Pendant le Carême pensons aux Nouveaux Martyrs!
La Russie fait face à - je n'aime pas du tout cette expression faussement pédagogique et ciblée - "un devoir de mémoire". Le père Georges Mitrofanov (Saint Pétersbourg), en parle comme peu l'ont fait jusqu'à présent.

Comment ne pas évoquer l'état d'esprit de la société ouest-allemande dans les années 60, période par de boom économique et de retour à la prospérité? Tout au bonheur de revenir à une existence agréable après 12 ans (seulement!) de dictature nazie, après la destruction quasi totale du pays à la fin de la guerre la plupart des Allemands de l'Ouest ne voulaient qu'une chose: oublier et ne rien savoir. La réponse la plus répandue était alors: "Hitler? Connais pas!"

Ce n'est qu'une génération plus tard qu'a commencée à s'opérer une véritable prise de conscience, qu'un sentiment de responsabilité collective et personnelle à commencé à se "cristalliser". Ce n'est qu'alors que Günter Grass et Heinrich Böll connaissent un immense succès, que les films consacrés au procès de Nuremberg foisonnent… Il va sans dire que le cheminement de la "RDA" a été radicalement différent.

Si les Allemands ont eu une telle résistance à assumer leur passé, et ceci malgré les lois de dénazification, que dire des Russes des deux décennies post soviétiques? La décommunisation n'a pas eu lieu, ou a été bâclée, les nombreuses révélations sur le passé communiste faites à la fin des années quatre vingt et au début des années quatre vingt dix ont plutôt suscitées une réaction de rejet car les accepter aurait été équivalent à avouer toute une existence de complicité dans la survie, la sienne, celle de ses ascendants. Fermer les yeux, se boucher les oreilles, profiter de la liberté nouvelle, d'une vie meilleure à tous points de vue était tellement plus attrayant. Et plus compréhensible.

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J'irai même plus loin que le père Mitrofanov: bien sûr, il y avait parmi les bolchéviks de nombreux anciens séminaristes et élèves d'écoles paroissiales. Mais comment ne pas dire que la haute hiérarchie de l'Église a dû accepter des compromissions, voir l'admirable allocution de S.S. Cyrille consacrée à la mémoire du métropolite Nicodème. La Providence a aidé des évêques aussi providentiels que le métropolite Nicodème et le défunt patriarche Alexis II a garder intacte la sainteté de l'Église orthodoxe russe.

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N'empêche que ce sont pas seulement ses fidèles mais aussi nombreux de ses clercs qui préfèreraient ignorer le jour où l'on célèbre les Nouveaux Martyrs.

Aussi, pensons aujourd'hui plutôt à notre devoir de continuer à raconter, à témoigner de sorte à ce qu'une catharsis survienne dans la conscience et la mémoire collectives russes, cela nous évitera d'avoir recours à l'expression galvaudée "devoir de mémoire".

N.K.

Rédigé par Nikita Krivochéine le 23 Mars 2015 à 12:28 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par T. Schakhovskoy le 25/03/2009 20:10
Hélas, entièrement d'accord, cher Nikita. Il reste tant à faire, et les urgences sont si nombreuses... Le P. Mitrofanov est quelqu'un de tout à fait exceptionnel à bien des égards, souhaitons que sa parole se répande de plus en plus. Je puis témoigner qu'il règne dans sa lumineuse petite paroisse en étage, au centre de Saint-Pétersbourg, une atmosphère de ferveur particulièrement accueillante et chaleureuse. Dès l'entrée, sur de hautes icônes à droite et à gauche - pour un regard attentif, c'est tout un symbole - la présence des néo-martyrs nous réconforte, comme celle du métropolite Benjamin, l'une des toutes premières victimes... C'est le signe éclatant de la réconciliation, rappelant immanquablement la bienheureuse réunion du 17 Mai 2007 entre orthodoxes russes trop longtemps séparés.

2.Posté par Hai Lin (Los Angeles - Santiago du Chili) le 23/03/2015 23:46
Dear Mr. K.,

Once again thank you very much for an extremely thought-provoking and honest article. It causes one to ruminate upon what was learned as a result of the vicissitudes of history and of what was not learned. A very personal thank you for handling what might have been or could have been an extremely polemical topic with a great deal of intellectual delicacy.

To quote the well-known 19th century Spanish philosopher and professor of philosophy at Harvard University, Jorge Agustín Nicolás Ruiz de Santayana y Borrás, :

Те, кто не помнит своего прошлого, обречен на его повторение.

And to Mme Shahovskaya for her equally lucid commentary, many thanks.

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