Je demande les lecteurs de m'excuser: mon commentaire est parti trop vite!

"le patriarche Cyrille est en train de perdre l’Église orthodoxe ukrainienne" explique Arjakovsky sur tous les média qui lui donnent complaisamment la parole ("La Vie", heureusement, donne aussi la parole au père Alexandre...)

Le souci des patriarches de Moscou Alexis II et Cyrille, comme celui du métropolite de Kiev Vladimir et du locus tenens actuel, a toujours été de conserver l'unité de l'Eglise d'Ukraine, qui n'a été acquise que récemment. Tous se réfèrent à la métropole de Kiev du X-XIIe siècles, en oubliant qu'elle a été détruite par l'invasion Tatar en 1240 puis par l'Union de Brest en 1596. Après la réunion au patriarcat de Moscou, les diocèses de la rive gauche quittèrent la métropole qui ne garda que Kiev et les cinq diocèses de la rive droite, qui faisaient alors partie du royaume de Pologne... Les diocèses de la "Nouvelle Russie" (Novorossia), gouvernorat spécifique crée par Catherine II en 1764 (il y a donc juste 250 ans... je doute que ce jubilé soit commémoré) dans les territoires conquis sur le khanat de Crimée et la Turquie, furent établis au fur et à mesure de la fondation des villes (*) et directement rattachés au patriarcat... Ce n'est que le Concile de 1917-18 qui créa l'Eglise d'Ukraine, transformée en exarchat par la saint patriarche Tikhon en 1921; elle ne récupérât les diocèses occidentaux qu'en 1945 et devint l'Eglise Autonome d'Ukraine en 1990.

L'Ukraine crée en 1918-22, à laquelle correspondait l'exarchat, ne comprenait ni l’Ukraine occidentale ni la Crimée mais se vit adjoindre les gouvernorats de la “Nouvelle Russie“ pour faire contre-poids à l'esprit jugé trop nationaliste de Kiev et de la rive droite. D'ailleurs la capitale en fut jusqu'en 1934 Kharkov, bastion ouvrier dominé par les Bolchéviques comme la majeur partie de la “Nouvelle Russie“ industrielle (l'adjonction de la Crimée en 1964 est une autre histoire).

Cette pesanteur culturelle est restée vivante malgré un siècle de soviétisation et les évènements actuels en sont la démonstration. Dans l'Eglise aussi, les particularismes culturels sont vivants et les diocèses de la "Nouvelle Russie" et de Crimée refusent absolument de se séparer de l'Eglise russe par crainte de subir la loi des "nationalistes occidentalisés"... Le pseudo-patriarcat de Kiev a voulu passer outre et, en partant de l'intention louable de réunir toute l'Eglise d'Ukraine en une autocéphalie, n'a fait qu'ajouter à la confusion: les diocèses du sud et de l'est n'ont pas suivi en bloc et l'Eglise Autonome d'Ukraine est majoritairement hostile à l'autocéphalie. C'est donc la tentative d'imposer cette séparation qui a semé la division alors que la décision de maintenir l'unité, y compris pour la Crimée, est à mettre à l'actif du patriarche.

(*) Zaporozhye en 1770, Dnepropetrovsk en 1776, Kherson et Mariupol en 1778, Sébastopol en 1783, Simferopol et Melitopol en 1784, Nikolaev en 1789, Odessa en 1794, Lugansk en 1795 et Iouzovka/Donetsk en 1869.

Oui. 1964 évidement....