Monseigneur Gabriel, un évêque sous influence…
Une interview de Nikita Krivochéine à Elena Maler-Matiasova pour Interfax-Religion

Le Conseil de l’ Archevêché des Églises Orthodoxes Russes en Europe Occidentale a récemment publié un communiqué où il est dit que l’Association cultuelle de la cathédrale Saint Nicolas à Nice (ACOR) s’est pourvue en cassation dans le procès qui l’oppose à la Fédération de Russie. En effet, le TGI de Nice et la Cour d’appel d’Aix en Provence ont attribué à la Russie le droit d’usage de la cathédrale. L’ACOR estime que l’arrêt de la Cour d’appel ne « la prive pas du droit de demeurer dans la cathédrale et d’y officier ».

Le patriarcat de Constantinople ne se hâte donc pas de transmettre au patriarcat de Moscou le droit d’usage de la cathédrale (l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence date du 19 mai dernier. L’Etat russe a, de son coté, transmis à l’Eglise orthodoxe russe le droit permanent d’officier dans la cathédrale de Nice, ceci à titre gracieux).
L’OLTR a commenté l’attitude de l’Exarchat en publiant le 15 octobre son Communiqué N° 17 «Comment résoudre le problème de Nice ?».

Cette interview accordée par Nikita Krivochéine, membre fondateur de l’OLTR, à Elena Maler-Matiasova explique le comportement de l’Exarchat dans l’affaire de Nice et suggère les solutions qui peuvent être envisagées.

E.M. - Nikita Igorevitch, qu’est ce qui a incité l’OLTR à élaborer ce Communiqué ?

N.K. - Il faut commencer par dire que le texte en a été mis au point et finalisé par l’ensemble des membres fondateurs de l’association sur la base d’un projet rédigé par notre président, Séraphin Rehbinder.
Les décisions adoptées à deux reprises par la justice française ne sont obstinément pas appliquées par l’ACOR et c’est précisément la raison qui a incité l’OLTR à mettre en ligne son Communiqué. L’Archevêché motive son refus d’appliquer l’arrêt de la Cour d’appel et de transmettre la cathédrale de Nice à son propriétaire légitime, la Fédération de Russie, en se référant d’une manière fallacieuse aux règles du droit canon. L’Etat russe a transmis ses droits au patriarcat de Moscou en la personne du diocèse de Chersonèse.

Nous pouvons en l’occurrence invoquer deux précédents : l’Etat d’Israël a restitué en mars 2011 à la Fédération les droits de propriété sur le métochion Saint Serge à Jérusalem ; en 2008 l’Italie a remis à la Russie l’église Saint Nicolas à Bari. Dans ces deux cas le transfert de propriété s’est déroulé sans le moindre incident. Ce n’est qu’à Nice que des difficultés ont surgi et cela s’explique par l’hostilité qu’éprouve l’Archevêché à l’égard de la Russie moderne et de son Eglise. Cette animosité se manifeste avec une intensité particulière après le décès, en 2003, de l’archevêque Serge (Konovalov) et l’élection à cette chaire de Mgr Gabriel(de Vylder). Depuis, la politique de l’exarchat est fortement influencée par un groupe peu nombreux et connu d’émigrés qui mettent en doute la réalité de la libération de la Russie et de l’Eglise orthodoxe russe de la dictature communiste.

E.M. - Est-ce que le texte mis en ligne par l’OLTR est en quelque sorte une réponse au Communiqué N° 04-11 de l’Archevêché ?

N.K. - Oui, tout à fait. C’est également une réaction à d’innombrables publications hostiles parues sur le site de l’ACOR et d’autres adresses internet proches de « Daru ».Dans son Communiqué daté du 28 septembre l’Archevêché accuse le diocèse de Chersonèse (patriarcat de Moscou) de s’ingérer d’une manière brutale dans la vie de la cathédrale Saint Nicolas. Il s’agirait de la nomination en tant que recteur de la cathédrale de l’archiprêtre Nicolas Osoline, un clerc du diocèse de Petrozavodsk, au Nord de la Russie.

De quelles ingérences, de quelles intrusions peut-il être en l’occurrence question ? Rien de cela. La dernière session du Saint Synode de l’Eglise orthodoxe russe a décidé de mettre le père Nicolas à la disposition du diocèse de Chersonèse. Mgr Nestor l’a nommé à Nice. L’archevêché avait été au préalable informé de cette nomination, de même que le clergé de la cathédrale Saint Nicolas. Le père Nicolas a, hélas une seule fois, concélébré la sainte liturgie avec le recteur actuel (patriarcat de Constantinople) de la cathédrale. Les fidèles ont pu alors espérer que la situation allait recevoir une solution fraternelle. Mais une semaine plus tard, Mgr Gabriel est venu à Nice et y est intervenu d’une manière très sèche pour interdire au père Nicolas l’accès à l’autel de la cathédrale. Depuis, le père Nicolas vient humblement prier à Saint Nicolas se tenant dans la foule des fidèles.

E.M. - Quels sont d’après vous les moments forts du Communiqué de l’OLTR ?

N.K. - Ce document montre que l’Archevêché procède à un amalgame délibéré du droit canon et du droit civil. Il se complait à affirmer que l’Eglise orthodoxe russe, naguère asservie aux soviets, reste la servante docile d’un Etat dictatorial. Il est systématiquement reproché à l’Eglise d’entretenir des liens trop étroits avec l’Etat. On en veut pour preuve la transmission par l’administration présidentielle de la cathédrale saint Nicolas au patriarcat de Moscou. Mais comme nous le précisons dans notre texte on ne saurait parler dans ce contexte d’une sorte de concordat. Il ne s’agit que d’une manifestation de la justice, de la restitution de ce qui a été spolié par le régime soviétique, de la remise en état de ce qui a été détruit. L’Etat continue à aider l’Eglise car il s’est rendu coupable de persécutions et a reconnu depuis ses erreurs et ses crimes. S.E. Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France, a récemment précisé que des restaurateurs russes se tiennent prêts à rénover la cathédrale de Nice qui en a grandement besoin.

L’essentiel dans le communiqué de l’OLTR porte sur les accusations de la soit disant non canonicité de la transmission de la cathédrale à l’Eglise russe. Or, ni pendant la période précédant le patriarche Serge, ni pendant les années de son patriarcat, ni après, ni pendant les décennies qui ont suivi l’Eglise russe n’a reconnu la légitimité de la mise en place de l’Eglise hors frontières, ni celle de l’archevêché « eulogien ». Aussi, l’Eglise russe est en droit d’estimer que sa juridiction à l’égard de la cathédrale de Nice ainsi que de toutes les églises construites par la Russie avant la révolution est restée immuable. Ceci rend nul et non avenu l’argument premier avancé par l’Archevêché.

E.M. - L’OLTR se réfère au message envoyé par le patriarche Bartholomé à l’occasion du 150 anniversaire de la cathédrale saint Alexandre de la Neva à Paris. Sa Sainteté y exhorte l’exarchat à rétablir des relations fraternelles avec l’Eglise russe. Comment se positionne la politique destructive menée par l’archevêque de Comane par rapport à cet appel du patriarche ?

N.K. - Je crois pouvoir dire que Mgr Gabriel ne s’inspire pas tellement dans son positionnement des appels du patriarcat de Constantinople qui, disons le, doit gérer nombre de « points chauds » de par le monde. Il suit plutôt les avis d’un groupe de laïcs membres du conseil de l’archevêché qui s’emploient à essayer de l’influencer à leur profit. Ce n’est donc pas d’une quelconque hostilité du patriarcat de Constantinople à l’égard de l’Eglise russe qu’il s’agit mais de l’animosité qu’éprouvent les membres du conseil de l’Archevêché. Un « point de non retour », comme l’on dit en langage international, a sans doute été atteint.

Il convient de se rappeler que lorsqu’il y a deux ans le président du DREE, Mgr Hilarion, métropolite de Volokolamsk, se trouvait en visite officielle à Paris on l’avait invité à officier la sainte liturgie à la cathédrale de la rue Daru. 48 heures avant la date convenue cette invitation a été annulée de la plus manière la plus discourtoise qui puisse être. Lorsque le défunt patriarche Alexis II s’est rendu en France en 2007 il a été le seul patriarche orthodoxe séjournant en France à ne pas avoir été invité à la cathédrale Saint Alexandre. Ces gestes irrévérencieux ont conduit à la situation déplorable que nous constatons.

Et enfin, le "Messager Orthodoxe, Revue de pensée et d’action orthodoxes » vient de publier une lettre, datée d’août 2010, dans laquelle le métropolite Hilarion annonce qu’il démissionne du comité de rédaction de cette revue. Mgr Hilarion explique sa décision par les nombreuses publications hostiles à l’Eglise russe parues dans le « Messager ». Dans le même cahier du « Messager » (N° 198) le rédacteur en chef de la revue, M. N. Struve, répond à Mgr Hilarion par un texte véhiculant de nombreux jugements fallacieux et hostiles à l’Eglise russe.
Il est va de soi que l’on ne saurait parler d’irréversibilité dans les relations inter ecclésiales. L’espoir subsiste toujours d’un apaisement et d’une fraternelle compréhension réciproque.

E.M. - Quel avenir pour Nice aux yeux de l’OLTR ?

N.K. - L’association fait de son mieux pour persuader le clergé de la cathédrale de Nice et les membres du conseil de l’archevêché de ne plus faire référence à des dispositions non appropriées du droit canon, à reconnaître et à accepter la transmission de la cathédrale Saint Nicolas à l’Eglise russe. Est-ce que cette démarche constructive a des chances de succès ? Sera-t-il possible de persuader nos interlocuteurs du bien fondé de cette approche ? Je crois qu’un avenir très proche apportera des réponses à ces questions.

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Traduction "PO"
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Communiqué n°17 de l'OLTR : Comment résoudre le problème de Nice?

Nice, Paris : "L'apaisement est promis pour bientôt"

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 18 Octobre 2011 à 13:03 | 24 commentaires | Permalien



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