QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LE MESSAGE DE "MAXIME"
Vladimir Golovanow (alias Vladimir.G)

D'abord un grand merci à Maxime , pour avoir levé le voile sur ce qui se passe au CA, et à PO d'en avoir fait un nouveau fil. Les informations ne sont pas nouvelles (en dehors des noms) car "le petit groupe très opposé tente beaucoup d'intox" et se sert en particulier de sites-poubelles russophones pour distiller des informations orientées. Donc ce message, avec l'interview du p. Jean à «Nesavisimaia Gazeta» (1) et la lettre du p. Vladimir (2), remettent les choses au point et devraient réduire l'influence des informations biaisées.

Je propose quelques remarques sur le fond en citant plusieurs articles des statuts; ils sont facilement accessibles (3) mais semblent être mal connus des participants aux débats. La question porte exclusivement sur la situation administrative de "Daru" et les statuts sont "la loi des parties"; c'est sur eux que s'appuient d'abord les juges en cas de litige juridique.

I) POUVOIR MONARCHIQUE :

Il faut rappeler, car certains semblent bien l'oublier(!) qu'il n'est pas question de "démocratie" en Orthodoxie et les statuts donnent à l'Archevêque un pouvoir prépondérant qui correspond bien à la théologie orthodoxe du pouvoir "monarchique" de l'évêque dans son diocèse (clairement symbolisé par sa crosse); le concile de 1917-18 y a bien introduit une part de conciliarité: clergé et laïcs sont associés, mais restent cantonnés dans un rôle d'ASSISTANCE. Voici ces articles des statuts:

- ARTICLE 35. VALIDITE DES DELIBERATIONS. L’AGE doit être composée de la moitié, au moins, des délégués prévus par les convocations.
Ses délibérations doivent être prises à la majorité des 2/3 des bulletins exprimés valables.
Tous les votes se déroulent à bulletin secret.
En cas de litige entre l’AGE et l’Archevêque, on applique les dispositions de l’art. 28.

- ARTICLE 28. PROCEDURE DE REGLEMENT DES LITIGES. En cas de désaccord de l’Archevêque portant sur une décision adoptée par l’AGO il est immédiatement procédé à un deuxième examen. L’Assemblée est alors présidée par le premier Vice-Président. L’Archevêque expose à l’Assemblée les motifs de son désaccord.
Si aucun consensus ne se dégage, une AGE dont l’ordre du jour porte sur les questions litigieuses est convoquée dans les trois mois. Elle soumet ses décisions à un vote à la majorité des 4/5. Si une telle majorité ne se dégage pas, l’Archevêque tranche après consultation du Comité épiscopal. Si une majorité supérieure à 4/5 des voix est opposée à l’avis de l’Archevêque, ce dernier ne doit pas maintenir sa position au nom du principe de la conciliarité ecclésiale.
Néanmoins, dans des cas extrêmes, où il s’agirait de préserver l’orthodoxie de la foi, l’Archevêque est libre de soumettre le différend au jugement du Synode du Patriarcat.

- ARTICLE 39. POUVOIRS. L’Archevêque, assisté du C.E. et du CA, dispose de la plénitude du pouvoir en matière d’enseignement doctrinal et moral, d’administration et de gestion, de vie liturgique et de ministère pastoral.

- ARTICLE 66. DEFINITION. Le C.A. est l’organe exécutif permanent qui assiste l’Archevêque dans tous les domaines de la vie ecclésiale dont celui-ci a la charge.

- ARTICLE 73. REUNIONS ET DELIBERATIONS. Le CA se réunit en principe au moins 6 fois par an et autant de fois qu’il est nécessaire à l’initiative de l’Archevêque, ou à la requête de 1/3 de ses membres.
La présence de la moitié des membres au moins est nécessaire pour la validité des délibérations. Les décisions sont prises à la majorité des présents. En cas de partage des voix, la voix du président de séance est prépondérante.
Nul ne peut voter par procuration.
...
- ARTICLE 74. LITIGES. En cas de désaccord entre l’Archevêque et le CA, le sujet est présenté en deuxième lecture lors de la réunion suivante. L’Archevêque expose par écrit aux membres du CA les raisons de son désaccord. Les membres du C.A. en désaccord peuvent exposer par écrit les raisons de leur désaccord. Ces explications sont jointes au procès-verbal. Si la solution n’est pas trouvée, l’Archevêque consultera le C.E. avant de trancher définitivement.

FIN DE CITATION: Comme on le voit, c'est l’Archevêque qui "tranche définitivement" en CA et, en AGE, il faut 2/3 des voix ET celle de l'Archevêque ou 4/5 CONTRE l'Archevêque pour qu'une décision soit prise... La prépondérance de l'Archevêque est telle, qu'il lui suffirait donc de 1/5 des délégués pour emporter une décision... Mais ce à condition de réunir le quorum (50% des délégués convoqués). Ainsi l'appel au boycott de l'AGE est bien le meilleur moyen d'empêcher la décision de l'Archevêque.

II) TOUT SAUF MOSCOU (TSM)

On doit reconnaître à la majorité du CA sa persévérance (persevérare…): elle est dans la même opposition viscérale à Moscou depuis 2003. Avec Mgr Gabriel, elle a refusé le plan préparé par Mgr Serge et refusé toute discussion avec le patriarcat. Mgr Job a voulu s'en affranchir conformément aux statuts (mais en commettant des erreurs relationnelles) et la majorité a obtenu son départ en usant des méthodes que nous voyons revenir. Mgr Jean semblait suivre ce parti avant que la trahison de Constantinople ne lui fasse comprendre que Moscou était le seul avenir, mais la majorité du CA n'a rien n'appris ni rien oublié et ne l'a pas suivi en restant sur ses positions... Il faut aussi dire qu'accepter Moscou, c'est pour eux reconnaître plus de quinze ans d'erreur... Un pas psychologique difficile pour les personnes et encore plus pour le groupe.

Soulignons aussi que cette ligne majoritaire a été régulièrement réélue depuis plus de 15 ans, réduisant au silence la minorité "pro-Moscou" (OLTR). Cette continuité de soutien peut faire douter de l'affirmation de Maxime selon qui une bonne partie de l'Archevêché accepterait de rejoindre Moscou. J'en ai connu beaucoup qui soutenaient par leurs votes la ligne du CA. Sont-ils prêts à tourner casaque, même si cette fois ce serait derrière leur Archevêque ?

III) RISQUE DE DISLOCATION ET AUTRES SOLUTIONS:

Bien entendu, si l'Archevêque prenait une décision qui ne bénéficiait pas du soutien des paroisses, qui sont juridiquement indépendante (réalité dont les commentateurs russes n'ont pas conscience!), une grande partie de celles-ci quitteraient sa juridiction, comme l'ont déjà fait plusieurs paroisses italiennes et scandinaves. Si Mgr Jean en a conscience, et recherche une solution limitant les pertes, le message de Maxime montre que l'opposition à Moscou est très déterminée et le "passage en force", que permettent les statuts, risque de se solder par bon nombre de départs. L'Archevêché n'y perdra-t-il pas son âme?

AUTRES SOLUTIONS: " 'Pas à Moscou' signifie pour les Grecs ou nulle part. Les partisans du 'pas à Moscou' tentent d'adoucir la rigidité de ce choix si possible. Les choses sont ce qu’elles sont et il est impossible de les éviter" écrit le p. Vladimir Zelinsky (ibid. 2). Et de fait, son analyse reste totalement pertinente.

- "NULLE PART": les partisans de "l'Autre proposition pour l’avenir de l’archevêché" (4) semblent en rester à "l’optimisme puéril selon lequel les Églises locales reconnaîtront presque automatiquement cette autonomie autoproclamée" dont parle le p. Jivko Panev (5). L'exemple de l'ECOF n'est jamais rappelé (6) mais la pétition marque le pas (173 signatures, soit 1,5/paroisse?) …

- CONSTANTINOPLE: aucune nouvelle d'un quelconque assouplissement de sa position.

- ROUMANIE: "solution par trop bizarre" écrivait le père diacre Alexandre Zanemonets en décembre dernier, en détaillant au passage les arguments en faveur de cette solution (7); il est pourtant clair, maintenant, que c'est une solution moins clivante que Moscou, au moins à titre transitoire, et Mgr Jean aurait à nouveau rencontré Mgr Joseph, métropolite du diocèse d'Europe occidentale et méridionale du Patriarcat de Roumanie. Maxime n'en parle pas et, d'après le père Vladimir (ibid. 2), Mgr Joseph "serait prêt à accepter l'Archevêché. Mais seul le Patriarche Daniel et son Synode à Bucarest peuvent décider de l'intégrer. Restent-ils toujours silencieux? La mauvaise expérience de l'ECOF les aurait-elle marqués durablement?(ibid. 6 p.5) La poursuite des discussions peut-être un signe mais Maxime ne le mentionne pas…

CONCLUSION:
J'espère que ces quelques réflexions aideront à mieux comprendre la situation très difficile où se trouve "Daru" et son primat et je suggère à tous les participants au débat de prier pour que l'Esprit éclaire les délégués à l'AGE et leur montre la meilleure voie pour que l'Archevêché puisse continuer à œuvrer pour le Salut de tous.

SOURCES:
(1) https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/L-Eglise-orthodoxe-russe-est-prete-a-modifier-ses-statuts-pour-ses-compatriotes-les-Russes-de-l-etranger_a5763.html
(2) https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Personne-ne-voulait-choisir-Impasse-a-l-Archeveche_a5766.html
(3) http://www.exarchat.eu/spip.php?article63
(4) https://github.com/CPAORIEO/Proposition/blob/master/index.md?
(5) http://www.exarchat.eu/spip.php?article2370
(6) http://wordpress.pafeos.org/wp-content/uploads/2014/11/Nouvelle_Forme_de_Communaute_Orthodoxe_L_ECOF.pdf
(7) https://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/L-Archeveche-a-la-croisee-des-chemins_a5602.html

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 17 Juillet 2019 à 10:51 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Gueorguy le 12/07/2019 12:42
"Soulignons aussi que cette ligne majoritaire a été régulièrement réélue depuis plus de 15 ans, réduisant au silence la minorité "pro-Moscou" (OLTR)."

Président en exercice de l'OLTR (mais intervenant, ici, à titre privé), je tiens à préciser à Vladimir Golovanov et à tous autres lecteurs qui se poseraient la question, que notre activité est, certes, modeste mais nous ne sommes certainement pas "réduits au silence"; encore moins par une quelconque ligne majoritaire.

Je trouve particulièrement curieuses ces sempiternelles mentions de courants majoritaires ou minoritaires qui relèvent du domaine politique et certainement pas ecclésial.

Vladimir pourra, par exemple, retrouver sur notre site (mentionné ci-dessous), nos contributions à ce sujet, ainsi que notre analyse de la situation de l'Archevêché dans notre éditorial de février 2019.

2.Posté par Nicolas DEBARD le 12/07/2019 17:20
Merci Vladimir. Il est bon de se référer aux Statuts, surtout lorsque certains accusent Mgr Jean de les transgresser (cf. Bychkov, et les autres...).

On pourrait ajouter à votre liste quelques articles concernant l'AG (c'est moi qui souligne entre guillemets):

Art. 15
L’Assemblée Générale de l’Archevêché (ci-après : AG) représente l’universalité des membres de l’Archevêché et ses décisions, "après confirmation par l’Archevêque", obligent chacun d’eux "dans les limites fixées par la réglementation en vigueur et les présents statuts" ainsi que "dans le respect des statuts respectifs de ses membres".

Art. 34 (Attributions de l'AGE)
Réunie dans tous les cas prévus par la législation en vigueur, l’AGE a notamment pour attributions de :
> élire l’Archevêque.
> modifier les statuts sur proposition du CA.
> décider de l’attribution des biens de L’Archevêché, sa dissolution, et dans ce cas de la dévolution des biens de L’Archevêché, et "du rapprochement avec toute autre Association".

Et j'ajouterais aussi l'article 74*, qui ressemble à l'article 28 mais qui concerne les litiges entre le Conseil et l'archevêque (ce qui semble être la situation aujourd'hui) :
En cas de désaccord entre l’Archevêque et le CA, le sujet est présenté en deuxième lecture lors de la réunion suivante. L’Archevêque expose par écrit aux membres du CA les raisons de son désaccord. Les membres du C.A. en désaccord peuvent exposer par écrit les raisons de leur désaccord. Ces explications sont jointes au procès-verbal. Si la solution n’est pas trouvée, l’Archevêque consultera le C.E. avant de trancher définitivement.

Le problème que nous connaissons aujourd'hui, grâce à "sainte bienveillance paternelle" de Bartholoméos, est que nous n'avons plus de CE (Comité épiscopal), pourtant prévu et régi par nos Statuts. Dommage, car le Comité épiscopal a un rôle très important. En entrant au sein du Patriarcat de Moscou, nous pourrions enfin le rétablir.

Enfin, un complément concernant l'archevêque, en l'article 37 :
L’Archevêque est ex officio le président de l’Archevêché qu’il administre "avec le concours des clercs et des laïcs suivant les principes de collégialité de l’ecclésiologie orthodoxe".

Mais le "groupuscule nuisible" (expression empruntée à Mgr Job) peut très bien faire traîner les choses et continuer à saborder le navire en
> Boycottant l'AG afin d'empêcher d'atteindre le quorum exigé.
> en arrivant à mobiliser plus de 2/3 des voix contre l'archevêque.

*NB : dans mes précédents commentaires en d'autres fils, j'ai cité "71" mais je parlais en fait de l'article 74.

3.Posté par jean le 12/07/2019 22:58
Un très grand merci pour ce fil ainsi que pour les commentaires déjà postés qui sont très éclairants je trouve.
pour ma part je souhaite de tout cœur qu'on se dirigera vers Moscou, craignant sinon qu'on ne s'échoue et devenions une épave qui se fracassera bientôt….Puisse en effet l'Esprit Saint montrer la bonne voie, et aussi qu'Il soit écouté.

4.Posté par Vladimir G: les 8 opposants actuels "oublient" leur rôle: "assister l’Archevêque" le 13/07/2019 16:12
https://www.cath.ch/newsf/le-patriarche-cyrille-de-moscou-salue-levolution-positive-des-relations-avec-rome/

Merci bien cher Nicolas DEBARD (2) pour ces intéressants compléments d'information. Il y a en effet bien peu de critiques qui tiennent compte des obligations statutaires, y compris parmi les membres du CA. Le problème pour les 8 opposants actuels, c'est qu'ils "oublient" leur rôle: "assister l’Archevêque" (art. 39 & 66...)

Encore une mauvaise interprétation, bien cher Gueorguy (3): quand j'écris que " la minorité "pro-Moscou" /était/ réduite au silence", j'entends évidemment DANS LES INSTANCES DE L'ARCHEVÊCHÉ. Je connais et reconnais votre action exemplaire EN DEHORS, vos colloques, tables rondes, articles... Mais c'était en fait comme "la voix qui crie dans le désert": je n'en trouve aucune mention dans aucune instance ou publication de l'Archevêché...

Et, malheureusement, je constate comme nombre de commentateurs qu'il n'y a dans ce débat aucun contenu religieux: " comme le conflit "protestants" vs ktos au XVI ième siècle se drapait hypocritement dans de la théologie... " il s'agit en fait purement d'administration, de pouvoir, de sociologie des organisations pour lesquels les statuts de l'Archevêché sont "la loi des parties." Et eux fondent les décisions sur des règles majoritaires, même si le rôle de l'Archevêque reste prédominant.

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