L'archiprêtre Alexandre Borissov : l’indifférence est l’ennemi numéro 1 de l’église
Parlons D'orthodoxie

Traduction E. Tastevin
La municipalité de Moscou a récemment permis à l’église Saints Cosme Damien à Choubino (Moscou) de construire un clocher. La paroisse a sollicité ce permis de construire pendant plus de 10 ans ceci malgré la résistance du voisinage. Le père Alexandre Borissov, recteur de l’église, médite sur les obstacles à l’implantation des églises dans le centre-ville et dans les quartiers résidentiels.
La mairie de Moscou a récemment permis à l’église des Saints Cosme et Damien à Choubino de reconstruire le clocher et la maison paroissiale qui étaient là avant la révolution. Le chantier démarrera dans un mois. La maison paroissiale sera bâtie dans la cour de la cathédrale où elle se trouvait avant sa destruction.Le clocher sera construit dans un nouvel endroit, à distance de l’immeuble résidentiel voisin. La paroisse a sollicité ce permis pendant 10 ans. Les paroissiens ont négocié à de nombreuses reprises avec des fonctionnaires et des habitants qui protestaient contre le projet. Des inconnus ont vandalisé la palissade de la cathédrale avec une disqueuse.

Les conflits entre les partisans et les adversaires de la construction de nouvelles églises dans la capitale sont nombreux. Le cas de la cathédrale de Saints Cosme et Damien est un exemple de litige entre les habitants et les fidèles. Ce cas est représentatif. Cette paroisse n’est pas comme les autres. L’église fait face à l’Hôtel de ville de Moscou, elle voisine avec le monument à Yurij Dolgoroukij, fondateur de Moscou. Traditionnellement, l’église attire des représentants de l’ « intelligentsia » de Moscou. Le litige a opposé des paroissiens et des habitants du quartier qui dans leurs lettres à l’administration disaient que la proximité de l’église les dérangeait même s’ils étaient eux-mêmes des « russes orthodoxes ».
Le Protopresbytre Alexandre Borissov, recteur de la cathédrale Saints Cosme et Damien a récemment obtenu le permis de construire. Le chantier commencera dans un mois et durera approximativement 2 ans et demi. « Aujourd’hui on prépare le terrain. Le chantier sera difficile à cause de la rue piétonnière adjacente récemment reconstruite. En effet, il faudra chercher une solution pour faire passer les camions.
L’immeuble qui cache la façade de l’église a été construit avant la révolution. C’est l’ex hôtel « Dresde » construit en 1913. C’était un signe précurseur : si l’on construit un hôtel dans le centre-ville qui cache l’église on peut deviner sur quoi cela débouchera…
L’église des Saints Cosme et Damien à Choubino en 1882

- Ils s’opposaient par leurs dires à notre initiative ces derniers 5 ou 6 ans. Ils disaient essentiellement qu’ils n’avaient pas besoin d’une église. « Bâtissez sur la place Rouge si vous le voulez mais pas sous nos fenêtres ». Beaucoup de préjugés. On disait qu’un parking souterrain serait construit sous l’église et que cela provoquerait des fissures dans les immeubles voisins.
Nous avons jusqu’à fin mars offert des repas à des sans abri. Et les habitants n’arrêtaient pas de se plaindre. Je garde leurs lettres qui sont parfois drôles. « Les religieux ont dépassé toutes les bornes, ils rassemble des bandes d’émigrés musulmans empêchant ainsi les russes orthodoxes de recevoir des secours et des repas. Ainsi les musulmans se moquent des russes ». Ils ont écrit dans ce sens à la Douma, au procureur et à la mairie.
Le 22 février des représentants de la copropriété ont tronçonné 60 mètres du grillage qui protégeait notre terrain. Le 5 mars nous nous sommes rencontré avec des représentants de la mairie et de la copropriété. Nos adversaires ont annoncé sur un ton abrupt que la démarcation cadastrale n’était pas correcte et que ce terrain faisait partie de l’immeuble. C’est un mensonge. La séparation a été tracée à la frontière historique de la cathédrale en conformité avec le permis délivré par la mairie en 2007.

- La maison au 6, rue Tverskaya est composée de 4 grands bâtiments avec plus de 600 appartements. Seuls 2 personnes font partie de la paroisse. Une dame âgée et une autre, d’âge moyen. Certains habitants sont neutres à l’égard de la construction mais la majorité y est très hostile. Je pense que la même proportion est valable pour tous les quartiers de Moscou : 1 à 2% de personnes sont pour l’Eglise. Nos paroissiens habitent dans des divers quartiers de Moscou, tel doit être le cas de toute paroisse située dans le centre-ville. Ces personnes nous rejoignent parce que l’esprit de notre paroisse leur est proche, ce n’est pas son emplacement qui les intéresse. A la réouverture de l’église en 1990 les personnes des immeubles avoisinants étaient peu nombreuses dans notre paroisse. Maintenant comme avant ils passent parfois pour les jours de fêtes et nous prient de venir bénir leur appartement.
-La résistance à la construction de nouvelles églises est-elle fréquente de nos jours ? A-t-elle existé avant ? Dans les années 1990 par exemple ?
-La construction de nouvelles églises était rare dans les années 1990. Les églises existantes rouvraient leurs portes après reconstruction. A l’époque personne ne s’y opposait parce que les gens avaient de la compassion pour l’Eglise récemment encore persécutée par le pouvoir soviétique. L’Eglise était obligée de restaurer ses cathédrales dans un contexte de ruine et de pauvreté totale.
Aujourd’hui la société est devenue indifférente à l’Eglise et à la foi orthodoxe. « Qu’ils croient s’ils le veulent, c’est leur affaire privée mais qu’ils ne nous dérangent pas ». Au début des années 2000 l’intérêt pour l’Eglise a commencé à faiblir alors que l’opposition s’est accrue.
Il reste par exemple boulevard de Cronstadt un clocher du monastère de la Vierge de Kazan. La hiérarchie a donné sa bénédiction pour officier dans le clocher et construire une petite église à proximité. Les habitants se sont furieusement opposés et finalement l’église n’a pas été construite. L’argument principal, comme partout ailleurs, consistait à dire qu’ils n’auraient plus de place pour promener leurs chiens.
C’est un cercle vicieux : les personnes exigent de l’Eglise d’être présente dans leurs vies et la traitent en même temps comme une servante. Bénis les rameaux, distribue de l’eau bénite, nous ne t’aiderons pas à devenir meilleure. Nous te donnerons de l’argent et exigerons en revanche que tu fasses ce que nous attendons de toi sans porter atteinte à notre confort.

-Comment surmonter un tel rejet ?
Il faut commencer par le catéchisme puis continuer par l’étude de l’Evangile sous la direction d’un prêtre. Bref, l’Eglise doit organiser des cours de catéchisme. Bien sûr, la Liturgie est l’essentiel mais il faut que la personne vienne y participer avec désir, elle doit se pénétrer de ce qui se passe. Elle doit entendre l’appel de Jésus et connaître l’Evangile.
Chaque paroisse est différente mais il est important que le fidèle n’y soit pas anonyme et que les paroissiens se connaissent comme se connaissent des voisins ou des collègues. Si une église s’ouvre dans un quartier résidentiel ses prêtres doivent s’occuper de ses paroissiens en dehors des offices de sorte que l’Eglise devienne le centre de la vie du quartier et qu’elle offre une aide sociale.

En hiver je suis intervenu pour soutenir l’initiative des habitants du district Gagarine qui souhaitaient la construction d’une cathédrale rue Molodezhnaya. Quelques dizaines de personnes étaient pour soutenir le projet alors que des milliers se prononçaient contre. Ils écrivaient des lettres, rassemblaient des signatures. Une paroissienne m’a raconté cette histoire en détail.

« Neskoutchniy sad »
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