Réponse aux critiques de l’Eglise : une intervention du patriarche Cyrille
L’émission télévisée du 9 avril 2011 « Le patriarche s’adresse à vous » (Slovo pastyrja) était consacrée aux critiques dont est actuellement l’objet l’Eglise orthodoxe russe.

Une habitante de la capitale russe, Mme Valérie Kocheleva, a posé la question suivante :

- Votre Sainteté l’hostilité de nombreuses personnes à l’égard de la foi orthodoxe et de l’Eglise m’est très douloureuse. A la suite de tant de souffrances éprouvées au XX siècle par notre Eglise, par le clergé et les fidèles il paraît étrange que tant de personnes reprennent avec plaisir les calomnies et les mensonges diffusées par les médias à propos de l’Eglise et de ses évêques. Il serait peut-être opportun que l’Eglise réagisse à cette campagne et change de mode de communication avec le monde et les gens ?

Le patriarche a répondu à cette question :

- Chère Valérie, la question que vous formulez est d’une grande importance. Puisque nous sommes limités par le temps j’essayerai d’y répondre autant que possible brièvement.

Pour commencer par la fin : faut-il que l’Eglise change d’attitude ? L’Eglise est consciente rapports qui existent entre elle le monde et les gens. Ce n’est pas parce que l’Eglise travaille mal ou d’une manière inefficace qu’elle est critiquée. Il s’agit de tout à fait autre chose. Quelques exemples tirés d’un passé récent.

L’Eglise russe a, en effet, été presque détruite et annihilée.
Que de clercs, que de laïcs ont péri, victimes de la répression, que d’églises détruites. La Russie est jusqu’à présent couverte de ces ruines. Il suffit de survoler à basse altitude la région de Moscou, celle de Yaroslav, le centre du pays et de nombreux autres endroits pour constater que l’époque soviétique a laissé derrière elle une quantité impressionnante d’églises détruites et de décombres. Jamais, dans aucun pays, de toute l’histoire de la civilisation la religion et la foi n’ont eu à souffrir autant que de ce qui s’est passé en Russie.

Mais les temps ont changé et nous nous sommes mis à reconstruire. Nos forces étaient insuffisantes, nous manquions de bras, et je ne mentionne même pas les moyens indispensables. Peu à peu, grâce aux efforts persévérants de tous nous avons bien avancé dans cette reconstruction. Alors déjà, l’Eglise faisait l’objet de critiques acerbes. Il y avait peut-être alors moins de haine que maintenant.
Quelle était alors la raison de ces attaques ? On nous rappelait l’expérience des autres, des chrétiens d’Occident en particulier : « Regardez, voici un bel exemple de dialogue avec l’opinion ! Comme ils sont actifs dans leur effort de mission ! Comme le service social est développé chez eux ! Comme la formation des jeunes y est bien organisée ! Et vous ? Vous ne faites rien d’autre que de mettre en route des chantiers ! » Récemment encore nous étions accusés d’être « improductifs ». Or, ces critiques ne poursuivaient qu’un seul but : détourner les gens de l’Eglise.

De nos jours l’Eglise est devenue un interlocuteur très présent dans ses contacts avec la société. Nous conduisons notre travail de mission auprès de l’intelligentsia, des politiques. Nous sommes en contact étroit avec les milieux artistiques et les syndicats, avec les personnalités les plus diverses. Dans le cadre de ce dialogue l’Eglise n’est pas silencieuse. Au contraire, nous intervenons souvent en suggérant des idées nouvelles qui suscitent des débats animés. L’Eglise se consacre à la jeunesse. Nous menons des activités sociales et nous gérons d’importantes œuvres de bienfaisance. Nous allons vers les pauvres, les sans-abris, les orphelins. Nous prenons part à la lutte contre les incendies et nous accordons notre soutien aux victimes des catastrophes naturelles.

Et tout cela ne fait que susciter à notre égard des critiques encore plus virulentes : « L’Eglise s’ingère dans tous les domaines de la vie, elle veut pouvoir contrôler nos personnalités ! Elle est en train de fusionner avec l’Etat, l’Eglise est la structure la plus riche du pays ! Que de biens immobiliers ! »
Mais regardez, Messieurs, toutes ces ruines, ces décombres qu’il nous faut encore reconstruire ! Mais ils ne veulent rien savoir, il leur importe de faire croire à la richesse de l’Eglise, à une Eglise alliée du pouvoir et de l’appareil d’Etat, qui est omniprésente et qui aspire à prendre le contrôle des consciences. Ce n’est que mensonges ! Ils mentaient à l’époque accusant l’Eglise de passivité, ils mentent aujourd’hui de la manière la plus fourbe.

Quelle est l’explication d’une telle attitude ? En verrons-nous la fin ?
Certes non : « Dieu combat le diable, les cœurs des hommes sont le champ de bataille ». Il y aura toujours ceux qui entendront la Bonne Nouvelle et qui suivront le Sauveur comme L’ont suivi les apôtres, comme L’ont suivi les saintes femmes, les martyrs et les confesseurs à l’époque de Rome, les martyrs et les confesseurs du XX siècles exterminés précisément par ceux qui ne voulaient pas d’une présence trop marquée de l’Eglise dans la vie du peuple et de la société.

Pourtant il y a nombre de personnes qui ne croient ni en Dieu, ni au diable, ce sont là des concepts qui ne signifient rien à leurs yeux. Il leur faut des preuves tangibles : montrez nous d’une manière convaincante ce qui se fait dans la société, dans la vie et ce n’est qu’alors que nous y croirons. On peut leur répondre : votre opposition à l’Eglise n’a rien à voir avec l’incompatibilité idéologique de diverses doctrines : les doctrines laïques ont simplement cessé d’avoir cours. Ces gens là réfutent l’enseignement de l’Eglise. Quand l’Eglise était reléguée dans un espace clos, qu’elle était astreinte à rester dans l’enceinte des paroisses, qu’elle n’avait pas accès au monde extérieur et qu’elle était bâillonnée la majorité des gens, y compris les intellectuels, avaient à son égard une attitude de compassion condescendante. L’Eglise était perçue comme un reliquat folklorique, une sorte de pièce rapportée de la tradition culturelle. Nous n’étions visibles que « de loin ».
Mais lorsqu’aujourd’hui l’Eglise porte haut et d’une manière audible l’enseignement du Christ cette mission dérange beaucoup de personnes car elle ne cadre pas du tout avec leurs préceptes de vie. Quelques exemples : nous expliquons que l’ivrognerie et la gourmandise, la recherche du plaisir, etc. sont condamnables. Nous expliquons pourquoi et nous le faisons de sorte à être entendus par tous. Certains nous entendent et s’efforcent de changer pour le mieux. D’autres sont mécontents et disent que nous devons cesser de prêcher car cela les incommode, cela les perturbe dans leurs valeurs. Je suis un pêcheur, je suis ainsi fait. Mais ne me dites pas que mes péchés sont une expression du mal. C’est là que se situe le conflit entre diverses visions du monde.

De tous les temps l’enseignement de l’Eglise s’est heurté à de fortes résistances.

A Rome les premiers chrétiens étaient persécutés et exterminés. A des époques plus favorables à l’Eglise on a tenté de « la reprogrammer », de la refaire, de l’adapter aux besoins du jour. Parfois cela réussissait, en tout cas en ce qui concerne certains membres de l’Eglise. Quant à ceux qui ne se laissaient pas « reprogrammer », cela même à des époques favorables à l’Eglise, ils étaient punis ou devenaient l’objet d’une surveillance particulière. Saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople, remarquable Père de l’Eglise ayant vécu au V siècle, époque du triomphe de la foi à Byzance, et il a fini ses jours en Abkhazie. C’était alors une région pourrie, infestée par le paludisme, au climat insupportable. C’est là que saint Jean est mort, exilé dans ces lieux par les « pieux » empereurs de Byzance. Ne parlons pas du XX siècle. L’Eglise a été l’objet de persécutions cruelles, tout a été entrepris afin de la « reprogrammer ».

Nous constatons aujourd’hui la même chose : on veut que nous changions, que nous adoptions une autre langue, que nous cessions d’agir sur les consciences. Mais il est impossible de nous reprogrammer car si l’Eglise changeait de nature, elle serait vouée à disparaître.
L’Eglise continuera toujours à témoigner du bien et du mal, de la vérité et du mensonge, de la liberté et de l’esclavage, de la responsabilité et du refus de responsabilité. Si la voix de l’Eglise venait à être réduite au silence il ne sera plus possible de discerner le bien du mal, cela également dans la vie sociale.

Voilà pourquoi l’Eglise continuera à servir avec humilité, à souffrir de l’hostilité. Rien de nouveau à cela : en 2.000 ans nous avons pris l’habitude d’être persécutés et malmenés. Notre devoir est de témoigner de la Vérité, comme le dit l’apôtre Paul «à temps et à contretemps » (Tm 2. 4,2).
Nous allons annoncer le Royaume de Dieu et en témoigner à chaque nouvelle génération.
Sur ce je termine cette émission et j’appelle sur vous la bénédiction Divine.

Traduction Nikita KRIVOCHEINE

"PO"

Rédigé par l'équipe de rédaction le 11 Avril 2011 à 16:18 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Boris le 11/04/2011 21:04
Merci "PO"
Ce document fort intéressant!!!

2.Posté par T. Schakhovskoy le 11/04/2011 22:12
Oui, vraiment, merci beaucoup de nous avoir transmis ce texte qui répond si parfaitement à tant de critiques que nous devons entendre si souvent, y compris en France et en particulier, hélas, dans la bouche de certains orthodoxes singulièrement hostiles à notre Eglise. Nous pouvons faire nôtre l'attitude implicitement recommandée par notre Patriarche : aller de l'avant sans trop prêter d'attention à cette hostilité. C'est la sagesse même. Il faudra nous en souvenir quand le Carême, qui nous incite heureusement à la modération et à la patience, aura pris fin !

3.Posté par Larissa le 16/05/2011 09:57
A Moscou, séance du Comité interconfessionnel chrétien de la CEI et des Pays Baltes

L’allocution centrale a été prononcée par le métropolite Hilarion de Volokolamsk.
Dans son discours, le hiérarque orthodoxe a constaté que la culture de masse s’opposait aujourd’hui ouvertement aux valeurs chrétiennes, dans la mesure où elle s’appuyait sur le culte du succès, de la consomnation, du plaisir effréné, éduquant la société, et principalement les jeunes, à l’égoïsme et à la licence. « Nous devons apprendre à traduire notre message positif dans la langue de la culture contemporaine, a assuré le président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou. Les valeurs positives ne doivent plus être formulées comme des catégories abstraites, mais être insérées à la trame de la langue de l’art, du cinéma, de la musique et de la peinture. Cette façon d’annoncer les valeurs positives peut non seulement les réhabiliter, mais les rendre aussi plus facilement assimilables, leur donner une dimension vivante, existentielle ». SUITE

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