Une exception: moine et fonctionnaire
La revue OGONIOK publie une interview de Benjamin Vladimirovich Simonov, chef de l'inspection des banques et établissements financiers à la Chambres de comptes, dans le siècle, et hégoumène Philippe pour l'Église. Il est présenté comme l'unique religieux travaillant comme fonctionnaire en Russie.

Le cumul d'un emploi civil et d'une fonction religieuse est monnaie courante chez-nous: la plupart de nos prêtres le font par nécessité, pour subvenir aux besoins de leur famille. Nombre d'entre eux sont fonctionnaires(1). Il n'en est pas de même en Russie où tous les membres du clergé se consacrent exclusivement à leur sacerdoce et sont normalement rémunérés par l'Église. D'où la curiosité provoquée par ce cas exceptionnel qui montre en tout cas que l'Église russe n'est pas aussi monolithique que certains le pensent: il suffit de regarder la tenue du P. Philippe dans son bureau pour constater qu'il n'a pas la tenue d'un moine en Russie.

Benjamin Vladimirovich était fonctionnaire quand il s'est fait moine, en 1992. Ses supérieurs ont laissé faire et la hiérarchie ecclésiale ne lui a pas demandé de renoncer à ses fonctions. Par la suite sa carrière civile s'est développée et il a été promu dans les sphères du pouvoir, avec la bénédiction de son évêque et l'accord du patriarche Alexis II. Cyrille I avait fait appel à ses compétences pour des questions financières avant de devenir patriarche. Ses collègues le respectent et, si la loi de la fonction publique interdit tout prêche sur le lieu de travail, certains viennent le voir comme prêtre à titre personnel.

L'interview ne parle pas vraiment de sa vocation, mais il précise que "le monachisme est, en quelque sorte un système égoïste. Ton premier but – c'est de te sauver toi-même.

Une exception: moine et fonctionnaire
Mais si Dieu t'a octroyé un talant, et tes supérieurs le regardent favorablement, alors tu peux essayer de sauver des gens autour, dans la mesure des tes forces spirituelles et de tes capacités.

/Il n'en dira pas plus de son activité pastorale dont on voit pourtant une photo./ Sauver son âme, c'est savoir 'rentrer en soi", se concentrer sur son monde intérieur, et pour cela il faut étouffer tous les facteurs extérieurs gênants. Il faut tellement se fatiguer par le travail spirituel ou physique, les métanies, le carême, pour qu'on n'ai plus envie de se laisser distraire par les plaisirs du monde. Mais si tu lis une prière un accompli ta règle monastique, et brusquement tu sens que tu es déconcentré et fatigué – arrêtes. Ainsi chaque moine a sa propre règle, et pour chaque règle il y a son interruption pour un travail physique ou intellectuel. Mon travail civil est justement cette interruption. On n'est pas obligé de bêcher un potager avec une pelle. Il y a bien d'autres moyens de s e fatiguer au point qu'il n'y ait plus aucune envie de regarder alentours."

Puis, parlant de son activité professionnelle, étroitement liée à la lute contre la délinquance financière, le P. Philippe précise qu'il faut appliquer la loi civile. "La loi de Dieu vous concerne personnellement. Elle ne touche pas la sphère économique (…) Les lois objectives du marché sont formée par le champ législatif. Le reste est l'affaire de votre conscience et vous devez comprendre que vous aurez à répondre devant Dieu si vous dépassez la ligne inscrite dans la loi."

Le reste de l'entretien est consacré à l'analyse de la crise financière, au demeurant assez classique: il précise toutefois que cette crise n'est pas une malédiction divine mais, en permettant de faire le ménage, c'est une bonne œuvre(благодеяние)…

Note (1): en dehors de l'enseignement public qui est interdit aux membres des congrégations religieuses en France.

Photos Kommersant (Ogoniok fait partie du groupe)

Rédigé par Vladimir Golovanow le 21 Août 2009 à 10:28 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Jean Vanders le 21/08/2009 21:06
Vladimir, votre article est très intéressant mais je m'étonne qu'à propos du travail de nos prêtres en France, vous écrivez "Note (1): en dehors de l'enseignement public qui est interdit aux membres des congrégations religieuses en France. " alors que j'en connais qui sont ou furent professeurs d'Université (Sorbonne, Nanterre etc.) à moins que SEUL le secondaire est interdit??


2.Posté par genovieva le 22/08/2009 17:11
Voilà une vocation qui m'étonne beaucoup. Le monachisme serait une voie "trop égoïste", donc il décide de rester actif dans le monde pour sauver les gens autour de lui? Mais d'une part, selon saint Séraphin de Sarov, acquérir soi-même la paix intérieure est le meilleur moyen de sauver les autres autour de soi. D'autre part, en quoi cette vocation diffère-t-elle de celle d'un laïc qui cherche à servir Dieu tout en restant dans le monde? En fin de compte, quelle est la spécificité de la voie monastique, si elle ne se distingue en rien de celle des laïcs dans le monde? Je m'y perds...

3.Posté par vladimir le 26/08/2009 16:58
Merci pour ces commentaires.
Je ne sais que répondre à Jean Vanders: la loi de 1905 précise clairement qu'il est interdit aux membres de congrégations religieuses d'enseigner dans l'enseignement public. J'en connais comme vous dans le supérieur... Des exceptions? La liberté de cooptation des universités?

@genovieva j'ai probablement mal rendu le sens de l'interview: pour le P. Philippe, son travail civil est justement cette part de travail, physique, ou intellectuel, qui fait partie de toute règle monastique 'pour qu'on n'ai plus envie de se laisser distraire par les plaisirs du monde'. 'On n'est pas obligé de bêcher un potager avec une pelle.' dit-il en faisant références aux règles monastiques habituelles. Mais c'est cette place réservée au travail qui le différencie d'un laïc: l'essentiel 'c'est savoir 'rentrer en soi' par la prière, le travail remplit 'les interruptions' et, bien évidement, il n'y a ni loisirs, ni temps libre, ni activités sociales... Saint Séraphin s'était retiré du monde pendent 17 ans. Le P. Philippe se retire dans le monde: c'est aussi cet aspect là que j'ai retenu.
Quand à l'expression 'égoïste', je la comprends comme une différentiation avec les missionnaires ou les prêcheurs. Et là votre référence à Saint Séraphin s'applique totalement lorsque le P. Philippe dit 'si Dieu t'a octroyé un talant, et tes supérieurs le regardent favorablement, alors tu peux essayer de sauver des gens autour, dans la mesure des tes forces spirituelles et de tes capacités'.
Mais tout ceci n'est qu'interprétation de laïc à partir d'un article dans OGONIOK: nous serions bien mieux orientés si des moines nous donnaient leur point de vue...

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