Nil Sorsky ou Nil de la Sora (1433-1508)
V.G.

Fêté le 7/20 mai
Saint Nil est un des tous grands parmi les Pères Russes, et pourtant il faudra 4 siècles de vénération populaire pour qu'il se retrouve enfin dans le calendrier de l'Église.

Saint Nil appartenait à une famille aisée, mais il abandonna le monde et partit pour le Mont Athos où il s'imprégna de la spiritualité grecque et de l'hésychasme. Il fonda à son retour en Russie un "skit" (1) sur la rivière Sora non loin du monastère Kirillo-Belozersky (600 Km au nord de Moscou), où il avait prononcé ses vœux. Il y introduisit une règle très sévère selon la grande tradition de l'hésychasme, non conforme à la tradition russe de Saint Théodose et de Saint Serge. Saint Nil exige une étude critique des textes, se fondant essentiellement sur la Sainte Ecriture et se référant presque exclusivement au Nouveau Testament.La vie monastique, selon lui, a pour but une liberté spirituelle absolue, le moine devant être exempt de toute préoccupation terrestre pour que sa vie spirituelle se déroule dans la paix, sans tension, mais avec l’accompagnement d’un père choisi librement comme conseiller; «Un seul est notre maître, Notre Seigneur Jésus-Christ», écrira-t-il.

Cette approche de la spiritualité rencontre beaucoup d'écho actuellement… de même que sa contestation des richesses, de la puissance, voire du rôle social de l'Eglise et aussi son approche miséricordieuse des hérétiques, refusant au nom de Christ miséricordieux les méthodes de l’Inquisition espagnole que certains voulaient appliquer, et réprouvant toute cruauté (le concile local de 1490 vit un premier affrontement entre saint Nil et saint Joseph de Volokolamsk à propos des hérétiques "judaïsants" et ce n'est qu'après la mort de saint Nil, en 1508, que ces hérétiques furent exterminés). Mais c'est sur la question des propriétés monastiques, sous-tendue par un débat théologique, qu'eu lieu la grande dispute qui marqua l'Orthodoxie en Russie au début du XVIème siècle.

La fin du XVe siècle fut la grande époque de floraison de la vie monastique en Russie, puissamment relancée un siècle plus tôt par Saint Serge de Radonège (1314-1392). Le cénobitisme de saint Nil, selon lequel les moines devaient s'adonner à la contemplation individuellement et frayer le moins possible entre eux, ne correspondait ni au travail en commun des autres monastères russes, ni à l'institution des vénérables (starets) qui étaient des guides du peuple. Mais surtout il heurtait le statut social des abbayes traditionnelles qui avaient accumulé des richesses considérables et apparaissaient comme les principaux propriétaires fonciers de Russie. La dispute théologique entre « non-possédants » (nestjajateli) et «possédants» (stjajateli) fut lancée par saint Nil au concile local de 1503-1504.

Saint Nil a-t-il perdu?

Depuis des années, Nil avait vécu dans son skit du désert avec une douzaine de moines et il intervint avec force devant l'assemblée pour dénoncer les abus de pouvoir et du système des propriétés terriennes qui prévalait dans la communauté monastique en lançant appel déchirant pour un retour à la simplicité spirituelle et à l'austérité. Saint Joseph (1439-1515), Higoumène du monastère de Volokolamsk (près de Moscou) s'opposa à lui en défendant la voie traditionnelle russe. Saint Joseph fut aussi un ascète et un réformateur de la vie monastique, mais il professait que les abbayes doivent posséder des biens pour venir en aide aux nécessiteux et pour jouer leur rôle de centres civilisateurs et que les moines, tout en menant une vie austère, devaient secourir les hommes moralement et socialement… et l'Eglise le suit toujours. … et l'Eglise le suit toujours. Une différence d'approche théologique sous-tend le débat car saint Joseph s'appuie sur l'Ecriture et la Tradition, l'élément liturgique présente pour lui une grande importance et la libre critique de l'Ecriture, prônée par saint Nil, lui paraît inutile quand la tradition de l'Eglise peut y suppléer. Enfin, et c'est peut être cela qui sera décisif, les deux protagonistes ont une vision différente des relations entre l'Eglise et l'état (représenté à l'époque par le pouvoir du grand duc de Moscou, qui n'avait pas encore pris le titre d'empereur ou tsar): saint Joseph est partisan d'une collaboration intime entre les deux pouvoirs et saint Nil est contre celle-ci.

Le concile de 1503 - 1504 décréta que les deux approchent peuvent et doivent coexister dans l'Eglise; Joseph et Nil se réconciliaient et furent tous deux canonisés… Mais il me parait trop simple de les mettre à égalité car le débat qui les opposa est toujours en cours dans l'Eglise. D'ailleurs les "non-possédants" furent persécutés après la mort de saint Nil (ainsi l'un de ses disciples les plus fameux, saint Maxime le Grec, 1470-1556, fut emprisonné 26 ans) alors que les grands monastères conservèrent leurs richesses et la « symbiose » fit tomber l'Eglise sous la domination totale de l'état. Les théories de saint Joseph triomphèrent donc dans les faits… et triomphent encore. Joseph fut canonisé 3 fois au XVIe siècle, Nil connut 4 siècles de vénération populaire avant d'être inscrit dans le calendrier ecclésiastique officiel en 1903 et, enfin, signe concret, on peut toujours admirer les trésors de Volokolamsk alors qu'il ne reste pratiquement rien du skit de Sora… (2).

Pourtant, si la "symbiose" entre l'Eglise et le pouvoir semble enfin porter de bons résultats, en particulier en Russie où une Eglise forte et libre peut appuyer le pouvoir quand il va dans le bon sens, ce sont les approches mystique, contemplative et spirituelle de saint Nil qui rencontrent actuellement le plus d'écho parmi les Orthodoxes et même au-delà. Si l'Eglise puissante et riche de saint Joseph tient le haut du pavé, il n'y a que 23% des Russes qui, comme saint Josèph, considèrent que l'Eglise doit être riche, alors que 39% pensent que l'Eglise n'a pas besoin de richesse

Saint Nil de la Sora: La prière contre les mauvaises pensées

Quand on a une mauvaise pensée, on doit faire appel à l'aide de Dieu, car, comme Saint Isaac le Syrien le dit, nous ne possédons pas toujours en nous-mêmes la force de nous opposer à de mauvaises pensées, et il n'est aucune aide dans ce cas, si ce n'est celle de Dieu.

Par conséquent, guidé par les instructions de [saint] Nil du Sinaï, nous devons prier ainsi sans relâche, avec soupirs et larmes, le Seigneur Jésus Christ: "Aie pitié de moi, Seigneur, et ne me permets pas de périr. Mets en déroute, ô Seigneur! le démon qui m'attaque. Ô mon espérance sûre, marque ton signe au-dessus de ma tête au jour de mon combat avec le Démon! Vaincs l'ennemi qui se bat avec moi. Ô Seigneur, ô Verbe de Dieu, avec Ta paix et Ta tranquillité apprivoise les pensées qui m'assaillent! "

Ou, selon les instructions du bienheureux Théodore le Studite, sur le fait d'avoir des pensées impures, prie en utilisant des paroles du prophète David, " Juge-les, Seigneur, qui sont injustes avec moi et combats ceux qui me combattent." et récite ensuite le psaume 34 en entier, et, comme l'a écrit l'hymnographe, "Rassemble et recueille mon esprit dispersé, ô Seigneur, purifie mon cœur sauvage. Comme Tu l'as dit à Pierre, accorde-moi le repentir, en soupirant comme au publicain, comme à la femme dépravée, les larmes, pour que je puisse pleurer vers Toi! Aide-moi et débarrasse-moi des pensées mauvaises. Car, comme les vagues de l'océan, mes transgressions s'élèvent contre moi, et comme un navire dans l'océan profond, je suis surchargé de mes pensées et de mes intentions, mais guide-moi dans un port tranquille et sûr.

Ô Seigneur, sauve-moi aussi par ma repentance, pour que je pleure abondement sur la faiblesse de mon esprit, car ce n'est pas de ma propre volonté que je subis ces changements involontaires - hésitations, agressions, défaites… C'est pourquoi je crie vers Toi: ô Sainte Trinité, sans commencement, aide-moi, et me confirme à rester ferme dans les pensées et intentions, les sens et les sentiments de bien! (3)


Sources:
• http://stmaterne.blogspot.fr/2008/05/saint-nil-sorsky-ou-lvanglisme.html: très important dossier quasi exhaustif!
• Mgr Kallistos Ware, évêque de Diokleia, "L'Orthodoxie. L'Eglise des sept Conciles", Cerf Paris 2002, p.136-140
• http://logoi0.blogspot.fr/2010/09/floraison-du-monachisme-en-russie.html
• http://orthodoxie.centerblog.net/559469-Saint-Nil-de-la-Sora

Notes

(1) Ermitage dans la tradition russe. Le nom "Skit" vient de la forme grecque "Skiti", du nom propre "Scété", partie du désert d'Egypte, au sud d'Alexandrie où Saint-Macaire organisa l'existence des premiers moines au IVème siècle (Wikipedia).

(2) ICI
(3) ICI



Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 19 Mai 2012 à 21:47 | 2 commentaires | Permalien



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