Recension de La Croix du premier des quatre volumes de «L'Orthodoxie» de Mgr Hilarion Alfeyev
Paru dans La Croix: Point de vue russe sur l'orthodoxie

NICOLAS SENÈZE

Les Éditions du Cerf viennent de publier le premier des quatre volumes de «L'Orthodoxie», volumineux exposé systématique de l'archevêque Hilarion Alfeyev sur l'histoire, la théologie et la structure de l'Église orthodoxe

Tout nouveau président du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, l’évêque Hilarion Alfeyev – désormais archevêque – est aussi un des plus talentueux théologiens de l’Église orthodoxe russe. En 2008, il avait publié en Russie une œuvre en quatre volumes, conçue comme «un exposé systématique de l’histoire, des structures canoniques, de la théologie, de la doctrine morale et sociale, de la liturgie et de la vie spirituelle de l’Église orthodoxe». C’est en effet comme un «système théologique et liturgique, comme une vision du monde achevés» que l’auteur entend présenter l’orthodoxie. Le premier tome, consacré à l’histoire et aux structures canoniques de l’Église orthodoxe, vient de sortir aux éditions du Cerf.

Pourquoi commencer par l’histoire ? Parce que «l’orthodoxie est historique par essence, explique l’auteur. Elle s’enracine dans l’histoire.» Passer par son contexte historique permet d’en comprendre la structure, sa théologie, sa liturgie… Le spécialiste des Pères de l’Église qu’est l’archevêque Hilarion livre donc ici un exposé synthétique de l’histoire de l’Église orthodoxe. Seule faiblesse de ce tableau clair et structuré: l’extrême insistance sur l’Église orthodoxe russe dans la partie consacrée au second millénaire (près de 140 pages, contre une quinzaine pour les autres Églises orthodoxes). Mais il est vrai que l’ouvrage s’adressait d’abord à un public russe (et, insiste Mgr Hilarion en introduction, à un public déjà connaisseur de l’orthodoxie).

Consacrée aux structures canoniques de l’orthodoxie, la seconde partie de l’ouvrage est nettement plus courte (15 pages, contre plus de 250 pour la partie historique), signe que l’orthodoxie se définit moins comme une organisation juridique que comme une communion de foi. Ce rapide exposé est toutefois fondamental, ne serait-ce que la prise de position de l’archevêque Hilarion en défense et illustration de l’ecclésiologie russe, face à celle de Constantinople.

Fidèle aux positions qu’il prend régulièrement au nom de son Église (par exemple comme représentant du Patriarcat de Moscou à la commission de dialogue théologique entre catholiques et orthodoxes, ou plus récemment comme nouveau président du département des relations extérieures), il rappelle le principe de l’Église locale et que «l’Église orthodoxe n’a jamais eu de chef».

En corollaire, on comprend aisément combien, pour des yeux russes, le patriarche œcuménique de Constantinople, bien que reconnu comme primus inter pares des chefs des Églises orthodoxes, ne peut apparaître comme un «pape oriental». «Ni ce titre, ni cette primauté d’honneur ne donnent cependant au patriarche de Constantinople droit de juridiction en dehors des limites de son propre patriarcat», insiste l’archevêque Hilarion, qui refuse que l’orthodoxie connaisse la même évolution que l’Occident latin avec la papauté.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 4 Juin 2009 à 15:07 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par V.G.: "CERF" Un regard orthodoxe russe sur l’Eglise le 28/06/2012 22:30
Le numéro deux du Patriarcat de Moscou, vient de publier la traduction française du second tome de son étude sur l’orthodoxie.
Figure de proue de l’orthodoxie russe, le métropolite Hilarion de Volokolamsk s’est fait connaître à travers ses nombreuses publications théologiques, en particulier une somme en quatre volumes sur l’orthodoxie parue en 2008 et dont les éditions du Cerf viennent de publier la traduction du second tome. Découvert par les lecteurs français il y a trois ans, le premier volet de cette ambitieuse étude s’attachait à retracer la formation historique de l’Église orthodoxe, et à en définir les structures canoniques.

Ces fondements posés, le présent volume se concentre sur les aspects doctrinaux de la foi orthodoxe. Des principes qui reposent, comme ceux du catholicisme, sur l’Ancien et le Nouveau testaments, auxquels s’ajoute l’héritage des Pères de l’Église, prépondérant dans la spiritualité orientale.

Sur ce point, le président du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou tient à tordre le cou à une idée souvent rebattue en Occident, où l’on considère à tort que la pensée orthodoxe serait restée figée dans les méandres des premiers siècles de l’Église.

Pour l’auteur, il n’en est rien : « Confesser la foi des Pères ne signifie pas seulement étudier les œuvres patristiques ni tenter de mettre en pratique les commandements des Pères, mais croire que l’époque contemporaine n’est pas moins patristique que les autres » et que « l’âge d’or » qui « s’ouvre avec le Christ » et les premiers chrétiens se « poursuit » dans l’œuvre théologique des « “Pères de l’Église” d’aujourd’hui ».

Avec un sens pédagogique d’une rare clarté, celui qui a été récemment nommé président de la commission biblique et théologique de l’Église russe dessine les contours théologiques de notions fondamentales de la foi comme celles de Dieu et du Christ.

Sujet épineux s’il en est, la procession du Saint-Esprit fait l’objet d’un exposé très clair, qui permet de mieux comprendre les racines de l’opposition des orthodoxes au Filioque adjoint au Credo par l’Occident chrétien : « Le Saint-Esprit en tant qu’hypostase procède du Père de toute éternité, mais il est envoyé par le Fils ou par le Père et le Fils en tant qu’énergie. » C’est l’un des grands mérites de l’ouvrage : ouvert à l’œcuménisme et fin connaisseur du monde occidental, le métropoliteHilarion dépeint l’orthodoxie de façon rigoureuse mais toujours intelligible, même si quelques notions élémentaires ne sont pas superflues pour suivre les subtiles variations de son propos.

Notamment dans le chapitre consacré à l’Église, qui touche certains des thèmes les plus sensibles du dialogue entre catholiques et orthodoxes, telle la primauté : « La catholicité, telle que la conçoivent les orthodoxes, se manifeste dans l’égalité des évêques entre eux, quelles que soient leurs différences de rang, de titre et d’importance », rappelle par exemple Mgr Hilarion, qui cite le concile de Carthage de 256 (« Que personne ne se déclare l’évêque des évêques » ).

Les orthodoxes, explique-t-il, reprochent au pape de Rome d’avoir pris « le titre officiel de “pontife suprême de l’Église universelle” ». C’est l’une des raisons de leur rejet de l’infaillibilité pontificale et du primat du pape « sous la forme actuelle », précise-t-il, en y opposant le concept de « sobornost », c’est-à-dire la conciliarité qui régit le fonctionnement de l’Église orthodoxe. Passionnant à bien des égards, l’ouvrage s’achève sur une section consacrée à l’eschatologie. Le troisième volume de cette fresque se penchera sur la liturgie, les rites et les sacrements, ainsi que les aspects culturels de la vie de l’Église.

FRANÇOIS-XAVIER MAIGRE

2.Posté par vladimir le 29/06/2012 09:53
Et, bien entendu, la belle recension orthodoxe de JC. Larchet sur "orthodoxie.com" dont voici la conclusion:
"On doit une fois de plus souligner l’excellent travail qu’accomplit le métropolite Hilarion qui, bien que très occupé par ses fonctions à la tête du service des relations extérieures du patriarcat de Moscou, continue à publier des ouvrages, produit des rapports de grande qualité, donne des homélies imprégnées de culture patristique et spirituellement profondes, produit sur la chaîne de télévision religieuse Soyouz des émissions catéchétiques fort bien faites, et se montre comme l’un des meilleurs compositeurs de musique liturgique de notre temps."

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