Pire que Buchenwald:  une exposition  "Vous ne devez  pas être !" consacrée à la campagne antireligieuse des années 1920 à la cathédrale du Christ Sauveur
Dans les salles d’exposition du sous-sol de la Cathédrale du Christ Sauveur une jeune femme en jean et en fichu bleu visionne un documentaire consacré aux premiers procès contre le clergé. Elle se met à pleurer. A coté, une adolescente hoche de la tête et dit « Qui pourrait s’imaginer une telle injustice, tant de cruauté ? ». A l’entrée , un livre des visiteurs. On y lit : « C’est pire que Buchenwald », « Je ne savais même pas que de telles choses se soient passées dans notre pays », « Merci de nous avoir montré la vérité ! »…

L’exposition n’est pas grande mais très dense : documents, photos, affiches, copies de pièces administratives, liste des prêtres et des laïcs persécutés à Moscou en 1922, film documentaire muet de 20 minutes sur le dynamitage de la cathédrale du Christ Sauveur, la confiscation des biens de l’Eglise et les premiers procès contre les croyants. Tout cela est très pénible à regarder. Les visiteurs apprennent comment, dans les années vingt du siècle dernier, ont commencé les persécutions des hommes d’église et les confiscations.

Ceux qui n’acceptaient pas de se taire et qui résistaient aux calomnies et aux déprédations étaient jugés ou fusillés sur place, sans même que leurs proches puissent les inhumer. L’exposition a pour titre un mot d’ordre terrible en cours à cette époque : « Vous ne devez pas être ! (ne doljno vam bytj) » (« Non licet vos esse », les empereurs romains avaient recours à cette formule en condamnant les premiers chrétiens). En Russie les bolcheviks adoptèrent la même attitude à l’égard des croyants.

L’exposition présente des photos et des textes montrant comment était organisée la campagne antireligieuse à Moscou, à Petrograd, dans la ville de Chouïa, le procès « des popes » à Moscou, l’état de famine dans le pays, le procès du métropolite Benjamin. En août 1921 l’Eglise constitue un Comité d’aide aux victimes de la famine. Des fonds considérables sont collectés mais les autorités interdisent sous peu l’action du Comité. Le gouvernement soviétique décide de confisquer les biens de l’Eglise et publie un décret dans ce sens. L’objectif réel de cette décision consistait à priver l’Eglise des moyens d’aider la population et de porter ainsi atteinte à son prestige. Les objets du culte, y compris les calices sont confisqués. Le patriarche avait proposé de racheter les objets sacrés afin qu’ils ne soient pas soumis à des actes sacrilèges mais cela lui fut refusé. Arguant de la liberté de conscience les bolcheviks opprimaient les gens d’église, leurs promesses d’avenir radieux servaient de prétexte à confisquer les biens de l’Eglise. Les gardes rouges se sont heurtés dans plusieurs villes à une forte résistance. Des heurts violents se produisirent dans la ville de Chouïa. Les gardes rouges ordonnèrent à un prêtre d’appeler les fidèles à se disperser mais il refusa. Un détachement de quatorze hommes ouvrit le feu sur la foule faisant de nombreuses victimes.

Le premier procès antireligieux s’ouvrit à Moscou au printemps 1922. Il se tenait dans les locaux du Musée polytechnique, 54 clercs figuraient au nombre des accusés. Le patriarche Tikhon fut convoqué le 5 mai en tant que témoin. La majorité de l’assistance se leva en voyant entrer le primat de l’Eglise. Le tribunal prononça 11 sentences de mort. Six furent commuées à la suite d’une requête adressée par le patriarche à Kalinine. Sous peu le patriarche lui même fut arrêté. Comme il est étrange d’apprendre cela dans les galeries de cette cathédrale où plusieurs décennies plus tard fut proclamée la canonisation du patriarche Tikhon !

La plupart des objets confisqués dont nombreux étaient d’une grande beauté et d’une grande valeur furent envoyés à la casse. La valeur des objets confisqués dépassait 5 millions de roubles alors que l’Eglise avait de son initiative réuni plus de 7 millions de roubles pour aider les victimes de la famine. Les sommes obtenues grâce à ces confiscations furent essentiellement utilisées à des fins de propagande, impression de tracts, d’affiches, salaires des hauts fonctionnaires (ils furent doublés). Près de 250 procès se déroulèrent entre 1921 et 1923. Dix mille personnes en furent les victimes, un sur cinq d’entre eux fut fusillé.

L’exposition présente de très nombreuses photos de belles églises avec la date de leur destruction par les autorités. Malgré ces persécutions la majorité des ouvriers, et c’est sur eux que comptait le gouvernement soviétique, n’abandonnèrent pas l’Eglise. Des laïcs vinrent se substituer aux prêtres assassinés, ils furent ordonnés après la révolution. Chacun d’entre eux était conscient de risquer sa vie. De nombreux croyants constituaient des fraternités, se réunissaient dans les appartements afin de maintenir l’esprit de la foi.
Les décennies qu’a duré la persécution ont fait que nos villes ont perdu à jamais d’admirables monuments ainsi que l’atmosphère de prière qui imprègne les vieilles églises.

L’exposition donne matière à réfléchir et à méditer. Elle restera ouverte jusqu’au 29 septembre.
Tatianin Denj Traduction abrégée "P.O."


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 22 Septembre 2012 à 11:24 | 4 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Anne Khoudokormoff-Kotschoubey le 22/09/2012 18:32
J'ai vu pas mal d'expositions,organisées à la cathédrale du Saint Sauveur à Moscou, sur le thème historique et spirituel concernant de ce qui fut (et fait) la souffrance du peuple russe, c'est-à-dire LA persécution du siècle passé en premier lieu.
Ces expositions sont magnifiquement documentées, magnifiquement présentées avec de super techniques de pointes de video, etc. Je voudrais citer, celle qui fut montrée lors de la réunification des l'Eglise hors frontières avec le Patriarcat de Moscou, en 2007, et celle du 14 décembre 2010 sur la mémoire des déportés des camps de Solovki, pour ne parler que de celles-là.

Je me pose la question: POURQUOI ces expositions thématiques, excellentes, belles, vraies, ne durent qu'un moment... C'est mon grand regret. Et puisqu'elles sont excellentes, belles et vraies, pourquoi ne pas envisager de les montrer dans d'autres villes de Russie? Moscou est trop privilégié en ce sens. Et, puisque nous sommes sur la même planète, et que toute la planète a le droit de savoir et doit savoir, pourquoi ne pas envisager que ces mêmes expositions puissent venir en Europe, pour commencer. Pourquoi pas? J'ai cette audace de l'espoir...

Par mes maigres moyens, j'ai pour ma part, essayer de faire partager cela avec ma petite conférence sur les golgothas russes des Solovki et Butovo, à Bruxelles, mais combien d'autres existent et sont encore inconnus? Je pense que de prendre connaissance de cela serait salutaire.

2.Posté par Marie Genko le 22/09/2012 22:47
Chère Anne,

Quelle excellente idée cela serait que vous veniez faire une conférence sur ce thème à Paris!

je suis bien certaine que parmi les associations russes, nombreuses seraient celle qui vous seraient profondément reconnaissantes de bien vouloir venir témoigner parmi nous!
Nos amis communs, les Gruben, ont chacun à leur tour fait une excellente conférence dans un cercle parisien présidé par Cyrille Kisselevsky.

Peut-être pourriez vous prendre contact avec lui pour nous faire partager à un plus grand nombre votre merveilleuse expérience!

Avec toute mon amitié Marie

3.Posté par Michel le 26/09/2012 00:02
Ce qu'on peut leur proposer, à Moscou, c'est de mettre en ligne tous les documents de ces expositions, scannés en très bonne qualité, afin que dans le monde entier, on puisse les reprendre, en imprimer des fac-similé (avec mention des ayants-droits) et de faire des expositions nous-mêmes dans nos contrées éloignées, pour l'éducation des masses qui nous entourent, russes d'abord, puis indigènes (travail de traduction à l'appui).

Il est sûr qu'en France, dernier pays communiste d'Europe, on aura peut-être quelques problèmes mais au moins on aura porté la Vérité sur l'histoire de la Russie et les persécutions au nom du Christ, que certains russes ont eu à subir. Cela vaut bien des désagréments dont l'Evangile nous prévient : nous serons persécuté à cause de Lui.

Bien à Vous

4.Posté par Anne Khoudokormoff-Kotschoubey le 03/10/2012 15:36
Réponse à l'attention de "Michel/26.09/2012. Effectivement on pourrait engager un processus de partage. Songeons à la manière adéquate de procéder. Affaire à suivre, avec la grâce de Dieu.

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