LE PATRIARCHE BARTHOLOMÉE, ÉGLISE ROUMAINE ET "LA PRÉSERVATION DE L’UNITÉ ORTHODOXE"

D'après Jivko Panev - 25 novembre 2018
(sous titres Vladimir G.)

Venu à Bucarest pour inaugurer "la plus grande cathédrale orthodoxe du mondes" (https://www.la-croix.com/…/Roumanie-inaugure-grande-cathedr…), le patriarche de Constantinople Bartholomée s’est adressé le 24 novembre à la hiérarchie orthodoxe roumaine réunie en séance solennelle à la résidence patriarcale de Bucarest, espérant que « l’Église orthodoxe roumaine s’impliquera dans la préservation de l’unité orthodoxe ». Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’allocution du patriarche Bartholomée :

La conciliarité de l’organisation hiérarchique de l’Église

« Votre Béatitude, Béatissime Père Daniel, patriarche de l’Église orthodoxe roumaine, Vos Éminences et Excellences. Avec un sentiment de joie et de bonheur, nous nous trouvons aujourd’hui en cette sainte salle synodale, dans le lieu où est célébrée la tradition des saints Apôtres et des saints Pères, ainsi que la conciliarité de l’organisation hiérarchique de l’Église, conformément au commandement apostolique. C’est ainsi que sont prises, par l’œuvre de l’Esprit Saint, les décisions qui concernent les problèmes de la vie ecclésiale de l’Église autocéphale de Roumanie, et les relations avec les autres Églises sœurs ainsi que le monde chrétien entier. Ce lieu est considéré comme la continuation organique de l’église et de l’autel, puisque ici est accomplie la liturgie après la liturgie eucharistique, dans laquelle est servie, éclairée et construite la vie du clergé et du peuple, conformément aux saints canons, à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace sacré. C’est ainsi que nous comprenons, conformément à l’enseignement orthodoxe, les œuvres, les délibérations et les décisions conciliaires. Si elles sont dépourvues de ce caractère liturgique, celles-ci deviennent de simples formes de ce monde et, indubitablement, on ne peut dire à leur sujet « il a paru bon au Saint Esprit et à nous » (Actes XV, 28). Nous profitons de cette occasion pour rendre hommage à tous ceux qui ont honoré dans le passé et qui honorent à présent ces pupitres dans la sainte salle synodale de l’Église orthodoxe roumaine, avec un haut sentiment de responsabilité devant notre archipasteur et juge Jésus-Christ et devant Son Église, laquelle nous a été transmise par les saints Apôtres, les saints Pères et les saints conciles, avec une authentique compréhension ecclésiale, avec continuité canonique et un amour illimité envers l’homme. En même temps, je souhaite et je prie pour que la grâce de l’Esprit Saint emplisse toujours cet organisme décisionnel synodal, qu’Il éclaire abondamment et conduise Sa Béatitude le patriarche Daniel, avec le très vénérable Synode de la sainte Église de Roumanie, en vue de décisions salvatrices plaisant à Dieu, à la gloire de Son saint nom, pour le bon état de l’Église, le renforcement du troupeau qui lui est confié, pour l’approfondissement des relations ecclésiales et la prédication convaincante du saint Évangile dans le monde entier.

Le concile de Crête

En nous trouvant dans un espace synodal, nous lui associons en esprit l’expression et le témoignage conciliaires les plus élevés de l’Église orthodoxe durant ces derniers siècles, à savoir la réunion du saint et grand Concile de l’Église orthodoxe, réalisé en Crète au mois de juin 2016, auquel la sainte Église de Roumanie a participé activement par la présence de son patriarche et de nombreux hiérarques. Ce fut vraiment un moment historique, dans lequel l’orthodoxie a réussi un examen de foi concernant la vérité évangélique de l’Église comme corps du Christ et de la tradition synodale. Bien que certains aient décidé au dernier moment de se départir de leur devoir conciliaire, cherchant des excuses à leurs péchés et reniant leurs propres signatures, Votre Béatitude avec votre honorable hiérarchie, vous avez décidé d’être présents, brillamment, honnêtement avec bonne conscience et audace, écoutant la voix de votre devoir à l’égard de l’Église. La contribution personnelle de Votre Béatitude à la réussite historique du saint et grand Concile, tant par les connaissances théologiques et dogmatiques de Votre Béatitude, que par un mode de participation honorable, intelligent génial et avisé à chaque étape, en collaboration avec les autres primats, ont fait que tout se finisse de façon merveilleuse et inestimable. Aussi, je vous demande d’accepter, encore une fois, mes félicitations chaleureuses et fraternelles, ainsi que mes remerciements de tout cœur. Que Dieu nous rende dignes d’appliquer dans la vie de jour en jour toutes les décisions et résolutions prises par l’encyclique et le message [du Concile de Crète, ndt] au peuple orthodoxe, à tous les hommes de bonne volonté, montrant aux hommes la face véritable de l’Église orthodoxe.

Décision synodale d’accorder à Kiev le rang d’autocéphalie.

Le fait est connu que, des quatorze Églises autocéphales de l’Orient orthodoxe, neuf ont reçu l’autocéphalie du Patriarcat œcuménique, dont certaines la dignité patriarcale. Huit d’entre elles, dont l’Église orthodoxe roumaine, ont reçu la chair même de l’Église mère de Constantinople. En utilisant le langage de la biologie, je dirais que ces neuf Églises se sont formées par mitose et mouvement cellulaire. La cellule mère est l’Église de la Nouvelle Rome qui s’est divisée avec amour, au cours du procédé d’octroi de l’autocéphalie, en deux cellules, des Églises égales et identiques du point de vue génétique, ayant la même grâce (ADN) et les mêmes valeurs ecclésiales ! En ces jours, à la suite de processus nombreux, longs et non sans affres, à la demande instante du corps ecclésial d’Ukraine, lourdement éprouvé depuis de nombreuses années, le Patriarcat œcuménique, exerçant à nouveau son privilège accordé par les décisions des saints canons, a pris dans ce cas la décision synodale d’accorder aussi à Kiev – la très ancienne région ecclésiastique de Constantinople – le rang d’autocéphalie. Nous avons fait cela pour que les choses se règlent là-bas canoniquement, pour mettre un terme aux schismes qui n’auraient pas dû être, mais qui y existent toujours, et pour mettre fin aux divergences de longue date entre frères orthodoxes de la même nation. Tout cela pour cesser les hostilités, les rivalités et les conflits, sans pour autant diminuer en rien les droits des autres Églises. Il est question encore de la kénose sacrificielle des entrailles maternelles de l’Église de Constantinople pour le bien de nombreux millions de croyants. Nous espérons dans l’aide de Dieu pour que s’achève bientôt le processus d’union des camps divisés, pour procéder à la rédaction et à l’émission du tomos synodal patriarcal de l’Église d’Ukraine, devenant ainsi la plus récente Église autocéphale sœur.

L’élaboration préconciliaire de la question de l’octroi de l’autocéphalie prévoyait une autre solution

Naturellement, l’élaboration préconciliaire de la question de l’octroi de l’autocéphalie prévoyait une autre solution. Actuellement, cependant, l’unanimité n’a pas été atteinte – et ce n’est pas le Patriarcat œcuménique qui est responsable de cette situation – ce qui a fait que l’autocéphalie n’a pas été mise à l’ordre du jour des thèmes du saint et grand Concile et il va de soi que la situation existante depuis des siècles reste en vigueur, à reporter ad referendum à un futur concile œcuménique. Il est bien entendu que ne sont pas justifiés ceux qui portent la responsabilité de leur absence au saint et grand Concile à réagir violemment et à diviser sans crainte de Dieu l’unité de l’Église. Je suis certain que l’Église orthodoxe roumaine s’impliquera dans la préservation de l’unité de l’Église et du bon ordre dans la justice. Votre Béatitude, Vos Éminence et Excellences ! Aujourd’hui, outre saint Clément de Rome, ce sage Père de l’église, nous célébrons également saint Pierre, évêque d’Alexandrie qui, comme vous le savez, a eu une vision du Christ, portant une tunique déchirée et disant qu’Arius l’insensé en était le responsable. Ayant honte de la tunique déchirée du Seigneur et ayant en horreur le sort d’Arius haï de Dieu, œuvrons sincèrement de toutes nos forces à préserver l’unité ecclésiale dans l’unité de la paix, la compréhension mutuelle et l’amour sacrificiel pour les autres. Je vous remercie, Votre Béatitude, pour les paroles chaleureuses que vous nous avez adressées, que je garde dans le cœur avec joie et reconnaissance. Je goûte d’avance la joie de la journée de demain, la consécration de cette grandiose cathédrale nationale, dédiée à l’Ascension du Seigneur et à notre commun protecteur le saint Apôtre André le Premier appelé. Par la consécration de l’église à Dieu, la foi, l’espérance et la charité communes se renouvellent en nous, nous serons ensemble les primats et les serviteurs de cet Autel nouvellement fondé et nous partagerons le même calice du salut et de la vie éternelle, où notre profonde unité en Christ sera couronnée, pour la joie du ciel et de la terre. Nous vous souhaitons, Votre Béatitude avec les autres frères en Christ de marcher à la lumière de la connaissance et de répandre l’amour de Dieu dans tout le peuple roumain et dans l’orthodoxie entière. Que le Christ soit parmi nous tous les jours de notre vie, dans les siècles des siècles. Amen.
https://orthodoxie.com/le-patriarche-bartholomee-je-suis-sur-que-leglise-orthodoxe-roumaine-simpliquera-dans-la-preservation-de-lunite-orthodoxe/

Je me réjouis qu'en ces temps difficiles pour l'Eglise, la divine liturgie ait été célébrée dans cette nouvelle cathédrale par le patriarche Daniel et par le patriarche œcuménique Bartholomé.

On ne peut que regretter que les dirigeants de l'Eglise de Roumanie aient ainsi offert au patriarche de la division et du schisme, au moment meme où par désir de vengeance il expose à la persecution une Eglise soeur, une tribune pour decevoir par des paroles hypocrites un large auditoire, meme si le patriarche Daniel dans son homélie, discrètement, mais néanmoins clairement pour qui a des oreilles, l'a rappelé à l'ordre, en soulignant la CO-RESPONSABILITE de toutes les Eglises autocephales pour la pastorale orthodoxe, leur LIBERTE et la SYNODALITE ainsi que la grande nécessité de préserver l'unité panorthodoxe.

Il faudra un jour, que chaque Église, et même chaque fidèle, fasse un choix. Plus le temps avance, plus la nécessité de faire ce choix sera spirituellement impérieuse. Le totalitarisme ecclésial est déjà à son heure, il n'est pas de Dieu. Et il faudra bientôt dire: oui, oui, ou non, non. Peu importent les conséquences.
Tout le reste vient du démon.
Le temps de la moisson arrive.