Notre calendrier ecclésial

Nikita Krivochéine

Mgr Hilarion, président du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, estime qu’il ne convient pas de changer de calendrier ecclésial à la hâte. Les Églises orthodoxes serbes, géorgienne, de Jérusalem ont célébré Noël dans la nuit du 6 au 7 janvier, en même temps que l’Eglise russe. Les monastères du Mont Athos, les catholiques de rite oriental ainsi que certains protestants qui s’en tiennent au calendrier Julien ont fait de même. Le décalage entre les calendriers Julien et Grégorien est de treize jours. « Le nouveau style calendaire » a été introduit en Russie soviétique en 1918.
Les autres onze Églises orthodoxes ont célébré Noël dans la nuit du 24 au 25 décembre de même que la majorité des catholiques et des protestants.

Il faut préciser qu’il ne s’agit pas du calendrier Grégorien catholique mais de Nouveau calendrier Julien qui, jusqu’à présent, coïncide avec le calendrier Grégorien. En 2800 le décalage entre les deux calendriers deviendra de quatorze jours. Mgr Hilarion a déclaré à la radio « Écho de Moscou » : " Tous les fidèles doivent être prêts à accepter la coïncidence des calendriers ecclésiaux. Il ne serait pas admissible d’imposer de force la synchronisation des deux calendriers car cela risquerait d’avoir des conséquences indésirables. Nous avons l’exemple de la Grèce.

Le passage au nouveau calendrier y a à l’époque provoque l’apparition du schisme vétérocalendaire. Beaucoup de fidèles se sont éloignés de l’Eglise. Rien de dramatique dans la coexistence en Eglise de deux calendriers. Dans l’Eglise des premiers siècles mêmes Pâques étaient célébrées à des dates différentes selon les régions. Ce n’est que plus tard qu’une harmonisation est survenue"

C’est au XVI siècle, sous le pape Grégoire XIII qu’a eu lieu la réforme calendaire remplaçant le calendrier Julien par le Grégorien. D’où le nom du nouveau calendrier. La réforme avait pour but de gommer la différence croissante entre l’année astronomique et l’année calendaire. En 1923 c’est à l’initiative du patriarche de Constantinople qu’une assemblée des Églises orthodoxes décida de corriger le calendrier Julien. L’Eglise orthodoxe russe ne pu prendre part à cette assemblée car elle se trouvait déjà sous le joug des bolcheviks. Le patriarche Tikhon ayant pris connaissance des décisions de l’assemblée prit la décision de faire adopter le nouveau calendrier Julien. Cette décision suscita des protestations de la masse des fidèles. Aussi, le patriarche révoqua cette décision un mois après l’avoir adoptée.
Ce nouveau calendrier fut introduit en Grèce, le mécontentement et les divisions furent nombreux au sein de l’Eglise grecque. Les communautés monacales du Mont Athos et l’Eglise de Jérusalem refusèrent catégoriquement d’adopter le nouveau calendrier. C’est en 128 ans que le décalage entre le calendrier Julien et l’année astronomique croît d’un jour, en ce qui concerne le Grégorien un jour de décalage supplémentaire survient en 3.333 ans. Pour le nouveau calendrier Julien cette période est de 40.000 ans. L’Eglise orthodoxe russe n’envisage pas actuellement de réforme calendaire car « le style Julien » est cher aux cœurs de ses fidèles. Cependant, certaines paroisses du patriarcat de Moscou à l’étranger dont les communautés sont en majorité constituées d’habitants du pays célèbrent Noël le 24 décembre. Certains protestants russes ainsi que les catholiques de rite oriental célèbrent Noël le 7 janvier.

Les prêtres de diverses confessions chrétiennes s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas là d’une différence de doctrine mais de tradition.

RIA Novosti



Commentaires (2)
1. Marie Genko le 12/01/2010 11:52
La déclaration de Mgr Hilarion me semble la sagesse et la charité même.
Comment changer, sans traumatisme, les habitudes des personnes!
Il est important que cette immense joie de la Nativité devienne une joie collective.
Mais si de nombreux chrétiens préfèrent rester fidèles à l'ancien calendrier, il serait cruel et léger de les en priver.
2. vladimir le 13/07/2011 22:49
L'EGLISE ORTHODOXE D'ESTONIE du patriarcat de Constantinople a décidé de suivre la calendrier grégorien dans son intégrité (cf. lien). Cette juridiction devient, avec l'Eglise de Finlande, la deuxième juridiction orthodoxe canonique à appliquer ce calendrier où toutes les fêtes sont concomitantes avec les Catholiques et protestants (rappelons que les fêtes mobiles sont communes aux calendriers julien et julien révisé qu'appliquent les autres Orthodoxes).

"L'Eglise Orthodoxe d'Estonie" parallèle, est apparue en1996 sur le territoire où était implantée un diocèse du patriarcat de Moscou, devenu métropole autonome (cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Presentation-a-la-bibliotheque-nationale-d-Estonie-du-livre-L-Orthodoxie-en-Estonie-etudes-et-documents_a1607.html). Cette violation des canons avait conduit à la rupture de la communion entre Moscou et Constantinople en 1995-96 et bloqué toutes les discussions pan-orthodoxes jusqu'en 2008.

Il est intéressant de signaler qu’en 1918 déjà, la Russie avait opté, civilement et administrativement, pour le calendrier grégorien. Si par la suite le Patriarcat de Moscou n’a pas suivi la révision du calendrier liturgique sur la base proposée par le Congrès panorthodoxe de 1923, c’est vraisemblablement pour ne pas faire correspondre son propre calendrier liturgique avec celui qui fut adopté par ceux qui firent le révolution d’octobre 1917.

Au moment de la proclamation des autonomies de Finlande et d’Estonie par le Patriarcat Oecuménique de Constantinople, la question de l’adoption du calendrier grégorien ne fut pas remise en question.

Le problème de l’usage du calendrier liturgique resurgit en Estonie lorsqu’en 1945, l’Eglise Orthodoxe d’Estonie fut dissoute, abusivement et anticanoniquement, suite à l’occupation soviétique. A la place de l’Eglise autonome, le Patriarcat de Moscou créa un évêché sous sa dépendance directe. Le calendrier julien fut aussitôt réintroduit dans les paroisses orthodoxes russophones tandis que l’on s’efforça d’agir de même dans les paroisses orthodoxes estonophones. Cependant, les autorités religieuses de l’époque, et selon que cela correspondait à leurs propres intérêts du moment, firent preuve, à cet égard, d’une certaine tolérance.

En 1996, avec la réactualisation du Tomos de 1923 par le Patriarcat Oecuménique, l’Eglise Orthodoxe d’Estonie eut à subir les inconvénients majeurs de cet „acquis soviétique“, à savoir la célébration de deux dates différentes pour Pâques, ce qui spirituellement et ecclésialement brise de l’intérieur l’unité ecclésiastique. Il devenait, par conséquent, de plus en plus inconcevable qu’au sein de la même Eglise, toutes les paroisses ne puissent conjointement, d’un seul coeur et d’une seule bouche, célébrer et chanter la Résurrection du Seigneur le même jour, à une date unique. D’ailleurs, c’est bien aussi pour cette raison, l’autre étant celle de l’hérésie d’Arius, que fut convoqué le premier Concile Oecuménique de Nicée (325) et tel fut aussi le message du Congrès panorthodoxe de 1923 : une seule et unique date de Pâques pour toute l’Orthodoxie, car il y va de l’unité et de la vie de l’Eglise elle-même.

A cela s’ajoutait le constat que cette situation créait aussi de graves dysfonctionnements aussi bien sur le plan pastoral qu’administratif. Une sorte de chassé-croisé permanent entre les deux calendriers rendait de plus en plus difficile la possibilité de coordonner des actions communes - éducatives, pastorales ou caritatives - tant au niveau des évêchés entr’eux qu’à celui de l’Eglise toute entière.

Une première allusion concernant une date unique de Pâques fut abordée lors de l’Assemblée Générale de 2007. Elle fut reprise de façon plus explicite lors de celle de l’année suivante (2008). En août 2009, profitant d’une conférence sur l’Orthodoxie au Musée de Saatse (Sud-Est de l’Estonie), le Métropolite fit savoir sans détours au nombreux public présent qu’il désirait fortement que l’on résolve cette question dans un délai plus ou moins raisonnable. En novembre 2010 et compte-tenu de l’intérêt national suscité par la conférence de Saatse, le Saint Synode décida de réunir tout le clergé d’Estonie afin de mieux le sensibiliser à cette question. En février 2011 le Métropolite, soutenu par son Saint Synode, envoya une lettre encyclique à toutes les paroisses pour demander que l’on aborde paisiblement le problème du calendrier ecclésiastique avec un esprit de justesse et d’authentique partage fraternel ; par-dessus tout avec un esprit dénué de toutes passions afin d’aboutir, au cours de l’Assemblée Générale de mai 2011, à un accord sincère et définitif. „Car, écrivait-il en conclusion de sa lettre, il faudra de la part de tous nos membres, clercs et laïcs, beaucoup d’éducation spirituelle, beaucoup de sens pastoral, beaucoup d’abnégation pour que nous procédions à ce réajustement ; un réajustement qui, finalement, nous avantagera tous autant que nous sommes“.

La suite nous la connaissons. Lors de l'Assemblée Générale du 26 mai 2011, sur 88 votants présents, 73 ont voté pour. Il y eut 1 voix contre et 14 abstentions.

Par cette réforme qui sera appliquée dès 2012, les fêtes fixes seront désormais célébrées selon le calendrier grégorien et les fêtes mobiles (dont les périodes du triode et du pentécostaire) selon le calendrier julien ( cfr. Congrès panorthodoxe de 1923).

Toutefois et seulement à titre d’économie pastorale, il sera possible, dans certaines paroisses, de célébrer aussi la Nativité et l’Epiphanie selon le calendrier julien en attendant que certaines catégories d’âge très avancé s’habituent à cette réforme.

De même, les dates de certaines grandes fêtes traditionnelles des paroisses du Setumaa et du Võrumaa (Sud-Est du pays), qui sont à cheval sur la frontière estono-russe, continueront à être commémorées selon le calendrier julien, pour maintenir les liens familiaux qui se situent de part et d’autre de la région du Setu, lequel formait, avant 1940, un tout avec l’Estonie et qui, aujourd’hui, est divisé pour moitié en territoire estonien et pour moitié en territoire russe par la volonté de Staline.

Tallinn, le 11 juin 2011
+STEPHANOS,
Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie
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