Vladimir Golovanow

Moscou met en garde contre un patriarcat gréco-catholique en Ukraine et le métropolite Hilarion de pointer « des rapports alarmants de tentatives de prosélytisme de gréco-catholiques chez les orthodoxes » titre "La Croix" le 11 janvier 2012.

Et ce n'est pas la première fois puisque l'accusation de prosélytisme en Ukraine empoisonne les relations entre le patriarcat de Moscou et l'Eglise catholique depuis de longues années; il est en particulier le principal obstacle à une rencontre entre le patriarche de Moscou et le Pape.
Les "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie demandent clairement " (1) la cessation du prosélytisme sur le territoire canonique de l'Église orthodoxe russe… la mission des confessions traditionnelles n'est possible que si elle s'exerce sans prosélytisme" est il dit plus loin et, concernant particulièrement les relations avec les catholiques, "Les sujet le plus brûlants à l'heure actuelle demeurent la question du prosélytisme et le problème uniate"… Le prosélytisme catholique sur le territoire canonique de l'Eglise russe pose donc un vrai problème.

Réciproquement l'Eglise russe tente de ne pas faire de même et s'interdit tout prosélytisme sur le territoire canonique romain en réservant ses soins pastoraux à ses propres fidèles. Cela ne veut pas dire, toutefois, qu'elle n'accepterait pas ceux qui viennent à elle, elle accueille au contraire ceux qui viennent à elle, comme le montrent les nombreux convertis qui se retrouvent dans ses rangs. Mais comment définir le prosélytisme dans ces conditions? Mgr Hilarion de Volokolamsk le fait dans le texte suivant.

Extrait d'une interview de Mgr Hilarion de Volokolamsk (*) à la revue 'Unité des chrétiens'"
Propos recueillis par le père Christian Forster
Extrait de "Unité des chrétiens" No 129, Janvier 2003, p. 34-36.
Q: Vos responsabilités vous donnent une bonne vision d'ensemble. Quelles sont vos espérances pour l'unité des chrétiens? Voyez-vous les choses avancer, comment les voyez-vous avancer? Quelle est votre vision personnelle?

La situation entre les orthodoxes et les catholiques est très difficile, en Russie et en Ukraine. C'est un problème très complexe, mais il faut le résoudre; il faut trouver des solutions pratiques mais aussi théologiques pour améliorer nos relations.
Il faut par exemple non seulement éviter le prosélytisme mais aussi le définir.

Qu'est-ce que le prosélytisme?

Il y a une différence assez frappante entre la mission et le prosélytisme. Je définirais la mission soit comme une activité missionnaire d'une Eglise sur son "territoire canonique" soit comme l'activité qui concerne un terrain non évangélisé. S'il s'agit de la mission d'une Eglise sur le territoire traditionnel d'une autre Eglise, dans ce cas la mission doit avoir lieu en collaboration avec les Eglises chrétiennes existantes. Par contre, le prosélytisme est la mission d'une Eglise particulière sur le territoire déjà occupé par une autre Eglise établie, traditionnelle pour ce lieu; c'est donc une mission en compétition avec l'Eglise locale.

Q: En France, un bon nombre de prêtres des Eglises orthodoxes roumaine ou russe sont d'anciens catholiques. Des prêtres orthodoxes d'Australie sont allés à Madagascar là où il y a déjà des paroisses catholiques et luthériennes, provoquant des tensions. Voilà des situations complexes où les territoires canoniques sont mal définis; de plus, c'est la nature même de l'Eglise d'être missionnaire. Où commence et s'arrête le prosélytisme dans des situations de ce genre?

Mgr H: Il faut distinguer les conversions individuelles et une stratégie prosélytiste. Quand un catholique devient orthodoxe ou quand un orthodoxe devient catholique, c'est un choix individuel qui doit être respecté. Mais s'il y a une stratégie de prosélytisme de la part des institutions pour attirer des croyants d'une autre Eglise, il s'agit de prosélytisme. Quand on parle de la présence de l'Eglise orthodoxe en Occident, il faut préciser que ce sont toujours des Eglises nationales, par exemple l'Eglise russe, l'Eglise roumaine, l'Eglise serbe, même s'il y a bien sûr des français, des anglais, des allemands parmi leurs croyants. S'il s'agit de l'Eglise orthodoxe russe en Occident, elle n'a pas été créée pour "attirer l'Occident à l'orthodoxie", pour développer une stratégie prosélytiste.

Q: N'est-ce pas la même situation en Russie à cause de populations déplacées d'origine allemande et polonaise qui étaient catholiques?

Mgr H: La situation n'est pas tout à fait semblable, car il y a des indications exprimées récemment par le patriarcat de Moscou à propos d'activités prosélytiques de l'Eglise catholique envers les russes et pas seulement envers les allemands ou les polonais.

Q: Comment arrivera-t-on à résoudre la question?

Mgr H: Ce qui apparaît de la correspondance entre le cardinal Kasper et le patriarcat de Moscou, c'est qu'il y a un grand déséquilibre entre les positions sur le prosélytisme. Il faut donc définir ce qui est prosélytisme et ensuite regarder quelques cas particuliers; s'il s'agit vraiment d'une activité prosélytique, il faut régler la situation au cas par cas

Note

"La Croix" le 11 janvier 2012
(1) "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie
(*) Monseigneur Hilarion était alors le représentant de l'Eglise orthodoxe russe auprès des Institutions européennes.








Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 20 Janvier 2012 à 09:59 | 1 commentaire | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile