction, on construit, on entretient, on amplifie la contradiction et on fonde l’ennemi chez le chrétien contre le chrétien.

Pour les uns, le chrétien est celui qui est dans le dogme. S’il en dévie d’un pouce, il ne l’est plus ?! Pour les autres, le chrétien est celui qui a la foi néotestamentaire. Le problème survient quand on décide que la foi réside corporellement dans le dogme et que l’on désigne l’Eglise véritable par ce biais alors qu’Elle est un mystère que personne ne peut s’approprier. Je n’ai pas la place de développer cela ici.
Quand Monseigneur Antoine écrit que « Nous nous appliquons maintenant à ne pas nous appeler mutuellement hérétiques et schismatiques. Pourtant ce ne sont là que des désignations de faits objectifs », il s’agit d’une recommandation à s'exercer à utiliser ces termes avec prudence et gentillesse, c'est à dire à qualifier l'erreur en ne qualifiant pas la personne.

Cela n'empêche pas de reconnaître qu'un certain œcuménisme est en réalité du syncrétisme qu'il faut effectivement combattre, mais non sans générosité sans quoi on obtient un effet contraire. Ce pourquoi Mgr Antoine rappelle l'aspect délétère de l'insulte ou du mépris affichés.

Bonne journée.
Didier Veillat

18.Posté par Daniel le 09/04/2019 10:09
Être canonique c'est avoir été créé conformément au canon et fonctionner selon un mode qui respecte les canons. La canonicité n'est pas une qualité à vie et peut se perdre quand on cesse de respecter les canons.

19.Posté par Daniel le 09/04/2019 13:19
@ Didier Veillat (17)

En matière d'ecclésiologie, il faut revenir aux fondamentaux et non à la sensiblerie et donc aux Pères qui ont clairement expliqué quels étaient les statuts des personnes hors de lÉglise. A nouveau, lire , le canon 1 de saint Basile. On peut hors de l'Eglise en étant:

- hérétique: foi différente
- schismatique: foi identique mais ayant choisi la séparation pour une question d'usages
- membre d'une parasynagogue: assemblée de prêtre ou d'évêques révoltés sans question de foi, sans question d'usages

C'est un vraiment un BA-ba par lequel il faut débuter. On ne s'improvise pas ecclésiologue par-dessus les enseignements des Pères.

20.Posté par Didier Veillat le 09/04/2019 14:12
@ Daniel. Post 18

Je ne comprends pas très bien, excusez-moi.
Nous sommes tous souvent trop rapides dans nos écrits, ce qui réduit considérablement la compréhension mutuelle, laquelle est indispensable dans un dialogue créateur. C'est pourquoi il nous faudrait toujours nous mettre d'accord sur les termes d'un débat généreux.

1° Dites-vous bien "créé conformément au canon" à propos de l'être? C'est à dire qu'il y aurait l'être pour le canon et non le canon pour l'être?

2° Le mode qui consiste à respecter les canons est-il exclusif de tout autre? Quelle est la dépendance, le cas échéant, des canons à l’Évangile et inversement?

3° Pour moi, j'insiste sur l'importance actuelle incontournable du canon, sachant par ailleurs qu'il n'est pas le but mais le moyen dans le terme terrestre. Donc le canon est dans la vérité, mais la Vérité est bien au dessus ou au delà du canon. Est-ce cela?

Merci de votre réponse. Excusez-moi encore si je suis un peu "pénible".


21.Posté par justine le 09/04/2019 17:21
Aux posts 15 et 17: Daniel a raison. Où en effet serait la contradiction? Qui est ce "on" du métropolite? C'est évidemment l'Eglise elle-même qui caractérise quelqu'un comme hérétique ou schismatique lorsque la personne ou le groupe concerné soit enseigne ou défend en public avec insistance une doctrine étrangère à la doctrine de l'Eglise (dans le cas de l'hérétique), soit s'est sépare de l'Eglise et a constitué ou rejoint un autre corps "ecclésiastique" - dressé un autre autel comme disent les Saints Pères - hors de communion avec l'Eglise (dans le cas du schismatique). Par ses agissements, la personne ou le groupe se met lui-même en-dehors de l'Eglise. Il n'y appartient plus, et s'il est clerc, ses actes "liturgiques" n'ont plus de valeur. Le cas de l'hérétique est plus grave que celui du schismatique, car il cesse d'être chrétien. Est chrétien celui qui appartient à l'Eglise du Christ et accepte sa doctrine et ses règles. Ceux qui sont en-dehors de l'Eglise utilisent le titre de chrétien de manière abusive, car en réalité ils ne suivent pas le Christ, mais leur hérésie et leur schisme. Ils ne l'acquièrent à nouveau que lorsqu'ils se repentent et sont readmis dans l'Eglise (les facons de les recevoir à nouveau sont différentes pour les hérétiques et les schismatiques et selon les cas concrets).

Ceci sont des faits qui ne dépendent pas des opinions de telle ou telle personne ou de tel ou tel groupe de personnes, mais des Saints Canons de l'Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Et en Occident, où la réalité et le sens de l'Eglise ont été perdus ou sérieusement déformés depuis des siècles, on est dans l'ignorance de ces choses, et même beaucoup d'Orthodoxes les ignorent, comme Didier Veillat par exemple (ainsi qu'il le prouve par ce qu'il dit au post 17), à cause de l'absence d'une catéchèse orthodoxe qui mérite ce nom. Je crois même qu'il n'existe pas de traduction française de la collection des Saints Canons de l'Eglise Orthodoxe. Il serait très urgent qu'une telle traduction voie le jour, accompagnée des explications des commentateurs reconnus et approuvés comme Zonaras, St Nicodème e.a. Les Saints Canons sont l'application du dogme de l'Eglise dans la vie ecclésiale, et il est nécessaire de les connaître. Specialement pour Didier: La Sainte Ecriture est le livre de l'Eglise. C'est elle qui l'a constituee et l'a donnee aux hommes, c'est elle qui a la capacite et l'autorite de l'interpreter de maniere authentique. La Sainte Ecriture, de pair avec la Tradition, constitue la base de son dogme et de ses Saints Canons.

22.Posté par justine le 09/04/2019 18:57
A Didier, post 20: Il existe un excellent et très utile exposé sur ce qu'est l'Eglise par le Saint Hiéromartyr russe Hilarion Troitzky, Archeveque de Verey (1886-1929), trad. anglaise "Christianity or the Church?", accessible en ligne sur http://orthodoxinfo.com/inquirers/sthilarion_church.aspx. Il ecrivit cela en réponse aux protestants et autres personnes qui font une distinction entre christianisme et Eglise et mettent cette dernière à un rang si insignifiant que de nos jours ils l'ont quasiment éliminée.

23.Posté par ISAAC le 09/04/2019 19:31 (depuis mobile)
CANONS en français: Site "orthodoxa.org" > entre: Estonie, Orthodoxie, Patriarcat, taper "Orthodoxie" >nouvelle page, voir SOMMAIRE à gauche pour CANONS + site "orthodoxievco", taper PUBLICATIONS>nouvelle page, taper DIVERS ÉCRITS>taper PÉDALION

24.Posté par ISAAC le 09/04/2019 19:48 (depuis mobile)
Autre site pour les CANONS en français (beaucoup téléchargeables) extrêmement complet: spiritualité-orthodoxe.net>SOMMAIRE à gauche, taper plan du site puis consulter les rubriques.
Autre site: myriobiblos.gr

25.Posté par Didier Veillat le 10/04/2019 10:18
@ Mme Justine @M. Isaac

Je vous remercie pour les liens et les conseils que je reçois de votre part comme une attention bienveillante et appréciable. Je regarde tout cela de plus près. Je connais une petite partie des canons et je vais pouvoir compléter mes connaissances. Je suppose qu'il y en a pour longtemps, mais je suppose tout autant que cela va se constituer en une forme d'imprégnation intérieure.
Nous sommes tout à fait d'accord que ce ne sont pas les opinions individuelles qui régissent l'Eglise. Il n'y a là dessus aucune ambiguïté possible. Je m'interroge sur la hiérarchie entre droit canon et Évangile. Peut-être inutilement, mais certaines questions restent pour moi en suspends. (D'où mon post 20).
Je ferai donc selon votre conseil pour mes lectures.

Je vous souhaite une bonne journée.

Didier Veillat

26.Posté par Didier Veillat le 10/04/2019 12:35
@ Isaac
A partir de vos indications, j'ai trouvé ceci: http://orthodoxievco.net/ecrits.htm
Cela m'a l'air très complet.
En outre, le site http://orthodoxievco.net/index.htm contient de très nombreuses ressources. On y passerait facilement des heures sans s'en rendre compte... La partie consacrée à l'iconographie est remarquable et impressionnante, même chose concernant les chants.
Merci encore.
Didier Veillat

27.Posté par Vladimir G: PÈRE A. SCHMEMANN: APPLIQUER LES CANONS. le 10/04/2019 15:42
Bien cher Didier Veillat ,

Merci pour votre excellent commentaire 17 et pour les liens que vous donnez en 26.

Je vous donne ci-après un texte du père Alexandre Schmemann qui explique d'une façon remarquable comment nous devons appliquer les canons. Vous devriez vous y retrouver: vos contradicteurs, appliquent les canons comme "des documents juridiques, des règles administratives à appliquer d’une manière purement formelle," méthode que le père Alexandre condamne magistralement.

Voici le texte du père Alexandre. Il est, évidemment, un peu long (j'ai ajouté les titres pour faciliter la lecture...)

PÈRE A. SCHMEMANN: APPLIQUER LES CANONS.

On sait que les canons ont été composés par l’Église à des époques et dans des circonstances différentes, le plus souvent dans le but de corriger des déviations de la vie ecclésiale ou en rapport avec de circonstances nouvelles de la vie de l’Église. Ainsi à leur naissance les canons étaient déterminés par la situation historique pour laquelle ils avaient été composés. Certains orthodoxes de tendance « libérale » en tirent la conclusion hâtive et erronée que les canons en général ne seraient plus « applicables », dans la mesure où les conditions de vie ont changé. Ils sont contrés par ceux qu’on peut désigner comme des zélateurs du formalisme canonique. Souvent peu informés de la théologie et de l’histoire de l’Église, ces derniers ne voient dans le canon que la lettre et tiennent pour « hérésie» toute tentative de discerner le sens derrière la lettre. A première vue, l’application des canons rencontre en effet de grandes difficultés. Quel rapport avec notre vie peuvent avoir certaines règles, celles par exemple du Concile de Carthage, traitant de la manière de partager les chaires épiscopales avec les évêques revenus de l’hérésie donatiste (règle 132 du Concile de Carthage) ? Et cependant l’Église a solennellement confirmé à plusieurs reprises « l’indestructibilité et la pérennité des canons» (règle 1 du Septième Concile Œcuménique, Concile in Trullo) et la promesse de fidélité aux canons fait partie du rite du serment épiscopal. En réalité la contradiction n’est qu’apparente et résulte d’un malentendu théologique. La principale erreur tant des «libéraux» que des «zélotes» tient en ce qu’ils voient dans les canons une loi de nature juridique, une règle administrative, applicable automatiquement, à condition de trouver le texte adéquat. Avec cette approche, les uns, lorsqu’ils trouvent un tel texte, cherchent à fonder sur lui leur position (qu’ils ont adoptée en réalité pour de tout autres raisons), tandis que les autres rejettent tout simplement les références aux canons, qui à leurs yeux sont un code de loi périmé.

CEPENDANT LES CANONS NE SONT PAS DES DOCUMENTS JURIDIQUES, ni de simples règles administratives, à appliquer d’une manière purement formelle. Les canons renferment des indications sur la manière de réaliser et de manifester dans des circonstances déterminées l’essence éternelle et immuable de l’Église, et cette vérité éternelle exprimée dans les canons, peu importe que ce soit dans une situation historique tout autre, radicalement différente de la nôtre, constitue le contenu éternel et immuable des canons et fait d’eux une partie intégrante de la tradition de l’Église. « Les formes que prend l’être historique de l’Église sont très variées, écrit un canoniste orthodoxe, c’est une évidence qui se passe de démonstration pour toute personne un tant soit peu familière avec l’histoire de l’Église. Une forme historique de l’existence de l’Église en remplace une autre. Néanmoins malgré la diversité des formes historiques, on y trouve comme un noyau immuable. C’est l’enseignement dogmatique au sujet de l’Église, en d’autres l’Église elle-même. La vie ecclésiale ne peut adopter n’importe quelle forme, mais seulement celles qui correspondent à son essence, qui sont capables de refléter cette essence dans des circonstances historiques données »(1). Le canon est par conséquent précisément la mesure qui détermine la manière dont doit être réalisée la norme immuable de l’Église dans des circonstances historiques changeantes. Utiliser les canons signifie donc avant tout savoir trouver dans leur texte le noyau éternel, l’élément d’enseignement dogmatique au sujet de l’Église qu’ils renferment, pour ensuite actualiser sans cesse cet élément éternel dans la vie. Mais pour un tel usage des canons, comme d’ailleurs pour tout dans l’Église, il ne suffit pas d’une connaissance mécanique du Livre des règles, il faut un effort spirituel, car on ne peut détacher les canons de l’ensemble de la Tradition, comme le font souvent ceux qui en usent comme de règles juridiques absolues. La fidélité aux canons est la fidélité à la totalité de la Tradition, et cette fidélité, selon le père George Florovski, « ne signifie pas la fidélité à l’autorité extérieure du passé, mais un lien vivant avec la plénitude de l’expérience de l’Église. Les références à la Tradition ne sont pas seulement un argument historique et la Tradition ne se réduit pas à l’archéologie ecclésiastique. »(2)

AINSI CE N’EST PAS LE TEXTE NU DES CANONS QUI EST LA MESURE DE L’ORGANISATION ECCLESIALE, mais le témoignage au sujet de la Tradition qu’il renferme. Seule une telle conception des canons fournit un critère ecclésial objectif pour déterminer si tel ou tel canon est applicable ou non dans des circonstances données, elle seule nous enseigne la manière de les appliquer. Quand nous essayons de déterminer la norme canonique de notre organisation ecclésiale dans les circonstances où Dieu a voulu nous faire vivre, nous devons avant tout autre chose nous rappeler ce que l’Église a toujours et partout manifesté par son organisation externe, ce contenu essentiel qui est aussi ce que nous indiquent les canons.

Notes:
(1) George Florovski, « Sobornost’ » (Catholicité) dans The Church of God, Londres, 1934, p. 63.
(2) Nicolas Afanassiev, « Neizmennoe i vremmenoe d tserkovnykh kanonakh » (L’immuable et le transitoire dans lescanons de l’Église), dans le recueil Jivoe Predanie (Tradition vivante), Paris 1937.

Père Alexandre Schmemann
Église et organisation ecclésiale, p2-3, Paris, 1949. Traduction : D.S (2007).

28.Posté par Vladimir G: «VOICI CE QUE LE CHRIST M''''A RÉVÉLÉ…» le 10/04/2019 15:47
APPROCHE THÉOLOGIQUE

Un an après le texte de l’article ci-dessus, le métropolite Antoione revient sur le sujet dans une conférence prononcée à Genève, probablement dans le cadre d'une rencontre œcuménique. Il l'aborde là sous un angle théologique, en faisant ressortir deux thèmes principaux:

Une situation de devenir: après avoir rappelé que le but du mouvement œcuménique n'est pas de créer une nouvelle institution mais "de préparer les chrétiens désunis à former une Eglise unique", Mgr Antoine développe ce sujet en disant que "l'unité dont nous parlons est une espérance" et "qu'il y a constamment une action de Dieu, partout où Il n'est pas reconnu comme partout où Il est reconnu."… " Nous pouvons dire : oui, il est certain que la plénitude de l'Eglise réside là; mais nous ne pouvons pas dire qu’en dehors il n’y a pas de caractère ecclésial. Et c’est un enseignement déjà ancien. Déjà dans l'antiquité chrétienne on disait que le Seigneur a établi les sacrements, mais qu'Il est libre de se donner, de donner sa grâce, en dehors des sacrements."

La rencontre de l'autre qui remet en question notre connaissance de soi. Après avoir rappelé que "la rencontre est au cœur de l'Evangile, Mgr Antoine conclu: "Ce que nous voyons dans celui qui est en face de nous, dans le groupe social qui n'est pas le nôtre, dans l'Eglise qui est celle des autres, c'est la couche superficielle de l'histoire. Mais nous savons tous qu'il y a dans chacune de nos communautés chrétiennes une loyauté au Christ, une vérité et une profondeur vraies, et c'est à voir en profondeur que nous oblige le face à face "

Suite: extraits publiés de sa conférence: https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Mgr-Antoine-de-Souroge-DIALOGUE-OECUMENIQUE-II-approche-theologique_a3625.html

«VOICI CE QUE LE CHRIST M'A RÉVÉLÉ…»

Et près de 35 ans plus tard, à la fin de sa vie, Mgr Antoine voit "qu'une grande confusion en a résulté " mais continue à croire à la validité de la participation orthodoxe au mouvement œcuménique pour "apporter à l'Occident l'Orthodoxie, avec un O majuscule". Il propose aux Orthodoxes "un nouvel œcuménisme… non pas un œcuménisme fait de discussions et d'argumentation théologique, de compromis et de recherche d'une quelconque voie commune, mais un œcuménisme accompli par des hommes et des femmes qui, quelle que soit leur indignité, peuvent néanmoins dire avec étonnement : «Voici ce que le Christ m'a révélé. Je veux le partager avec vous. Je n'ai jamais été capable de vivre selon cette révélation, vous, vous le pourrez. Prenez cela et devenez véritablement corps du Christ». Plus de dix ans après, ce constat et cet appel sont d'une brulante actualité…

Suite: extrait de l'intervention du métropolite Antoine à l'Assemblée de son diocèse le 9 juin 2001: https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Mgr-Antoine-de-Souroge-DIALOGUE-OECUMENIQUE-III-le-nouvel-oecumenisme_a3631.html


NB: Le site web " Masarchive.org " (Metropolitan Anthony of Sourozh Archive, ICI , est consacré à Mgr Antoine. Il est très riche en ressources, en majeure partie des archives personnelles du métropolite Antoine, avec des documents et des enregistrements sonores en anglais en russe et, en partie en français; il y a aussi beaucoup de photographies et des vidéos.

29.Posté par Isaac le 10/04/2019 18:56 (depuis mobile)
Excellents textes s/l'oeucuménisme: Site PRESBYTERAANNA, à droite>taper année 2011>nouvelle page>mois de décembre, 24>texte: Bienheureux Père Vladimir Guettée..+21 janvier: A. Kalomiros. ecclésiologie/site PO: Recherche > Grand et St Concile de Crête

30.Posté par Didier Veillat le 10/04/2019 19:59
@ M. Vladimir G.,

Je vous remercie de me communiquer les textes du Père Schmemann dont je ne sais plus si d'ailleurs je les ai lus sur un des livres empruntés jadis... Leur lecture me rappelle quelque chose d'une époque à laquelle j'avais la paresse de ne pas prendre de notes et l'orgueil de penser tout intégrer par mes seules forces intellectuelles. Dictature de l'ignorance de la jeunesse...
Comme je l'ai écrit au post 15, l'approche de Monseigneur Antoine de Souroge telle que présente dans le texte du haut de la page est mienne depuis ma jeunesse: la dépendance constructive du droit canon à l'écriture néotestamentaire et plus centralement à l’Évangile qui constitue le texte de tous les textes, la Parole vivante (où la critique historique telle que réalisée par les auteurs de Corpus Christi est invalide).

Mme Justine et M. Isaac me conseillent avec gentillesse de lire (ou relire, parce que j'ai lu des parties du droit canon quand j'étais plus jeune). Ce que je vais faire parce qu'il y a chez moi une lacune à ce propos et que je dois entendre le conseil qui m'est donné comme un don.

Il va sans dire que je rejoins l'idée d'une lecture de certains Pères adaptée à un temps, un lieu et une communauté; que dans chaque période du christianisme, il y a nécessité de corriger les dérives qui peuvent émerger dans l'Eglise. En cela, les Pères ont posés les jalons de la construction pratique, théologique et fonctionnelle de l'Eglise du Seigneur auxquels ils appartiennent. Cette question avait été abordée il y a une vingtaine d'années chez mon ami Gabriel Bornand de bienheureuse mémoire par le bais d'une thèse universitaire portant sur la variabilité de la lecture de certains articles du dogme en fonction de l'époque. Où l'étude, très documentée, montrait des interprétations contradictoires étonnantes en fonction du moment historique. Ou bien des oublis volontaires de certains textes dogmatiques...

l’Évangile est à la fois inscrit dans l'histoire événementielle, et intemporel dans son essence en tant qu'Il est l'expression spirituelle directe de la Parole. Il ne raconte pas une histoire, Il Constitue l'Histoire et l'Au-delà de l'Histoire de L'Eglise an tant qu'Elle est le Corps du Christ, du Fils de Dieu "engendré non créé". Tout comme la Liturgie n'a pas seulement lieu ici-bas mais vit éternellement dans les Cieux (ce qu'explique très bien le Père Schmemann dans son remarquable ouvrage "l'Eucharistie, Sacrement du Royaume"). Proportionnellement, l'historicité des textes des Pères est sous-jacente à l’Évangile qui les valide, mais historiquement. Et, historiquement, ils sont indiscutablement nécessaires mais ne peuvent se substituer à l'Histoire Céleste et éternelle du Royaume. Je ne peux que rejoindre Monseigneur Antoine à propos de cette évidence.

Les réunions que j'organise dans nos villages du nord de la Loire, regroupant concrètement des chrétiens de bonne volonté, constituent des petites assemblées "primitives" liées, inféodées gracieusement, si je puis dire, à l’Évangile et qui ne contredisent pas le dogme.
Où je reprends votre citation: "Ce que nous voyons dans celui qui est en face de nous, dans le groupe social qui n'est pas le nôtre, dans l'Eglise qui est celle des autres, c'est la couche superficielle de l'histoire. Mais nous savons tous qu'il y a dans chacune de nos communautés chrétiennes une loyauté au Christ, une vérité et une profondeur vraies, et c'est à voir en profondeur que nous oblige le face à face ". C'est tout à fait cela, d'expérience vivante.

Je vous remercie de vos envois, de votre attention à mon endroit et de votre lecture. Cela m'aide dans mes lacunes d'autodidacte et de scientifique initialement binaire...

Je vous souhaite une bonne soirée.

Didier veillat

31.Posté par justine le 10/04/2019 20:06
Merci à Isaac pour les liens sur les canons en traduction française. Le site orthodoxievco donne le Pédalion ("gouvernail") en entier, sauf malheureusement les commentaires qui n'ont pas été traduits en français. Ce serait une bonne oeuvre de le faire.

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