Père N. Balachov: L'Eglise a les moyens de rendre la liturgie plus compréhensible
Selon le père Nicolas Balachov, vice-président du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, l'Église orthodoxe russe dispose à présent du potentiel nécessaire pour rendre la liturgie plus compréhensible à nos contemporains. A la présentation d'un nouveau dictionnaire du slavon liturgique à Moscou, il a souligné que ce travail nécessaire "exige des efforts colossaux".

Le père N. Balachov, spécialiste par ailleurs du concile de Moscou de 1917-1918 a rappelé que ce concile s'était déjà penché sur la question de la compréhension de la liturgie, mais, pour des raisons historiques, son travail n'a pas pu être achevé. Si le problème de la compréhension se posait déjà à cette époque-là, il est, selon le père Nicolas, encore plus urgent en ce début du XXIe siècle.

Il a regretté que jusqu'à présent, aucune initiative ecclésiale n'a été prise dans ce domaine, alors qu'il y a quinze ans, le patriarche Alexis II avait commencé à parler de "la nécessité de rendre la liturgie plus accessible à nos contemporains".

Source: Blagovest-Info

Rédigé par l'équipe de rédaction le 3 Avril 2009 à 17:08 | 31 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 03/04/2009 20:11
Voilà une initiative prometteuse... Dans son livre, Mgr Cyrille ne propose que des causeries hors célébrations. Par ailleurs, toute tentative de changement se heurte aux tenants de la Coutume (je mets volontairement une majuscule pour insister sur la vénération dont les coutumes bénéficient auprès de la majorité des fidèles russes; p. Kochetkov en a fait les frais en son temps...)

En attendant, quelqu'un peut-il me dire où trouver sur le Web une version française des vigiles et de la Liturgie de tradition russe (je n'ai trouvé que la tradition grecque).

Merci d'avance!

2.Posté par Anna Rotnov le 03/04/2009 21:44
Lorsqu' on est réellement intéressé à comprendre la Liturgie (ou les Vigiles) en slavon, parlant le russe, il suffit de se rendre aux offices et de les suivre de façon assidue. Au bout d' un moment, on connaît les prières par cœur et il n' est pas difficile de comprendre tout ou presque (un peu de mystère ne fait pas de mal).
A mon avis, il ne faut en aucun cas 'traduire' les prières et les lire ou chanter en russe : on perdra notre histoire et nos racines, car le slavon est la langue de nos aïeux et l'entendre est de nous rapprocher d'eux durant les offices - donc par l'intermédiaire de Dieu et de notre religion.
Regardons l'exemple en France ou les messes sont passées du latin au français - les églises se sont vidées.

En aucune cas les changements : c'est à nous de faire les efforts pour aller vers l'église et non l'envers !

3.Posté par SergeSerge le 04/04/2009 01:11
Je suis sidéré d'apprendre ce soir ici que Dieu serait plus sensible au slavon, 'langue de nos ancêtres', qu'à d'autres langues... J'étais persuadé que Dieu comprenait la langue de tous ceux qui le prient avec ferveur.
Quand Saint Cyrille et Méthode ont évangélisé les slaves, ils n'ont pas imposé le grec, mais ils ont voulu rendre accessible au peuple les beautés et les trésors de la Foi orthodoxe et des Pères.
La foi de l'Église doit pouvoir s'exprimer en arabe, en russe, en géorgien ou en...breton. Ainsi que dans toutes les langues parlées par les enfants de Dieu. Ceci n'exclut pas le respect des traditions, et les changements doivent se faire avec patience et discernement.
Mais, de grâce, n'imposons pas à Dieu de ne lui parler que des langues mortes...

4.Posté par le hiéromoine Alexandre le 04/04/2009 11:04
En effet, dans la prière, ce qui compte, ce n'est pas la langue, mais la ferveur avec laquelle on prie. Tous les Pères ascètes l'affirment. Or, pour participer avec ferveur à la liturgie, il faut pouvoir la comprendre. C'est ainsi que l'on peut, pour renforcer notre foi et la communion avec toute l'Église, tirer usage du trésor spirituel et théologique que représentent les textes liturgiques.

5.Posté par Anna Rotnov le 04/04/2009 11:26
Cher Monsieur,
Je suis désolée de vous avoir tant choqué ; telle n' était pas mon intention.
Je n' ai jamais dis que Dieu serait plus sensible au slavon, mais que nous, les Russes, sommes plus sensibles aux offices en slavon. Je ne parlais pas des églises orthodoxe de tradition française, mais des églises russe (aussi bien en Russie qu'ailleurs).
Notez bien que je réagissais au texte d' un prêtre russe vivant en Russie, donc je croyais m'exprimer clairement. Il a été question (j' ai entendu avec effroi) que les églises russes en Russie avaient envisagé à un moment d' officier en russe et non plus en slavon, ' ... afin de rendre les offices plus accessibles aux croyants'. Ma réaction concernais ce sujet sensible.
En aucun cas je ne cherche à vous imposer le slavon, ni même le latin : le principal étant de prier et non pas la langue - chacun fait comme il le juge bon et plus commode. J' ai exprimé mon point de vue sur la question au sein de ma religion et de mon église.
Je vous souhaite un Carême paisible et serein.
Bien à vous

6.Posté par SergeSerge le 04/04/2009 16:23
Merci pour cette réaction, je crois comprendre votre point de vue, mais je pense cependant ne pas complètement partager votre approche.
Nous devrions également éviter d'accoler le nom d'une nation à celui d'une Église.
Nous devrions parler de l'Église de Dieu en Russie, ou en Albanie (comme l'écrivait l'apôtre Paul), mais pas d'Église russe ou grecque.
Concernant le slavon, je n'ai aucune compétence personnelle sur cette question. Mais j'insiste sur la nécessité de rendre accessible la richesse théologique des textes à tous les fidèles.
Je souhaite également à tous un Carême paisible.

7.Posté par Anna Rotnov le 04/04/2009 17:48
Cher Monsieur Serge Serge ,
Comme vos paroles sont belles et justes : Une Seule Église du Christ ! Qui ne serait pas d' accord ?

Dans l'absolu et en théorie ce n'est on ne peut plus juste. Mais que proposez-vous en pratique?
Et comment définir dans une conversation telle ou telle église (russe , serbe ou grec...), car les rites différent?
Comme vous, je refuse le nationalisme primaire, mais n' oublions pas que nous sommes une diaspora sur terre étrangère ; nous avons besoin de notre langue (au moins pour comprendre les offices pour les nouveaux arrivés, et pour ceux qui parlent déjà la langue de leur nouveau pays - retrouver leurs racines), nos rites et, je dirais, nos habitudes.

On m' a raconté que Monseigneur Marc à Munich a trouvé la solution : tout l'office est en slavon et les homélies sont traduites ; un groupe se rapproche vers un prêtre qui se tient près de Vladyka Marc
et ce prêtre traduit en instantané l'homélie. Pour les prières de l'office, les allemands convertis ont des petits livres en allemand et suivent parfaitement. On m' a dit que l'harmonie règne dans cette paroisse et tous trouvent la paix que les offices leur procurent. Donc, votre insistance, justifiée bien sûr, de rendre les prières accessibles à tous serait satisfaite dans cette paroisse.

Mais je voudrais revenir au début de votre texte ; est-il possible de créer une Église Universelle ou Mondiale, alors que chaque peuple a besoin de ses racines et de sa langue ?

8.Posté par SergeSerge le 04/04/2009 19:41
Merci pour cet exemple de Mgr Marc. Je crois en effet qu'il y a différentes manières de procéder afin de chacun se sente chez lui à l'église et que le message de l'Évangile soit transmis et accessible à tous.
Revenant à votre question, et sans vouloir donner des réponses ni pontifiantes, ni simplistes, je dirais d'abord que ce que nous proclamons à chaque Liturgie, c'est notre foi dans l'Église Une, sainte, catholique et apostolique. Ce n'est pas un projet ou un vœu pieux, c'est une réalité, une vérité.
Les questions de langues, de tradition particulière, ou même nos divergences parfois ne sont qu'une manifestation de nos propres limites et imperfections.
Gardons dans notre cœur cette foi commune reçue des Apôtres et des Pères, et ne nous enfermons pas dans nos petits usages particuliers.
Chaque peuple, dans sa lange et sa culture, doit célébrer l'unique Seigneur, dans son Église Une.

9.Posté par Anna Rotnov le 04/04/2009 22:18
Pardonnez-moi de ne pas avoir compris, cher Monsieur. Car vous continuez à parler dans l' absolu ; quel est le problème qui vous préoccupe ? Que les peuples existent et cherchent à se regrouper autour de leur religion, leurs rites et leurs habitudes ? Quelle église proposez-vous concrètement, alors ? Existe-t-elle déjà et si oui - où ? Si on regroupe plusieurs peuples au sein d'une seule église en quelle langue (s) faut-il officier ? Quel est le pourcentage d' un peuple pour qu'on officie dans sa langue (un seul, trois ou dix ) ? Et surtout qui exactement voudrait de cette église multilingue et disons spéciale, alors que dans notre vie de tous les jours nous sommes tous à refuser la mondialisation ?

Pardonnez-moi de vous bombarder ainsi de questions, mais le sujet est passionnant .

10.Posté par SergeSerge le 05/04/2009 14:44
Je ne parle pas dans l'absolu, mais je rappelle simplement ce qui est une réalité fondamentale : l'Église est UNE.
Ce qui n'exclut pas les particularismes, l'usage de différentes langues, de différentes manières de chanter ou de prier.
L'Église est toujours l'Église en un lieu ou une région. En fonction des nécessités, on peut utiliser une ou plusieurs langues.
Je n'ai jamais parlé d'Église multilingue, ni des bizarreries que vous évoquez....

11.Posté par Thierry Jolif le 05/04/2009 14:55
'Les questions de langues, de tradition particulière, ou même nos divergences parfois ne sont qu'une manifestation de nos propres limites et imperfections'

Limites et imperfections 'assumées' et transfigurées en Christ. 'langue, traditions' différences plutôt que divergences ne sont-ce pas les portes qui nous ouvre à 'l'unité dans la diversité' !

Notre foi c'est celle de la venue de Dieu dans l'Histoire, il nous faut conserver ce souvenir de l'histoire car c'est par elle que Dieu s'ouvre à chaque personne historique, non pas à des 'étants' abstraits mais à des personnes qui, pour se révéler pleinement et librement en Dieu, ont besoin de ces différences.

Les 'usages particuliers' peuvent être des prisons, oui, mais avant tout ils sont les réceptacles précieux de notre foi commune reçue des Apôtres et des Pères ...

12.Posté par Anna Rotnov le 05/04/2009 18:39
Tant d'écrits de part et d'autre pour arriver à la même conclusion commune !

Bien sur l' Église du Christ est seule et Unique et Une et indivisible - ai-je dis le contraire ? - Je le maintiens dès le début . De votre côté, on est arrivé à l'acceptation des langues, traditions et cultures différentes avec une église pour chaque peuple .
Je me demande pourquoi on ne s'est pas compris dès le début ?

13.Posté par vladimir le 06/04/2009 00:00
Peu de temps avant sa désignation comme patriarche, Mgr Cyrille avait abordé la question de la langue de célébration en rappelant que nos textes ressortent de la poésie en grec ancien où chaque mot est important. Le slavon les rend bien, car cette langue est calquée sur le grec ancien, mais ni le russe ni même le grec moderne ne le rendent, car ces langues ne sont pas des calques du grec ancien et il y a donc une déperdition du sens. Il y a pourtant, me semble-t-il, d'excellentes traductions en russe, en particulier celles réalisées sous la direction de p. Georges Kochetkov, mais le sujet est tellement sensible que tout changement brusque risque de provoquer un schisme comme celui des Vieux-Croyants, et il n'est donc pas question de faire quoi que ce soit prochainement. Ceci me semble avoir été confirmé par Sa Sainteté Cyrille après sa désignation.

Pour les traduction en français c’est bien pire : non seulement toute la poésie est perdue, mais il y a carrément nombre de faux-sens importants, comme 'Église Catholique' dans le Credo ou 'pain quotidien' dans le Pater, et c'est pour cela qu'il parait important de garder les langues liturgiques d'origine comme base de référence. J'en avais parlé avec Mgr Gabriel de Comane, il y a environ 5 ans, et il avait abondé dans ce sens, en ajoutant qu'il y avait maintenant suffisamment de traductions en langues locales pour que tous puissent suivre et comprendre les célébrations en slavon en utilisant ces traductions comme outils (si je comprends bien le commentaire 7 ci-dessus, c'est aussi ce type de solution que met en œuvre Mgr Marc.

Il reste la difficulté de se procurer les bonnes traductions du slavon sur le Web, et c'est le sens de l'appel que je lançais dans mon premier commentaire ci-dessus. Le manque de réponse semble indiquer qu'il y a là une vraie difficulté!

14.Posté par G. Spyvak le 06/04/2009 00:10
Cher Vladimir, pourquoi la traduction 'Église catholique' dans le Crédo en français serait-elle un faux sens, alors que l'original grec emploie ce même terme ?
La liturgie orthodoxe doit être traduite non pas du slavon (qui utilise ici le mot 'sobornaïa'), mais du grec (qui parle de 'katholikè'). En effet, ce n'est pas le slavon, mais le grec qui est la langue d'origine du Credo.
Par ailleurs, nous, les orthodoxes, nous croyons bien en l'Église une, sainte, catholique et apostolique. Jamais, au premier millénaire, on n'a parlé d' 'Église orthodoxe', mais de la 'foi orthodoxe'. L'Église, elle, est catholique, terme qui remonte à saint Ignace d'Antioche (au IIe siècle) !

15.Posté par vladimir le 06/04/2009 10:39
Cher G, je vous remercie pour ce commentaire, qui va dans le sens de ce que devraient être, pour moi, les échanges sur ce blog: approfondissons notre Orthodoxie...Je ne connais pas le grec et suis donc obligé de me fier aux spécialistes pour aller plus loin. Je crois, comme l'a écrit Mgr Cyrille, que le slavon est un calque du grec ancien et donc que 'sobornaïa' est un calque de 'katholikè'. Maintenant, il y a dans 'sobornaïa' un sens plus large que dans notre 'catholique' latin puisque la racine 'sobor' ajoute l'idée de 'conciliarité' à l'idée d'universalité. Était-il présent dans 'katholikè'? Quelle est la différence entre 'katholikè' et 'oikumene' (terre habitée, univers d'après mon Robert)? Est-ce le slavon qui a jouté cette conciliarité ou le latin qui l'a perdu? Voilà des explications que je serais heureux d'avoir.
En tout cas cette idée de 'conciliarité' de l'Eglise est essentielle pour l'Orthodoxie comme le souligne, par exemple, Mgr Ware dans son livre 'L'Orthodoxie, l'Église des 7 Conciles' (p24), en mentionnant 'En russe, l'adjectif 'soborny' a le double sens de 'catholique' et de 'conciliaire', et le substantif 'sobor' veut dire à la fois église et concile.' Absente de l'acception romaine du Credo et donc de sa traduction en français, ne mériterait-elle pas que nous parlions de l'Eglise... 'universelle et conciliaire' dans notre Credo? Cela aurait aussi l'avantage d'éliminer la confusion avec l'Eglise Romaine qui, pour la plupart des Français est la seule Catholique...
En tout les cas cet exemple démontre bien cette perte de sens qu'implique une traduction (en dehors du cas particulier du 'calque' slavon, où la langue elle même a été adaptée au sens) et la nécessité de garder ce trésor que constitue la langue originale et d'en bien comprendre le sens. Et je ne parle pas ici du contenu poétique des textes...

16.Posté par B.Volkoff le 06/04/2009 20:27
Où passe la ligne de non retour qui une fois franchie dans l'adoption de langues vernaculaires, de la simplification des offices en vue de leur "accessibilité": disparition de l'iconostase, lecture à haute voix des prières "secrètes" (voir les paroisses provinciales de l'Exarchat oecuménique ), accès des jeunes filles à l'autel, communion sans confession prélable, etc. nous précipite dans un rénovationnisme tel que l'a connu l'Eglise russe dans les années vingt du dernier siècle?
L'expérience de nos frères catholiques ne suffit-elle pas? La moisson de Vatican II est frugale et amère. N'est-ce pas trop tard que Benoît XVI s'est souvenu des communautés n'ayant pas admis le Concile de 1962 dans son intégrité? A quand les messes en latin dans son quartier?
Orthodoxes, préservez votre patrimoine!

17.Posté par vladimir le 06/04/2009 23:37
Tout ce que dit R est bien à débattre:

L'adoption de langues vernaculaires est un principe de base de l'Orthodoxie, depuis les premiers royaumes chrétiens (Arménie au Géorgie) jusqu'à la traduction en eskimo par St germain d'Alaska, anglais par St. Tihon, français avec p. Gillet et Vladimir Lossky,... en passant bien évidement par le slavon! La question est de savoir comment faire passer en langues vernaculaire sans perdre le sens du vrai message... Il est curieux de constater que c'est à la fin du XXe, quand les Kto abandonnent le latin pour les langues vernaculaires, que les Ortho se crispent sur les langues anciennes...

La perte du sens de la communion par le détournement de l'iconostase, le lien quasi-juridique communion-confession, la lecture à voix basse des prières sacramentelles ("secrètes" est une autre erreur de traduction!)... etc. est exposé de façon magistrale dans le génial et prophétique "L'Eucharistie, sacrement du Royaume" de p. Alexandre Schmemann.

Quand au statut de diaconesse, il a existé en Orthodoxie jusque vers le XIIe, bien plus tard que chez les latins, et des débats en vue de sa restauration avaient été entamés en Russie à la fin du XIXe et pendent la phase préparatoire du Concile de 1917-18.

Le drame c'est que certains expérimentateurs, que R et marie dans un autre billet ont en vue, jettent le bébé avec l'eau du bain, alors que l'essentiel est de bien voir où est la Tradition (avec T majuscule) par opposition à la simple coutume locale trop souvent sacralisées... Et pour moi l'un des points essentiel de la Tradition est justement cette conciliarité dont je parle avant, qui implique aussi de ne pas rompre l'unité au niveau du rituel par des expérimentations hasardeuses, non concertées et non acceptées par l'ensemble du corps ecclésial. C'est aussi le sens d'une déclaration de Mgr Cyrille (je crois) qui a dit que l'Eglise russe avait besoin de changements, pas de réformes...

18.Posté par Marie Genko le 07/04/2009 16:18
Cher Vladimir, Voici un court extrait de la préface du livre:
Icônes et Saints d'Orient" d'Alfredo Tradigo

"L'iconostase est une véritable somme théologique du christianisme orthodoxe rendue visible.
Si elle semble cacher, en réalité elle révèle, comme une fenêtre grande ouverte sur le mystère. Voilà pourquoi la tradition veut que les icônes soient d'origine divine, révélées comme sont révélés les textes des Evangiles."

Lorsque j'assiste à une Liturgie dans une église privée d'iconostase, je me sens simplement ailleurs que chez moi! Je me sens chez nos frères séparés catholiques!
Il me semble que le drame de notre époque est la perte du sens du sacré, alors nous devons marcher sur la pointe des pieds avec les moindres innovations! Car nous avons vu ce que ces innovations ont donné chez nous autres orthodoxes, au sein de l'OCA, sans parler des querelles dans l'archevêché des églises russes d'Europe occidentale.
Le Père Schmemann est certainement un théologien qui a marqué son époque, toutefois les personnes qui l'ont bien connu attestent qu'à la fin de sa vie il a regretté certaines de ses prises de positions.

19.Posté par Thierry Jolif le 07/04/2009 22:02
Pour l'essentiel je vous rejoins Vladimir. Je noterais juste que, pour bien souligner, cette terrible épreuve que représente une traduction, que, précisément les termes "traductions", "tradition" et "trahison" sont liés en français ...
Il est vrai que, malheureusement, parfois, les traductions en français ont été trop rapides, pas assez fouillées, précisées ... Il aurait fallu ne pas craindre de "créer" un "niveau" de langue spécial, particulier, récourir à des néologismes aussi, pour essayer de s'approcher un tant soit peu de la qualité "poiétique" des langues anciennes ... mais, autre problème fort délicat, il aurait fallu un centralisme et une uniformité que l'orthodoxie ne possède pas en France ...

20.Posté par vladimir le 08/04/2009 21:25
Je suis, bien entendu, d'accord avec Marie et Thierry. Je pense vraiment qu'il faut lire 'L'Eucharistie, sacrement du Royaume' pour comprendre le sens de la liturgie et de tout ce qui l'entoure; l'explication du sens de l'iconostase n'y est, bien entendu, pas en contradiction avec votre citation.

C'est d'ailleurs le dernier ouvrage de P. Alexandre Schmemann, dont les dernières corrections ont été faites un mois avant qu'il nous quitte, et il en parle souvent dans son Journal. Il le voit comme une réponse à la crise spirituelle du monde et à la crise de l'Église dont les expérimentations dont parle Marie sont des symptômes. P. Alexandre le dit clairement dans son introduction...

21.Posté par vladimir le 08/04/2009 23:00
Je viens de lire un compte rendu assez complet de la conférence où père Nicolas Balachov a donné l'avis qui a introduits ce billet (1). Deux interventions en particulier jettent un éclairage intéressant sur le sujet:

Olga Sedakova (2) parlant du problème de l'étude du slavon, remarque que, dans la Russie ancienne et à l'époque moscovite, cette langue n'était pas mieux connue des contemporains qu'actuellement. Le slavon a toujours été une langue 'artificielle', réservée à l'usage religieux, et cela explique pourquoi toute traduction des textes sacrés en langue profane est majoritairement vécue comme une profanation.

Concluant cette manifestation, p. Pierre Mescherinov, qui présidait, donne son point de vue: le changement de la langue liturgique entrainera inévitablement des modifications de leur structure, 'ce qui parait totalement indésirable actuellement'. 'Il semble, que si on traduit, on résoudra tous les problèmes. Mais en fait c'est là qu'ils commenceront. Nous n'améliorerons rien, mais le mal sera fait' a-t-il ajouté, en considérant que le mieux, pour la langue liturgique, c'était de faire 'de la conservation intelligente'.

D'accord avec la conclusion de P. Pierre, je souligne aussi que, comme l'écrit OS, le slavon n'est aucunement la langue maternelle des russophones. Son apprentissage nous demande le même effort spécifique que pour les porteurs d'autres langues...

Notes:
(1) cf.http://www.sfi.ru/rubrs.asp?art_id=11049&rubr_id=186
(2) Auteur du 'Dictionnaire des mots difficile des offices', dont la présentation était l'objet de cette conférence, elle est présentée comme poète connu, savant philologue, traducteur, critique littéraire et penseur religieux.

22.Posté par Anna Rotnov le 08/04/2009 23:54
' Vek givi, vek outchis ' - encore un beau proverbe russe, cher Vladimir.
Ma foi, si nos ancêtres ne parlaient pas en slavon ils priaient en cette langue ; elle était vivante dans leur prières, au sein de leurs églises, comme elle l'est toujours pour nous. Ce sont de ce fait toujours nos racines. Je récite ' Notre Père ' en slavon et je comprends tout sans le parler.
Pardonnez-moi, cher Vladimir, mais je n' ai pas saisi le fond du problème : que proposez-vous et pour quelles églises ? Car on commencé par débattre sur ' le slavon ou le russe ' dans les églises en Russie, pour finir avec la situation en France (ou disons en Europe).

23.Posté par Marie Genko le 09/04/2009 08:31
Merci beaucoup pour ce petit condensé de l'intervention d'Olga Sedakova et du Père Pierre Mestcherinov, cela nous rassure, si besoin est, sur les positions de l'Église russe en ce qui concerne ses orientations actuelles.

24.Posté par vladimir le 09/04/2009 10:12
Ma chère Anne, je suis, comme vous, 'tombé dans le slavon quand j'étais petit...', mais ce n'est pas pour autant que je prétends le comprendre en dehors des textes les plus courants (en gros, la partie fixe des offices du dimanche et les principaux tropaires...). Je suis attentivement le débat en Russie (j'ai rencontré P. Kochetkov (1) il y a 15 ans) et, bien entendu, en France. Je ne vais pas prendre position pour la Russie car, vu d'ici, les traductions de l'Institut Saint-Philarète (www.sfi.ru, la version anglaise n'est pas à jour) paraissent trais inspirées et leur utilisation partielle dans les offices, pour certaines lectures, serait certainement possible mais demande beaucoup de prudence pour ne pas heurter la pratique traditionnelle de la majorité. Quand l'utilisation du russe a commencé à se rependre, au milieu des année 90, elle a failli provoquer un schisme et a été interdite.

Pour la France, la volonté systématique de tout traduire sous prétexte de tout comprendre me semble erronée et dangereuse - j'ai changé de paroisse à cause de cela. Et ce pour deux raisons:
- Une partie du sens se perd toujours dans la traduction - j'en parle professionnellement.
- Il est normal que les fidèles fassent un effort pour comprendre, et nous le faisons tous pour le slavon que ce soit depuis l'enfance, comme vous et moi, ou à l'age adulte, comme je continue actuellement et comme le font nombre de porteurs d'autres langues qui connaissent mieux le slavon que la plupart des russophones natifs (de Mgr Gabriel à une choriste de notre paroisse...)

J'en reviens donc au modèle dont m'avais parlé Mgr Gabriel et que semble pratiquer Mgr Marc:
- l'essentiel des offices en slavon, pas simplement par habitude, ou pour faire joli, mais parce que c,est le seul moyen, comme l'ont dit Mgr Cyrille et p. Pierre cités avant, de conserver intacte tout le sens de nos offices(2)
- mais avec mise à disposition de traductions commentées et d'explications, aussi indispensables pour les nouveaux fidèles que pour les anciens qui, le plus souvent, écoutent par habitude sans penser au sens(3).

Il reste, comme je l'ai écrit, la difficulté de se procurer les bon textes, et le manque de réponse à mon appel semble indiquer qu'il y a là une vraie difficulté!

Je serais très intéressé à connaitre votre position, chère Anna, et aussi à recueillir d'autres avis raisonnables et argumentés: cela pourrait aussi faire l'objet d'un sondage...

Notes:
(1) Le Père Georges Kotchetkov une fraternité orthodoxe exemplaire et tout un système de catéchuménat pour adultes basé sur l'usage du russe dans la liturgie et le stricte respect des canons. Il a été interdit pendent 2 ans puis lavé de tout soupçon. Il est maintenant recteur de l'Institut Saint Philaret à Moscou.
(2)Et je n'aborde pas la question des chants, qui devrait faire l'objet de tout un développement spécial: pourquoi 'kyrie eleison' est-il plus compréhensible en France que 'Gospodie pomilouï'?
(3) Voire en pensant à autre chose: P. Alexandre Schmeman dénonce cette habitude, qui se pratique très largement, de prier dans son coin, devant 'son' icône, sans s'associer véritablement à la Liturgie. Mais ceci est un autre débat.

25.Posté par Anna Rotnov le 09/04/2009 14:37
Vous savez, cher Vladimir, une seule chose me vient à l'esprit puisque vous me dites être intéressé par mon avis sur la question ; tant que toute la paroisse est bien,en paix et heureuse dans les prières et les offices, quelle importance en quelle (s) langue (s) se déroulent les offices ? Où est l'essentiel ?
Si on est mal à l'aise dans sa paroisse, on commence à s'attarder aux détails sans importance, si on est en paix on ne prête attention à rien sinon au sens même de sa propre présence. L'exemple de Mgr Marc me convient, car la paix et le bien être se dégagent des récits sur sa paroisse, donc on peut dire que cet évêque a réussi sa mission. On cherche tellement 'le pourquoi du comment ' qu'on s'éloigne de l'essentiel dans ces débats : et ce n' est pas mon but juste avant Pâques.
' Allez en paix avec Christ ' a dit le prêtre catholique hier après la messe à laquelle j'ai assisté dans sa paroisse catholique. Rempli de cette paix, peu m' importe que ces paroles furent dites en français et non en latin ou en slavon...

26.Posté par G. Spyvak le 13/04/2009 22:43
Réponse à Vladimir: Pour ce qui concerne la traduction de "katholiké" dans le Credo, le slavon ne peut absolument pas être ici une référence.
D'abord, "katholiké" en grec ne veut pas du tout dire "universel" (cela se dit "oikumenikos"). "Kat'holou" signifie littéralement "selon le tout", "intègre", "complet". Et là, ça rejoint le mot slavon "sobornaïa" qui ne vient pas de "sobor" (cathédrale ou concile), mais du verbe "sobirat", "rassembler". Aussi, c'est à partir du mot "sobornaïa" dans le Credo slavon que les conciles ont été appelés "sobor" et non l'inverse, comme vous dites. Dans le Credo, il s'agit bel et bien de l'Église catholique et en français il ne peut y avoir d'autre façon de traduire cette expression.
Il n'y a pas à avoir peur d'utiliser cette expression, parce que l'Église romaine l'utilise. Selon votre logique, il faudrait aussi renoncer à se dire "orthodoxes", parce qu'il y a des Juifs qui s'attribuent cet épithète. Et puis, parce qu'en slavon on parle de "pravoslavny"...

27.Posté par vladimir le 14/04/2009 15:12
Cher G,
Merci pour ce commentaire qui nous permet d'approfondir encore la compréhension de notre foi.

Vous confirmez donc que 'katholiké' et 'sobornaïa' ont pratiquement le même sens, ce qui n'est pas étonnant puisque, comme l'a dit Mgr Cyrille, 'le slavon est un calque du grec ancien'. Ce sens de 'rassemblement général', d'universalité et de conciliarité est, comme le souligne Mgr Ware cité plus haut, l'une des bases essentielle de l'ecclésiologie orthodoxe et il semble essentiel de bien le conserver dans le Credo qui, justement, définit les bases de notre foi.

Qu'en est-il de 'catholique' en français? Mon Robert le définit: 'Relatif au catholicisme', et 'catholicisme'= 'Religion chrétienne dans laquelle le Pape exerce l'autorité en matière de dogme et de morale'. On voit bien qu'il n'y a plus rien du rassemblement ou de la conciliarité et c'est normal: pour les Catholiques c'est l'autorité du Pape qui est la référence de ce qui est Eglise et de ce qui ne l'est pas.

Ainsi 'katholiké' et 'catholique' sont de 'faux amis', piège bien connu des traducteurs: des mots de même origine mais dont les sens ont divergé (1). Plus grave, le Credo que nous disons en français implique un changement du sens même de notre dogme sur l'Eglise. Et là encore il n'y a rien d'étonnant: en reprenant les mots de l'Eglise catholique nous reprenons, que nous le voulions ou non, le sens que cette Eglise leur a imprimé au cours du millénaire et qui imprègne la langue et la conscience françaises. Comme je ne pense pas que nous soyons en mesure de changer la langue, comme l'on fait Saints Cyrille et Methode, je pense qu'il vaut mieux changer les mots et prendre ceux qui rendent le mieux les concepts que nous voulons traduire(2).

Le malheur c'est qu'il y a énormément de ces faux sens dans les textes en français et je ne crois pas que nous devions, chacun dans notre coin, inventer des améliorations à notre gout - la cacophonie actuelle n'en serait qu'amplifiée! Je ne vois donc pas d'autre solution que de garder les textes originaux comme référence et de n'utiliser les traduction française que comme outil de compréhension, en expliquant les écarts chaque fois que nécessaire... Solution de Mgr Gabriel et Marc approfondie et solution à l'étude en Russie (avec moins de problèmes car les traductions sont bien plus proches des originaux slavons et grecs - les deux étant compilés par les traducteurs).

Note:
(1) Je ne puis m'empêcher de citer le plus amusant: en russe 'chval', qui provient bien du 'cheval' français, signifie à peu prés 'ordure', au sens propre comme au sens figuré...
(2) En russe moderne le mot 'sobornost' garde sons sens ancien et personne ne penserait l'utiliser pour traduire 'catholique'. Il y a donc un nouveau mot pour cela: 'katolicheskii'.

28.Posté par G. Spyvak le 14/04/2009 17:34
Vladimir, le terme "katholikè" n'est pas un faux ami de catholique. Le dictionnaire Robert n'est pas une référence théologique. En français, le "katholikè" grec ne peut être traduit que par "catholique", si l'on veut être fidèle à la tradition de l'Église du premier millénaire que l'Église romaine suit sur ce point. Si vous traduisez "katholikè" en français autrement que "catholique", cela signifie que vous renoncez à identifier l'Eglise orthodoxe avec l'Eglise indivise du premier millénaire.

Vous dites que le slavon est le calque du grec: Mgr Cyrille le disait non du vocabulaire slavon, mais au sujet de sa syntaxe, ce qui est différent. Sur le plan terminologique, aucune langue ne peut être une calque de l'autre. Le slavon suit la syntaxe grecque, mais non son vocabulaire (sinon, il s'agit d'une même langue).

Le latin, ancêtre du français (du moins dans la terminologie théologique), traduit "katholikè" grec par "catholicus" et cela bien avant que l'Église russe (et le slavon) n'existât. On ne peut se permettre des nouvelles inventions dans quelque chose d'aussi important que le Credo. Aussi, si l'Église orthodoxe se reconnaît dans l'Église du premier millénaire, elle professera toujours en français la foi en "l'Église une, sainte, catholique et apostolique", suivant l'original grec et non le slavon (qui est une des traductions possibles).

Au lieu de rejeter une notion, vieille de deux millénaires, qu'est "catholique", il faut tout simplement expliquer son sens. Si nous altérons les mots du Credo, nous tombons dans une sorte de protestantisme terminologique et professons une sorte de nouvelle Église, coupée de l'héritage du premier millénaire.

29.Posté par Thierry Jolif le 14/04/2009 19:43
Merci M. Spyvak ! Belle et claire définition !

30.Posté par Marie Genko le 14/04/2009 21:32
Moi aussi je vous remercie, M. Spyvak.
J'ajoute aussi que la tradition conciliaire du premier millénaire était commune à tous les chrétiens.
N'oublions l'importance des conciles chez les catholiques notamment au moment du schisme d'Avignon. Et le dogme de l'infaillibilité pontificale date seulement de la fin du XIXème siècle.

31.Posté par vladimir le 14/04/2009 22:24
D'abord merci pour ces précisons. Je serais sincèrement intéressé à avoir ce type d'explication pour "le pain quotidien".

Mais je pense que nos discours ne se situent pas tout à fait au même niveau: pour prendre une image simplifiée, je vous suis entièrement tant que vous parlez "théologien", mais si vous passez au français tel qu'on le parle, nous ne nous comprenons plus... Comme je comprends un peu le "théologien", mais ne le parle pas car je n'ai pas fait les études ad hoc, quand je m'adresse aux francophones du même niveau je leur dis: si vous voulez prononcer le Credo avec le sens que lui donne l'Orthodoxie depuis 1600 ans, récitez le en grec ou en slavon, quitte à utiles la traduction latine déviée par 1000 ans de catholicisme comme aide à la compréhension.

Et nous revenons à l'origine du débat: de l'importance essentielle de garder les textes fondamentaux dans leur langue d'origine (ou son calque) en utilisant les traductions, obligatoirement traitresses, comme aide à la compréhension.

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