Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin

L'Ukraine offre toujours l'image d'un patchwork compliqué de confessions et d'Églises rivales et «concurrentes». L'orthodoxie, majoritaire sur cette terre qui vit le baptême de l'ancienne Rous, est divisée en plusieurs Églises qu'opposent toujours de vifs antagonismes, tandis qu'elle doit cohabiter avec deux Églises gréco-catholiques (uniates) et une Église catholique latine, qui poursuivent leur relèvement, vingt ans après la dissolution de l'URSS et l'indépendance du pays. Ces Églises «traditionnelles» doivent, de surcroît, faire face à l'émergence de nouvelles Églises protestantes, très dynamiques.

L'Ukraine est l'un des plus grands pays d'Europe, et sa complexité confessionnelle n'est que le résultat de son histoire et de son positionnement géopolitique. Aujourd'hui voisine de l'Union européenne - qu'elle espère rejoindre un jour - l'Ukraine a été ballottée au cours des derniers siècles entre l'influence russe et celles des différentes puissances qui ont dominé le centre-est du continent européen: grand-duché polono-lituanien, puis Empire des Habsbourgs.

L'ancrage de l'Ukraine dans le monde de la chrétienté orthodoxe est bien sûr lié à sa relation historique avec la Russie, mais, même en ce domaine, rien n'est simple: depuis l'indépendance du pays, proclamée le 24 août 1991, plusieurs Églises orthodoxes revendiquent l'autocéphalie, entendant soustraire l'Ukraine à l'influence de l'Église russe. Au cours des dix dernières années, une certaine «simplification» de la situation des Églises orthodoxes s'est produite: divisées en factions rivales, les Églises ukrainiennes autocéphales dites «indépendantes» ont perdu pied en dehors d'étroits bastions dans l'ouest du pays, ne conservant guère leur influence que dans les importantes diasporas, notamment aux Amériques.

La partie se joue désormais principalement entre l'Église orthodoxe ukrainienne autonome placée sous l'autorité du patriarcat de Moscou, et l'Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev. Celle-ci constitue désormais, par le nombre de ses diocèses, de ses prêtres et de ses fidèles, l'une des principales Églises orthodoxes, tout en restant toujours privée de toute reconnaissance par la communion des Églises orthodoxes (à l'exception de l'Église, elles-même non reconnue, du Monténégro). Les deux Églises rivales jouissent aujourd'hui d'une influence sensiblement égale, mais aucune perspective de réconciliation ne semble envisageable.

Les différentes Églises catholiques, traditionnellement plus implantées dans l'ouest du pays, sont bien sûr le produit des influences politiques occidentales ou centre-européennes. Là aussi, la diversité est de règle, même si les relations entre l'Église gréco-catholique ukrainienne et l'Église latine sont au beau fixe.

Depuis l'indépendance, l'histoire politique et confessionnelle de l'Ukraine semble s'être toujours déclinée selon un paradigme est/ouest. L'est du pays, ainsi d'ailleurs que les régions méridionales du littoral de la Mer Noire, resté profondément marqué par l'héritage impérial russe puis soviétique, votait pour les partis «pro-russes», tout en restant massivement fidèle à l'Église du patriarcat de Moscou. L'ouest du pays, au contraire, était la terre des différentes Églises catholiques, mais aussi de l'affirmation d'une orthodoxie ukrainienne prétendant à l'autocéphalie et détachée de l'influence russe. Ces régions votaient pour les partis «pro-ukrainiens», se voulant les gardiens de l'identité nationale et de la langue ukrainienne. C'est aux régions centrales, et notamment à la capitale Kiev, que revenait le rôle de servir de «balance» entre ces deux blocs, de poids sensiblement égal....Suite "Religion.info"

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 12 Août 2011 à 21:21 | 2 commentaires | Permalien



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