Vladimir GOLOVANOW

Note liminaire: je propose ce petit article pour faire avancer un débat. J'espère des commentaires et des réfutations…
Utiliser l'exotique "Mère de Dieu" au lieu du traditionnel en français "Vierge Marie" n'est pas innocent: il s'agit de marquer une différence d'accent dans la mariologie entre Catholiques et Orthodoxes.


Est-il nécessaire aussi d'affirmer la virginité perpétuelle de Marie?
Les Catholiques mettent en effet l'accent sur la virginité et la pureté de Marie. Ceci est tout à fait conforme à la théologie orthodoxe et les titres "toujours vierge" (aeiparthenos/приснодева) et "immaculée" (пренепорочная) font partie de notre vocabulaire liturgique. Toutefois, à force d'insister sur cette pureté, qui pour les Orthodoxe vient aussi de l'obéissance et de la volonté de "Celle qui a dit 'Oui!' pour toute l'humanité", les Catholique vont arriver au dogme douteux de l'Immaculée Conception. "Est-il nécessaire aussi d'affirmer la virginité perpétuelle de Marie? écrit le père Jean Breck (1)


Le Nouveau Testament déclare nettement qu'elle avait conçue le Christ "sans semence humaine", mais les récits sur l'enfance font porter l'attention sur le caractère surnaturel de sa conception plutôt que sur sa virginité en tant que telle. Il n'est dit nulle part que sa condition virginale est restée intacte durant la naissance et sa vie ultérieure."

Celle qui a enfanté Dieu:

"Si la théologie orthodoxe défend sans ambages la virginité perpétuelle de Marie, c'est que la logique de l'Incarnation en impose la doctrine." Continue le père Jean, "et c'est là qu'intervient le titre de "Théotokos/Богодица": celle qui a enfanté Dieu, car c'est par elle que Dieu a effectivement "pris chair" (Jn. I, 14) en l'hypostase du fils de Dieu" (ibidem). Mais, en grec comme en slavon, la théologie distingue les deux états successifs de Marie: "Théotokos/Богодица", celle qui a enfanté Dieu en devenant "Instrument de l'Incarnation", et "Mitera tou Theou/Богоматерь", Mère de Dieu qui accompagne la vie terrestre du Fils, de Noël à la Croix; mais ce deuxième qualificatif, courant dans l'expression populaire, est très rarement utilisé dans les textes liturgiques car il ne correspond pas à ce moment théologique profond, celui de l'Incarnation, qui a été retenu par les Pères: "Pour les pères orientaux, le témoignage biblique au sujet du Christ, Fils préexistant de Dieu, justifie et rend nécessaire l'usage du titre Thètokos. Refuser à Marie l'honneur et la vénération en tant que "celle qui a enfanté Dieu", ce serait nier la réalité tant de l'Incarnation que de notre salut" (ibidem). Mais la traduction "Mère de Dieu" ne correspond pas à cette vérité là!

Pour ne pas prêter à confusion, quelques traducteurs consciencieux, dont le regretté Jean-Louis Palierne, ont proposé «Déipare» (2), mot effectivement français (il se trouve dans le Grand Larousse d'après Louis Palierne) mais totalement tombé en désuétude et particulièrement malsonnant (remarquons toutefois que "Mère de…" compose aussi une assonance malheureuse; "Oh la Mère de … Dieu" est d'ailleurs le juron favori d'un ami Québécois), voire "Enfantrice de Dieu"(3) néologisme plus sympathique mais totalement exotique...

Notre Dame

Il n'est donc pas simple de trouver un vocable qui ne soit ni trop exotique pour des oreilles française, à qui nous voulons témoigner que l'Orthodoxie est leur religion, ni trop connoté par la théologie catholique. C'est pour cela que je propose "Notre Dame" pour un usage courant: c'est un mot familier au Français et clairement adapté à la mariologie orthodoxe; dans la liste des titres de Marie il arrive généralement en tête: Пресвятая Владычица наша se retrouve dans la plupart des hymnes à Marie et se traduit exactement par Notre Dame la Toute Sainte (dans l'autre sens, Notre Dame se traduit d'ailleurs par "Богодица", cf. "Notre dame de Paris"). Et pour les traductions savantes, où il faut insister sur "l'Instrument de l'Incarnation", le néologisme "Enfantrice de Dieu" me semblerait le plus approprié.

Notes

(1) Père Jean Breck "LE TROPAIRE « MONOGENÈS » : SYMBOLE DE FOI ORTHODOXE, LA PENSÉE ORTHODOXE N° 3, L'AGE D'HOMME, p.71. L'archiprêtre Jean Breck (né en 1939), docteur en théologie, a enseigné le Nouveau Testament et l'éthique au séminaire Saint-Vladimir de New York de 1984 à 1996. Il enseigne l'exégèse biblique et l'éthique à l'Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris ICI

(2) Déipare est une forme francisée du latin Deipara qui lui-même traduisait Théotokos. Il a été utilisé dans des hymnes mariales anciennes mais est tombé en désuétude. Deipara existe en espagnole et portugais
(3) ICI


Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 27 Octobre 2011 à 10:51 | 20 commentaires | Permalien



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