L'abandon des fêtes chrétiennes ou l'établissement de la société vide de sens

Parlons D'orthodoxie

Une opinion de Sébastien Morgan, auteur de "Devenir soi-même, chronique d'un chrétien du XXIe siècle" : Sébastien est l'un des contributeurs de notre Blog " Parlons d'orthodoxie"

* * *

Le débat de la semaine, lancé par l'anthropologue Dounia Bouzar, est évidemment l'abandon de deux jours fériés chrétiens en France pour les remplacer par l'Aïd et Yom Kippour. Par cette proposition, l'on peut une fois de plus constater dans quel gouffre d'oubli et de négation sombre la France, entraînant sans doute une partie de l'Europe à sa suite. On voudrait gommer le passé, le reléguer dans un musée, l'effacer des mémoires.

Bien sûr que chacun a le droit de fêter ce qu'il veut chez lui : Yom Kippour pour les Juifs, l'Aïd pour les Musulmans, la Tara Verte pour les bouddhistes, Beltaine pour les Wiccans, Thanksgiving pour les expatriés américains ou l'anniversaire du petit... Faut-il pour cela acter officiellement les désidératas particuliers de tout un chacun ?

Bien sûr que non. N'en déplaise au lobbying laïcard athée, la France et l'Europe sont des entités baptisées et chrétiennes. En tant que telles, elles peuvent et doivent être ouvertes à la diversité d'opinion et sans doute de religion dans une certaine limite, mais doit-on pour autant complètement se déraciner dans une sorte de folie moderniste incohérente et libérale ?

Il faut s'entendre sur les mots. Je défends l'idée d'une société traditionnelle opposée à la dite société moderniste. Qu'est-ce à dire ?

Par société traditionnelle, j'entends non pas une société moralement conservatrice, figée, réactionnaire, autoritariste et cloisonnée mais une société qui donne du sens. Or pour donner du sens, il faut s'inscrire dans le passé et s'enraciner dans le temps. « Même une plaisanterie a bien plus d'éclat quand elle a mille ans derrière elle» (2) disait C.S.Lewis. Et il avait raison, car au-delà de la boutade, les fêtes chrétiennes s'inscrivent dans une logique cyclique, rythmant la vie spirituelle et communautaire. Au-delà des croyances individuelles, elles inscrivent la société toute entière dans une logique propre qui est celle du christianisme, à savoir :

1) Naissance de la Lumière dans le monde (Noël)

2) Mort du vieil homme et des liens de haine qui entravent l'Humanité et victoire de l'Amour sur la mort (Pâques)

3) Dignité affirmée de l'Humanité par sa montée au ciel aux côtés de Dieu (Ascension)

4) Liens insécables tissés entre Dieu et les Hommes, nécessité pour l'Homme de répondre à l'appel créatif de Dieu pour s'accomplir (Pentecôte)

5) Dignité de l'Homme capable d'accepter son accomplissement en acceptant Dieu et affirmation importance primordiale de la femme dans le destin spirituel de l'Humanité (Assomption)

6) Liens entre les vivants et les morts par delà le temps et l'espace et par la même importance de la mémoire fondant notre humanité (Toussaint).

Bien vécu et bien compris, le cycle des fêtes liturgique structure le temps et le sacralise. Il sert de ciment à la population qui le vit en communion, il sort chacun de son égoïsme lui donnant conscience, par sa logique homogène, de sa destinée individuelle et collective.

Au contraire, un cycle de congés disparate est, par définition, complètement incohérent. Lorsque je critique le modernisme libéral, il n'agit bien sûr pas de la modernité synonyme de liberté légitime ou de progrès sociaux et techniques heureux. Mais bien plutôt de la société qui rejette systématiquement ce qui donne sens spirituel afin d'établir in fine, une société superficielle de la consommation. Les fêtes traditionnelles évacuées ou mélangée, le sens spirituel perdu, on pourra alors les remplacer par de simples « jours de congés » vides de sens. SUITE "La Libre.be"

Blog de Sébastien Morgan


Commentaires (6)
1. Irénée le 08/10/2013 11:56
J'ai un peu l'impression que notre ami Sébastien vit sur une étrange planète...
Il y a belle lurette qu'à peine de 5% des habitants de nos contrées a une vague idée de ce qui est fêté le 15 août ou le jeudi de l'Ascension !

Si nous n'étions pas dans cette situation assez désastreuse depuis déjà plusieurs décennies, je serai bien volontiers d'accord avec lui, je partage l'essentiel de ce qu'il écrit.
Mais nous devrions sans doute nous centrer sur l'essentiel, qui n'est plus, il me semble, la défense du caractère chrétien de nos nations.

Nous avons un devoir d'évangélisation et de témoignage. Je ne suis pas personnellement un nostalgique de la bénédiction des canons, ni de l'alliance du sabre et du goupillon.
De plus, si nous regardons la situation des chrétiens dans des pays qui ne sont plus depuis plus d'un millénaire des pays "chrétiens", leur situation de tous les jours n'est sans doute pas toujours facile, mais il me semble qu'ils restent un exemple pour chacun d'entre nous.
Leur capacité de témoignage évangélique et leur fidélité à l'Eglise ont pour moi plus de valeur que la défense d'une "nation chrétienne" à laquelle je ne crois guère...
2. Artemus le 09/10/2013 16:45
Qui aurait espéré il y a seulement vingt ans que la Russie redeviendrait si chrétienne ?
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

Mais il est vrai qu'à force d'avoir tout jeté, le catholicisme occidental lui, de l'intérieur, s'est fait hara kiri sans s'en apercevoir, il s'est lui-même vidé de son sens et ce faisant il a abandonné la société. Il est devenu inaudible, une coquille vide où dominent la langue de bois, le prêche-prêcha et quelques hérésies. Les brebis désertent les bercails qui se fissurent et sont mangés par le lierre comme des ruines. Ceci explique cela.
Il faudrait commencer par osé regarder l'arbre desséché en face.

Alors que l'Orthodoxie, qui est la liturgie comme l'a rappelé le métropolite Hilarion, transmettant intact ce qu'elle avait reçu, est sortie de 74 ans d'enfer bolchevique comme un brise glace sort de l'hiver. Qui aurait pu l'imaginer ?

Ceux des nôtres qui prônent "la simplification", le langage "d'aujourd'hui", le syncrétisme oecuménique ou pas et autres fariboles au lieu de voir le trésor qu'ils ont dans les mains ne font que répéter les antiennes catholiques des années 50 et encourent les mêmes résultats.
3. NicolasP le 09/10/2013 17:10
BRAVO à Artemus :

"Ceux des nôtres qui prônent "la simplification", le langage "d'aujourd'hui", le syncrétisme oecuménique ou pas et autres fariboles au lieu de voir le trésor qu'ils ont dans les mains ne font que répéter les antiennes catholiques des années 50 et encourent les mêmes résultats"

Je rajouterai seulement que certains des nôtres attendent avec impatience le prochain Concile panorthodoxe. Si ce concile, par des simplifications liturgiques, par l'assouplissement des carêmes et autres nouveautés, se soumet à la société actuelle, alors ce se sera un Vatican II bis.
4. Vladimir.G le 16/10/2013 17:47
Ce n'est pas parce que 95% du bruit médiatique ("le Buzz") martèle avec insistance le message de la Pensée Unique que 95% des gens y adhérent. Le succès des "Manif pour tous" démontre l'importance du contre-courant et, bien que vivant sur la même planète que vous, bien cher Irénée, je n'ai autour de moi que des personnes qui tiennent à nos racine chrétiennes et connaissent le sens des fêtes... Qui se ressemble s'assemble: ce groupe de résistants est minoritaire mais atteint néanmoins 25% en France (1), ce qui place notre pays parmi les moins religieux du monde (65% des américains déclarent que la religion tient une «place importante dans leur vie quotidienne».) Nous ne sommes donc pas représentatif de tout l'Occident.

Par contre si vous pensez au cycle des fêtes liturgique, qui devrait "structurer le temps et le sacraliser" comme l'écrit si justement l'auteur, là vous êtes probablement encore trop optimiste et je ne vois pas qui, en dehors des monastères, s’y tient tant sois peu en dehors de Noël et, dans une moindre mesure, Pâques. Chez nous, Orthodoxes, c'est d'ailleurs pire à cause des différents calendriers: quand deux paroisses voisines, qu'on peut fréquenter, ont des dates de fêtes fixes différentes (cf. Daru haut et bas), cette structuration est largement détruite...
5. Vladimir.G le 19/10/2013 19:45
En fait Sébastien Morgan s'adresse à ceux qui se laissent entrainer par les mirages médiatiques en leur montrant tous les dangers de ce monde privé de signification. Il serait trop facile de n'en voir la responsabilité qu'en Occident: en Russie aussi le même phénomène domine, et ce jusque parmi ceux qui se croient Orthodoxes et écclésialisés, voire même des serviteurs de l'Eglise, qui pratiquent cette "double-foi" que dénonce Serge Tchapnin (1) et mettent sur le même plan fêtes "patriotiques" et fêtes religieuses, comme le fait le père Nikon Belavenets. Le Nouvel An y passe clairement avant Noël... pas seulement dans le calendrier!

Mais en Occident cela va évidement encore plus loin que ne le dénonce Sébastien Morgan puisque ce sont des "anti-fêtes" qui sont promues: Gay prides, Gay Games (Paris 2018) sont au pinacle pour remplacer les processions religieuses interdites sur la voie publique. Ce n'est pas un monde vide de sens que nous voyons maintenant, mais un monde ou le Mal devient l'exemple et le modèle à suivre. Je ne suis pas un fervent partisan des explications apocalyptiques, mais quand nous voyons un tel retournement de valeurs on ne peut que penser à l'approche du règne de l'Antéchrist.

(1) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Questions-sur-l-Eglise-du-XXIe-siecle-en-Russie-2-Nouvelle-double-foi_a3325.html
6. Daniel le 20/10/2013 09:03
@ Vladimir

"Par contre si vous pensez au cycle des fêtes liturgique, qui devrait "structurer le temps et le sacraliser" comme l'écrit si justement l'auteur, là vous êtes probablement encore trop optimiste et je ne vois pas qui, en dehors des monastères, s’y tient tant sois peu en dehors de Noël et, dans une moindre mesure, Pâques."

Ne sombrons pas dans le pessimisme. Tous ceux qui font l'effort de suivre ce cycle liturgique depuis chez eux avec des moyens plus ou moins grands s'y tiennent. Cela peut passer par le synaxaire, par des offices de lecteurs etc. S'agissant de pratiques domestiques, elles sont forcément inconnues et difficiles à quantifier mais elles existent...
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