Un nouvel ordre dans l'Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe Occidentale (exarchat du patriarche de Constantinople)

Le désarroi qui se manifeste, actuellement, dans l'Archevêché est véritablement poignant. Certains de ses membres ne comprennent pas ce qui leur advient sous l'autorité d'un nouvel Archevêque sévère, et perçu comme manifestant, à de nombreuses reprises, son caractère percutant. Le trouble est d'autant plus profond que l'Archevêque, apparemment soutenu par son Patriarche, semble, aux yeux de ces membres interloqués, vouloir détruire tout le « capital » amassé par l'Archevêché au cours de son histoire et que l'on s'efforçait de protéger contre l'autoritarisme supposé du Patriarcat de Moscou.

En lisant des commentaires publiés çà et là, quelquefois agressifs ou désobligeants, on comprend que dans l'esprit de beaucoup de membres de l'Archevêché, ce capital était constitué d'une certaine « conciliarité » dans le fonctionnement des instances de l'Eglise et de la fidélité aux prescriptions du concile de Moscou des années 1917/1918. Ces deux caractéristiques étaient censées donner à l'Archevêché une certaine « supériorité » ou une « avance » sur les autres orthodoxes.

Il convient de se demander, cependant, si cette « conciliarité » (ce mot est très mal choisi) n'est pas simplement une cogestion de cette entité ecclésiale par la hiérarchie et les laïcs. L'évêque cogère le diocèse avec le conseil diocésain, le recteur cogère la paroisse avec le conseil paroissial. Monseigneur Gabriel disait parfois « je ne peux prendre telle ou telle mesure car mon conseil y est opposé. » Une telle phrase aurait dû choquer. L'évêque doit prendre les mesures qu'il juge utiles car il a été consacré à cette fin par l'Eglise.

Par ailleurs, il convient de ne pas oublier que le concile de Moscou n'est pas allé jusqu'à son terme. De plus, se sont manifestées en son sein, surtout avant que ne s'aggravent les persécutions, des tendances déviantes visant à instaurer une certaine démocratie dans l'Eglise. Certes, ces déviations furent surmontées quand les temps devinrent plus difficiles. Elles resurgirent, cependant, de plus belle chez ceux que l'on a appelés « les rénovateurs » et qui se sont, eux-mêmes, considérés comme (l'éphémère) «Eglise vivante ». Mais surtout, la réception de ce concile a été suspendue durant la période soviétique. Cette réception, qui donne force aux décisions d'un concile, n'a pu commencer que récemment et elle est actuellement en cours au sein du Patriarcat de Moscou. Il est donc prématuré pour une toute petite communauté ecclésiale de se prévaloir de ces décisions et de les opposer à sa hiérarchie puisqu'elles ne sont pas encore reçues par l'Eglise, en l'occurrence l'Eglise russe et, à plus forte raison, dans l'Eglise de Constantinople.

Rappelons, justement, que la décision la plus symbolique et la mieux reçue du Concile de Moscou est le rétablissement du Patriarcat et de la place de l'épiscopat, jusque-là soumis aux autorités civiles. On se souvient de ce témoignage de Mgr Euloge qui déplorait le combat d'une partie des membres du concile, qualifiés de libéraux, qui s'élevait contre cette mesure phare de ce Concile.

Il ne faut pas oublier non plus que la belle unanimité qui semble régner, actuellement, dans l'Archevêché n'est due qu'au fait que tous ceux qui ne partageaient pas les vues des activistes ont été purement et simplement chassés de toutes les instances s'ils n'ont pas été excommuniés, mesure totalement inadaptée, pour ne pas dire plus.
Un autre problème enfin réside dans une certaine volonté d'indépendance. Monseigneur Gabriel avait affirmé que l'Archevêché « n'avait pas d'Eglise-mère », paroles dangereuses qui pouvaient mener au sectarisme, car elles pouvaient vouloir dire que l'Archevêché est indépendant de toute Eglise locale traditionnelle, et qu'il n'est que « protégé » par le Patriarcat de Constantinople.

Il semble bien que ce dernier soit, au contraire, très conscient de sa responsabilité envers un diocèse qui est désormais sous sa direction spirituelle et qu'il entend bien y rétablir sa tradition orthodoxe. C'est de cette mission qu'est apparemment chargé le nouvel archevêque et qu'il remplit avec zèle, même si l'on souhaiterait, parfois, de sa part, plus de douceur envers ses ouailles désorientées.

Bien sûr, il n'est pas facile, quand on a longtemps vécu selon certaines habitudes de voir celles-ci remises en cause. Mais on ne peut que conseiller aux membres de l'Archevêché de réfléchir aux motivations profondes de l'Eglise à laquelle il s'est confié. Pour l'OLTR, il aurait été plus juste de revenir au Patriarcat de Moscou qui aurait sans doute manifesté plus de compréhension. Certes, dans l'histoire de l'Eglise orthodoxe on a connu des cas où un seul par sa conviction a pu ramener à l'orthodoxie des groupes entiers de chrétiens. Mais combien de communautés sont tombées dans le schisme en étant persuadées de défendre la vérité.

Séraphin Rehbinder
Président de l'OLTR

Avril 2015 – A l'occasion du douzième anniversaire de Appel du Patriarche Alexis II

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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 4 Avril 2015 à 10:40 | 7 commentaires | Permalien



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