Prier à Turin
Vladimir Golovanow

Faire réfléchir les baptisés sur les mystères de l’Incarnation et de la Passion

Notre diocèse de Chersonèse organise pour la première fois un pèlerinage pour vénérer le saint Suaire qui démarre demain (16 avril, suivre le lien pour le programme détaillé). Comme prés de deux millions de personnes (dont 22 000 Français) attendues jusqu’au 23 mai, nos pèlerins vont en particulier suivre le parcours méditatif organisé autour de l’Homme crucifié dont j'emprunte la description à un article de Frédéric MOUNIER ( La Croix) : c'est d'abord un parcours didactique, sobre et recueilli, qui montre l’histoire du christianisme en images et en musique, et un écran géant donne à chacun, en huit langues, les clés de lecture du suaire.Votre navigateur ne gère peut-être pas l'affichage de cette image. Puis les pèlerins pénètrent dans la cathédrale, baignée dans une douce obscurité. Seul le linceul est éclairé. Une volontaire lit lentement, toutes les cinq minutes, une prière écrite par le cardinal Severino Poletto, archevêque de Turin, gardien du Saint Suaire. Sur le tissu (4,42 m sur 1,12 m), le visage de l’Homme crucifié se discerne à peine. Il est ainsi, en lui-même, un mystère. Les regards convergent, en silence. La sobriété est ici le maître mot.


Turin, capitale historique du Piémont, s’est pleinement associé à cette ostension.

Sa municipalité post-communiste s’est associée à 40 mécènes privés et publics pour financer un investissement total de 5 millions d’euros. La puissante économie locale s’est mobilisée, fière de ce que l’on veille, ici, à ne pas appeler « relique », mais « image » ou « icône ».

Dans les rues, pas ou peu de marchands du Temple, ni guérisons ni miracles, juste une méditation collective. Croyante ou non, l’humanité qui défile devant le linceul s’interroge sur finalement peu de chose : une esquisse d’image, un visage et un corps torturé: «Se tenir à distance des sceptiques tout autant que des croisés du Saint Suaire», c’est ainsi que Gian Maria Zaccone, directeur scientifique du Musée du Suaire, résume sa position. Le diocèse de Turin a voulu faire réfléchir les baptisés sur les mystères de l’Incarnation et de la Passion. «Nous avons là une présence mystérieuse qui attire des millions de personnes depuis huit siècles, souligne Gian Maria Zaccone. Ils ne viennent pas pour l’authenticité, mais pour prier face à une figure de l’Incarnation du Christ, à “un miroir de l’Évangile”, comme l’a dit Jean-Paul II.»

«Notre foi n’est pas fondée sur le linceul»

Ce que l’archevêque de Turin, le cardinal Severino Poletto, a bien expliqué ce dimanche, alors que 45 000 pèlerins défilaient devant le suaire : « Devant nous, l’image, silencieuse mais fortement éloquente, d’un homme crucifié, qui présente toutes les caractéristiques de la violence subie par le corps de Jésus durant sa Passion, telles que les décrivent les Évangiles. Nous savons que notre foi n’est pas fondée sur le linceul, mais bien sur les Évangiles et le témoignage des Apôtres. L’Église n’a pas la compétence scientifique pour se prononcer sur son authenticité. Mais ce tissu est une aide précieuse à la foi et à la prière des croyants. »

Ce qu’avait rappelé Jean-Paul II, venu prier ici le 24 mai 1998 : « Devant le suaire, icône de la souffrance des innocents de tous les temps, comment ne pas penser aux millions d’hommes qui meurent de faim, aux horreurs perpétrées aujourd’hui, à la souffrance de tant de femmes et d’enfants, aux victimes de la torture et du terrorisme, aux esclaves des organisations criminelles ? » Des paroles qui devraient trouver un écho dans la bouche de Benoît XVI, attendu à Turin le 2 mai prochain.

Un point de vue orthodoxe?

Il me semble que cette approche de l'Église catholique est assez bien en phase avec la vénération des reliques et des icônes que nous pratiquons dans l'Orthodoxie: notre foi n’est pas fondée sur elles, mais bien sur les Évangiles et le témoignage des Apôtres, reliques et icônes constituant "une aide précieuse à la foi et à la prière des croyants".

Par contre, l'insistance à identifier la Passions de Notre Seigneur avec "aux horreurs perpétrées aujourd’hui" (le thème de l'ostension du Suaire est « Passion du Christ, passion de l'homme ») me semble un peu réductrice et nous éloigne des mystères de l’Incarnation et de la Passion dont l'Orthodoxie voit surtout la voie du salut de l'humanité qui s'accomplit dans la Résurrection.

Rédigé par Vladimir Golovanow le 15 Avril 2010 à 14:06 | 7 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Cathortho le 15/04/2010 21:38
@ Vladimir Golovanow

C'est pour moi, et je le pense pour beaucoup, une grande joie d'apprendre que des orthodoxes du diocèse de Chersonèse vont se rendre à Turin pour y vénérer le saint Suaire.
Mais «Notre foi n’est pas fondée sur le linceul», cela va sans dire mais cela va encore mieux en le disant comme vous le faites. Je ne connais pas le dossier du linceul, juste quelques émissions télé ou radio et quelques articles ici ou là ; je sais comme tout le monde qu'il suscite des controverses passionnées mais suis incapable de prendre parti entre les partisans de l'authenticité et les partisans du faux, ce qui est sûr c'est qu'il reste une énigme. De toute façon, aurions-nous la preuve qu'il est un faux lui resterait le mérite d'avoir ravivé la vénération des chrétiens pour le Saint corps souffrant du Sauveur, tout en ayant évité d'être devenus " des croisés du Saint Suaire " comme le dit très justement G. M. Zaccone.
Juste une petite réserve cher Vladimir Golovanow, je ne pense pas que faire allusion, concernant le saint Suaire, aux " horreurs perpétrées aujourd’hui ", même si elle manifeste un certain penchant pour le dolorisme que nous orthodoxes ne partageons pas, et c'est heureux, avec les catholiques, doive nous conduire à penser, comme vous le faites, que cela " nous éloigne des mystères de l’Incarnation et de la Passion dont l'Orthodoxie voit surtout la voie du salut de l'humanité qui s'accomplit dans la Résurrection. " En effet, ce travers doloriste manifesté trop souvent par l'Eglise catholique ne l'a cependant jamais amenée, Dieu merci, a enseigner autre chose, avec les orthodoxes, que le " salut de l'humanité s'accomplit dans la Résurrection ".

2.Posté par Tchetnik le 16/04/2010 16:56
Un très bon livre sur le Saint Suaire:

"LE SAINT SUAIRE REVISITÉ"
de Jean Lévêque et René Pugaud, (Édition du Jubilé ou le Sarment)

3.Posté par vladimir le 16/04/2010 22:59
Bien sur que l'Eglise catholique enseigner, avec les orthodoxes, que le " salut de l'humanité s'accomplit dans la Résurrection ". Mais jrouve que cette formule « Passion du Christ, passion de l'homme » contient le rappel de deux dérives dangereuses pour la doctrine de l'Église:

1/ LE DOLORISME dont vous parlez: la souffrance humaine est la conséquence de nos pêchés qui ont déformé la perfection de la création. C'est l'œuvre de Satan dans ce monde. Lui assimiler la Passion du sauveur, en insistant sur le coté humain de cette souffrance, comme dans le filme de Martin Scorcese ou dans l'étude du Dr Docteur Pierre BARBET (1), amène à une dérive théologique purement occidentale, qui voit dans la Passion Jésus dans le rôle de victime et Satan triomphant (cf. René Girard, "Le bouc émissaire" et "Je vois Satan tomber comme l'Éclair"). Une telle approche est contraire à la théologie orthodoxe qui voit dans la Passion la marche vers Son accomplissement et Son triomphe final. Cela est particulièrement claire dans l'iconographie, où le Christ en croix n'est pas un cadavre torturé mais, endormi ou même triomphant, il élève les bras pour bénir et appeler la bénédiction divine sur Son peuple comme Moïse à la bataille de Rephidim (Exode 17:11-12).

2/ L'ANTHROPOCENTRISME: en faisant ainsi un parallèle entre la Passion de Notre Seigneur et les souffrances humaines on insiste beaucoup sur la mission humanitaire de l'Église. Et là aussi nous nous approchons des dérives qui veulent que l'Église s'engage avant tout dans la lutte contre la souffrance et la pauvreté, ait un rôle social dont l'humanité souffrante serait l'objet principal, voire une action politique comme pour les tenant de la "théologie de la libération". Là aussi l'Orthodoxie se fixe un autre objectif: 'l'Église est DANS le monde, mais elle n'est pas DU monde" (Journal du p. Alexandre /Schmemann/ cité de mémoire) elle est au service de Dieu, elle témoigne de Son Règne. Elle oriente son action sur le Créateur, et non la création. La création n'est pas négligée pour autant, mais elle est moyen de parvenir au Créateur et non une fin.


(1) http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Barbet/passion.html

4.Posté par Cathortho le 17/04/2010 10:17
@ Vladimir

Globalement je suis d'accord avec votre dénonciation du dolorisme et de l'anthropocentrisme catholiques, bien qu'il faudrait y apporter quelques nuances.

Ainsi, concernant l'anthropocentrisme, dire comme vous le faites, que l'Eglise catholique s'engage " avant tout " dans la lutte contre la souffrance et la pauvreté est très exagéré et même faux, l'Eglise catholique est engagée " avant tout ", avec l'Eglise orthodoxe, et ce malgré les dérives que vous dénoncez à juste raison, dans la proclamation de la Bonne Nouvelle que le " salut de l'humanité s'accomplit dans la Résurrection ".

Certes " l'Église est DANS le monde, mais elle n'est pas DU monde ", mais L'Eglise catholique a trop mis l'accent semble-t-il sur le " DANS le monde ", L' Eglise orthodoxe ayant trop mis l'accent semble-t-il sur le " pas DU monde ", ainsi l'une et l'autre ont quelque peu malmené le double aspect, complémentaire et nécessaire dans l'économie du salut, " dans" et " hors " du monde, double aspect à l'image de la double nature, divine et humaine, du Sauveur.

5.Posté par vladimir le 17/04/2010 15:22
Nous sommes d'accord, d'autant que vous exagérez mon propos: je pèse mes mots et quand j'écris "nous nous approchons des dérives qui veulent que l'Église s'engage ..." je n'entend pas que l'Église catholique y est engagée, d'autant que je parle plus loin de la "théologie de la libération" qui, je crois, a été condamnée par le Vatican. De même je cite René Girard et Martin Scorcese, qui ne représentent aucunement la position de l'Église catholique sur la Passion. Il s'agit donc bien là de dérives spécifiques, mais qui trouvent leurs sources dans certains accents de la doctrine catholique après Vatican II qui s'éloignent de l'Orthodoxie. Je me permets d'insister sur ces points car ces dérivent trouvent aussi des échos chez certains de nos propres "modernistes-occidentalistes"...

De même, vous modifiez le sens du message de T. Schakhovskoy sur un autre fil: elle n'écrit pas que TOUS les fidèles de l’Archevêché croient dur comme fer à son indépendance mais parle uniquement de "nombreux fidèles d’origine russe" et votre remarque ne la contredit donc aucunement...

6.Posté par Cathortho le 17/04/2010 19:09
@ Vladimir

Merci pour votre mise au point qui me rassure et excusez moi si j'ai mal interprété vos propos.
En ce qui concerne le message de T. Schakhovskoy je vous invite à lire, si cela n'est déjà fait, sa réponse à ma remarque.

7.Posté par Larissa le 03/05/2010 12:28
TURIN (Italie), 2 mai 2010 (AFP) - Benoît XVI: le saint suaire est une "icône écrite avec du sang"

Le pape Benoît XVI a rendu hommage dimanche au saint suaire de Turin, le linceul supposé du Christ, qu'il a décrit comme "une icône écrite avec du sang".

Le saint suaire "parle avec le sang et le sang est la vie", a affirmé Benoît XVI qui avait pris place à côté du saint suaire dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin (nord), où il est exposé au public depuis le 10 avril et ce pour la première fois depuis l'an 2000.
suite

"Le saint suaire est une icône écrite avec du sang: le sang d'un homme flagellé, couronné d'épines, crucifié et blessé au côté droit", a dit le pape. "L'image imprimée sur le saint suaire est celle d'un mort mais le sang parle de sa vie", a-t-il ajouté.

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