"… chez nous des innovations n'ont pu être introduites ni par les Patriarches, ni par les Conciles; car chez nous la sauvegarde de la religion réside dans le corps entier de l'Eglise, c'est-à-dire dans le Peuple lui-même qui veut que son dogme religieux reste éternellement immuable et conforme à celui de ses Pères, ..."

"Encyclique des Patriarches orientaux", §17,

Partant de ce principe fondamental de l'Orthodoxie que "la sauvegarde de la religion réside dans le corps entier de l'Eglise, c'est-à-dire dans le Peuple lui-même", tout le monde s'essaye à faire parler le Peuple de Dieu pour lui faire dire ce qu'il veut entendre... Mais l'Orthodoxie n'est pas une démocratie et il n'y a pas de méthode efficace pour entendre la voix du Peuple: ou bien il faut s'en tenir aux proclamation des évêques en concile, car c'est bien leur rôle de proclamer le dogme religieux que garde le Peuple, ou il faut attendre que le Peuple "reçoive" ou rejette une innovation...

... L'exemple le plus connu de la manifestation du Peuple contre la hiérarchie épiscopale est évidement celui du concile de Florence (XVe siècle) dont la décision d'union a été approuvée par la quasi-totalité des évêques (seuls Marc d’Ephèse et Isaïe de Stavropolis s'y opposèrent) mais a ensuite été rejetée par toutes les Églises...

Mais qu'en est-il aujourd'hui? Nous n'avons pas de moyens pour donner une réponse générale à cette question, mais nous allons étudier trois exemples concrets qui illustrent bien la complexité du problème: il s'agit de l'attitude face au jeune du Grand Carême, face à la préparation du Concile panorthodoxe et face au rapprochement avec les Catholiques. Dans les trois cas le Peuple de Dieu réagit mais le sens de ces réactions n'est pas toujours évident.

L'ATTITUDE FACE AUX REGLES DU GRAND CAREME,

Nous commençons par cette question car nous avons un début de réponse statistique concernant la Russie qui peut probablement être étendue à l'ensemble de l'Orthodoxie: la Russie en constitue le plus important groupe national et les pays voisins ressortent de la même culture historique, de l'empire russe à l'URSS… Il s'agit bien entendu là d'une première approximation car certains autres groupes orthodoxes peuvent avoir des réactions différentes. Mais nous n'en avons trouvé aucun élément documenté et, au contraire, comme nous le verrons plus loin, il y a des indices qui permettent de penser que la position des Russes face au Carême se retrouve aussi largement ailleurs.

Les sondages récents des deux principaux instituts d'études sociologiques russes, le centre Levada et le VCIOM, donnent des résultats très proches: alors que 70-75% des Russes se disent Orthodoxes, il n'y en a que 25-30% qui pratiquent "régulièrement" (au moins une fois par mois) et la même proportion des sondés dit avoir l'intention de "faire le Grand Carême". On peut raisonnablement en conclure qu'il s'agit des mêmes personnes, qui sont ecclésialisées et informées des règles de l'Église qu'ils ont l'intention de respecter. C'est probablement la meilleure approche du Peuple de Dieu que nous ayons à notre disposition…

Ces mêmes sondages vont plus loin dans le détail et montrent que seuls 1/5 de ces pratiquants orthodoxes respectent les règles du jeune dans toute leur rigueur; les autres 4/5 pratiquent un jeûne "allégé": ils suppriment la viande. le tabac, l'alcool, la télévision… , ne jeûnent que durant la Semaine Sainte. Très souvent ils le font en accord avec leur confesseur.

Un document proposant d'alléger les règles du jeune avait été présentée en 1971 par l’Église orthodoxe serbe soutenue par certaines délégations lors des débats préconciliaires (ce qui nous fait penser que les croyants de plusieurs Églises ont une attitude proche des Russes sur ce sujet) et adopté à l'époque comme base de la décision. Il proposait une réforme substantielle qui allégeait la discipline du jeûne pour tous les carêmes... "Ces assouplissements étaient fondés sur le fait que les dispositions en vigueur sur le jeûne s’adressent, dans une grande mesure, aux moines, et que de nombreux autres chrétiens éprouvent des difficultés à les observer «pour diverses raisons – climat, façon de vivre, difficultés de se procurer de la nourriture de carême, etc.» … Il constatait que «la majorité des fidèles dans la société contemporaine n’observe pas toutes les dispositions concernant le jeûne en raison des difficultés des conditions de la vie contemporaine. Tout cela exige que les carêmes deviennent plus faciles et, en partie, que leur durée soit abrégée, afin que les fidèles ne se posent pas «des questions de conscience» pour avoir transgressé les strictes dispositions ecclésiales qui enveniment leur vie spirituelle»." (cf. https://mospat.ru/fr/2011/11/03/news50923/.) C'était donc clairement un projet de prendre en compte la pratique de la plus grande partie des fidèles pour redéfinir les règles de l’enseignement ecclésial sur le jeûne …

Ces propositions furent rejetées lors de la réunion préconciliaire de 1986 et le projet de texte qui doit être présenté au Concile revient aux règles traditionnelles en laissant la question de l’économie relative à discipline du jeûne à « la considération spirituelle des Églises locales orthodoxes…» Il est bien évident que ce texte ne changera rien au comportement des croyants et le Peuple de Dieu continuera à pratiquer des variantes allégées individuelles des différents carêmes.

FACE A LA PREPARATION DU CONCILE PANORTHODOXE

La tenue du Concile rencontre une forte opposition dans les milieux les plus conservateurs, voire fondamentalistes, de l'orthodoxie. À côté de "critiques théologiques sérieuses et constructives émanant de prélats et de théologiens" et il y a aussi nombre "de critiques provocatrices répandues pour miner l'unité de l'Église" selon les paroles du métropolite Hilarion de Volokolamsk: "des feuillets anonymes, distribués parfois dans nos églises, et dans lesquels la perspective de la convocation du concile est considérée comme quelque chose d’effrayant. On y trouve même parfois des appels à cesser la communion avec les autres Églises locales. On épouvante les fidèles à l’idée que le futur concile deviendrait celui de «l’Antéchrist», parce que l’on y prendrait prétendument des décisions contraires à l’enseignement de l’Église, à ses dogmes, ses canons et ses règles." (Ibid.)

L'impact de ces prises de positions reste difficile à mesurer: si un grand nombre de groupes non canoniques en ont de longue date fait leur cheval de bataille, les hiérarques des Églises canoniques ne les reprenaient pas leur compte. Cette situation a toutefois changé fin 2015 – début 2016, quand la date du Concile a été fixée et les projets de documents publiés: plusieurs évêques de renom, connus pour leurs positions conservatrices, se sont fait l'écho de cette opposition dans différentes Églises canoniques. Toutefois, en règle générale ils ne refusent pas la tenue du Concile en lui-même, mais en contestent certains projets de texte, le mode de représentation et de prise de décisions ou la portée des décisions qui seraient proclamées.

La direction des Églises locales, très engagée dans la préparation du Concile, n'a officiellement pas changé de position (à l'exception notable de l'Église de Géorgie dont l'opposition à plusieurs projets de textes a été confirmée au plus haut niveau.) Mais des ouvertures peuvent être enregistrées comme celle de l'Église russe qui a annoncé "comprendre l'importance de la critique positives des projets de documents" et affirmant que "tous les efforts seront faits pour améliorer les projets de documents dont les propositions de modifications seront portées par le patriarche Cyrile" (https://mospat.ru/ru/2016/04/15/news130216/ et ibid.). On peut donc penser que les projets de documents seront effectivement amendés pour tenir compte de certaines critiques et parvenir à des compromis emportant un consensus entre les Églises qui permettra de proclamer un certain nombre de décisions. La majorité des Orthodoxes suivront les positions de leurs hiérarques, en revanches, les opposants les plus radicaux peuvent tout refuser en bloc et quitter l'Orthodoxie canonique pour rejoindre les groupes dissidents. On peut actuellement estimer qu'ils seront relativement peu nombreux…

FACE AU RAPPROCHEMENT AVEC LES CATHOLIQUES

Les dernières rencontres du pape François avec le primat de l'Églises russe à La Havane et les primats des Églises de Constantinople et de Grèce à Lesbos ont entrainé l'adhésion des hiérarchies des Églises (cf. prises de position des synodes respectifs) et des milieux favorables à l'œcuménisme, en particulier dans la diaspora américaine. En revanche elles ont suscité la réprobation, allant jusqu'à des manifestations hostiles, de la part, là encore des milieux conservateurs. La bronca est particulièrement sensible dans l'Église russe, allant jusqu'au refus de commémorer le patriarche de Moscou par plusieurs monastères et paroisses moldaves (néanmoins très minoritaires dans les plus de 30 000 paroisses et près d'un millier de monastères que compte l'Église russe), alors que, par exemple, les monastères du Mont Athos n'ont pas pris ce genre de mesure à l'encontre du patriarche de Constantinople, comme ils l'avaient fait il y a cinquante (à la suite de la levée des anathèmes de 1054 qui suivit la première rencontre historique entre le pape Paul VI et le patriarche Athënagoras).

Et de fait il y a beaucoup de méfiance de la part des fidèles de l'Église russe vis-à-vis des Catholiques à qui ils reprochent les conflits historiques, qui trouve sa prolongation dans le conflit ukrainien, et leur présence actuelle sur le territoire traditionnel de l'Église russe est vécue comme du prosélytisme. Les instances locales de l'Église russe ignorent d'ailleurs complétement les communautés catholiques locales: il n'y a pratiquement aucun contact au niveau des paroisses ou des diocèses et, le catholicisme n'étant pas reconnu comme "religion traditionnelle", il n'y a pas de représentants dans les instances interreligieuses.

Les dirigeants de l'Église russe semblent d'ailleurs tenir compte de cette opposition en restant très en retrait du patriarcat de Constantinople dans ce rapprochement: le patriarche de Moscou Cyrille a expliqué à plusieurs reprises qu'aucune question dogmatique n'avait été abordée durant la rencontre avec le pape qui avait une protée strictement pratique de défense des Chrétiens d'Orient et des valeurs chrétiennes traditionnelles (famille, avortement, homosexualité…) face au "sécularisme agressif" de l'Occident. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk est aussi revenu sur le sujet en sa qualité de porte-parole en insistant sur l'obstacle de l'uniatisme et sur les différences dogmatiques (rappelons en particulier que L'Église russe a rejeté le "document de Ravenne" adopté en 2007 par le Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe en l'absence de la délégation russe. Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Une-nouvelle-querelle-orthodoxe-autour-de-l-oecumenisme-et-du-document-de-Ravenne_a444.html et reste fermement opposée au "nouveau calendrier" introduit par une encyclique du patriarcat de Constantinople "comme premier pas de rapprochement avec les Églises occidentales").

On peut donc considérer que l'Église russe tient compte de l'opinion de ses ouailles dans une large mesure, tout en allant de l'avant dans des domaines de moindre opposition, alors que le patriarcat de Constantinople s'engage clairement plus loin sans trop tenir compte de l'opinion des Orthodoxes grecs; est-ce parce qu'ils ne sont pas directement dans sa juridiction alors que la diaspora américaine en représente une large part?

QUE CONCLURE?

Il faudrait évidemment faire une étude approfondie des réactions de "l'Orthodoxie profonde" fa ce à toutes les évolutions que subit l'Église car la partie visible et médiatisée ne concerne en générale que les déclarations de la hiérarchie et les réactions des extrêmes, conservateurs ou libéraux remplissant l'espace médiatique. Mais on voit déjà par nos trois exemples que si les réactions du Peuples de Dieu sont peu ou prou prises en compte (même si la révision des règles du jeune a été suspendue elle a été discutée et laissée à la considération des Églises locales), une véritable "réception" des nouveautés comme l'œcuménisme ou la forme innovante du Concile panorthodoxe n'est pas totalement acquise…

V.Golovanow

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 29 Avril 2016 à 04:23 | 4 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par justine le 29/04/2016 11:48
Cher Vladimir, nous sommes en Semaine Sainte et aujourd'hui-meme au Jour des Souffrances du Seigneur et de Sa Mort sur la Croix pour le Salut du monde. Pourriez-vous nous epargner au moins pendant cette periode de sujets de controverse? Ou misez-vous precisement sur le "cessez-le-feu" de ces jours pour placer de tels articles, soit afin qu'ils restent sans reponse (ce qui ferait croire aux lecteurs qu'il n'y a rien a redire), comme ces malicieux qui choisissaient le Sabbat pour attaquer les Juifs, sachant qu'ils n'avaient pas le droit en ce jour de faire ce qu'il fallait pour se defendre, soit afin de detourner notre attention des evenements de la Semaine Sainte?

2.Posté par Vladimir. G: le dernier sondage du Centre Levada confirme les données que je rapporte... le 04/05/2016 11:13
Le Christ est ressuscité bien chère Justine!

J'attends avec un grand intérêts vos commentaires sur ce sujet à propos duquel vous ne compreniez pas mon point de vue. Je me suis donc efforcé de l'approfondir comme j'ai pu car ce sujet parait curieusement assez peu développé par les penseurs orthodoxes largement accessibles. Je ne mets jamais aucune intention polémique dans mes textes, mais je m'efforce, comme le souligne ailleurs Marie Genko, de proposer régulièrement de nouvelles informations ou réflexions qui permettent des échanges fructueux et enrichissants...

La parution le Vendredi Saint est un concours de circonstances: mon travail s'est prolongé du fait en particulier de la priorité donnée au texte sur les commentaires de l'Église russe à propos du Concile et de mes déplacements. La date de publication est finalement choisie par la rédaction en fonction de son propre planning (remarquez donc aussi l'heure de cette publication!)

NB: pour revenir sur le fond, le dernier sondage du Centre Levada sur le sujet du carême, effectué les 22-25 avril 2016 parmi un échantillon représentatif de 1600 personnes vivant dans137 localité de 48 régions administratives de Russie (incertitudes statistique inférieure à 4,1%), confirme les données que je rapporte en montrant des écarts insignifiants sur prés de 20 ans (ce sondage est effectué depuis 1998...)

Source: http://www.levada.ru/2016/04/29/velikij-post-i-pasha-2/

3.Posté par Daniel le 04/05/2016 14:06
Cet article est faussé par la croyance qui veut que ce que fait une majorité d'orthodoxes est la chose correcte. C'est bien évidemment faux. Faisons un raisonnement par l'absurde. La majorité des orthodoxes sont des orthodoxes occasionnels de type BME (baptêmemariage-enterrement). Cela serait-il donc normal alors qu'un canon prévoit qu'une personne manquant plus de 3 dimanches consécutifs sans bonne raison doit être privée de communion?

La question des fausses et vraies traditions, des bonnes et mauvaises traditions est abordée par Saint Nicodème l'Hagiorithe dans son livre "Christian morality", recueil de discours. Dans le 1er, il explique clairement qu'une mauvaise tradition ou un mauvais usage n'est pas légitime parce qu'il est majritaire, et de même qu'un bon usage n'est pas illégitime car il est minoritaire. Il invite même une personne suivant un bon usgae en dépit des critiques majoritaires à persévérer car il est en quelque sorte persécuté pour la justice.

Saint Nicodème et les kollyvades ont connu une situation similaire quand ils ont milité pour la communion fréquente et la réalisation des pannychides le samedi à une époque où la communion était infréquente et les pannychides avaient eu tendance à se déplacer le dimanche. Ils durent d'ailleurs subir les persécutions pour cela.

4.Posté par Tchetnik le 05/05/2016 09:56
Le problème de ce genre d'article est que la signification des mots change au fur et à mesure des intérêts du moment.

Tantôt le "peuple" regroupe toute personne laïque comme prêtre ou évêque, tantôt il ne comprend que les laïcs.

Ces derniers contribuent à garder la Vérité incarnée dans les enseignements dogmes et idéaux de l'Eglise, mais n'en sont pas à l'origine. leur "opinion" n'a compté dans l'Histoire de l'Eglise que parce qu'elle était en accord avec un enseignement formulé et reconnu officiellement par l'Eglise, pas parce qu'il était "majoritaire".

5.Posté par Vladimir. G: RETOUR SUR L'HISTOIRE le 10/05/2016 11:16
RETOUR SUR L'HISTOIRE

Il serait évidemment intéressant d'avoir d'autres sources que cette Encyclique récente (1848) pour valider cette affirmation qui érige le Peuple de Dieu en gardien du "dogme religieux éternellement immuable et conforme à celui de ses Pères." Faisant explicitement référence au "corps entier de l'Eglise", l'encyclique semble bien impliquer tous les membres de l'Église, évêques et clercs, moines et laïcs. Mais qu'en est-il dans la réalité?

Il semble établi que cela fut bien le cas aux premiers temps du Christianisme: les communautés chrétiennes élisaient leurs évêques qui étaient donc de fait leurs porte-paroles. Cela commença à changer dès le 1er concile œcuménique convoqué par l'empereur Constantin: l'Église s'institutionnalisa et devint quasiment un organisme de l'état dans le cadre de la "symphonie" byzantine. Ses institutions se professionnalisèrent progressivement, les "professionnels" étant quasiment des fonctionnaires et, vers le VIIIe siècle, toutes les fonctions furent occupées par des moines qui, de fait, monopolisaient la parole de l'Église. Le monachisme devient alors le modèle de vie pour un Chrétien… (Ce point a bien été développé dans les travaux des théologiens contemporains comme le professeur S.V. Troïtsky, 1878-972, célèbre canoniste orthodoxe du XXe siècle, les pères Livery Voronov, 1914-1995, professeur à l'université de théologie de St. Petersbourg, Jean Meindorff, 1926-1992, Alexandre Schmemann, 1921-1983 ou Olivier Clément, 1921-2009… qui n'ésitèrent pas à opposer les traditions chrétienne primitive et byzantine…)

Cette situation dura plus d'un millénaire et le retour des laïcs dans la réflexion théologique orthodoxe ne se fit qu'à partir du XIXe siècle, en particulier avec ces penseurs russes qui, parallèlement aux "moines savants", lancèrent le renouveau de la théologie orthodoxe (cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Arkady-Mahler-developpement-de-la-theologie-russe-aux-XIX-XX-siecles_a3311.html); il culmina avec le concile de 1917 qui voit participer 299 laïcs pour 264 ecclésiastiques (!) Et la parole des laïcs est largement prise en considération depuis lors, même si elle est encore peu institutionnalisée: la "Conférence Interconciliaire" de l'Église russe constitue encore une initiative exceptionnelle dans l'Orthodoxie (cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/La-Conference-Interconciliaire-CI-de-l-Eglise-russe-Un-nouveau-chapitre-dans-l-histoire-de-l-Eglise-orthodoxe-russe_a2779.html).

Mais les exemples cités dans l'article qui ouvre ce débat montrent en tous cas qu'il n'est toujours pas simple d'entendre la Vérité que garde le "corps entier de l'Eglise" …

6.Posté par Vladimir. G: A L'ÉCOUTE AUJOURD'HUI le 17/05/2016 14:58
A L'ÉCOUTE AUJOURD'HUI

Dans mon commentaire précédent j'ai montré que les laïcs ont recommencé à se faire entendre dans l'Église orthodoxe mais que leur écoute n'avait rien d'évident. Néanmoins, les trois exemples donnés en ouverture du débat montrent des niveaux différents d'expression des différentes opinions en Église et de leur perception.

LE CAS DU CARÊME: c'est un cas exceptionnel où, grâce à un sondage scientifique, en "entend" l'opinion des laïcs et ils ne l'expriment pas simplement par des paroles, mais aussi en actes, en adaptant directement les règles formulées par la hiérarchie… mais en fait les laïcs ne sont pas seules à s'exprimer dans ce cas: ceux qui pratiquent un "carême allégé" le font généralement en accord avec leur confesseur ou père spirituel. Certains clercs l'écrivent clairement (par exemple in "LE GUIDE PRATIQUE DE L'ORTHODOXIE", Paris, Paroisse de Notre-Dame du Signe, 2001, p. 21: "Les usages en matière d'abstention de certaines nourritures sont typiquement monastiques et ne sont en aucun cas une disposition juridique, ni administrative ni contraignante pour les fidèles des paroisses,") et le fait que des dispositions spécifiques avaient été proposées dans les débats préconciliaires montre qu'il y aussi des responsables ecclésiastiques qui partagent cette position. Pour autant, le fait qu'aucun consensus n'ait pu être atteint entre les Églises démontre que ce sont toujours les positions monastiques qui prévalent…

POUR LA PREPARATION DU CONCILE PANORTHODOXE: l'organisation du débat, gardé confidentiel pendant plus de cinquante ans, fait que la parole est essentiellement donnée aux ecclésiastiques (le métropolite Hilarion de Volokolamsk parle clairement de "critiques théologiques sérieuses et constructives émanant de prélats et de théologiens…") et c'est parmi eux que se trouvent les opposants et les critiques des projets de textes. Au vrai, les laïcs ne se mobilisent pas vraiment et il faudra attendre les résultats du Concile pour voir si leur réception pose problème…

SUR LE RAPPROCHEMENT AVEC LES CATHOLIQUES, en revanche, le "corps entier de l'Eglise" participe largement au débat et les réactions aux rencontres avec le pape François l'ont parfaitement illustrées.

- Ainsi, nous voyons autour de nous une majorité de réactions positives tant parmi les représentants de la diaspora orthodoxe que chez les dirigeants des Églises qui se succèdent régulièrement à Rome ou invitent le pape. Et un sondage récent du centre VCIOM (http://wciom.ru/) montre qu'il en est de même parmi la population russe: 62% considèrent que de telles rencontres doivent se renouveler à l'avenir (71% parmi les Orthodoxes!), 62% répondent que Catholiques et Orthodoxes doivent développer leurs relations tout en restants indépendants (68% parmi les Orthodoxes) et même 10% souhaitent une union complète (9% des Orthodoxes) alors que 8% ne souhaitent aucune relation (autant chez les Orthodoxes.) Source: http://wciom.ru/index.php?id=236&uid=115608.

On peut donc considérer que les laïcs sont ici en accord avec les ecclésiastiques…

- Pour autant, les 8% qui sont opposés à tout contact ont des porte-paroles à tous niveaux qui se font entendre et mobilisent bien au-delà de cette statistique. Il faut d'abord souligner que, rapportés à la proportion généralement mesurée des pratiquants - moins de 30% de ceux qui se déclarent orthodoxes dans les sondages, ces 8% représentent plus du quart. Il faut donc considérer cette réalité très peu reconnue dans les media occidentaux: en Russie, les opposants à toute relation avec l'Église catholique représentent en fait plus de un orthodoxe sur quatre; c'est évidement une minorité importante dont il est indispensable de tenir compte.

Et cette position est très largement partagée dans le monde orthodoxe; elle rassemble les voix notoires des monastères les plus réputés, du Mont Athos à Chypre et à la Moldavie, des prélats et théologiens de renom dans les principales Églises orthodoxes, de nombreux prêtres de paroisses et des laïcs qui n'hésitent pas à manifester avec les religieux, comme récemment à Kiev et à Moscou ou à Chypre il y a quelques années… Il n'est donc pas étonnant que cette position incite la plupart des Églises à la prudence, à l'exemple de l'Église russe, dont la position reste très mesurée dans ces dialogues, allant même jusqu'au retrait complet des Églises de Géorgie et de Bulgarie…

7.Posté par Vladimir.G: LE PEUPLE DE LA DIASPORA ENTENDU! le 22/05/2016 19:32
LE PEUPLE DE LA DIASPORA ENTENDU!

"Il a été aussi constaté que durant la présente phase il n’est pas possible, pour des raisons historiques et pastorales, de passer immédiatement à l’ordre canonique strict de l’Eglise sur cette question, c’est-à-dire qu’il y ait un seul évêque dans un même lieu."
In "La Diaspora orthodoxe", projet de document adopté à la "Conférence panorthodoxe préconciliaire", Chambésy, 6-12 juin 2009, pt. 1b.

Pourquoi cette impossibilité alors que le même document affirme " toutes les très saintes Eglises orthodoxes ont la volonté unanime que le problème de la Diaspora orthodoxe soit résolu le plus rapidement possible et que celle-ci soit organisée conformément à l’ecclésiologie orthodoxe, et à la tradition et la praxis canoniques de l’Eglise orthodoxe" (pt 1a.)?

A mon sens, comme pour le jeune, "le corps de l'Eglise" concerné montre par sa pratique sa volonté d'innover par rapport à la lettre des canons quand il se retrouve en dehors de son territoire canonique traditionnel en gardant des liens étroits avec son Église d'origine. En effet, les Églises ne sont pas réellement à l'origine des paroisses de la diaspora orthodoxe: ce sont d'abord de fidèles qui se regroupent et qui s'adressent à leur Église d'origine soit pour enregistrer une paroisse crée, s'il y a un prêtre, soit pour obtenir la désignation d'un prêtre. Et, malgré l'affirmation citée plus haut, les Églises suivent leurs fidèles sur ce point: "Les autres Églises n'acceptaient même pas l'idée du passage de leurs "diasporas" dans la juridiction du patriarche grecque" écrit le P. Jean Meyendorff à propos de la fondation de l'OCA*. Et nous voyons des juridictions parallèles se créer partout où il y a des migrants orthodoxes, même dans certains territoires historiquement orthodoxes comme dans le cas du Qatar...

* In nécrologie du p. Alexandre Schmemann annexée à l'édition russe du "Journal du p. Alexandre Schmemann," après une 1ère publication ds "St Vladimir's Theological Quarterly," 28, 1984, pp 3-10. Traduit du russe par V. Golovanow

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