LA RELIGION EN EUROPE DE L'EST- ORTHODOXES MAJORITAIRES MAIS PEU PRATIQUANTS
Parlons D'orthodoxie
V. Golovanow PARTIE 1
Le groupe de recherche américain The Pew Research Center vient de publier une étude très fournie sur la situation religieuse en Europe de l'Est (*) qui embrasse 18 pays d'Europe de l'Est, du Caucase sud et des Balkans qui faisaient partie de l'URSS, du bloc socialiste et de la Yougoslavie ainsi que la Grèce, qui ne faisaient pas partie de ces ensembles politiques (cf. carte et graphique 1, notons que l'Albanie, le Monténégro, le Kosovo et la Macédoine ne sont pas inclus, ainsi que l'Ukraine orientale et la Crimée.)
Les résultats publiés sont très détaillés, avec de nombreux tableaux et graphiques, et nous allons en résumer les principaux enseignements; au-delà de la situation religieuse dans cette région on voit en fait se dessiner une nouvelle division culturelle de l'Europe…Eu égard à l'importance des éléments fournis, nous analyserons cette étude dans plusieurs articles dont voici le premier.
Photo; le patriarche Cyrille de Moscou et le métropolite Jozef Michalik, président de la conférence épiscopale catholique de Pologne signent un Message commun au x peuples de Russie et de Pologne, août 2012
Le groupe de recherche américain The Pew Research Center vient de publier une étude très fournie sur la situation religieuse en Europe de l'Est (*) qui embrasse 18 pays d'Europe de l'Est, du Caucase sud et des Balkans qui faisaient partie de l'URSS, du bloc socialiste et de la Yougoslavie ainsi que la Grèce, qui ne faisaient pas partie de ces ensembles politiques (cf. carte et graphique 1, notons que l'Albanie, le Monténégro, le Kosovo et la Macédoine ne sont pas inclus, ainsi que l'Ukraine orientale et la Crimée.)
Les résultats publiés sont très détaillés, avec de nombreux tableaux et graphiques, et nous allons en résumer les principaux enseignements; au-delà de la situation religieuse dans cette région on voit en fait se dessiner une nouvelle division culturelle de l'Europe…Eu égard à l'importance des éléments fournis, nous analyserons cette étude dans plusieurs articles dont voici le premier.
Photo; le patriarche Cyrille de Moscou et le métropolite Jozef Michalik, président de la conférence épiscopale catholique de Pologne signent un Message commun au x peuples de Russie et de Pologne, août 2012

Depuis l'effondrement du bloc soviétique, le nombre de personnes qui se considèrent comme orthodoxes (**) a très fortement augmenté dans les pays de tradition orthodoxe, alors que dans les pays de tradition catholiques le nombre de Catholiques a baissé (cf. graphique 2). Ainsi l'Orthodoxie est devenue majoritaire dans ces pays avec 57% de la population qui s'en revendique contre 18% pour le Catholicisme. Les Protestants, principalement Luthériens, sont présents en Hongrie, et dans les Pays Baltes, les Musulmans sont majoritaires en Bosnie et représentent de fortes minorités en Bulgarie, Russie et Géorgie. Notons que 14% seulement de la population se disent athée ou sans religion, les pays les plus areligieux étant la Tchéquie (72%) et l’Estonie (45%).
Le nombre d'Orthodoxes s'est accru dans les pays de tradition orthodoxe à l'exception de la Grèce, ce qui est évidement lié à l'effondrement du bloc soviétique: dominées par des régimes athées, les Églises de ces pays avaient été étouffées et c'est une véritable résurrection qui est constatée par les chiffres de cette étude.


L'étude constate que les Orthodoxes sont en moyenne deux fois moins pratiquants que les Catholiques (graphique 3): si en Pologne catholique, par exemple, 45% des croyants assistent à des services religieux au moins une fois par semaine, cette fréquence est plus que moitié moindre chez les orthodoxes: les plus pratiquants sont les Roumains, avec 21% des fidèles allant à l'église chaque semaine, mais en Russie, pays qui compte de loin le plus grand nombre d'Orthodoxes, ce chiffre tombe à 6% et il n'a pas bougé depuis 1991 alors même que le nombre de fidèles déclarés a pratiquement doublé.
On pourrait y voir l'influence du totalitarisme qui a dominé dans ces pays pendant de longues années et a cherché à étouffer la religion: toute pastorale était de fait interdite et la pratique était mal vue, ce qui a amené son recul dans les comportements sociaux. La situation du Catholicisme est là encore différente puisque les pays catholiques ont subi le joug bolchévique moins longtemps et la pratique religieuse faisait office d'acte de résistance politique. Toutefois, le fait que les Orthodoxes grecs, qui n'ont pas connu le totalitarisme, sont moins pratiquants que la plupart des Catholiques (y compris en Ukraine et Biélorussie, qui appartenaient à l'URSS) montre que cette explication n'est pas suffisante.
Reconnaissant qu'il n'y a pas d'explication satisfaisante à cet écart entre la religion déclarée et le respect des prescriptions religieuses, les auteurs de l'étude l'attribuent en partie au fait que l'affichage de la religion est devenu socialement valorisant dans les pays orthodoxes. NejaaSagal, l'une des responsable de l'étude, établit un parallèle avec les États-Unis, où les sondés surestiment souvent leur pratique religieuse car ils veulent donner une réponse qui les présentera sous un jour positif. En Europe occidentale, au contraire, les gens n'ont pas l'habitude «d'embellir» leur comportement et l'image de la pratique religieuse est controversée. Cela en dit long aussi bien sur la société US qu'européenne, note la chercheuse.
Cette différence se retrouve aussi dans la proximité de l'Église et du pouvoir et dans l'attitude envers la Russie que nous analyseront dans le prochain article.
à suivre…

(**) "Foi", "appartenance", "pratique": ces trois concepts caractérisent différents niveaux d'adhésion religieuse et l'étude Pew montre que la plupart des croyants dans le monde se relient à la religion par au moins un de ces concepts, mais pas nécessairement les trois, ce qui caractériserait une adhésion complète.
Ainsi la sociologue Grace Davie a décrit les chrétiens de Grande Bretagne après la guerre comme «croyant sans appartenir»: la foi en Dieu, largement répandue, coexiste avec des églises en grande partie vides et (cf. Davie, Grace. 1994. “Religion in Britain Since 1945: Believing Without Belonging.”). L'étude Pew montre en revanche des Orthodoxes qui «croient et appartiennent sans se comporter»: la majorité des sondés croient en Dieu et s'identifient à l'Orthodoxie, mais les comportements religieux (prière quotidienne, fréquentation hebdomadaire des offices) sont peu développés comme on le voit plus loin. On pourrait aussi ajouter la morale religieuse (relations hors mariage, divorce, avortement…), qui n'a pas été étudiée par Pew – elle est particulièrement peu suivie par les Orthodoxes des anciens pays socialistes...