Vladimir Konovaloff, fils du défunt Monseigneur Serge ( KONOVALOFF) - Intervention à la Table Ronde de l’OLTR
Intervention à la Table Ronde de l’OLTR consacrée au dixième anniversaire du rappel à Dieu de Monseigneur Serge (Konovaloff)

Bonjour, pour ceux qui ne me connaissent pas je m’appelle Vladimir, je suis le fils cadet de Monseigneur Serge. On m’a téléphoné il y a quelques temps pour me demander de raconter un peu l’histoire que vous, probablement, ne connaissez pas. Je n’ai pas vraiment préparé, j’ai mis quelques dates sur une feuille, tout ce que je vais vous raconter c’est mon propre vécu, ce que mon père m’a raconté et ce que j’ai ressenti jusqu’en 1993, date de son départ pour Paris.

Serge KONOVALOFF est né en 1941, son père était Alexis Vassiliévitch KONOVALOFF, émigré russe et sa mère Lino van Staarvr, hollandaise pas belge, hollandaise. On dit qu’elle était belge mais pas du tout. Ils se sont retrouvés à Louvain. Louvain est une ville universitaire en Belgique côté néerlandophone. A cette époque là, juste après la première guerre mondiale, il y a une grande colonie russe qui s’est installée là pour justement trouver du travail dans l’université. Mon grand-père Alexis Vassiliévitch, donc le père de Monseigneur Serge, était de profession chimiste, il a trouvé comme ça un travail auprès de l’université.

A cette époque là, il y avait une petite paroisse à Louvain, de sainte Tatiana, où le jeune Monseigneur Serge allait régulièrement

. Dans cette paroisse il y avait un certain archimandrite Georges Tarassov qui est devenu archevêque plus tard et qui a noué des contacts très étroits avec ma famille. Pour quels raisons je ne le sais pas, mais ma grand-mère ma raconté que chaque dimanche quand il célébrait à Louvain, il passait l’après-midi chez eux à la maison, pour prendre une tasse de thé, de café, papoter un petit peu et puis retourner à Bruxelles. C’était quand même un long voyage, maintenant on met en voiture une demi-heure. Monseigneur Georges Tarassov qui à l’époque était encore archimandrite avait une grande influence sur ma famille. J’ai retrouvé plein de traces, dès l’enfance, de Monseigneur Georges qui incitait la famille à aller à l’église, de participer à la vie liturgique et ainsi mon père, dès son plus jeune âge, était enfant de chœur dans cette paroisse et plein de connaissance de l’orthodoxie.

En 1953, l’archimandrite Georges est devenu évêque, (mon père avait 12 ans) mais restait à Bruxelles et à Louvain, il avait plusieurs paroisses, notamment Louvain, Bruxelles, Gand, et mon père était très proche de lui dans le sens où il était un peu devenu son père spirituel c’est lui qui l’a éduqué dans l’orthodoxie. Il faut savoir que ce n’était, à cette époque là, pas si évident de se balader en soutane ; en plus en Belgique côté néerlandophone c’était du jamais vu. Les gens s’arrêtaient en voiture pour regarder ce qui se passait.

Comme mon père m’a toujours dit « j’ai marché avec Mgr Georges et dans les rues de Louvain tout le monde nous regardait et je disais à Mgr, Mgr, est-ce qu’il ne serait pas mieux d’enlever votre soutane pour passer un peu plus inaperçu dans cette ville ? Il m’a dit « Seriojenka, il faut être fier d’être orthodoxe, il faut le montrer à tout le monde ». Je pense que cette petite phrase a fait un déclic dans la tête de mon père parce que quand il est devenu diacre, protodiacre, prêtre tout ça, il s’est toujours baladé en soutane en ville et tout le monde le regardait et toute le monde continuait à s’arrêter ; ça ne plaisait pas trop, à nous les enfants bien sûr, mais il répétait la même chose : « à l’époque Mgr Georges m’a dit : il faut être fier, il faut le montrer donc je continue à le faire ». Mon père était dans les années 50, j’ai retrouvé des petites cartes postales de 1950 – 1952, était dans un camp de jeunesse de St Vincent et par hasard j’ai retrouvé une photo de lui ayant neuf ans sur une photo officielle du camp. Il y avait quatre-vingt personnes et en plein milieu il y avait le métropolite Alexandre et juste à côté un petit gamin, mon père.

Sa jeunesse s’est passée normalement, comme une famille tout à fait banale et la « russité » s’est vraiment transmise par mon grand-père Alexis KONOVALOFF

Malheureusement pour mon père en 1962, donc il avait 21 ans, son père est mort. Il est décédé en bas dans le salon, et c’est mon père qui a dû le porter sur les épaules dans la chambre pour l’allonger sur le lit. En 1962, Mgr Georges Tarassov était déjà élu ici à Paris, comme archevêque, il est revenu de Paris pour enterrer mon grand-père, ce qui a fait bien sûr énormément de bien à ma famille.

Puis les années passent, mon père garde contact avec Mgr Tarasssov. Il vient une, deux fois par an à Paris pour se confesser et fin des années 1960 (vers 1966-67) mon père commence à avoir des discussions plus sérieuses avec Mgr Georges sur la vocation dans l’église. Et comme mon père était un enfant, enfin un jeune adulte, un jeune homme tout à fait banal, tous ces propos de Mgr Georges étaient un peu lancés dans le vent, dans le sens ou de toute façon ce n’est pas pour moi, c’est pour les autres, moi je ne suis pas digne, je suis pécheur, ce n’est pas moi qui vais faire quelque chose dans l’église. Et finalement Mgr Georges, a convaincu mon père en 1968 de prendre le diaconat. Il s’était déjà marié en 1967. Juste avant son mariage il lui avait dit « maintenant il est grand temps et je vais te faire diacre ». Il a été ordonné diacre le 10 novembre 1968, le 28 décembre 1968, donc un mois et demi plus tard, son premier enfant naît Alexei, vous devez le connaître parce qu’il a fait plusieurs séjours à Paris.

Étant diacre, mon père a toujours essayé de servir selon les règles, comme il a toujours dit. Donc il s’est procuré de la documentation approfondie sur la manière de célébrer comme diacre, la vie liturgique, tout ce qui se passe pour tout, il voulait absolument savoir comment ça se passe selon les règles.

En 1976, il devient protodiacre

Dans les années 1965-66, donc juste avant son diaconat, mon père avait l’habitude de passer la semaine Sainte à Bussy, au monastère, chez matouchka Evdokia, comme il disait toujours. Et ma grand-mère et ma tante, donc la sœur de mon père, gardent un excellent souvenir de ce moment, ils adoraient aller dans ce monastère pour passer la semaine Sainte et la nuit de Pâques. Petite parenthèse : La dernière fois qu’ils se sont vus c’était en 1969 et comme d’habitude en partant il demandait la bénédiction à matouchka Evdokia et elle répondit à mon père « père diacre, maintenant vous me demandez la bénédiction mais la prochaine fois qu’on se verra c’est moi qui vous demanderai la bénédiction ». Mon père m’a raconté cela après 1993, donc après son élection comme archevêque. A l’époque où cela s’était dit il n’avait pas prêté plus attention que cela mais après, il s’en est rappelé et m’a dit « tu vois Volodia, la vie est parfois déjà bien inscrite et tu peux faire ce que tu veux, mais si le bon Dieu veut que ça soit comme ça et bien ça sera comme ça ».
Les contacts avec Mgr Georges Tarassov continuaient.

Moi je suis né en 1971 donc j’ai commencé à mémoriser les événements à partir de 1976-1977

Je sais que mon père adorait, vénérait presque Mgr Georges Tarassov et il allait chaque année une ou deux fois pour se confesser là-bas [à Paris] et comme Mgr Georges Tarassov était vraiment comme le desservant de notre famille, il demandait bien sûr des nouvelles comment allait ma mère, comment allaient les enfants comment ça se passe dans la paroisse, s’il y avait besoin d’aide dans son diaconat, si tout se passe bien. Juste avant son décès, Mgr Georges Tarassov commence à insister de plus en plus sur le fait que mon père devait absolument devenir prêtre. Mon père recommence à dire que c’est n’est pas possible, qu’il n’est pas digne, que ce n’est pas pour lui, qu’il ne pourra pas être un bon prêtre et de nouveau Mgr Georges l’a persuadé et donc il a été ordonné prêtre le 24 février 1980, ce qui a bien sûr fort marqué ma mère, moi-même, mon frère, ma sœur et bien sûr en premier lieu mon père lui-même. Au début, je me souviens de lui, perdu, il ne savait pas comment prendre une paroisse en charge, essayer de faire comme il peut mais Mgr Georges lui a dit le jour de son ordination : « Ne t’inquiète pas tout se passera bien ». A cette époque là, 1980, ma mère avait déjà un cancer, donc était malade et pour ma mère c’était insupportable de savoir que d’abord elle était malade, et que deuxièmement elle allait devenir matouchka , femme de prêtre, rôle qu’elle a, à mon sens, accompli à merveilles pendant ces quatre années avant qu’elle ne décède en 1984. Elle est passée de juste matouchka Lydia à matouchka Doudou.
Il y a des gens qui me disaient je connais matouchka Doudou est-ce que vous la connaissez, « oui c’est ma mère » ! On ne savait pas qu’elle s’appelait matouchka Lydia.

Entre 1980 et 1984, pour moi, personnellement c’étaient les plus heureuses années de ma vie : il y avait ma mère, il y avait mon père, mon père était prêtre, cela se passait bien dans les paroisses parce qu’il desservait tout de suite plusieurs paroisses non seulement à Bruxelles mais aussi à Charleroi, il passait dans toutes les paroisses en Belgique, aussi à Gand, un peu partout. Et très vite il a su convaincre les gens de faire comme lui voulait que ça se passe. Je ne sais pas par quel moyen il arrivait à influencer les gens qui faisaient d’une manière A pour les faire changer en une manière B qui était beaucoup plus réelle et beaucoup plus correcte.

Bien sûr, grand tournant en 1984 : décès de ma mère. Enterrement au mois d’août, vous savez très bien qu’au mois d’août il n’y a personne. Durant ses quatre ans de prêtrise mon père a su s’entourer de gens de différentes juridictions

L’enterrement a été célébré par Monseigneur Georges Wagner, en présence de Mgr Basile (Krivochéine), du patriarcat de Moscou et de deux prêtres de l’église hors frontières. Or il n’y a personne à cette époque là qui aurait pu imaginer un tel fait, dans une paroisse dans une même église, que trois juridictions soient ensemble, sans se disputer sans se demander des invitations, bien évidemment à cette époque là il n’y avait pas de SMS, il n’y avait pas d’internet, donc tout se passait par téléphone, « batiouchka, je vais venir », « oui, OK, venez ».

C’est un fait que lui a continué à défendre cette union des églises comme on dit, même s’il n’était pas d’accord avec tous les différents détails. Mais le fait qu’on soit divisé, j’ai encore lu son indication quand il est devenu archevêque, cette division de l’église est ressentie comme quelque chose de mal. A plusieurs reprises il a pu refaire cela, mais à cette époque là on n’en parlait pas trop, c’était un fait que les gens qui étaient présents, regardaient, jugeaient, plutôt bien, parfois mal, mais c’était le don de l’appel, de rassembler. Mgr Basile (Krivocheine), qui est décédé en 1985 a déjà, à cette époque là, eu le temps de dire aux autres : « si vous voulez vous confesser je connais un bon prêtre à Bruxelles, allez voir le père Serge, lui il va vous confesser, ce n’est pas juste une petite cérémonie, non, il va vous confesser, vous allez sortir de là le cœur soulagé ». Et c’était aussi un don de mon père, c’était les confessions. Il était, en Belgique en tout cas, très connu pour cela. Je ne sais pas comment cela s’est passé à Paris après, mais en tout cas en Belgique ça marchait bien.

En 1990 il a décidé de devenir moine pour encore plus servir l’église.

Après, en 1993 quand Mgr Georges Wagner est décédé, tout le monde à Bruxelles disait « et alors père Serge, c’est vous le suivant », il rigolait de cela en disant : « non pas question j’ai trois enfants et un travail, je suis Belge, je suis loin de Paris, il y a d’autres candidats sûrement ». Je pense que vous connaissez la suite....

* * *

Voilà c’est un peu les impressions que j’ai de mon père qui est quelqu’un de bien, de juste ; pour moi, c’est quelqu’un étant et père, et père spirituel, de juste qui n’allait jamais juger les gens sans justificatif. Ce n’est pas quelqu’un qui allait punir quelqu’un sans raison, s’il punissait quelqu’un c’était avec raison et je suis bien la preuve vivante que j’ai été puni souvent, et avec raison.

Juste pour conclure sur les petites discussions qu’on a eues à la fin de sa vie. Pour son étape à Paris je pense qu’il y a ici des gens plus compétents que moi pour en parler mais quand il a su qu’il n’allait pas vivre longtemps, il ma dit avec les larmes à l’œil : « je n’ai pas fini mon devoir », je lui ai dit : « papa tu as quand même accompli beaucoup de choses ici à Paris » il m’a dit : « non je n’ai pas fini mon devoir, je n’ai pas accompli mon devoir et je n’ai jamais vu mes petits-enfants ce sont les deux choses qui me rendent le plus triste ». Pour ses petits-enfants, je me suis chargé de ça, je lui ai donné mon premier enfant puisque j’en ai deux maintenant, c’est une petite-fille qui s’appelle comme ma mère Lydia et qui est née le 8 juillet, comme mon père.

De mon côté je voudrai dire un tout grand merci à tout le monde qui a organisé cette soirée. Je suis seulement étonné que la mémoire de mon père reste encore en vie même ici et j’espère que vous allez continuer à la garder et d’essayer de se remémorer ce qu’il voulait faire ici à Paris et j’espère que vous allez continuer son travail.
Merci beaucoup.

Lien orthodoxierusseoccident
Vladimir Konovaloff, fils du défunt Monseigneur Serge ( KONOVALOFF) - Intervention à la Table Ronde de l’OLTR


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 8 Février 2013 à 06:41 | 1 commentaire | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir : Nous avons donc eu, je pense, le compte rendu de toutes les interventions de ce colloque très important; ils permettent de bien cerner la pensée de Mgr Serge. le 11/02/2013 22:14
Nous avons donc eu, je pense, le compte rendu de toutes les interventions de ce colloque très important; ils permettent de bien cerner la pensée de Mgr Serge. Ces publications ont donné lieu à un grand nombre de commentaires, dont certains divergeaient totalement du thème principal, mais ceux qui m'ont particulièrement intéressé sont les courtes interventions de Mania MOURAIT (1). En effet, ces commentaires sont clairement sincères et honnêtes. De plus ils me semblent bien refléter l'anxiété et l'inconfort d'un grand nombre de fidèles de l'Archevêché. Il me parait dont important de les analyser en détail.

IL NE FAUT PAS «FAIRE PARLER LES MORTS» (commentaire 101): on ne peut pas ne pas souscrire à ce principe. Toutefois, tous les historiens cherchent à rétablir la réalité des faits et des pensées, si possible. Et pour cela nous devons analyser les documents et les témoignages.

Nous avons là un faisceau de faits et de témoins essentiels sur cette période cruciale dont parle le père Nicolas: du 13 novembre 2001, formation de la "commission spéciale", au 22 janvier 2003, décès de Mgr Serge. Mania MOURAIT n'a ni document ni témoignage sur cette période (elle se fonde sur une déclaration du 16 mai 2001) et, en se contentant de "il aurait largement eu en un an le temps de revenir officiellement sur ses déclarations précédentes" (ibid) elle fait "parler les morts"…

Le père Nicolas, lui, produit un document: le projet de "statuts annotés de la main de Monseigneur Serge lui-même /qui/ a été publié plus tard, mais n’a pas eu, à mon avis, l’examen et la résonance qu’il mérite" écrit le père Nicolas. Personne n'a contesté l'authenticité de ce document et ne pas en tenir compte devient une attitude de déni. "Document inachevé … résultat du travail personnel de Monseigneur Serge qu’il n’a pas eu le temps de présenter ni au Conseil de l’Archevêché ni à son Assemblée Générale" continue le père Nicolas, ce qui explique clairement le silence de Mgr Serge à son sujet et sur l'ensemble de la démarche.

"JE NE SUIS PAS ALLEE A LA REUNION OLTR CAR JE VOYAIS BIEN CE QUI ALLAIT SE PASSER" (commentaire 10). Nous somme là clairement dans une attitude de procès d'intention et de refus de la réalité: sachant que témoignages et éléments probants seront contraires à son intime conviction on refuse de les considérer, en toute bonne foi. Toujours l'attitude psychologique du déni.

S. Freud a théorisé le déni pour caractériser un mécanisme de défense par lequel un sujet nie la réalité d’un fait qu’il perçoit et qu’il ne peut cependant admettre. Le mot « dé-ni » exprime bien un refus catégorique de reconnaître ce que les sens montrent : le mécanisme prouve là son efficacité en tant que défense du moi, dans le sens où il empêche un conflit entre une perception réelle fortement désagréable pour le moi et la perception de la réalité, non par une comparaison de ces deux perceptions mais par une suspension de jugement et donc de décision vis à vis de ces contradictions. Cette analyse me semble bien correspondre au malaise vécu par les fidèles de l'Archevêché qui cherchent à comprendre ce qui s'est passé ces dix dernières années mais ne peuvent accepter une réalité qui remet en cause ce (ou ceux?) en quoi ils ont cru.

(1) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Vision-de-Mgr-Serge-Konovaloff-pour-l-avenir-de-l-Archeveche-des-eglises-orthodoxes-russes-en-Europe-occidentale-projet_a2811.html?com
(2) D'après http://www.psychoweb.fr/articles/psychanalyse/344-le-deni.html

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