Laurence Guillon: Les enfants russes écoutent les oiseaux

Parlons D'orthodoxie

Sur cette photo de 1892, trouvée sur un fil de nouvelles, ces enfants russes écoutent les oiseaux. Regardez leurs expressions, leurs attitudes, leur attention paisible, presque leur ferveur, et vous comprendrez à quel point nous avons dégringolé, avec le fameux "Progrès".

Ces enfants-là n'avaient pas, dès le ventre de leur mère, les oreilles et la tête farcies de musique synthétique aussi immonde qu'obsédante, ils n'entendaient ni la perceuse ni les motos, ni la débroussailleuse, ni la radio à tue-tête. Ils écoutaient les oiseaux.

Un ami violoniste et folkloriste de talent me racontait que sa mère d'origine paysanne, quand il était petit, dans les années 50, l'emmenait dans la forêt et le posait près d'un ruisseau, pour lui faire écouter l'eau, le vent, les oiseaux...

Laurence Guillon: Les  enfants russes écoutent les oiseaux
Maintenant, je suis obligée de choisir le moment pour pouvoir me livrer à cette occupation vitale, entre la tondeuse et la radio des voisins, les gosses circulent à vélo avec la radio, ils ne savent plus exister sans ce tintamarre, qui fracasse l'âme et l'esprit, et les ferme à le beauté du monde. Ils n'écoutent pas les oiseaux. Et ils n'ont plus du tout ce genre d'expressions, ils ont quelque chose d'obtus, de nerveux, ils sont façonnés par tout ce tohu-bohu survolté, dans lequel ils grandissent, par cette cacophonie, et par la laideur que produisent autour d'eux des gens qui jamais ne s’assoient pour écouter les oiseaux et le vent, et la chanson qui pourrait monter en eux et venir éclore sur leurs lèvres.

En quelque cent ans, les humains sont sortis, volontairement ou forcés, du cercle enchanté de la vie pour se faire la proie d'une grande machine grinçante qui dévore tout sur son passage. Tout ce que nous faisons est hideux, mortifère, nous nous sommes détournés de Dieu pour adorer le veau d'or et Moloch, auquel nous sacrifions les enfants, au propre et au figuré, les transformant en chair à canon, chair à débauche. Malheur aux sinistres bergers qui nous ont menés là où nous en sommes, la carotte dans une main et le bâton dans l'autre. Bouchers illusionnistes. Bonimenteurs du diable.

Combien de ces petits enfants ont été emportés plus tard dans la tourmente révolutionnaire?
Fervents petits enfants de la sainte Russie au coeur aussi ouvert que les oreilles.

Laurence Guillon

Lire aussi "L'orthodoxie plaît aux enfants" et ICI


Commentaires (3)
1. Nicodème le 07/08/2019 10:25
Incontournable et si précieuse Laurence Guillon , dont j'ai découvert le blog il y a 2 ou 3 ans . Avec ravissement . Mais aussi immense tristesse de voir que la Russie , que nous tenions pour le dernier réduit , et quel réduit immense , le dernier réduit de la civilisation , mais déjà rongée par Mammon et Bélial , càd , comme disait Soljénitsyne , le "purin de l'occident" . Kyrie eleison ! kyrie eleison ! (40 fois ...) . Il y a tellement de de Gaulle en Poutine qu'il semble que , comme lui , obnubilé (et qui le lui reprocherait ?), obnubilé , disais-je , par la grandeur de sa patrie et sa place dans le jeu dangereux des nations et des empires , il ne voit pas la société russe se déliter sous la morsure insidieuse de ce "purin" ... Interdire la propagande LGBT "auprès des mineurs" est le minimum syndical ...De Gaulle a ainsi récolté Mai 68 . Poutine arrivera-t-il à sauver la Russie de ce que la "cinquième colonne" lui prépare ?
2. Tchetnik le 07/08/2019 16:51
@Nicodème

VVP ne vient pas du Guébé pour rien, outre son immense culture littéraire, artistique, historique classique, il connait bien des techniques de manipulation des masses auxquelles de Gaulle n'avait jamais même osé penser.

Ceci dit, il est vrai que c'est là un combat qui concerne bel et bien l'Eglise - en dépit de ce que certains de ces membres croient - et qui ne se terminera qu'au Jugement Dernier.
3. Laurence Guillon le 06/03/2020 11:30
Merci Nicodème, ce que vous dites me va droit au coeur. Je crois qu'il faut essayer de regarder ce qui se passe en Russie avec lucidité et en relation avec ce qui se passe dans le monde. Et aussi avec ce qui s'est passé auparavant, les 70 ans de lutte acharnée du soviétisme avec tout ce que représentait l'esprit russe. Nous sommes tous malades du matérialisme, de sa cupidité implacable, de son épaisse et astucieuse bêtise quels que soient les oripeaux idéologiques qu'il revête.

Cependant, je ne désespère pas de la Russie, et même pas du tout. J'observe un vrai renouveau du folklore chez les jeunes, la propagation de toutes sortes de communautés de retour à la terre, aux traditions, parfois plutôt artistiques, parfois surtout orthodoxes, ce qui répond dans une certaine mesure, à la théorie des isolats de Jean Raspail, bien que la situation avec l'immigration soit loin d'être aussi tragique que chez nous, ici. Mais ces isolats se créent à l'intérieur d'une population qui a oublié la Russie, plus ou moins, j'ai même vu une bonne femme se revendiquer "soviétique" et pas russe, surtout pas! Il en est de même d'ailleurs en France où, à la suite de la révolution, on a eu l'apparition de deux patries, comme l'a explique l'historien Jean de la Viguerie dans le livre du même nom. Mais à part de tels exemples, même quand cette population a perdu les traditions, elle est atteinte à des degrés divers. Les proportions de russisme et de soviétisme, ou de libéralisme occidentaliste, varient d'un individu à l'autre. Et contrairement à ce qui se passe en France, quand quelqu'un retrouve le chemin de la terre, il retrouve aussi celui des traditions, il ne se met pas à jouer des tablas népalaises mais de l'accordéon ou des gousli, il ne devient pas bouddhiste ou hindouiste, il devient orthodoxe ou, au pire, néopaïen, parfois vieux-croyant. Je vois donc ces ilôts comme des foyers de réparation du tissu national, c'est peut-être bien pour cela d'ailleurs que le ministre de la culture Mediski avait brutalement fermé le Centre du folklore russe à Moscou, qui marchait trop bien.
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