Le grand schisme entre l’Orient et l’Occident: point de vue orthodoxe

Vladimir Golovanow

Par l’archevêque Hilarion de Volokolamsk (1909)*

Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’Europe, a besoin de la mission commune de ses deux poumons – de l’Église catholique romaine et des Églises orthodoxes, qui sont appelées à réunir leurs efforts pour l’avenir du christianisme et le bien spirituel de nos sociétés. Mgr. Hilarion de Volokolamsk

Ce texte, qui faisait le point en 2009, est tout à fait d'actualité pour rappeler la situation réelle derrière le sommet du 25 mai 2014, car peu de choses ont changé durant ces cinq dernières années…
Vladimir Golovanow

Les origines du conflit

Les deux mille ans de l’histoire du christianisme sont remplis d’événements qui ont déterminé la vie non seulement de l’Église du Christ, mais aussi celle des civilisations et des peuples tout entiers. Indubitablement, l’un d’entre eux est la séparation entre les Églises d’Orient et d’Occident, datée traditionnellement de 1054.

Les origines de ce conflit remontent aux différences rituelles entre les Églises en Occident et en Orient. De telles différences avaient existé tout au long du premier millénaire de l’histoire chrétienne, mais elles n’avaient jamais abouti à la rupture de l’unité de l’Église. L’une des causes immédiates de cette rupture fut la décision du patriarche de Constantinople Michel Cérullaire (1043-1058) de fermer à Constantinople les églises et monastères du rite latin qui célébraient l’Eucharistie avec le pain azyme. Cet acte répondait, à son tour, aux pressions sur les Grecs du rite byzantin vivant au sud de l’Italie. Pour résoudre cette situation, le pape Léon IX (1049-1054) dépêcha à Constantinople des légats avec à leur tête le cardinal Humbert. Le pape décéda pendant le voyage de ses légats qui ainsi perdaient automatiquement leurs pleins-pouvoirs. Pour cette raison, l’anathème du patriarche Michel Cérullaire et de ceux qui le suivent, proclamé dans la bulle déposée par le cardinal Humbert le 15 juillet 1054 sur l’autel de Sainte-Sophie, n’avait aucune force canonique. Par ailleurs, l’anathème prononcé en réponse par le patriarche de Constantinople et les évêques de son synode ne concernait que les légats de l’Église de Rome à titre personnel. Du point de vue formel, cette tension entre l’Orient et l’Occident ne devait pas conduire à la rupture de la communion entre les Églises, ni même entre les sièges de Rome et de Constantinople.

La communion entre Rome et Constantinople fut souvent rompue temporairement au cours de l’histoire, mais la conscience de la nécessité de l’unité de l’Église du Christ et son désir aidaient les chrétiens occidentaux et orientaux à retrouver la concorde. Pourquoi ce ne fut pas le cas en 1054? De prime abord, il pouvait sembler qu’il s’agissait d’un malentendu de plus, nombreux dans les rapports entre les Églises. Cependant, par la suite, il devint clair que les tensions entre les légats du pape et le patriarche Michel Cérullaire étaient la manifestation de contradictions et de divergences plus complexes, accumulées au cours des siècles précédents. Elles ont finalement conduit au Grand Schisme. Le sac de Constantinople par l’armée des croisés en 1204 a démontré que les chevaliers latins ne considéraient plus les Grecs comme leurs frères dans la foi et a parachevé la division.

On doit considérer comme véritables causes de la rupture des relations entre les deux parties de la chrétienté les particularités de l’évolution théologique, culturelle et politique avant tout du christianisme occidental. Sa focalisation sur l’héritage latin et la connaissance limitée de la langue grecque et de la théologie des Pères de l’Église grecs a abouti à la domination, dans la doctrine occidentale, de l’enseignement trinitaire de saint Augustin et des autres Pères latins sur la procession de l’Esprit Saint du Père « et du Fils » (Filioque). L’introduction de ce mot dans le symbole de foi de Nicée-Constantinople d’abord en Espagne au VIIe siècle et, à partir de 1014, à Rome fut négativement perçue en Orient, surtout après le patriarche Photius qui avait beaucoup écrit contre le Filioque. Dans le domaine de l’ecclésiologie, l’esprit du droit romain et la théorie de saint Augustin sur la lutte permanente entre deux cités – céleste et terrestre, de l’Église et de l’État – ont contribué à une représentation trop juridique de la nature de l’Église et de l’autorité ecclésiale en Occident. L’évêque de Rome n’y était plus perçu comme le premier parmi les autres patriarches qui lui sont égaux et qui, ensemble, représentent l’Église universelle, mais comme le souverain pontife de toute l’Église et le vicaire du Christ dont le pouvoir s’étend sur les autres patriarches et les autorités civiles. Il s’agissait ici d’un autre modèle ecclésiologique, différent de celui qu’avait l’Orient chrétien. En Orient, le principe de collégialité ou de conciliarité dominait: il trouvait son application dans les conciles œcuméniques. En Occident, en revanche, le principe monarchique a pris progressivement le dessus dans l’organisation de l’Église. Le conflit de 1054 entre le patriarche Michel Cérullaire et les légats pontificaux qui se comportaient avec beaucoup de hauteur fut une des manifestations de l’opposition entre les deux visions ecclésiologiques. Hélas, elle a eu des conséquences tragiques pour l’unité de l’Église.

Tentatives de réconciliations avortées

Les tentatives suivantes de réconciliation entre l’Église romaine et les Églises orientales n’ont pas eu de succès dans la mesure où le siège de Rome exigeait leur soumission à l’autorité du Pape et l’adoption de la théologie latine, notamment du Filioque et de la doctrine du purgatoire.

Les exemples les plus marquants de cette politique sont le concile de Lyon de 1274 et le concile de Ferrare-Florence de 1438-1439. Dans les deux cas, les participants orthodoxes de ces conciles furent contraints par la conjoncture politique de céder et d’accepter les conditions du Pape. De telles « réunifications » sur les seules conditions posées par Rome reçurent ensuite le nom d’uniatisme. N’étant pas fondé sur le vrai dialogue et le véritable consensus dans la vérité au Christ et dans la fidélité à la Tradition commune, l’uniatisme ne réconciliait pas les chrétiens, mais semait encore plus de méfiance et renforçait la division entre catholiques et orthodoxes. La tristement célèbre union de Brest-Litovsk de 1596 qui fut accompagnée de surcroît par la persécution contre les orthodoxes, a de nouveau conduit, de nos jours, aux affrontements entre gréco- catholiques et orthodoxes en Ukraine occidentale. Comme le disait un grand historien de l’Église, le père Alexandre Schmemann, «ce sont ces tentatives unionistes qui, plus que tout autre chose, ont renforcé la division, car la question de l’unité de l’Église fut, à cause d’elles et pour longtemps, confondue avec le mensonge, le calcul, et empoisonnée par des motivations basses et n’ayant aucun rapport à l’Église. L’Église, elle, ne connaît que l’unité et ignore donc l’uniatisme. Ce dernier est, en fin de compte, l’absence de foi dans l’unité, le refus du feu purificateur de la grâce qui peut faire oublier tout ce qui est ‘naturel’, toutes les rancunes historiques, les obstacles, les fossés et l’incompréhension, et faire dépasser tout cela par la force de l’unité» (In. ИСТОРИЧЕСКИЙ ПУТЬ ПРАВОСЛАВИЯ [Le chemin historique de l’orthodoxie], Paris, 1989, p. 301(1).

Reprise du dialogue

Le dialogue au sens propre du terme entre les deux Églises a commencé avec les réformes du concile Vatican II (1962 – 1965), qui a marqué un changement de principe dans la vision qu’a l’Église catholique de ses rapports avec les chrétiens d’autres Églises. Dans les relations avec les orthodoxes, l’Église romaine n’appelle plus au « retour » au sein de « l’Église-Mère », mais à un dialogue d’égal en égal. Pour la première fois depuis le schisme de 1054, l’Église de Rome a officiellement reconnu que les Églises orthodoxes ont conservé la succession apostolique et les sacrements nécessaires au salut (cf. le décret conciliaire "Unitatis redintegratio", 15.3 (2). L’Église orthodoxe russe a même envoyé les observateurs à toutes les sessions du concile Vatican II. Sa clôture a été marquée par un acte profondément symbolique – la levée réciproque des anathèmes de 1054, célébrée simultanément par le pape Paul VI à la basilique Saint-Pierre de Rome et le patriarche Athénagoras de Constantinople au Phanar le 7 décembre 1965. Le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras considéraient cet acte comme « l’expression d’une sincère volonté réciproque de réconciliation et comme une invitation à poursuivre, dans un esprit de confiance, d’estime et de charité mutuelles, le dialogue qui les amènera, Dieu aidant, à vivre de nouveau, pour le plus grand bien des âmes et l’avènement du règne de Dieu, dans la pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours de premier millénaire de la vie de l’Église ».

Du point de vue canonique, ce geste était parfaitement justifié parce que, comme nous l’avons vu, les anathèmes de 1054 concernaient certains représentants des Églises de Rome et de Constantinople. Cependant, aussi importante qu’elle soit, cette levée des anathèmes ne pouvait, par elle-même, mettre fin au schisme entre l’Orient et l’Occident. Les causes profondes qui avaient conduit à la rupture entre les deux parties de la chrétienté subsistent et représentent un obstacle au rétablissement de l’unité. Dans la déclaration commune au sujet de la levée des anathèmes entre Rome et Constantinople, il est précisé: « Ce geste de justice et de pardon réciproque, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras avec son synode sont conscients qu’il ne peut suffire à mettre fin aux différends, anciens ou plus récents, qui subsistent entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe et qui, par l’action de l’Esprit- Saint, seront surmontés grâce à la purification des cœurs, au regret des torts historiques ainsi qu’à une volonté efficace de parvenir à une intelligence et une expression commune de la foi apostolique et de ses exigences » (Déclaration commune, 5).

Accroissement des divergences

Depuis les événements de 1054, ces différends n’ont pas diminué, mais sont devenus, au contraire, plus graves depuis, notamment, la proclamation par l’Église de Rome des nouveaux dogmes de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie et de l’infaillibilité du Pape. Ils ont été accentués également par les conflits et les rancunes historiques suscités par la politique unioniste de Rome à l’égard des Églises orthodoxes. En revanche, un pas important de l’avant a été fait par la reconnaissance de la nécessité du dialogue et par le désir de trouver un consensus entre les Églises. C’est un préalable indispensable à l’étude commune des divergences. En 1979 a été créée la Commission internationale mixte catholique- orthodoxe pour le dialogue théologique qui a réuni les représentants de toutes les Églises orthodoxes locales. Le sujet principal à l’ordre du jour de la commission a été, dès le début, l’ecclésiologie. Il a été décidé de commencer les discussions par l’examen de la nature sacramentelle de l’Église. Cependant, dès la IVe assemblée plénière de la commission à Bari (1987), la question douloureuse de l’uniatisme et des Églises catholiques orientales fut soulevé par les participants orthodoxes du dialogue. Des tensions nouvelles surgirent après 1989, à la suite de la renaissance des Églises gréco-catholiques en Europe de l’Est (principalement en Ukraine et en Roumanie). Elle était en effet accompagnée par de nombreuses manifestations de violences envers les orthodoxes. Cette nouvelle situation a compliqué sensiblement le dialogue théologique, jusque lors très fructueux, entre les deux Églises. Il fut, de fait, interrompu entre 1990 et 2005. Les assemblées plénières de la Commission mixte à Freising (Allemagne, 1990), à Balamand (Liban, 1993) et à Baltimore (États-Unis, 2000) n’ont traité que le problème de l’uniatisme et ont adopté plusieurs déclarations importantes à ce sujet. À l’assemblée à Balamand, il a été reconnu que «cette forme ‘d’apostolat missionnaire’, décrite ci- dessus, et qui a été appelée ’uniatisme’, ne peut plus être acceptée ni en tant que méthode à suivre, ni en tant que modèle de l’unité recherchée par nos l’Église» (L'uniatisme, méthode d'union du passé, et la recherche actuelle de la pleine communion, Balamand, 1993, 12).

L’accord de Balamand contient plusieurs recommandations pratiques visant à réduire la tension entre orthodoxes et catholiques dans certaines régions. Hélas, ces recommandations sont souvent restées lettre morte: en pratique, certains gréco-catholiques n’ont pas souhaité les suivre. Bien au contraire, l’uniatisme a commencé une expansion active en Ukraine, cherchant à dépasser les limites de l’Ukraine occidentale et à s’implanter dans les régions orientales où il n’était guère présent auparavant. La preuve la plus triste de cette orientation fut le transfert en 2005 de l’archevêché majeur des gréco-catholiques de Lvov à Kiev et le projet de l’élever au rang de patriarcat qu’elle n’a jamais eu dans l’histoire. Ainsi, l’uniatisme n’est pas seulement un fait douloureux du passé qui, pendant des siècles, a divisé l’Orient et l’Occident, mais demeure un grave obstacle sur le chemin du rétablissement de l’unité perdue entre les Églises.

Dernières avancées

Une avancée positive dans les relations entre l’Église catholique romaine et les Églises orthodoxes a été faite depuis l’élection en 2005 au siège de Rome du cardinal Joseph Ratzinger, excellent théologien et défenseur de la tradition de l’Église. Sur le souhait commun des orthodoxes et des catholiques, après une interruption de cinq ans, la Commission internationale mixte a repris son travail. Ses participants ont décidé de revenir à l’étude des problèmes théologiques et à se concentrer sur la question de la primauté dans l’Église, centrale dans le dialogue catholique- orthodoxe. Il ne faut pas considérer que le consensus doctrinal sera atteint très rapidement entre nos Églises. Les longues années d’existence séparée ont laissé un lourd héritage qui se manifestera encore longtemps. Le travail de la Commission mixte ne sera pas facile et prendra, certainement, de nombreuses années. Cependant, nous avons dès maintenant la conscience claire que l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe ont beaucoup de choses en commun, y compris dans le domaine social et éthique. Dans ces deux domaines, la coopération entre les deux Églises devient aujourd’hui particulièrement actuelle et nécessaire sur le fond de la sécularisation qui touche en premier lieu l’Europe. C’est en Europe que le sécularisme militant acquiert des formes agressives. C’est l’Europe qui renie fanatiquement son héritage chrétien. C’est en Europe que la population chrétienne connaît une profonde crise démographique qui met en question son avenir. Les milieux chrétiens sont de plus en plus conscients de la nécessité pour les catholiques et les orthodoxes de défendre ensemble l’Évangile et la tradition chrétienne en Europe qui risque aujourd’hui de perdre son identité séculaire.

Le défunt patriarche Alexis II, comme son successeur le patriarche Cyrille, ont maintes fois appelé à la coopération avec l’Église catholique romaine et souligné l’urgence d’une mission commune. Il faut reconnaître avec satisfaction qu’une telle coopération se développe déjà au niveau des institutions européennes, telles que le Conseil de l’Europe à Strasbourg, les organes de l’Union européenne à Bruxelles, à l’OSCE etc. Ainsi, les représentants catholiques et orthodoxes se sont opposés ensemble au projet de la Constitution européenne qui ne disait pas un mot sur les racines chrétiennes de la civilisation européenne. Les représentants des Églises orthodoxes et catholique ont soutenu activement la tenue, dans le cadre de l’OCE, d’une première table ronde consacrée au problème de la discrimination des chrétiens dans l’Europe actuelle. Les deux Églises organisent des colloques communs internationaux sur la défense des valeurs chrétiennes dans le monde d’aujourd’hui, comme à Vienne en 2006 et à Trente en 2008.

Les orthodoxes et les catholiques doivent aujourd’hui répondre à la question suivante: sans avoir retrouvé la pleine communion eucharistique, pouvons-nous apprendre à agir comme une seule structure face au monde contemporain? Les exemples cités ci-dessus prouvent que nous le pouvons. Le pape Jean-Paul II, parlant de l’unité de l’Église, aimait rappeler la métaphore du poète et penseur russe Viatcheslav Ivanov sur la nécessité pour la chrétienté de respirer à deux poumons: oriental et occidental. De nos jours, cette métaphore est appliquée à l’Europe et au christianisme sur le continent. Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’Europe, a besoin de la mission commune de ses deux poumons – de l’Église catholique romaine et des Églises orthodoxes qui sont appelées à réunir leurs efforts pour l’avenir du christianisme et le bien spirituel de nos sociétés.


* Mgr Hilarion Alfeyev,
président du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, a publié l’original russe de cet article dans Nezavisimaïa Gazeta-Religii, le 15 juillet 2009. Traduction française du hiéromoine Alexandre Siniakov. Messager de l’Église orthodoxe russe - n°16-17. Septembre-octobre 2009. Sous-titres: V. Golovanow

Notes de l'auteur:

(1) Cet ouvrage a été édité en français en 1995.
(2) Il est dit notamment dans ce décret sur l’œcuménisme au sujet des Églises orientales: «Puisque ces Églises, bien que séparées, ont de vrais sacrements – principalement en vertu de la succession apostolique: le sacerdoce et l’Eucharistie, – qui les unissent intimement à nous, une certaine "communicatio in sacris", dans des circonstances favorables et avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique, est non seulement possible, mais même recommandable».



Commentaires (7)
1. Vladimir.G: coquille: il faut lire 2009... évidemment! le 18/06/2014 21:23
il faut lire 2009 (et non 1909)... en priant les lecteurs de m'en excuser...!
2. Vladimir.G: Avancées sur "les deux poumons"? le 22/06/2014 21:04
J'ai proposé cette analyse de celui qui est devenu le principal porte-parole et le bras droit du patriarche de Moscou car nombre de ces propos sont toujours en débat actuellement. Sa conclusion en particulier, "nous pouvons dire qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’Europe, a besoin de la mission commune de ses deux poumons ..." est loin de faire l'unanimité. Ainsi le père Placide (Deseille) disait en 2010 «L’image des 'deux poumons de l’Église' appliquée à l’Église catholique et à l’Église orthodoxe ne peut satisfaire les Orthodoxes car ils ont la certitude d’être l’Église du Christ dans sa plénitude. Et l’Église catholique a la même conviction de son coté, même si elle réserve une place, à côté du rite latin, à des rites orientaux. Mais ces constatations ne doivent pas nous donner l’impression de nous trouver devant une impasse ni nous porter à la passivité et au découragement. » (In. Jean Claude Noyé, "Propos d'un moine orthodoxe", Groupe DDB (Lethielleux, 2010): cité par " Le bulletin de Compiègne" de juin 2012).

Mais il est possible que cette position soit en train de bouger comme l'a souligné le Pape dans son adresse au patriarche Bartholomée le 25 mai dernier: " nous réalisons avec une gratitude en une surprise renouvelés devant ce qui est arrivé, par l'intercession du Saint Esprit, que des avancées significatives vers l'Unité ont été eu lieu. Nous savons qu'il reste une grande distance à parcourir avant que nous atteignions une pleine communion, qui peut aussi s'exprimer par le partage de la même table eucharistique, quelque chose que nous désirons aussi ardemment; mais nos désaccords ne doivent pas nous faire peur et paralyser notre progression. Nous devons seulement croire que, tout comme la pierre avait été enlevée du Tombeau, de même tout obstacle à notre pleine communion sera enlevé. Cela sera la grâce de la Résurrection dont nous avons déjà un avant-gout aujourd'hui."
3. Vladimir.G: critique violent de l'image des deux poumons. le 25/06/2014 15:13

Un article intitulé "Un prêtre orthodoxe grec: Sur les événements récents à Jérusalem et leurs fondements ecclésiologiques" (Version française Claude Lopez-Ginisty) critique aussi violemment l'image des deux poumons.

Citation:
" poumons" de l'Eglise une, mais néanmoins divisés. Dans cette ecclésiologie, l'Eglise universelle comprend à la fois le Catholicisme et les autres confessions chrétiennes. Il est supposé que l'Église est une communion de corps qui sont plus ou moins des églises, une communion réalisée à différents degrés de plénitude, de telle sorte qu'une partie de l'Eglise, celle sous le Pape, est considérée comme "pleinement" l'Eglise, et un autre partie de l'Eglise, comme la confession protestante, "imparfaitement" ou seulement "partiellement" l'Église. Ainsi, cette ecclésiologie permet la participation aux sacrements de l'Église en dehors de ses frontières canoniques, à l'extérieur de l'assemblée eucharistique Un, qui est l'antithèse d'une "ecclésiologie eucharistique" bien comprise.

Par conséquent, l'ecclésiologie exprimée en paroles et en actes par le Patriarche de Constantinople et l'ecclésiologie de Vatican II convergent dans l'acceptation d'une Église divisée, ou une Église mise en pièces par la lourde main de l'histoire. Cela pourrait être caractérisé comme un nestorianisme ecclésiologique, dans lequel l'Eglise est divisée en deux êtres distincts: d'une part l'Église dans le Ciel, hors du temps, seul vraie et complète; d'autre part, l'Église, ou plutôt les "églises", sur terre, dans le temps, déficientes et relatives, perdues dans les ombres de l'histoire, qui cherchent à se rapprocher les unes des autres et de cette perfection transcendante, autant que cela est possible dans "la faiblesse de la volonté humaine impermanente."
Dans cette ecclésiologie, les divisions tumultueuses et dommageables de l'histoire humaine ont vaincu l'Eglise "dans le temps." La nature humaine de l'Eglise, étant divisée et déchirée, a été séparée de la tête théanthropique. Il s'agit d'une Eglise sur terre, privée de sa nature ontologique et non pas "Une et Sainte," ne possédant plus toute la vérité à travers son union hypostatique avec la nature divine du Logos.
Cette ecclésiologie va, sans doute, à l'encontre totale avec la croyance et de la confession de l'Eglise orthodoxe en l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique. L'Eglise du Christ, comme l'apôtre Paul l’a suprêmement définie, est Son corps, dont la plénitude emplit tout en tous (τὸ σῶμα Αὐτοῦ, τὸ πλήρωμα τοῦ τὰ πάντα ἐν πᾶσι πληρουμένου). La plénitude du Christ est identifiée avec le Corps du Christ, c’est-à-dire comme le Christ quand Il marchait sur terre dans le temps, comme Théanthropos, visible et indivisible, étant marqué par des caractéristiques divino-humaines. Comme Vladimir Lossky l’a écrit, tout ce qui peut être affirmé ou nié sur le Christ peut tout aussi bien être appliqué à l'Eglise, dans la mesure où il s'agit d'un organisme théandrique. Il s'ensuit donc que, tout comme nous ne pourrions jamais affirmer que le Christ est divisé, nous ne pourrions pas non plus tolérer que l'Église soit jamais divisée. (Cf. 1 Corinthiens, 1:13)."
Fin de citation. In. http://orthodoxologie.blogspot.gr/2014/06/un-pretre-orthodoxe-grec-sur-les.html
4. justine le 25/06/2014 18:32
Pour completer la citation de Vladimir, laquelle omet les passages essentiels de l'article, voici le début de celui-ci:

5. justine le 26/06/2014 13:17
Je re-envoie ici le début de l'article cité, qui s'est perdu dans le post 4 (corrigé sur la base de l'original)

6. Vladimir.G: redémarrage pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine en septembre 2015 le 28/01/2016 19:53
Redémarrage pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine en septembre 2015

La réunion du Comité de coordination de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine a eu lieu à Rome du 15 au 18 septembre 2015. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou y participait.

Les travaux du comité étaient placés sous la présidence du chef du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le cardinal Kurt Koch, et celle du métropolite Jean de Pergame (Patriarcat de Constantinople). Le projet de document « Sur la voie d’une compréhension commune de la conciliarité et du primat dans l’Église au premier millénaire » était au centre des préoccupations des participants orthodoxes et catholiques. Ce document a été adopté en tant que texte de base lors de la XIII séance plénière de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine, qui avait eu lieu à Amman (Jordanie) du 16 au 22 septembre 2014. Le document avait ensuite été considérablement retravaillé par le Comité de rédaction de la même commission à Rome en juin 2015.

Après l’apport des modifications nécessaires, les membres du Comité de coordination ont approuvé le projet de document qui sera présenté à l’examen de la XIV séance plénière de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine en 2016.
7. Vladimir.G: LE POINT DE VUE CATHOLIQUE SUR LES GRAND SCHISME le 04/02/2018 16:04
DIVISION ENTRE ORIENT ET OCCIDENT
Cardinal Kurt Koch, décembre 2016.(1)
Sous titres du rédacteur

REMPLACER LE « SYMBOLE DE LA DIVISION » PAR LE « SYMBOLE DE LA CHARITE »

Le grand schisme dans l’Église entre Orient et Occident est le plus souvent associé à 1054, année où furent prononcées les excommunications réciproques. Il s’agit ici cependant moins d’une date historique que d’une date symbolique. Car dans les chrétientés occidentale et orientale l’Évangile, dès le départ, a été reçu de différentes façons et a été vécu et transmis dans des formes culturelles variées et divers contextes politiques. C’est avec ces différences que la chrétienté d’Orient et celle d’Occident ont vécu au premier millénaire dans une seule et même Église, mais en s’éloignant de plus en plus l’une de l’autre et en se comprenant de moins en moins, de sorte que la cause véritable de leur séparation ultérieure doit être vue dans cet éloignement progressif (2). Des questions théologiques sérieuses ont certainement aussi joué un rôle dans cette évolution, mais d’une manière générale on pourra, comme le cardinal Kasper, constater que « la chrétienté ne s’est pas séparée d’abord sur des discussions ou des disputes au sujet de différentes formules doctrinales, mais en vivant séparément » (3).

Vu ce processus d’éloignement croissant, qui s’est encore aggravé considérablement après la division au deuxième millénaire, on peut reconnaître que les grands efforts de compréhension et de réconciliation entre les deux Églises entrepris pendant la seconde moitié du siècle passé sont un progrès considérable. Leur apogée a certainement été l’événement marquant du 7 décembre 1965 lorsque, juste avant la clôture du concile Vatican II, la Déclaration commune des plus hauts représentants des deux Églises a été lue dans la cathédrale du Phanar à Constantinople et dans la basilique Saint-Pierre de Rome ; par cette déclaration, les anathèmes réciproques de 1054 ont été enlevés de la mémoire et du milieu de l’Église, « pour qu’ils ne puissent plus constituer un obstacle au rapprochement dans la charité » (4). Cet acte a aspiré le poison de l’excommunication de l’organisme de l’Église et a remplacé le « symbole de la division » par le « symbole de la charité » (5) ; il est ainsi devenu le point de départ pour le dialogue œcuménique de l’amour et de la vérité.

FONDEMENT DE FOI COMMUNE, CONTRE QUESTION UNIATE ET PRIMAUTÉ

Étant donné que l’Église catholique partage avec les Églises orthodoxes une importante base commune de convictions de foi, il est évident que le dialogue œcuménique a d’abord pu se concentrer sur la consolidation de ce fondement de foi commun (6). Cela vaut particulièrement pour la première décennie, dans les années 1980 à 1990, où des convergences considérables entre les théologies orthodoxe et catholique-romaine ont pu être constatées sur les thèmes des sacrements, du mystère de l’Église et en particulier de l’Eucharistie, de la relation entre foi, sacrement et Église, ainsi que du sacrement de l’ordre.

Au cours de la deuxième décennie, de 1990 à 2000, les discussions œcuméniques sont devenues de plus en plus difficiles. Une raison essentielle était la nouvelle situation consécutive au grand tournant de 1989. Car les changements politiques en Europe de l’Est ont permis aux Églises orientales catholiques qui avaient fait l’objet de persécutions brutales sous Staline et avaient été intégrées de force à l’Église orthodoxe, surtout en Ukraine, en Transylvanie et en Roumanie, de ressortir des catacombes et de prendre part à la vie publique. Du côté orthodoxe, cette évolution a relancé les anciennes polémiques sur l’uniatisme et le prosélytisme, entraînant une dégradation dramatique de l’atmosphère du dialogue. Le dialogue œcuménique s’est concentré de plus en plus sur ces problèmes, ce qui a finalement eu pour conséquence l’arrêt des travaux de la Commission en l’an 2000.

L’un des grands mérites œcuméniques du pape Benoît XVI réside dans le fait que, peu après le début de son pontificat, la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe a pu reprendre ses travaux et adopter le document «Conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Église – Communion ecclésiale, conciliarité et autorité» lors de la session plénière de Ravenne en 2007 (7). Ce document, par une clarification théologique des concepts de «conciliarité» ou «synodalité» et «autorité», expose le fait que synodalité et primauté à tous les niveaux de la vie de l’Église sont interdépendantes, que la primauté doit toujours être vue dans le contexte de la conciliarité et la conciliarité dans le contexte de la primauté. Depuis, la question de la relation entre synodalité et primauté et dans ce contexte la question de l’importance et de la mission de la primauté de l’évêque de Rome pour une future communion des Églises est au centre du dialogue œcuménique. (NDR: ce document n’est pas accepté par l’Église orthodoxe russe ; cf. (8))

ORTHODOXES ET CATHOLIQUES SONT LES PLUS PROCHES PARMI TOUTES LES ÉGLISES CHRETIENNES,

Actuellement, il est impossible de prévoir quand une nouvelle avancée pourra être réalisée grâce à un consensus sur ce point, d’autant plus que la situation œcuménique après le Concile panorthodoxe en Crète en juin dernier (9) ne s’est pas simplifiée. En effet, sur les six documents débattus lors du Concile, celui concernant l’œcuménisme est celui qui a fait l’objet des débats les plus longs et les plus intenses. Des tendances très différentes sont ainsi apparues dans l’orthodoxie. Alors qu’un courant est convaincu par l’engagement œcuménique, un autre exprime de nombreuses objections et évite même d’utiliser ce terme.

Nous pouvons cependant noter avec gratitude que le Concile panorthodoxe a adopté également le document sur l’œcuménisme et a ainsi confirmé les dialogues œcuméniques menés jusqu’à présent et déclaré sa disponibilité pour les poursuivre. C’est un signe prometteur. Car orthodoxes et catholiques sont les plus proches parmi toutes les Églises chrétiennes, c’est pourquoi ils sont tenus de s’engager de manière particulière à rétablir l’Église unique et non divisée en Orient et en Occident et de la confirmer dans la communion eucharistique.

(1) Conférence du cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, intitulée : « 50 ans après Vatican II : Les défis de l’œcuménisme aujourd’hui » prononcée à la cathédrale de Strasbourg le 6 décembre 2016, à l’occasion des 500 ans de la Réforme et des 50 ans du concile Vatican II. Journée œcuménique organisée par l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal) et le diocèse de Strasbourg. https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Documentation-catholique/Eglise-en-France/Le-cardinal-Koch-souligne-lurgence-existentielle-loecumenisme-chretien-2016-12-15-1200810786
(2) Vgl. Y. Congar, Zerrissene Christenheit. Wo trennten sich Ost und West ? (Wien 1959).
(3) W. Kardinal Kasper, Wege der Einheit. Perspektiven für die Ökumene (Freiburg i. Br. 2005) 208.
(4) Tomos Agapis, Nr. 127.
(5) J. Kardinal Ratzinger, Rom und die Kirchen des Ostens nach der Aufhebung der Exkommunikationen von 1054, in : Ders., Theologische Prinzipienlehre. Bausteine zur Fundamentaltheologie (München 1982) 214-230, zit. 229.
(6) Vgl. G. Martzelos, Der theologische Dialog zwischen der Orthodoxen und der Römisch-katholischen Kirche : Chronik – Bewertung – Aussichten, in : K. Nikolakopoulos (Hrsg.), Benedikt XVI. und die Orthodoxe Kirche. Bestandsaufnahmen, Erwartungen, Perspektiven (St. Ottilien 2008) 289-327 ; J. Marte (Hrsg.), Herausforderung sichtbare Einheit. Beiträge zu den Dokumenten des katholisch-orthodoxen Dialogs = Das Östliche Christentum. Neue Folge, Band 60 (Würzburg 2014).
(7) Dokumentiert in : J. Oeldemann – F. Nüssel – U. Swarat – A. Vletsis (Hrsg.), Dokumente wachsender Übereinstimmung. Sämtliche Berichte und Konsenstexte Interkonfessioneller Gespräche auf Weltebene. Band 4 : 2001-2010 (Paderborn – Leipzig 2012) 833-848.
(8) https://orthodoxie.com/position-du-patriarcat-de-moscou-au…/
(9) https://www.holycouncil.org/fr/official-documents
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