Un baptême raté
Vladimir Golovanow

L'histoire de Raphaël

Il s'appelle Raphaël, prénom curieux pour un russe de Kazan circoncis par tradition familiale; mais sa mère était tombée amoureuse d'une reproduction de la Madone Sixtine, avec les deux angelots à ses pieds, qu'elle avait découpée dans une revue. Elle avait décidé de donner le nom du peintre à son fils et personne n'avait pu l'en dissuader…

Tant qu'il vivait à Kazan, Raphaël allait avec son père à la mosquée pour la prière du vendredi et respectait la tradition, mais depuis qu'il était à Moscou, où il avait trouvé un travail de mécano, il n'allait plus à la mosquée, buvait de la vodka avec les copains et ne respectait guerre le ramadan. Par contre il ne mangeait pas de porc.

Il avait fait la connaissance de Ira, une jolie fille, qu'il avait épousée. Tous les collègues étaient venus à la noce…

Quelques temps auparavant Ira lui avait proposé d'aller voir de nouveaux amis: "Il sont un peu étranges mais tu verras, ce sera intéressant." Les étranges amis étaient des étrangers et des Catholiques. Ils ont lu des choses à haute voix, prié et chanté. Raphaël ne comprenait rien, mais tous étaient sympathiques et souriants; c'était agréable. À la fin l'un des souriants a distribué des brochures avec un texte: "Prends c'est ce que nous avons lu aujourd'hui. Et si tu veux - reviens." Le texte était un extrait du Nouveau Testament et son commentaire. Curieusement, à la fin, il était proposé d'y réfléchir pendant un mois et de faire part de ses réflexions...

Rafael était revenu, mais trop timide, n'avait rien dit. Il y retourna pendant un an sans rien dire, puis il prit à part l'un de ces nouveaux amis et lui déclara qu'il voulait être baptisé catholique. L'autre ne le crût pas, tentât même de le dissuader. Mais Raphaël tint bon et, après avoir passé la catéchèse, il fut baptisé. Ensuite Ira et lui se marièrent à l'Église orthodoxe, dont le père ne s'est pas formalisé de son baptême catholique. Ils allaient à l'église orthodoxe à côté de la maison et, quand ils partaient en vacances, ils trouvaient des églises catholiques. Raphaël continuait aussi avec plaisir à voir ses amis souriants et lisait avec leurs textes-commentaires sur l'Évangile
Un baptême raté

Et le baptême ?

Le temps passant Raphaël et Ira ont eu deux fils et un, jour, en dégustant à la cuisine une côtelette avec un concombre salé, un vieil ami du garage dit, comme en passant, "Il faudrait bien les baptiser…" Qu'il faille les baptiser, Raphaël le comprenait bien; Ira d'ailleurs l'avait déjà dit - on ne sait jamais ce qui peut arriver dans la vie… Il ne protestait pas mais n'entreprenait rien.

Pourtant il fallait bien se décider et, pour ne pas troubler les parents moscovites (ceux de Kazan étaient loin) il fallait le faire à l'Église russe (Raphaël ne pensait pas que cela faisait une grande différence pour un Chrétien.) Suivant les instructions d'un acolyte de l'église voisine, ils s'y rendirent avec toute la famille un samedi après-midi. Ils achetèrent des bougies, disposèrent les serviettes et les chemises neuves pour les garçons. Le chœur s'approcha, l'acolyte remplit d'eau les fonds baptismaux…

Le prêtre sortit du sanctuaire mais, au lieu de débuter l'office, il s'approcha de Raphaël et Ira avec deux formulaires: "Vous devez signer cela en deux exemplaires, nous en gardons un dans nos dossier et vous remettons l'autre. Nous ne faisons pas que baptiser les enfants: en signant cet accord vous acceptez de les enseigner dans la foi orthodoxe et vous engagez vous-même à mener une vie orthodoxe."

Raphaël se souvint comment son père l'obligeait à aller à la mosquée; il aimait bien y aller, mais détestait y être obligé. Il était d'ailleurs devenu Catholique parce que personne ne l'y obligeait. Et comment lui, un Catholique, pourrait-il signer un engagement d'élever ses enfants dans la foi orthodoxe selon une liste tenue par des gens qu'il ne connaissait pas…

"Et vous allez vérifier?" – "Évidemment, nous allons surveiller. Vous allez mettre vos garçons à notre l'école du dimanche, les aider à apprendre leurs leçons, les amener à la communion". "Et si nous nous ne répondons pas à ses engagements vous allez débaptiser les enfants?" Le prêtre ne sut que répondre – jamais personne n'avait refusé de signer l'Engagement… "On signe avec sons sang?" plaisanta brusquement Raphaël alors que Ira s'était éloignée. Le prêtre leva les sourcils: "Vous êtes prêts pour le sang?" – "Non, je ne suis pas prêt. Excusez-nous," dit doucement Raphaël. Puis il prit Ira par la main, appela les enfants et sortit de l'église…

D'après Maria Svechnikova
Un baptême raté

Maria Svechnikova est une jeune romancière et ce récit, que j'ai légèrement abrégé, est une réponse à la proposition de faire signer ce type d'engagement aux parents des futur-baptisés qui a été formulée durant les "Conférences internationales de Noël" 2016 par l'archiprêtre Dimitri Karpnenko, chef du secteur de la pratique missionnaire du Département Synodal de la Mission du patriarcat de Moscou.

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Un baptême raté

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 11 Février 2016 à 10:30 | 8 commentaires | Permalien



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