INTERVIEW - Le métropolite Hilarion préside le département des relations extérieures du patriarcat de Moscou. Émissaire pour les relations extérieures du patriarche Kirill et de facto numéro deux de l'Église russe, il souligne les points de convergence entre Moscou et le Saint-Siège.

LE FIGARO - Vladimir Poutine est reçu ce lundi par le Pape, alors que le Vatican évoque la possibilité d'une rencontre - historique - avec le patriarche Kirill. Le climat entre les deux Églises a-t-il changé depuis l'élection de François?

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Métropolite HILARION - Entre orthodoxes et catholiques, nous sommes des alliés et non des rivaux.
Nous partageons le même champ de mission et avons une foi commune en Jésus-Christ. J'ai rencontré le pape François à deux reprises. La première, lors de son intronisation, il avait déjà confirmé son intention de contribuer à une compréhension mutuelle entre nos Églises. La seconde rencontre a montré que, sur beaucoup de problèmes contemporains, nous partageons le même regard. Je note en particulier son aspiration à rapprocher l'Église des pauvres et des infortunés, son souhait de réformer la gouvernance de l'Église romaine vers une plus grande collégialité.

Son appel à la communauté internationale en faveur des chrétiens qui souffrent et sont persécutésž au Proche-Orient et dans d'autres régions du monde, recueille le soutien de l'Église russe. Tout cela, sans aucun doute, rend la possibilité d'une future rencontre entre le Pape et le Patriarche de plus en plus réaliste. Mais pour éviter qu'elle ne se réduise à un simple événement protocolaire, son contenu doit être soigneusement préparé. Quant aux lieux possibles et à la date, aucune discussion bilatérale n'a lieu à ce sujet.

Quel est le principal obstacle à une telle rencontre?

Il s'agit du conflit non résolu entre orthodoxes et catholiques grecs en Ukraine. À la fin des années 1980, lors de la renaissance des structures de l'Église gréco-catholique en Ukraine occidentale, presque toutes les cathédrales qui appartenaient autrefois au patriarcat de Moscou lui ont été retirées (l'Église gréco-catholique, qui mêle rites byzantins et théologie catholique, aspire à constituer son propre patriarcat, NDLR). Et jusqu'à présent, l'Église orthodoxe ukrainienne rencontre des difficultés lorsqu'elle veut construire des églises dans ces régions. De même, l'activité et la mission de l'Église gréco-catholique s'étendent dans les terres traditionnellement orthodoxes de l'est et du sud ukrainiens, ce qui inquiète les orthodoxes.

Quel serait le point de rapprochement possible? Le sort des chrétiens du Proche-Orient?


C'est probablement le sujet le plus important de coopération. Nous avons déjà exprimé une inquiétude commune. En septembre, le patriarche Kirill avait envoyé une lettre à Barack Obama dans laquelle il lui demandait de porter attention à la situation des Églises chrétiennes en Syrie et de s'abstenir d'une frappe militaire. Pour sa part, la lettre du Pape adressée aux membres du G20 à travers Vladimir Poutine, et appelant à une solution pacifique, a été très importante. De ce point de vue, je place beaucoup d'espoir dans la rencontre prévue entre le président russe et le Souverain Pontife.

Mais il existe d'autres sujets d'entente possibles. Ces derniers temps, la nécessité s'impose d'une coopération dans la défense des valeurs chrétiennes dans la société séculaire moderne. Ainsi nos positions coïncident sur le problème de l'érosion des valeurs familiales, l'atteinte aux normes sociales de l'éthique familiale traditionnelle. Nos deux Églises se prononcent ensemble contre l'avortement, l'euthanasie, les expérimentations médico-biologiques incompatibles avec le principe éthique du respect de la personnalité, ainsi que toutes les autres «acquisitions» de la civilisation moderne et libérale, qui a mis en péril la survie des peuples européens. SUITE Le Figaro
Mgr Hilarion : «Je place beaucoup d'espoir dans la rencontre entre le Pape et Vladimir Poutine....«Entre orthodoxes et catholiques, nous sommes des alliés et non des rivaux»»

Rédigé par Vladimir Golovanow le 25 Novembre 2013 à 14:09 | 5 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par L'orthodoxie au coeur du monde catholique le 26/11/2013 00:41
On compte déjà presque 1,5 million d’orthodoxes. Leur présence dans les Apennins a une longue histoire. Les premières églises russes font leur apparition en 1797 à Turin, puis à Naples. Des paroisses orthodoxes existent aujourd’hui dans presque toutes les grandes villes italiennes, a confié à la Voix de la Russie l’archimandrite Antoniy Sevriouk, le prieur de l’église Sainte-Catherine à Rome :
« On recense actuellement en Italie plus de 50 communautés et paroisses orthodoxes apparues depuis 10 ans parce qu’un grand nombre de ressortissants de l’ex-URSS se sont établis en Italie. Ils ont besoin de soutien et d’encadrement spirituel. C’est à leur demande que l’administration des paroisses du Patriarcat de Moscou en Italie, le nom officiel de la structure de l’Église orthodoxe russe qui gère les communautés et les paroisses en République Italienne, nomme les curés et ouvre les paroisses partout où les conditions s’y prêtent. »
Le pape François a fait remarquer l'été dernier devant les journalistes qu’il appréciait hautement les traditions et la spiritualité orthodoxes. Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’orthodoxie gagne en popularité au coeur du monde catholique, estime Anatoli Krassikov, directeur du Centre d’étude des problèmes de la religion et de la société de l’Institut de l’Europe :
« Le fait que de nombreux Italiens ethniques se convertissent à l’orthodoxie est très important en tant que tel. Ils aiment son côté rituel comme l’avait aimé en son temps Saint-Vladimir de Kiev. Je me suis entretenu avec des Italiens convertis à l’orthodoxie qui estiment que les orthodoxes et les catholiques ont plus en commun qu’on le croit généralement. C’est pour cette raison que le nombre d’églises orthodoxes aux quatre coins d’Italie ne cesse de croître. Mieux encore, j’ai pu me convaincre en visitant les différentes églises que les catholiques et les orthodoxes s’estimaient et se respectaient mutuellement. »
Le président Poutine se rend ces jours-ci en visite de travail en Italie. Le programme de la visite prévoit des consultations interétatiques et un entretien lundi avec le pape François. Ce sera la rencontre entre deux chefs d'Etats. En ce qui concerne les questions religieuses, tant l’église orthodoxe russe que l’église catholique romaine espèrent que la visite de Poutine au Vatican servira à resserrer les liens entre les orthodoxes et les catholiques. Après tout, nous sommes tous chrétiens et c’est cela qui compte le plus. N

2.Posté par Vladimir G. le 28/11/2013 09:23
"On compte déjà presque 1,5 million d’orthodoxes" : comment a été obtenu ce chiffre ? Il correspondrait à plusieurs milliers de paroisses dont on n’a jamais entendu parler : l’Eglise russe y compte donc "plus de 50 communautés et paroisse " et je n’ai pas d’information pour les autres Églises, mais s’il y en avait tellement plus cela se saurait ! L’étude de The Pew Research Center "le Christianisme dans le monde" (*) estime le nombre d’Orthodoxe en Italie à 120 000, ce qui parait plus réaliste.

(*) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/L-Orthodoxie-en-Europe_a3416.html

3.Posté par Daniel le 28/11/2013 12:44
Comme nous l'avons prouvé, l’étude Pew pour l’Italie et l’Espagne semble fausse. J’ai essayé de voir les sources utilisées pour ces pays mais elles ne sont pas indiquées avec une précision qui permettent de les retrouver facilement.

Pour l’Italie, voici mon mode de calcul très simple. Le document italien datant de 2011 sur la population étrangère en Italie, en provenance de l’Institut statistique italien Istat donne les chiffres suivants :

Roumains : 968.576
Ukrainiens : 200.730
Moldavie : 130.948
Macédoine : 89.900

Selon l’etude Pew, elle-même, ces pays ont une population orthodoxe qui atteint les pourcentages suivants : 87,3%, 76,7%, 95,4% et aucune donnée pour la Macédoine… que je ne prendrai pas en compte. Ainsi, si l’on se base sur la population étrangère uniquement, ce qui laisse à l’écart les personnes de nationalité italienne orthodoxe, cela fait un total de 1 124 451 issus des 3 premiers pays. Ce n’est pas sorcier. Une approche similaire sur l’Espagne donnerait une chose assez semblable.

Population étrangère en Italie : http://www.stranieriinitalia.it/images/istat22set2011.pdf
Etude Pew : http://features.pewforum.org/global-christianity/total-population-percentage.php

4.Posté par Vladimir G. le 29/11/2013 07:52
Bien cher Daniel,

Et vous oubliez les Russes, pour lesquels nous connaissons au moins le nombre de paroisses...

Malheureusement vous appliquez un postulat bien hasardeux et qui n'a jamais été confirmé: que ces émigrés ont le même quota d'Orthodoxes que dans leur pays d'origine. En appliquant ce principe il y aurait plus de 2 millions d'Orthodoxes en Allemagne puisqu'il y a 3 millions de citoyens allemands "rapatriés" de l'ex-URSS (1), qui sont orthodoxes à plus de 70% dans leur pays d'origine... Mais surtout, où sont les paroisses qui accueillent ces émigrés? Si l'étude Pew part de chiffres fournis par les Églises et leurs paroisses, ses chiffres me semblent plus proches de la réalité vécue et donneraient donc le nombre d'Orthodoxes qui fréquentent une paroisses; votre million supplémentaire seraient éventuellement des Orthodoxes potentiels, en rupture de paroisse... tout comme en Allemagne.

(1) http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/09

5.Posté par Daniel le 29/11/2013 11:47
A Vladimir, oui en effet c’est un postulat mais je n’ai aucune indication montrant que l’émigration de ces pays soit sociologiquement particulière et différente de l’ensemble de la population globale. En Roumanie, le fait d’être orthodoxe, uniate, protestant ou autre engendre-t-il des différences telles, qui feraient que certaines communautés soient plus tentées par le départ, j’en doute… Les Russes allemands ou allemands russes sont une communauté particulière pour laquelle je n’aurais pas appliqué ce postulat, de même que les Russes en Israel. De même, pour les pays arabes, je ne l’appliquerais pas non plus car la situation des chrétiens ferait qu’ils ont plus de raisons d’émigrer que les musulmans.

Quant à savoir où sont les paroisses accueillant ces personnes, il faut se rendre compte que 95% de personnes orthodoxes ne veut pas dire que tout ce beau monde est pratiquant. Il y a aussi beaucoup d’orthodoxes nominaux pour lesquelles être orthodoxe, c’est porter une croix ; on ne les voit pas souvent à l’église. S’y ajoute le fait que ces personnes étant des immigrés économiques n’ont pas forcément la pratique religieuse comme préoccupation première. Enfin, créer des paroisses en pays étranger en étant pauvre n’est pas matériellement facile. Pour les Roumains, qui sont parmi les orthodoxes où la pratique est assez élevée, les paroisses sont nombreuses en Italie, et on trouve même deux paroisses vétéro-calendéristes roumaines, ces vétérocalendéristes roumains ne représentent qu’entre 500 000 et un million de personnes en Roumanie (estimations peu fiables)

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