RÉFLÉXION SUR DEUX REPRÉSENTATIONS DU CALVAIRE
V.G.

Comme le rappelle Emilie Van Taack dans un article récent (1), le grand théologien Léonide Ouspensky montre clairement les différences fondamentales entre l’art religieux occidental et l’iconographie orthodoxe canonique.

Alors que l'icône canonique montre l'humanité transfigurée, déifiée, la peinture religieuse occidentale représente l'humanité réelle dans sa déchéance, même si certaines écoles tardives essayent de l'idéaliser, souvent de façon plutôt mièvre comme dans le style Saint-Sulpice, ce qui n'est pas non plus une solution comme l'explique Ouspensky (ibid.)

Les représentations du Calvaire illustrent particulièrement bien cette différence d'approche, encore accentuée par la différence théologique de l'explication de la Passion:

RÉFLÉXION SUR DEUX REPRÉSENTATIONS DU CALVAIRE
- Dans la tradition orthodoxe, le Christ triomphant sur la croix bénit et embrasse le monde entier. "Par sa mort il a vaincu la mort"(hymne pascal) – non la mort d'un individu, fut-il Jésus de Nazareth, mais de toute l'humanité qu'il bénit (cf. illustration 1: icône russe du XV siècle). La Passion contient la Résurrection, comme le montrent les hymnes de la Semaine Sainte, et le Christ présente le visage miséricordieux de Dieu: un père qui se rend proche nous, pécheurs déchus par l'incarnation et la mort de Son Fils sur la Croix.

- La tradition occidentale est totalement différente (cf. illustration 2: Matthias Grünewald, XVI° siècle, retable d'Issenheim, Colmar' France): douleur et misère naturalistes du corps supplicié et vaincu. Certains vont jusqu’à dire que la Passion est la victoire du Mal c'est par exemple la thèse de "Je vois Satan tomber comme l'éclair", René GIRARD, 2001, ou de "La passion du Christ", de Mel Gibson, 2004, au cinéma Le Chemin de Croix catholique détaille et accentue cette approche: l'Occident chrétien insiste sur les souffrances et non sur la résurrection, d'où ces représentations précises et réalistes du Christ souffrant.

Ce dolorisme occidental cache ainsi la signification de la vie du Christ que l'Orthodoxie illustre et explique: la Passion et la Résurrection sont le chemin de la déification de l'homme: « Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu. » Saint Irénée de Lyon


Il faut d'ailleurs noter que le dolorisme occidental résulte d'une évolution tardive: elle n'apparait qu'à partir des 13-14° siècles, avec les cathédrales gothiques et les stigmates (Saint François d'Assise en 1224), eux aussi inconnus dans l'Orthodoxie, et il n'est pas étonnant que l'Orthodoxie ait conservé la tradition originelle dans ce domaine-là aussi.

(1) Emilie-van-Taack


Rédigé par V.Golovanow le 17 Mars 2015 à 10:10 | 3 commentaires | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile